Troubles de élocution
Cours de Neurologie
Introduction :
L’élocution est définie comme la manière de s’exprimer oralement.
Elle recouvre tous les aspects moteurs de l’expression verbale, c’est-à-dire de la parole, et
se distingue du code linguistique, c’est-à-dire du langage.
Un trouble de l’élocution n’est donc pas un trouble du langage.
Il est la production imparfaite d’un langage intact.
L’anomalie concerne la mise en oeuvre du code, c’est-à-dire une ou plusieurs des
composantes motrices de la parole.
Ainsi, les troubles de l’élocution ne dépendent pas d’une lésion de l’hémisphère du langage.
Lorsqu’ils sont acquis, ils sont causés par une lésion d’une des structures, corticale ou
périphérique, intervenant dans la commande motrice : muscles des organes phonatoires,
jonction neuromusculaire, neurone moteur périphérique ou central, aires motrices et
prémotrices, systèmes de contrôle des noyaux gris et du cervelet.
Élocution normale :
L’élocution est un substantif, définie par les dictionnaires comme la manière de s’exprimer
oralement, d’articuler et d’enchaîner les phrases.
On ne connaît pas, en langue française, de verbe correspondant qui pourrait, strictement,
délimiter le domaine de l’élocution.
Le terme de locuteur est vague et « élocuter » n’est pour l’instant pas entré dans la langue.
Cependant, l’élocution, si elle est l’exécution d’un mouvement nécessitant la mise en action
de certaines régions du cerveau concevant et contrôlant l’acte moteur, demande également
une programmation, fait intervenir un certain automatisme, et surtout est une réalisation
individuelle, matérialisation de la personnalité.
Il existe en effet une identité de l’élocution dont on dit qu’elle est propre à chacun et que,
de même que les empreintes digitales ou la physionomie de l’écriture, elle peut servir à
l’établissement d’un contrôle officiel.
Toutefois, cette identité paraît en grande partie liée à la voix, qui se situe dans une certaine
mesure, au-delà de l’élocution, et dépend sans doute des structures les plus archaïques du
cerveau, celles où naissent émotions, motivations, joies et peines et aussi névroses.
Le but finalisé le plus spécifique de l’élocution est la production d’un message
compréhensible par l’audition.
Il est donc l’expression d’un phonème qui est la codification d’un modèle parlé.
L’élocution est ainsi le propre de l’homme, résultat d’une adaptation phylogénétique, liée
elle-même à la station verticale (permettant au voile du palais de se séparer de l’épiglotte,
à la langue d’augmenter sa mobilité), et aussi à la libération du membre supérieur dans la
vie arboricole (permettant de grimper, mais en même temps nécessitant un blocage des
muscles de la ceinture scapulaire et une occlusion glottique à l’origine d’une apnée
inspiratoire).
A - DÉVELOPPEMENT DE LA PAROLE :
Le développement de la parole s’appuie à la fois sur la maturation des structures de tractus
aérodigestif supérieur dont la taille et la situation se modifient considérablement de la
naissance à l’adolescence, sur celui du système perceptif visuel et auditif, et sur la mise en
place d’une organisation anatomofonctionnelle du cerveau pour le langage, fondée sur la
dominance hémisphérique gauche pour le langage et la notion de spécialisation corticale.
Dès la phase prélinguistique, le très jeune enfant est capable de discriminer des phonèmes
à partir de différences acoustiques assez fines, et avant même que ne se mettent en place
les caractéristiques phonologiques de son expression orale durant la phase linguistique,
l’enfant de 6 mois est capable, à l’instar de l’adulte, de « filtrer » les distinctions
phonologiques non pertinentes pour la langue parlée autour de lui.
Les compétences de traitement précoce au niveau phonologique, ainsi que le caractère
stéréotypé du développement prélinguistique, des vocalisations au babillage, et
ultérieurement du développement linguistique qui, lorsqu’il se déroule normalement, se met
toujours en place entre 18 et 30 mois, témoignent du caractère « inné » de l’aptitude de
l’enfant à articuler.
Mais ce potentiel génétique doit nécessairement être activé par les interactions avec un
environnement linguistique, en particulier par le « dialogue » mère enfant.
