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Traditionnellement, les prises de nourritures solides au cours d'une journée sont relativement
concentrées au moment du déjeuner et du dîner. La déstabilisation du système des repas peut
prendre diverses formes. Cinq ont été -distinguées. La première est la déconcentration. Elle consiste
en un transfert des nourritures solides au pro fit des « petits repas ». Le petit déjeuner, le casse-
croûte de la matinée, le goûter et le casse-croûte de fin de soirée sont plus fréquents et plus
copieux.
Le deuxième aspect du processus de déstructuration a trait à la temporalité. Les repas «
traditionnels » (principaux ou « petits ») obéissent à des horaires fixes. Les « nouveaux » repas ont
lieu à des heures variables. Ni le début ni la fin des divers repas ne se situent à l'intérieur de tranches
horaires étroites. '
Un troisième aspect a trait à la sociabilité alimentaire. Le repas « traditionnel » réunit les membres
du ménage ou les membres du groupe de travail. Dans les « nouvelles formes » d'alimentation, les
emplois du temps sont de moins en moins coordonnés de façon à faire du repas une activité
commune. Le repas n'est plus l'occasion privilégiée de communiquer entre membres du ménage,
entre collègues ou amis. D'autres activités se substituent au repas comme cadre de rencontre et
d'échange.
Le site des activités alimentaires est aussi affecté par la déstructuration. Le repas «traditionnel»
a lieu dans la cuisine ou la salle à manger. Les « nouvelles » formes d'alimentation ne sont
pas territorialisées de façon aussi précise au domicile. Il en est de même pour les repas pris à
l'extérieur. En plus du restaurant, du café ou de la cantine, on tolère les repas en voiture, dans
les rues, dans les parcs, dans les transports en commun ou pendant le travail.
Enfin, la dernière dimension est symbolique. Le repas « ordinaire » ou « de tous les jours »
s'oppose à celui plus « exceptionnel » ou « festif ». Dans la répartition hebdomadaire ou de plus
longue durée, les rythmes alimentaires « traditionnels » sont scandés par les fêtes rituelles :
événements calendaires périodiques (dimanches, fêtes de fin d'années, anniversaires, fête des
mères, fête du saint patron...) ou événements programmés du cycle de vie individuel (passage à
l'adolescence ou changement de statut matrimonial). Les « nouveaux » rythmes ne privilégient plus
aussi nettement les événements qui obéissent aux traditions collectives, d'origine religieuse ou
profane. Faire « un bon repas » est plus occasionnel. Les raisons sont contingentes et de ce fait
moins prévisibles.
(Herpin et Verget : « La consommation des français » - Tome 1 – La Découverte – 2000)
II) PRODUITS CONSOMMES ET LIEU D’ACHAT.
DOCUMENT
Les modes alimentaires évoluent au fil des années. Les citadins des XVIIe et XVIIIe siècles sont
moins portés sur les mets très épicés que ne l'étaient leurs ancêtres du Moyen Âge et du XVI
e
siècle. La consommation des épices d'origine lointaine comme le poivre, la cannell, les clous de
girofle, la muscade, le gingembre, le safran... qui étaient réservées aux tables des riches à cause de
leur prix élevé, régresse : de plus en plus, les cuisiniers des grandes maisons cherchent à conserver
aux aliments leur goût propre sans les dénaturer par des sauces trop fortes. Quant au peuple. il
continue à utiliser les condiments indigènes comme le thym, le laurier et la ciboulette, peu
chers qui permettent de relever le goût des viandes de basse qualité. La composition des batteries
de cuisine témoigne d'une autre évolution : au XVIIe siècle, les marmites et les chaudrons
remportent. parce que les préparations culinaires privilégient les longues cuissons et les mijotages
: au XVIIè siècle, les broches, les lèchefrites et les grils se répandent, les viandes sont alors plus
souvent grillées ou rôties.
La vaisselle constitue une part notable des patrimoines dans les milieux privilégiés, surtout
lorsqu'elle est fabriquée dans des métaux précieux. Pots et assiettes de terre, de grès ou d'étain
forment les ustensiles de base de la vaisselle populaire, la faïence ne se répandant qu'au
XVIIIème siècle. L'usage de la cuiller et du couteau individuel est introduit au cours du XVIè
siècle chez les plus aisés, celui de la fourchette au XVIIè siècle : ils ne se généralisent que
progressivement dans le peuple. Il en va de même pour les pratiques de table ou les bonnes