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Marketing des services : une construction sur les incertitudes de l’avenir
Article paru dans Market Management : CALLOT, Ph. (2002), Marketing des Services : une
construction sur les incertitudes de l’avenir, Market Management, Editions Eska, pp. 67-78.
Résumé :
Cet article a pour objectif de faire le point sur l’évolution du marketing des services qui, sous
l’impulsion notamment des nouvelles technologies, semble prendre son autonomie
aujourd’hui face au marketing de grande consommation. L’importance de la relation avec le
consommateur n’est plus à démontrer. Par contre, devant l’hétérogénéité des domaines des
services, il semble bien réducteur d’imposer des concepts ou modèles standard. Au contraire
le marketing des services dans un espace de plus en plus concurrentiel doit savoir s’adapter
aux contraintes si spécifiques de métiers très différents. Ce papier dans une démarche
résolument constructive insiste sur le mode aussi contingent que managérial que représente
l’enjeu d’un marketing des services dynamique pour demain.
Introduction
Caractérisés depuis longtemps (Parasuraman, A. et alii, 1985) autant par leur variabilité, leur
intangibilité, leur périssabilité et leur indivisibilité, les services se développent aussi au
rythme des avancées technologiques (NTIC) ou des apprentissages des acteurs. Ainsi lors
du premier salon Tourism@ 2000, a été lancé le programme m-tourisme , programme qui
permettra aux hôteliers et prestataires touristiques, depuis leur ordinateur, « de s’adresser
au touriste et lui fournir des informations pertinentes sur toutes les interfaces mobiles…
Le groupe Accor est déjà en course ! » (Gros, 2001). La conquête de nouveaux clients passe
désormais par le temps gagné, par la capacité à séduire et à étonner en collant le plus
rapidement possible aux rêves non exprimés.
« L’EDI (Electronic Data Interchange) traditionnel mais aussi l’Extranet permettent
d’intensifier les communications fournisseurs/clients. L’entreprise devient ainsi plus
réactive… » (Aimetti et al, 1999). Les relations commerciales s’en trouvent modifiées et
apportent leurs lots de nouveautés dans les approches qu’il importe de développer.
En effet, qu’ils soient clients ou fournisseurs pour des échanges croisés de plus en plus
complexes (B to B ou B to C), les compétiteurs dans des processus aussi cognitifs que
conatifs (Laroche et al, 1994), voient dans la mise en place d’offres de services (Bouayad,
1997) une source de valeur ajoutée pour certains ou une résolution aux contraintes de
démarquage concurrentiel (pour ne pas dire de différenciation) pour d’autres.
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Ces orientations favorisent l’émergence alors d’une nouvelle génération de produits/services
qui sortent enfin de leur cadre, carcan, défini comme trop basique (Levitt, 1980) pour
apporter d’autres utilisations et donc d’autres néfices (supposés) au consommateur final
toujours aussi friand de gravir un échelon supplémentaire de la pyramide si psychologique
de Maslow (1943, 1954).
La prise en main électronique à l’exemple des systèmes d’autoguidage, la rencontre d’un
consommateur devenu planétaire grâce à l’e-business (ou e-biz désormais), et l’ensemble
des modes de plus en plus contractés de connections (ISP, WAP, EDI, ECR, pour ne citer
que celles-ci)
1
expriment cette folie obsessionnelle de la primauté à l’information devenue de
plus en plus stratégique. Mais la course à cette information toujours renouvelée, réaffirme, si
besoin était et en même temps, la question et le concept de rationalité limitée. « Le cerveau
d’un seul homme reste incapable de maîtriser globalement la complexité croissante et
l’incertitude qui demeure […] sa rationalité ne peut et ne pourra jamais être que limitée »
(Simon, 1983). Ainsi ce n’est pas tant le statut de l’information qui interpelle mais plutôt son
traitement (compréhension), sa computation (traitement analytique) et son stockage
(archivage, base de données). Plutôt que produit, l’information redevient alors processus
(Lesca et al, 1995). On le suppute ici, l’émergence des services pour les particuliers comme
pour les entreprises, dans ces domaines aussi différents que vastes, prédominera encore
pour les quelques années à venir.
L’objet de ce papier est d’une part d’évoquer les concepts majeurs qui gravitent autour du
thème du Marketing des Services, d’en souligner, dans une approche résolument
épistémologique, les fondements et pertinences, puis, d’autre part de mettre en évidence
l’importance de l’élément humain au cœur de la prestation d’échange que constitue
pratiquement toujours l’acte de service.
