A LA MEMOIRE DES 1 500 000 VICTIMES ARMENIENNES
24 Avril 2009 : 94ème anniversaire du génocide arménien de 1915
perpétré par le gouvernement Jeune-Turc
94 ans de déni : ça suffit !
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VEILLE MEDIA
Mercredi 24 Juin 2009
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INFOS COLLECTIF VAN
La Turquie, les Juifs et l'Holocauste
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - La turcologue Corry
Gutstadt a publié une étude détaillée sur le comportement du
gouvernement turc envers ses citoyens juifs pendant la Shoah.
Cela lui a permis de mener des recherches sur un chapitre de
l'histoire du vingtième siècle qui avait jusqu’alors été quasiment
négligé par la recherche internationale sur la Shoah. Elle révèle ici
que la Turquie a mené pendant la Shoah une politique de
dénaturalisation des Juifs de Turquie émigrés en Europe. Le
gouvernement d'Ankara, allié de l’Allemagne nazie, voulait ainsi
contrer l’afflux massif de Juifs turcs vers la Turquie et il a utilisé
l'instrument de la dénaturalisation de masse comme moyen de
l'empêcher. Cette politique s’est révélée fatale pour les 25 000 à
30 000 Juifs d'origine turque qui vivaient en Europe, et en France
particulièrement. Le Collectif VAN vous propose la traduction
d’une interview en anglais, parue sur le site de qantara.de
[Dialogue avec le monde musulman].
Interview avec Corry Guttstadt
Lundi 1er juin 2009
La Turquie, les Juifs et l'Holocauste
La turcologue Corry Gutstadt a publié une étude détaillée sur le
comportement du gouvernement turc envers ses citoyens juifs
pendant la Shoah. Cela lui a permis de mener des recherches sur
un chapitre de l'histoire du vingtième siècle qui avait jusqu’alors
été quasiment négligé par la recherche internationale sur la
Shoah. Sonja Galler a parlé avec elle de ses découvertes.
On fait beaucoup de cas du fait qu'il y a environ 20 000 Juifs en
Turquie aujourd'hui, un chiffre qui est souvent montré comme
preuve de l'attitude tolérante du pays envers sa minorité juive. On
prétend souvent que cette success story a commencé lorsque les
Juifs séfarades ont trouvé refuge dans l'Empire Ottoman, le
prédécesseur de l'Etat turc moderne.
Corry Guttstadt : Eh bien, il y a actuellement plus de 20 000 Juifs en
Iran aussi. Un nombre cité seul ne constitue pas forcément un indicateur
fiable pour savoir si un lieu est sûr et à l'abri de l’antisémitisme. En ce qui
concerne la Turquie, il est important de souligner que seulement 20 000
Juifs vivent aujourd'hui dans le pays. Cela constitue contraste fortement
avec les 120 000 à 150 000 personnes qui, selon les estimations, vivaient
dans la région à la fin de la Première Guerre mondiale. Avant comme
après la Deuxième Guerre mondiale, et plus particulièrement après la
création de l'Etat d'Israël, la grande majorité des Juifs a quitté la Turquie.
Cela a constitué un retournement de la tendance des siècles passés.
Pendant des siècles, l’Empire ottoman a été une terre d’immigration pour
les Juifs fuyant la Reconquista en Espagne et les pogroms en Europe
orientale. Néanmoins, décrire l’Empire ottoman comme un « paradis
multiculturel » est absurde et an-historique. En tant que non-musulmans,
les Juifs subissaient des contraintes innombrables. Comme les chrétiens,
ils devaient payer un impôt sur la fortune et devaient avoir une attitude
soumise envers les musulmans. De plus, il faut dire qu’il y a eu beaucoup
de fluctuations dans la situation des Juifs pendant les 600 ans qu’a duré
l’Empire ottoman.
La période des persécutions anti-juives sur la péninsule ibérique a coïncidé
avec l'expansion de l'Empire, dont les dirigeants étaient désireux
d'augmenter la population urbaine. Une autre raison pour laquelle ils
étaient heureux d'accueillir les Juifs séfarades étaient que ceux-ci
apportaient avec eux d'importants savoir-faire et expertises. Les Juifs qui
se sont installés en Anatolie et dans les Balkans avant la conquête
ottomane, de l'autre côté, étaient forcés de se réinstaller ailleurs (pour
des raisons démographiques également) et étaient soumis à un nombre
de contraintes considérables.
