Septembre n°220

publicité
Septembre 2004
n°221
Une version plus complète de ce bulletin est accessible sur le site de l'INRA www.inra.fr. sous son nom dans :
Information Scientifique et Technique puis Publications INRA en ligne.
Le signe ### dans cette version papier indique quelques développements supplémentaires ou des commentaires
additionnels consultables dans la version électronique.
André BERKALOFF
e-mail : [email protected]
Concepts et Techniques
1.### Le fait de transcrire des séquences non
codantes, et sans fonctions connues, doit avoir une
signification qui est discutée dans S Schmitt et al.;
Nature 429 (06JUN04) 510-511 dans le cadre d'un
commentaire de l'article de JA Martens et al.; p.571–
574. Les ARNs issus de cette transcription plus ou
moins exhaustive du génome sont souvent considérés
comme du "bruit" sans signification. Ces derniers
auteurs montrent que ce n'est pas le produit, un
ARN, messager ou autre, mais la transcription ellemême qui permet des régulations de la transcription.
     
3. ### DR Denver et al.; Nature 430 (05AUG04)
679–682 montrent que, chez Caenorhabditis elegans,
les mutations sont dix fois plus fréquentes que
prévu, entraînant une instabilité génomique notable.
On admet généralement (mais les estimations sont
indirectes) que les mutations sont rares et, d'une
certaine façon, utiles car elles peuvent entraîner une
variabilité génétique substrat de l'évolution. En effet,
un tiers des mutations entraîne probablement des
modifications du phénotype. Mais les méthodes
d'évaluation de la fréquence des mutations oublient
que certaines sont létales ou suffisamment nocives
pour que les porteurs puissent contribuer à la
descendance.
Les auteurs se sont affranchis de ce biais
inévitable en s'attaquant directement au
génome et à sa séquence et en séparant les
lignées pour éviter autant que possible le
biais de la contre-sélection des porteurs de
certaines mutations
     
7. ### EY Levanon et al.; Nature Biotechnology 430
22 (AUG04) 1001-1005 de la firme israélienne
Compugen Ltd décrivent les résultats d'une analyse
systématique de l'édition d'adénosine en inosine des
ARNs messagers humains basée sur les banques de
données sur les ESTs (Expressed Sequence Tags). On
sait que cette édition est assurée par des ADAR
(Adénosine Déaminases Acting on RNA) chez
probablement tous les métazoaires, et qu'elle est
indispensable au développement des mammifères,
mais on n'en connaît que peu de cas "officiels" avec
54 sites dans 17 gènes.
Les auteurs ont cependant détecté 12 723 sites dans
1 637 gènes différents. Les auteurs ont validé
expérimentalement un certain nombre de ces sites sur
26 nouveaux substrats (ce sont des ARNs doubles
brins imparfaitement appariés pour la plupart). Ces
éditions ont surtout lieu dans des séquences non
codantes tout particulièrement dans les séquences
répétées Alu.
Les cas d'édition dans des séquences codantes
deviennent donc l'exception. La signification
biologique de l'édition est donc à revoir. On sait que
la présence d'un ARN double brin intronique et sa
stabilité influencent la cinétique de l'épissage ou
même un épissage alternatif. De plus l'édition pourrait
affecter l'activité transpositionnelle des séquences Alu
et L1 et supprimer les effets répressifs de L1 sur
l'élongation lors de la transcription. Enfin, et toujours,
selon K Nishikura, elle pourrait supprimer
l'interférence ARN (RNAi) dans les gènes porteurs
de ces sites édités, comme cela l'a été démontré chez
Caenorhabditis. elegans.
     