Très tôt, l’attention de l’enfant est orientée vers certains des attributs non linguistiques de
la parole : tonalité, intensité de la voix, que la mère manipule avec exagération quand elle
s’adresse à lui.
C’est au moment de la mise en place de son système phonologique que l’enfant commence
à accéder à la valeur représentative de la parole.
La neurolinguistique moderne s’est attardée sur la hiérarchie des unités linguistiques de la
langue orale : du trait, produit élémentaire de l’appareil buccophonatoire, au phonème
résultant de la réalisation d’un groupe de traits ; du phonème au monème, signe minimal du
langage, et du monème au syntagme, séquence de monèmes.
Le développement de l’aspect segmentaire de la parole a fait l’objet de nombreuses études
et les transformations phonologiques opérées par l’enfant sont bien connues (duplications et
omissions de syllabes, remplacement des fricatives par les occlusives, nasalisation...).
En revanche, peu de travaux ont été consacrés aux développements des aspects
suprasegmentaux de la parole, telle que la prosodie, auxquels certains prêtent cependant
un rôle déterminant dans le traitement linguistique.
B - FACTEURS DE L’ÉLOCUTION :
L’élocution dépend de trois facteurs :
la soufflerie pulmonaire, essentiellement le temps expiratoire, alimente et contrôle
l’émission sonore.
Ceci se fait surtout grâce à la sangle musculaire abdominale qui refoule les viscères contre
le diaphragme ;
le larynx, organe vibrant, qui détermine la hauteur du son fondamental par l’intermédiaire
de la myoélasticité des cordes vocales, attachées en avant au cartilage thyroïde, en arrière
aux deux cartilages aryténoïdes qui pivotent grâce à un jeu musculaire élaboré
(cricothyroïdiens tenseurs des cordes vocales, cricoaryténoïdiens latéraux constricteurs de la
glotte, cricoaryténoïdiens postérieurs dilatateurs de la glotte, interaryténoïdiens
constricteurs).
La contraction de ces muscles est commandée par le nerf laryngé inférieur, né du
pneumogastrique, tandis que le nerf laryngé supérieur assure la tension des cordes vocales
;
les résonateurs, qui sont les cavités supralaryngées du son laryngé, donc l’articulation
proprement dite.
Les parois sont, pour les unes fixes (paroi postérieure du pharynx, maxillaire supérieur,
fosses nasales), pour les autres mobiles (cavité buccale, voile du palais, langue, lèvres).
Elles sont tapissées d’une couche muqueuse jouant également un rôle dans l’émission des
sons. SONS Les sons produits lors de l’élocution sont de deux types : vocaliques ou
consonantiques.
Les sons vocaliques nécessitent une activité laryngée fournissant essentiellement les
voyelles.
Celles-ci sont classées selon l’ouverture, dépendant de la position de la langue (ouverte ou
fermée), selon la zone d’articulation (antérieure ou postérieure), selon la forme des lèvres
(arrondie ou non arrondie).
Si, lors de la production de certaines voyelles, le voile du palais s’abaisse, une portion de
l’air s’échappe par les fosses nasales, définissant les voyelles « nasales » (bon) par rapport
aux voyelles « orales » (bord).
Les sons consonantiques sont les bruits réalisés dans l’articulation des organes sus-
glottiques.
Par exemple, les gutturales (u k, u g) sont formées dans la gorge et le palais mou, les
linguales (l, t), les labiales (m, b, p) dans la cavité buccale.
Les consonnes se différencient des voyelles par la présence d’un obstacle modifiant le libre
écoulement de l’air.
L’obstacle est soit total (occlusives « k »), soit resserrement partiel, (constrictives « s » ou
fricatives [f, v, z]), soit central, l’air s’échappant sur les côtés de la langue (latérales « loc
»), soit occlusion buccale combinée à une fuite d’air par le nez (nasales « n »), soit
battement de la pointe de la langue (battues « t »), soit antérieur bilabial (b, v) ou
postérieur uvulaire (r).
D’autres critères complètent la classification : lèvres, langue, dents, palais, ou encore
sonores avec vibrations (b, d, v, z, n) ou sourds sans vibrations (f, p, s, t).
Au total, et de façon schématique, les voyelles sont porteuses de la qualité esthétique du
message, de l’intonation, de la mélodie, tandis que les consonnes dégagent plutôt le
contenu sémantique.