A quoi ressemblait la vie des Juifs aux environs de la période où
l'Etat turc a été créé?
Guttstadt : La fondation de la République Turque en 1923 était le
chapitre final de la désintégration prolongée de l'Empire Ottoman, qui
avait perdu la plupart de ses territoires dans une série de guerres contre
les grandes puissances chrétiennes et européennes. La situation pour les
Juifs était différente parce que contrairement aux populations chrétiennes
des Balkans, ils n'avaient pas de buts séparatistes. En réponse aux
protestations européennes face au massacre arménien, les dirigeants
ottomans aimaient attirer l'attention sur les Juifs comme une « minorité
modèle ».
Guttstadt révèle que la diffusion de pamphlets antisémites dans les
années 1930 a annoncé la naissance de l’antisémitisme moderne en
Turquie. Pour leur part, les Juifs ont souvent été la cible d'attaques
antisémites de la part des minorités chrétiennes aux environs de cette
période et étaient, pour cette raison, dépendants de la protection de
l'Etat. En conséquence, la plupart des Juifs se sont au début considérés
comme des alliés du mouvement kémaliste et ont regardé la nouvelle
république avec des attentes largement positives. Ces espoirs ont
rapidement été réduits à néant parce que malgré leurs tentatives
d'adaptation et les déclarations de loyauté, les Juifs sont rapidement
devenus une cible pour le nationalisme rigide de la nouvelle république.
Une des politiques définissant la jeune république était la turquification de
l'Etat, de l'économie et de la société.
A la lumière de ceci, les dirigeants kémalistes ont considéré les droits qui
avaient été accordés aux minorités non musulmanes dans la traité de
Lausanne comme la continuation de l’ingérence des grandes puissances
impérialistes. Ils ont mis les communautés religieuses non musulmanes
sous pression afin qu'elles renoncent à ces droits « volontairement ». Les
Juifs aussi ont été successivement chassés de nombre de professions et
de secteurs économiques. Cela a incité de nombreux Juifs à émigrer,
particulièrement en France, mais aussi aux USA, en Italie et en
Allemagne.
Une fois que la guerre a éclaté, comment l'Etat turc, qui a réussi à
resté « neutre » jusqu'à la fin de la Deuxième Guerre mondiale,
s'est-il comporté envers les Juifs qui vivaient à l'intérieur de ses
frontières?
Guttstadt : Je pense que nous devons faire ici une différence entre
l'antisémistisme et le nationalisme anti-minorité, qui visait non seulement
les Juifs mais d'autres groupes aussi. D'un autre côté, des pamphlets
antisémites comme le Protocole des Sages de Sion sont arrivés en Turquie
et ont été traduits en turc dans les années trente. A la suite d'une visite
en Allemagne, Cevat Rifat Atilhan, qui peut être décrit comme le père de
l'antisémistisme islamique en Turquie, a commencé à publier le journal
antisémite Millî İnkîlâp (Révolution Nationale) à Istanbul, qui contenait des
caricatures antisémites directement recopiées d'un journal nazi, Der
Stürmer. Bien que celui-ci et d'autres magazines aient été interdits
pendant une certaine période, ils marquent la naissance de l'antisémitisme
moderne en Turquie.
Le Protocole des Sages de Sion comme Mein Kampf ont alors connu je ne
sais combien de rééditions jusqu'à aujourd'hui. Les mesures nationalistes,
qui affectaient non seulement les Juifs mais aussi les Kurdes, les
Arméniens et les Grecs, incluaient les réinstallations forcées, ce qu’on
appelait la capitation - impôt qui conduisit à la confiscation des biens de
ceux qui n'étaient pas en position de payer les sommes fixées
arbitrairement et fréquemment astronomiques qu'ils étaient tenus de
payer et le travail forcé dans des camps de l'Anatolie orientale. Bien que
ces mesures ne soient en aucune manière comparables avec la
persécution des Juifs de la part des Nazis, elles ont si totalement détruit la
confiance des Juifs dans la république que la majorité des Juifs restant
dans le pays l'a quitté en 1947/1948.
A cette époque, les Juifs de Turquie étaient disséminés dans toute
l'Europe. Comment vivaient-ils ?
Guttstadt : Au début de la guerre, environ 25 000 à 30 000 Juifs
d'origine turque vivaient en Europe, en France pour la plupart d'entre eux.
