Il a fallu une centaine d’années après Darwin pour ne plus faire l’amalgame entre généalogie («qui
descend de qui ?») et phylogénie («qui est plus proche parent de qui ?»), les ancêtres n'y sont pas
identifiés, mais reconstitués par morceaux.
Dans la généalogie d’une famille, on sait qui a donné naissance à qui, les liens dans un arbre
généalogique symbolisent des relations génétiques d'ancêtre à descendants. Les registres d’état civil
témoignent de ces liens et en ont gardé la mémoire au fil des années depuis leur création. Par contre, en
ce qui concerne les organismes vivants, on n’a pas de trace des ancêtres exacts. Lorsqu’un fossile est
découvert, il est impossible de savoir de qui il est l'ancêtre, au sens génétique. Il faut alors considérer ce
fossile, comme on le fait avec les espèces actuelles. En analyse phylogénétique, les fossiles ne sont pas
plus des ancêtres que ne le sont les espèces actuelles. Certaines erreurs persistent - « Lucy est plus
proche de l’Homme que d’un chimpanzé, mais ce n’est pas notre ancêtre ! ». Cela parait simple, mais il a
tout de même fallu un siècle pour l’admettre.
La théorie de l’Evolution est nourrie actuellement par des faits de plus en plus nombreux. Certains sont
empruntés à l’anatomie comparée. Ces faits sur lesquels on s’appuie pour classer les organismes
doivent être étroitement contrôlés, afin de n'utiliser que des caractères de ressemblance qui traduisent
une réelle parenté, donc des homologies. En effet, une homologie ayant une origine ancienne n'a pas de
valeur classificatoire, à l’inverse d’une homologie de filiation qui, elle, est un élément de la classification
phylogénétique.
Remarque : Le terme caractère est employé par presque tout le monde comme un équivalent de
phénotype, sous le contrôle du génotype. Il véhicule donc une théorie néo darwinienne du vivant, mais
pour le partisan d'une théorie non darwinienne, un caractère observé chez l'adulte peut très bien
correspondre à la réponse d’un organisme à une contrainte du milieu…
En phylogénie, un caractère est défini comme une collection d’attributs qui existent sous des formes
différentes et entre lesquels on peut établir des homologies.
LA METHODE CLADISTIQUE
On compare les organismes à partir de ce qu’ils ont, leurs attributs partagés, et non pas à partir de ce
qu’ils font (exemple : voler est une ressemblance beaucoup trop générale et ne permet pas d’établir une
classification). Cette comparaison permet de déduire une partie des ancêtres, qui restent hypothétiques.
La reconstitution progressive des ancêtres communs directs ou exclusifs ( = récents, non partagés avec
un autre groupe) est utilisée pour construire des arbres phylogénétiques ; c’est donc le partage, par
certaines espèces, de l’état dérivé d’un caractère qui est utilisé pour construire de tels arbres.
Quand les deux états d’un caractère sont en présence dans un groupe d’êtres vivants à classer, il faut
obligatoirement définir celui qui est à l’état ancestral, celui qui est à l’état dérivé : on polarise le caractère.
Pour cela, on étudie le développement embryonnaire et on cherche un point de référence externe, l’extra
groupe. La polarisation des caractères est l’affaire des spécialistes.
La figure de classification n’est plus l’échelle. En cladistique, la figure utilisée est l’arbre phylogénétique,
créé par Haeckel en 1859. Cette figure permet d’illustrer l’unité (dans arbre apparaissent des traits
communs) et la diversité (chaque branche évolue différemment) du vivant, et traduit graphiquement une
démarche. En effet, il se construit :
- petit à petit, en ne prenant en compte à chaque fois un petit échantillon d’espèces,
- en observant le partage de l’état dérivé d’un ou plusieurs caractères,
- en agençant les branches de manière à supposer le minimum de transformations (transformation
= passage de l’état ancestral à l’état dérivé) et de caractères le long des branches : on recherche
l’arbre le plus parcimonieux.
Il montre :
- les transformations des caractères qui se sont produites au cours du temps, la succession des
innovations évolutives,
- la succession des émergences des groupes d'organismes vivants au cours du temps,
- les relations de parenté, chacun des nœuds de l’arbre correspond en effet à un ancêtre commun
hypothétique.