Après le rappel, au travers de quelques exemples, des dysfonctionnements potentiels dans
les sociétés de services, qui mettent à jour la faiblesse des systèmes pour éviter que les
erreurs apparaissent, les concepts fondamentaux qui ont trait au Marketing des Services
seront évoqués.
A la suite de quoi, il sera discuté de la pertinence des outils, méthodes et processus pour
optimiser les prestations de service.
1
ISP : Internet Service Provider ou fournisseur de services Internet qui propose en plus de l’accès à
internet un certain nombre de services à valeur ajoutée ;
WAP : Wireless Application Protocol ou standard de transmission sur téléphone portable. Il donne
accès à des services sous forme de texte : actualités, résultats sportifs, programmes, infos routières,
météo… ; in France Télécom, (1998).
EDI : Electronic Data Interchange ou Echange de Données Informatisées c’est-à-dire la capacité à
échanger des données par des réseaux électroniques,
ECR : Efficient Consumer Response ou comment améliorer l’efficacité de la promotion, de la
logistique, des lancements de nouveaux produits et l’assortiment des points de vente in KOTLER et
al. (2000).
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Des dysfonctionnements
« Le nombre de réclamations reçues par la Direction de l’aviation civile (DGAC) a été
multiplié par 3 en sept ans. Les retards continuent à être importants, affectant actuellement
36% des vols en France si l’on mesure la ponctualité à 15 minutes, et il règne par ailleurs
une certaine opacité quant au prix ou au contact de transport » (Jouffroy, 2000).
Cette évocation du président du Comité des usagers du transport aérien montre bien
l’ambiguï qui réside autour du management des services. En effet, au quotidien,
l’entreprise doit (devrait) assurer une performance sans faille. L’entreprise, dans le cadre de
sa prestation, devrait décliner une offre proche de l’excellence. Cette prestation alors
s’apparenterait de près à celle attendue, ou en tous les cas espérée, par une clientèle sans
cesse (parfois) renouvelée. Repartir de zéro chaque jour semble être le challenge permanent
et récurrent des sociétés prestataires. Ce fi du quotidien, on le voit bien, constitue le
challenge essentiel du marketing des services pour les entreprises prestataires.
On retrouve ici la contrainte forte de la variabilité. La représentation mentale que se fait le
client avant l’acte de service et le décalage entre cette représentation et le vécu constituent
sans aucun doute le cœur de la problématique des métiers de service.
Qu’un colis n’arrive pas à temps ou à l’heure prévue, qu’une tache ne disparaisse pas sur un
vêtement porté au pressing, que la location de vacances soit bien en deçà de l’idée que la
famille s’en faisait ou encore que la réparation d’un appareil électroménager amplifie les
erreurs ou les pannes, tels sont quelques exemples qui confirment les travaux antérieurs.
Les notions de fiabilité, de compétence, de crédibili(Zeithaml et alii, 1990) émergent alors
et composent déjà un beau lot d’actions possibles à mener pour corriger telle ou telle erreur.
Ces notions forment une continuité parfaite avec les principes de la qualité totale où,
l’excellence, la conformité, la prévention, la mesure et la responsabilité, sont alors les
compléments idéaux aux concepts déclinés.
Le marketing des services : un patchwork conceptuel
Oui le marketing des services fait tranquillement mais sûrement sa révolution, sa mutation,
tout en prenant appui, c’est inéluctable, sur les lois, règles ou préceptes antérieurs. Comme
un pays a sa culture son histoire et son patrimoine, le marketing a ses ancrages, modes,
outils qui ont modélisé une génération de marketers aujourd’hui agressée.
Cette agression s’exprime, selon les cas, sous différentes formes : organisationnelles,
technologiques, conceptuelles, spatiales et culturelles.
Organisationnelles car la fonction marketing ne doit plus, comme les autres fonctions
traditionnelles de l’entreprise, souffrir d’un îlotage (pour ne pas dire silotage !). Philip Kotler le
rappelle très bien dans un article résolument agressif sur ce thème. « Penser client est une
fonction à l’échelle de l’entreprise et non du seul département marketing », souligne l’auteur
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(Kotler, 1997), en insistant sur le fait que toute l’entreprise doit s’imprégner de sa mission
vers le client.
Pour d’autres auteurs (Guilloux, 1995), l’entreprise citoyenne ou l’éthique sont en bonne
place et préfigurent une montée en puissance de la sociologie comme outil clé du marketing.
Le burrowing, ou le cocooning puissance 10, citant Faith Popcorn, avec l’émergence de la
domotique et l’équipement d’une pièce réalité virtuelle, sont quelques exemples des services
domestiques qui « couvent ».