Les unes et les autres sont sous-tendues par des ondes sonores complexes du domaine de
la phonétique, analysant les divers indices acoustiques.
C - VOIX :
Au-delà de l’élocution proprement dite, se situe la voix, spécifique à chaque individu et
définissant son identité.
La voix est la résultante de facteurs multiples, les uns purement physiques comme l’accent,
le ton, l’intonation, les autres tenant à la personnalité propre, d’autres encore à l’état
émotionnel ou motivationnel.
La voix touche ainsi à quelque chose d’indicible.
Elle est en partie épurée de sens, indépendante de la parole, mal objectivale, quasi
immatérielle. Cependant, elle dépend aussi de l’état du corps, devient rauque ou s’enroue
dans certaines circonstances (ce qui curieusement concerne l’auditeur qui « se racle la
gorge »).
Il est également banal de remarquer que les traits vocaux sont aussitôt reconnus au
téléphone après de longues absences, que le nouveau-né de 2 jours se tourne aussitôt vers
la voix de sa mère, ce qui pose la question de la perception foetale, qu’à partir de
l’enregistrement de voix écoutées par des centaines de sujets, la reconstitution des
caractères du personnage est parfaitement cohérente pour la plupart.
D - STRUCTURES NERVEUSES :
Les structures nerveuses déterminant l’élocution sont étagées dans le système nerveux.
L’innervation des muscles est complexe.
Les muscles des lèvres et les muscles jugaux (en particulier le muscle buccinateur, dont la
contraction entraîne la commissure labiale vers l’arrière) sont innervés par le nerf facial.
La musculature palatale, en particulier le muscle constricteur supérieur du voile du palais,
dépend du nerf glossopharyngien.
Le pharynx et le larynx sont respectivement innervés par le nerf pharyngien, le nerf laryngé
supérieur et le nerf récurrent, branches du nerf pneumogastrique, tandis que la musculature
linguale est sous le contrôle du grand hypoglosse.
La commande de la contraction de ces muscles s’inscrit dans les processus habituels de
l’acte moteur : la conception du message a été transmise au cerveau moteur.
L’aire motrice supplémentaire et les aires prémotrices initient le mouvement.
L’ordre est transmis à l’aire de Broca après avoir été programmée.
La coordination des mouvements de la bouche et de la langue intervenant dans l’expression
de la parole dépend de la programmation des séquences.
L’insula aurait une action de processeur dans l’initiation des mouvements de l’articulation de
la parole.
Les noyaux gris, le cervelet sont des centres de contrôle.
Plus particulièrement, l’apprentissage qui aboutit peu à peu à l’automatisation est détermi
par le cervelet, sous le contrôle d’une sorte de comparateur qui détecte les erreurs
d’exécution.
Il est enfin évident que la fonction d’élocution est dépendante de structures cérébrales
archaïques, des formations limbiques intervenant dans la motivation, l’émotion, aussi bien
que des structures préfrontales modifiant le programme moteur élocutoire.
Enfin, dans un modèle sériel de psychologie cognitive, le module phonétique, articulatoire,
se situe en aval du module phonologique.
Il est connecté à une boucle de contrôle audiophonatoire externe qui, par rétroaction
inconsciente, apporte une correction éventuelle au module lexical ou phonologique.
Il va de soi que seuls sont étudiés ici les troubles de la phonation et de l’articulation, les
considérations n’ayant pour but que de replacer l’élocution dans un cadre moteur général.
E - MÉTHODES D’EXPLORATION :
Les méthodes d’examen de l’élocution dépendent du degré de spécialisation du centre dans
lequel ils sont analysés, au minimum simple examen clinique de l’élocution spontanée, de la
répétition, de la lecture, du chant d’une voyelle ou d’une mélodie, avec essentiellement
enregistrement sur bande magnétique enregistrant le débit, la prosodie, la tenue du son, les
intonations, la hauteur, le timbre, l’intensité.
De nombreuses techniques modernes ont été proposées pour l’exploration fonctionnelle de
l’élocution.
L’analyse des vibrations laryngées utilise diverses formes : endoscopie avec enregistrement
cinématographique du tracé oscilloscopique, radiocinématographie avec enregistrement
sonore et magnétoscopie, strobocinématographie.
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