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
Les Productions Végétales
Les gènes et les génomes
8. Les transferts horizontaux de gènes sont, à la
fois, un phénomène très naturel et actif au cours de
l'évolution, et craints par certains comme modifiant la
nature, ce qui est la conséquence de la remarque
précédente. CC David et al.; Science 305(30JUL04)
676-678 décrivent un nouvel exemple original, entre
une plante parasite et sa plante hôte. Les
Rafflesiacées sont des plantes de l'Asie du sud-est,
parasites avec des sortes d'hyphes envahissant la
plante hôte. Les fleurs géantes très connues de
Rafflesia sont fort belles (ce qui en fait une espèce en
voie de disparition) mais passablement puantes. Les
génomes mitochondriaux et nucléaires indiquent que
ces plantes sont apparentées aux Malpighiales, mais
certains gènes mitochondriaux comme nad1B-C les
rapprochent des Vitacées, comme la liane Tetrastigma
qui est précisément l'hôte obligé de Rafflesia arnoldii.
Il est donc vraisemblable que le génome
mitochondrial a été partiellement emprunté à l'hôte.
     
9. Une banque de données sur le polymorphisme
ADN du riz, dans le but avoué du clonage basé sur la
cartographie, des deux variétés japonica Nipponbare
et indica 93-11 contenant 1 703 176 SNPs (Single
Nucleotide Polymorphisms) et 479 406 InDels
(Insertion/Deletions), avec en moyenne un SNP toutes
les 268 pb et un InDel toutes les 953 pb est décrite par
des chercheurs chinois. YJ Shen et al.; Plant
Physiology 135 (JUL04) 1198-1205. (http:
//shenghuan.shnu.edu.cn/ricemarker) Ils ont été
validés expérimentalement. Sur 109 SNPs choisis au
hasard, 107sont exacts et 90% (97 sur 108) des InDels
peuvent être utilisés comme marqueurs. Par ailleurs,
les marqueurs moléculaires SNPs et de 68% à 89%
des 97 InDel présentent un polymorphisme avec
d'autres riz indica (Zhong-hua 11 et 9522). On devrait
donc pouvoir utiliser cette banque pour analyser
d'autres cultivars japonica et indica. Voir le §132 pour
la politique dans laquelle s'insèrent ces recherches
     
L'Expression Génique
10. Les tentatives de surexpression entraînent souvent l'effet inverse à la suite de phénomènes de "silencing".
Des chercheurs de Leuven, utilisant des mutants de silencing sgs2 et sgs3 d'Arabidopsis ont, en grande partie,
éliminé ce silencing. Avec un montage utilisant un promoteur 35S, on augmente très nettement les transformants
surexpresseurs. Des constructions où les MARs (Matrix Attachment Regions) du gène du lysozyme de poulet
flanquent le transgène semblent améliorer l'expression. KM Butaye et al.; Plant Journal 39 (AUG04) 440-449.
     
Le développement
11. ### La formation des cellules de garde du
stomate chez Arabidopsis résulte d'une série de
divisions au sein de l'épithélium foliaire. Elles
démarrent avec la division asymétrique d'une cellule
mère méristémoïde (MMC), donnant une petite
cellule méristémoïde et une grosse cellule. La cellule
méristémoïde constitue une cellule souche qui, après
quelques divisions, s'arrête de le faire et devient une
cellule mère de garde (GMC). Celle-ci donne lieu à
une division symétrique qui va donner les deux
cellules de garde qui assurent la fonction essentielle
du stomate.
DC Bergmann et al.; Science 304 (04JUN04) 14947) viennent de montrer que la MAPKKK (Mitogen
Activated
Proterin
Kinase
Kinase
Kinase
d'Arabidopsis appelée YODA (un petit chef vert des
Jedi, selon mes petits enfants usuellement fort
compétents) est indispensable à la formation et à la
disposition des stomates.
La protéine Yoda avait été identifiée comme
responsable de la division asymétrique entre
embryon et suspenseur (elle est donc responsable de
la séparation des domaines embryonnaire et extraembryonnaire) et sa mutation empêche la formation
du suspenseur, voir PN Benfey; Cell 116 (09JAN04)
4-5.
YDA réduit le nombre de cellules entrant dans
lignée stomatale et régulant l'équilibre entre le
renouvellement des cellules méristémoïdes et la
différenciation des stomates.
     