Seulement une dizaine de milliers d'entre eux avaient toujours la
citoyenneté turque, ce qui est devenu une question de vie et de mort
pendant la Shoah. Il y avait beaucoup de gens qui était venus en Europe
comme « citoyens ottomans », mais dont le lieu de naissance avait été
assigné à d'autres Etats une fois que l'Empire n'existait plus. En France, il
était relativement facile d'obtenir la citoyenneté française. Depuis le début
des années trente, la république kémaliste avait commencé à vérifier la
nationalité de ses ressortissants vivant à l'étranger et à révoquer la
citoyenneté des non musulmans en particulier.
Cette politique de dénaturalisation, que l'Etat turc pouvait initialement
faire passer comme une conséquence normale de la nouvelle situation,
s'est principalement concentrée sur les Juifs pendant la Shoah. En octobre
1942, l'Allemagne a envoyé un ultimatum au gouvernement turc pour
rapatrier ses citoyens juifs depuis les Etats occupés par le Reich allemand.
Par dessus tout, pourtant, le gouvernement d'Ankara voulait empêcher un
afflux massif de Juifs turcs et a décidé d'utiliser l'instrument de la
dénaturalisation de masse comme moyen de l'empêcher. Ce qui s’est
révélé particulièrement fatal à cet égard était le fait que selon la loi
turque, les gens qui avaient changé de nationalité volontairement ou qui
avaient été dénaturalisés n'étaient plus jamais autorisés à remettre le pied
sur le sol turc, même en tant que touriste ou réfugié.
En plus, en 1938, la Turquie a passé un accord secret qui interdisait aux «
Juifs étrangers, qui sont sujets à des restrictions dans leur pays d'origine,
sans considération de la religion qu'ils pratiquent actuellement » d'entrer
en Turquie. Avec ce décret, la Turquie a adopté le critère qui caractérisait
la législation anti-juive en Allemagne et chez ses alliés.
Que savait à l'époque le gouvernement turc sur ce qui se passait dans les
pays contrôlés par l'Allemagne et sur le sort des Juifs de Turquie vivant
dans ces pays?
Guttstadt : Naturellement, les Allemands n'ont pas dit aux autorités
turques que les Juifs qui n'étaient pas rapatriés seraient déportés et
assassinés, mais ils ont masqué la réalité de la situation en disant qu'ils
seraient « soumis aux mesures générales appliquées aux Juifs ». Pourtant,
du fait que de nombreuses organisations juives de secours avaient des
représentants à Istanbul, la Turquie était un des lieux où une information
concrète sur la Shoah était disponible. A partir de la Turquie, des
journalistes faisaient des reportages sur l’assassinat systématique des
Juifs.
Les Juifs qui s’étaient évadés des camps de concentration ou des ghettos
et avaient réussi à atteindre Istanbul étaient interrogés par les comités
d'aide et recevaient l'assistance dont ils avaient besoin. Leurs rapports
étaient transmis depuis Istanbul vers d'autres bureaux tout autour du
monde. Aussi bien les journalistes que les militants juifs étaient sans
conteste sous la surveillance des services secrets turcs. En mars 1943, le
journal gouvernemental turc Ayin Tarihi a parlé des meurtres de masse
des Juifs en Allemagne. Plusieurs Juifs de Turquie vivant en Europe se sont
tournés vers le gouvernement turc pour demander de l'aide.
Environ 3 000 Juifs de Turquie ont été déportés dans des camps de
concentration allemands pendant la Shoah. Dans quelle mesure la Turquie
peut-elle être tenue pour responsable de leur sort?
Guttstadt : Les Allemands sont responsables d'avoir privé ces gens de
leurs droits, et de leur persécution et assassinat. Au vu des tentatives
actuelles en Allemagne de réécrire l'histoire et au vu du débat sur la «
victime » allemande, je refuse d'atténuer la responsabilité allemande en
quoi que ce soit. La Turquie aurait pu rapatrier un bien plus grand nombre
de Juifs et ouvrir ses frontières aux réfugiés. Malgré le fait que les
organisations d'aides aient offert d’en assumer le coût financier, le
gouvernement turc a généralement refusé. Cela dit, la Turquie n'a
certainement pas été le seul pays à adopter une position passive.
Pourtant, jusqu'à ce que les archives turques soient ouvertes, nous
pouvons seulement spéculer sur les discussions domestiques et les
critiques de la politique officielle envers les Juifs. Nous devons nous
rappeler que le régime turc de l'époque était dictatorial ; il y avait un
système fondé sur un parti unique; la presse se mettait au pas du
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