Des soins ambulatoires « sous contrainte » En prévision de la Journée Nationale du 28 novembre à Montreuil, nous voulons soulever plusieurs questions touchant directement aux conditions des pratiques en psychiatrie. Il y a certainement de nombreux aspects à rénover, à réformer, reste à penser dans quelles conditions et pour quelles pratiques de demain ? Depuis plusieurs mois, les conditions de sortie se sont durcies dans de nombreux hôpitaux, du fait d'une pression de plus en plus vive de la part des préfets. Une réforme de la Loi de 1990 est à prévoir dans les prochains mois. Dans le contexte actuel, il est à craindre un durcissement de cette Loi concernant les hospitalisations sans consentement. Nous en reparlerons. La notion de « soins ambulatoires sous contrainte » est parallèle à la question de l'hospitalisation sous contrainte. Elle pose des questions éminemment épineuses sur la pratique extrahospitalière et l'interaction avec l'intrahospitalier. Dans une conception du soin et d'une pratique thérapeutique, la dimension relationnelle est primordiale. Que ce soit en pédopsychiatrie ou en psychiatrie adulte, il est naturel de s'interroger sur les conséquences d'un dispositif de contrainte en extrahospitalier. L'obligation de se rendre dans un lieu d'accueil et de soins en ville condamne toute possibilité de résistance, d'ambivalence chez les sujets en souffrance. Inévitablement vient à l'esprit la nature "des soins" "proposés". Peut-on être obligé de participer à un repas thérapeutique ? à une réunion soignants-soignés ? Nous connaissons le sens des mots « soin ambulatoire ». Les pratiques sont certainement diverses et variées. Nous connaissons tout autant la réalité de la contrainte, dont il est parfois nécessaire d’user, toujours dans un soucis de contenance. Mais l’association de ces termes perturbe toute la représentation du dispositif central dans la politique de secteur qu’est le soin ambulatoire. Aurait-on décidé de faire disparaître la résistance de transfert ? Celle qui nous conduit dans nos pratiques quotidiennes, à innover, à créer de nouveaux dispositifs soignants, parfois au cas par cas, pour « proposer » une rencontre et non « contraindre ». Le réalisme et la lucidité face au contexte actuel nous oblige, nous, professionnels et familles, à réfléchir profondément aux décisions que nous prendrons pour demain. Le soin ambulatoire sous contrainte risque de se révéler véritablement contraignant pour tous les acteurs du soin psychique, les professionnels du sanitaire et du médico-social, comme les patients. Une fois que tous les moyens les plus modernes nous seront mis à disposition pour assurer notre mission de « bonne administration » de ces soins obligatoires, quel écart de liberté nous restera-t-il ? Est-ce cela la nouvelle norme du soin, de l'engagement soignant ? La complience au soin devient obligatoire. Que fait-on de la singularité de chaque sujet ? Une source d'insécurité et d'approximation inadéquate à la bonne gestion ? Une « bonne évaluation » (de la qualité et des risques) implique la réduction maximale des incertitudes. Le facteur humain est effectivement l'un des critères les plus contraignant car imprévisible, sans parler du « transfert ». La plus grande responsabilité est celle qui repose sur l’engagement de chacun en tant que soignant. Toute contrainte instituée induit un renversement de la responsabilité sur le patient. Il se retrouve par obligation au centre d'un dispositif. Un soin régi par la Loi ne nous dispenserait-il pas de tout engagement ? Le contrat de soin n'est-il pas avant tout un contrat moral à construire entre un sujet et une équipe ? Certains perçoivent dans cette idée une utopie, une déraison. Au contraire, la pratique clinique donne la lucidité et le réalisme qui confèrent à nos connaissances une modestie. La psychiatrie de la contrainte, peut se perdre dans d'obscures convictions. L’utilisation d’un savoir médical comme d’une science exacte, pour légitimer, avec le recours à la Loi, un traitement sans l’accord du sujet, sort le sujet du soin pour le mettre au centre d’un système de contrôle social : le biopolitique. Par Antoine Machto, du groupe des 39