2
12. Le gène homéotique AGAMOUS (AG)
d'Arabidopsis est nécessaire à la spécification
précoce des étamines et carpelles. On sait qu'AG
code un facteur de transcription qui est exprimé
dans ces organes. Plus tard, AG est exprimé dans
d'autres régions de l'appareil reproducteur. Ceci
indique que ce facteur participe à la maturation des
étamines et carpelles. Mais on ne connaissait pas les
cibles de ce facteur. Le groupe de Meyerowitz montre
qu'AG active le gène SPOROCYTELESS (SPL, alias
NOZZLE, NZZ), qui est un régulateur de la
sporogenèse. SPL est capable de lancer la formation
du pollen indépendamment d'AG. AG régule
probablement plusieurs processus par l'intermédiaire
d'autres régulateurs plus spécifiques. T Ito et al.;
Nature 430 (15JUL04) 356-360.
Les auteurs ont utilisé un promoteur
inductible par les glucocorticoïdes pour
piloter l'expression du gène.
     
13. STYLOSA (STY) d'Antirrhinum et LEUNIG
(LUG) d'Arabidopsis régulent la distribution spatiale
des fonctions homéotiques de l'organogenèse florale.
C Navarro et al.; Development 131 (AUG04) 36493659. Les mutants sty montrent également une
altération de la veination des feuilles et une
hypersensibilité à l'auxine et aux inhibiteurs de son
transport polaire, ce qui indique que ce gène a des
fonctions relativement étendues dans la plante.
STY et LUG codent des protéines jouant un rôle de
co-répresseurs. STY interagit avec plusieurs
facteurs de transcription. STY interagit en
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
particulier avec certaines protéines de la famille
YABBY (je suppose que ce nom vient de l'écrevisse
australienne correspondante, mais…)., comme
GRAMINIFOLIA (GRAM), et renforce les défauts
phénotypiques chez les doubles mutants sty gram dans
la régulation de la phyllotaxie (disposition des feuilles
sur la tige), les fonctions homéotiques florales et la
polarité des organes. STY est exprimée dans tous les
méristèmes puis voit sa localisation se confiner au
domaine adaxial des organes, ainsi qu'aux tissus
provasculaires. Ce patron est également celui des
gènes régulant l'identité adaxiale bien que STY ne la
détermine pas et ne fait que l'accompagner.
     
14. Les kinases cyclines-dépendantes (CDKs) et
leurs cyclines sont abondantes chez une plante comme
Arabidopsis qui code au moins 8 CDKs et 30 cyclines.
Mais on ne connait les fonctions d'aucune d'entre
elles, faute de mutants, et ceci est peut être dû à des
redondances. W Wang et al.; Development 131, n°13
(JUL04) 3147-3156 montrent que HUA ENHANCER3
(HEN3) qui code CDKE, un homologue de CDK8 des
Mammifères est indispensable à la détermination des
carpelles et étamines et, à la fin, de l'entretien des
cellules souches des méristèmes floraux.
     
15. Des chercheurs californiens viennent de montrer
que c'est un homologue de TERMINAL FLOWER
(TFL), CsTFL, des Citrus qui assure la fin de la
période juvénile (sans floraison et donc sans
production de fruits). LJ Pillitteri et al.; Plant
Physiology 135 (JUL04) 1540-1551.
TFL est une régulateur essentiel de la période de
floraison chez Arabidopsis et d'autres plantes
herbacées. Le gène d'agrumes a été isolé chez Citrus
sinensis(dans ce cas une variété hybride de Navel). Si
on exprime CsTFL chez Arabidopsis on observe un
phénotype de floraison tardive, comme pour une
surexpression du TFL1 autochtone. L'oranger Citrus
sinensis possède, contrairement aux autres modèles
étudiés, deux allèles distincts de CsTFL. Les
transcrits sont, chez la forme adulte, uniquement
présents dans tous les organes floraux et non
détectables dans aucun des tissus végétatifs. Le
phénotype juvénile est positivement corrélé avec
l'accumulation de ces transcrits et négativement avec
ceux de LEAFY et APETALA1 qui régulent la
formation des fleurs.
     