Le marketing s’ouvre alors de nouveaux horizons, notamment en interne, avec la sociologie,
pour innover et innover encore et pour répondre aux valeurs sociétales du consommateur
évolutif ou de l’employé au travail. La théorie de la contingence trouve ici toute sa mesure
tant les évolutions de ces dernières années nous ont montré que l’organisation peut être tout
sauf figée.
La transversalité devient enfin l’unique mot d’ordre de la nouvelle organisation apprenante.
Tentée au cœur même de ce papier, la transversalité ose réaffirmer l’objectif de tout groupe
humain au travail. « Transversaliser, c’est donner à chacun la possibilité de comprendre et
de mesurer sa contribution aux efforts collectifs […] c’est la création d’un esprit client »
(Tarondeau et al, 1995).
Les passerelles, on l’imagine, avec les fonctions du management sont éminemment
importantes tant le marketing doit devenir plus une pensée répartie uniformément au sein de
l’entreprise qu’une forme exclusive de compétence.
Certes ce ne sont pas les quatre piliers du marketing-mix qui sont mises à mal mais plutôt
les trois nouveaux principes, issus de la servuction, qui doivent être développés au cœur de
l’entreprise.
Le Marketing-Mix classique et les 4 « P ».
Prix Produit Promotion Place
Supports Physiques Personnel Participation du client
Physical evidence
People Process
Et les trois nouveaux éléments issus du marketing des services
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Une nuance existe d’ailleurs entre la vision anglo-saxonne qui indique « Physical evidence,
process et people », ces deux derniers éléments se substituant à la version française de la
participation (active ou passive du client) et l'implication du personnel. A ce titre la version
anglo-saxonne paraît plus complète, bien que moins précise, que celle issue du modèle de
la servuction. La notion de People recouvre tous les acteurs humains qui jouent un rôle dans
la fourniture d’un service (du service) et une influence sur la perception de l'acheteur
précisément, le personnel de la firme, le client et les autres clients dans l'environnement du
service sont regroupés sous cette appellation (Zeithaml et al, 2000).
Cet environnement du service apparaît insuffisamment identifié comme une caractéristique
majeure nos yeux) pour ne pas dire déterminante lors de la production d’un service. La
variable Place n’est pas suffisante pour intégrer cette donnée qui renvoie plus à
l’atmosphère (saturée, surchauffée, comprimée), l’ambiance (nauséabonde, bruyante,
oppressante…) qu’à la localisation (location en anglais) même de la production du service.
Sous une forme épistémologique constructiviste, il y a ici deux extensions des modèles et
concepts. Cette extension trouve déjà une forme de réponse chez certains auteurs qui
annoncent la naissance des 8 P en ajoutant la productivité aux éléments déjà cités
(Lovelock, 1999).
Technologiques parce que les Nouvelles Technologies de l’Information et des
Communications (NTIC), par exemple, favorisent l’émergence de nouvelles formes de vente
(e-commerce) ou créent des possibilités d’étendre la rentabilité de l’entreprise par une
meilleure gestion des capacités et des rendements. Certains (Viardot, 2000) prévoient même
que la valeur des biens et services achetés grâce à internet va s’élever à 30 milliards de
dollars (27 Mds d’€) en 2002, contre 8 milliards en 1998 (7,2 Mds d’€).
Les transactions électroniques, la multiplication des systèmes d’informations ou tout
simplement le commerce électronique sont alors les éléments contingents du marketing.
« La diffusion de nouvelles techniques de l’information et des communications a
d’importantes conséquences dans les processus d’innovations » (Bancel-Charensol, 1999).
Cette diffusion modifie la relation avec le client lors de la production du service ou modifie
l’attitude de celui-ci par rapport à l’offre déclinée. Le modèle de la servuction (Eiglier et al,
1987) s’élargit au rythme des innovations conceptuelles.
La E-formation, sous la forme d’une servuction à distance, (Bregeard, 1996) et intégrée bien
évidemment au domaine des services, devient alors une source nouvelle de compétences à
déployer pour être en phase avec les marchés et les nouvelles tendances technologiques.
Un autre exemple du marketing des services réside dans le géomarketing. La connaissance
précise ou le repérage sociologique du consommateur, jusqu’à l’identification physique de
son lieu d’habitation, permettant un ciblage aussi efficace qu’efficient de toutes les formes de
marketing direct. Le lieu de vie est alors corrélé aux habitudes de consommation (Boyer et
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