doivent
néces
sairement en passer par les notions
communes,
comme on l'a
vu
dans les Topiques, au sujet
des rencontres avec un auditoire
populaire.
(3) De plus, il faut être capable de persuader du pour et
du
contre, comme dans le
syllogisme dialectique.
Non certes
pour
mettre le pour et le contre en pratique
- car il ne faut pas
cor-
rompre par la
persuasion!
- mais afin de savoir clairement
quels
sont les faits
et, si quelqu'un se sert
d'arguments malhonnêtes,
d'être à même de le réfuter (...
)
(4) En outre, s'il est honteux de ne pouvoir se défendre avec
son
corps, il serait absurde qu'il n'y eût pas de honte à ne pouvoir
se
défendre avec la parole, dont l'usage
est plus propre à
l'homme
que celui du
corps.
(5)
Objectera-t-on
que la rhétorique peut nuire gravement
par
un usage
malhonnête
de ce pouvoir ambigu
de la parole? Mais
on
peut en dire autant de tous les biens, sauf de la vertu (...
)
(6) Il est donc clair que, tout comme la
dialectique,
la
rhétorique n'appartient
pas à un genre défini d'objets,
mais qu'elle est
comme
elle
universelle.
Clair, aussi, qu'elle est utile. Clair, enfin, que
sa
fonction n'est pas
[seulement]
de persuader, mais de voir ce que
cha
que cas comporte de persuasif. Il en va de même pour tous
les
autres
arts; car il
n'appartient
pas non plus à la médecine de donner
la
santé, mais de faire tout ce qui
est possible pour guérir le
malade.
Si l'on compare ce passage avec celui du Gorgias (texte du cours précédent),
on
remarque qu'il s'agit
dans les deux cas d'un éloge de la
rhétori
que. Gorgias la célèbre pour son pouvoir, Aristote pour son
utilité.
L'un et l'autre admettent (comme Isocrate) qu'on peut en user
de
façon malhonnête (adikôs),
ce qui n'enlève rien à sa
valeur.
Pourtant, si Gorgias et Aristote parlent de la même chose,
ils
n'en
parlent pas de la même manière. Le discours du sophiste
est
digne tout au plus d'une place
publique; son
argumentation par
l'exemple tourne court. Celle d'Aristote est au contraire très
ser
rée; elle procède par syllogismes implicites, ou enthymèmes". Bref, on passe d'une harangue
publicitaire, du genre « vous
allez
voir ce que vous allez voir », à une
argumentation rigoureuse.
Et
cette nouvelle
argumentation
donne de la rhétorique
une
idée plus profonde et plus solide.
D'abord, elle ne la
présente
plus comme le pouvoir de dominer, mais comme celui de se
dé-
fendre, ce qui la rend d'emblée légitime. Ensuite les
arguments
contre le mauvais usage sont
bien plus forts, car, ce
mauvais
usage, ils l'expliquent; c'est précisément parce qu'elle est
un
bien (agathon) que la rhétorique peut être pervertie, de
même
que la force, la santé, la richesse.
A part la vertu morale, tous
les
biens sont relatifs. Mais enfin, ils n'en sont pas moins des
biens,
puisqu'il vaut mieux être fort que faible, sain que malade ...
De
même, il est préférable de savoir
utiliser la force du
discours.
Bref, alors que la défense de Gorgias ou d'Isocrate consistait
à
faire de la rhétorique un instrument
neutre, ne valant que par
son
usage, Aristote lui confère une valeur positive, bien que
relative.
Ou
peut-être parce que relative. Venons-en en effet à sa
dé
finition « corrigée» de la rhétorique. Elle
ne se réduit pas,
dit-il,
au pouvoir de persuader
(sous-entendu:
n'importe qui de
n'im
porte quoi) ;
pour l'essentiel, elle est l'art de trouver les
moyens
de persuasion que comporte chaque cas.
Autrement dit, le
bon
avocat n'est pas celui qui promet la victoire à tous les coups;
il
est celui
qui donne à sa cause toutes ses
chances.
Et ici surgit une fois de plus le personnage
paradigmatique
du iatràs, du médecin. Pour Gorgias,