16. ### Le groupe de Baulcombe montre que c'est
un miRNA (ARN interférant) régulé par la
gibberelline (GA) qui module la floraison. La
transition florale chez Arabidopsis est fortement
induite par GA qui active l'expression du gène de
détermination de l'identité du méristème floral
LEAFY. P Achard et al.; Development 131, n°13
(JUL04) 3357-3365.
     
17. Chez la vigne les vrilles sont des inflorescences
modifiées. Normalement, la vigne produit des fleurs à
l'opposé des premières nouvelles feuilles et des
vrilles face aux feuilles plus tardives (en réalité face
à 2 sur 3 de ces feuilles). Elles dérivent de méristèmes
caulinaires particuliers dits "non déterminés".
M Calonje et al.; Plant Physiology 135 (JUL04)
1491-1501 ont étudié l'initiation florale et son
développement. Ils ont caractérisé deux gènes les
homologues, chez Vitis vinifera, de FRUITFULL
(FUL-L) et APETALA1 (AP1) d'Arabidopsis. Les deux
gènes sont exprimés dans les méristèmes latéraux qui
vont donner, soit les fleurs, soit les vrilles.
Ils sont co-exprimés dans les inflorescences et les
fleurs. Au cours du développement floral l'expression
de FUL-L a lieu dans la partie centrale du méristème
floral, puis dans la région de ce méristème qui va
donner les carpelles. Le patron d'expression d'AP1
doit jouer un rôle dans la transition florale et le
développement de la fleur, mais il n'y a pas
d'expression dans les sépales, ce qui indique que ce
n'est probablement pas un gène assurant la fonction A
(la morphogenèse des sépales et des pétales) chez la
vigne, comme c'est le cas chez Arabidopsis (voir
A Litt et al.; Genetics 165 (OCT03) 821-833, par
exemple). Ces deux gènes sont exprimés durant toute
la différenciation des vrilles, même avant la
transition juvénile-reproductrice. Cette expression est
donc indépendante de l'induction florale.
     
18. L'interaction des cellules des primordia
d'identité abaxiale et adaxiale est nécessaire au
développement du limbe foliaire. JF Golz et al.;
Development 131, n°15 (AUG04) 3661-3670 montrent
que la croissance et l'asymétrie des feuilles du muflier
Antirrhinum majus impliquent les facteurs de
transcription de type YABBY, GRAMINIFOLIA
(GRAM) (voir le §11) et PROLONGATA (PROL).
GRAM est exprimé à la périphérie abaxiale du
primordium où il induit la croissance latérale et la
détermination abaxiale. GRAM n'est pas indispensable
à la détermination abaxiale, en l'absence d'une
détermination adaxiale ce qui suggère qu'il induit
détermination abaxiale par exclusion de l'identité
adaxiale. Bien que l'expression de GRAM soit limitée
au domaine abaxial, il fonctionne de façon redondante
avec son paralogue abaxial, PROL et le gène exprimé
de façon ubiquitaire PHANTASTICA pour promouvoir
l'identité adaxiale grâce à un signal intercellulaire.
Ceci explique que GRAM uniquement exprimé dans
la partie la plus abaxiale puisse assurer un
développement normal de cellules adaxiales. GRAM
est donc capable de promouvoir et de réprimer
l'identité adaxiale.
     
19. Le groupe de Willmitzer vient de montrer
qu'une surexpression d'une invertase dans la paroi
des méristèmes apicaux accélère la floraison chez
Arabidopsis et accroît de 30% la production de
graines. Cette surproduction est liée à l'augmentation
du nombre des siliques (le fruit des crucifères) qui est
une conséquence de la ramification accrue de
l'inflorescence. AG Heyer et al.; Plant Journal 39
(JUL04) 161-169. Si on exprime cette enzyme dans le
cytosol on a l'effet inverse. Les invertases ont donc
des effets (probablement indirects) sur le
développement.
     
20. PICKLE (PKL) code un facteur remodelant de
la chromatine et réprimant les caractères
embryonnaires des graines d'Arabidopsis. Chez les
3
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
mutants pkl, les racines primaires expriment de
nombreux caractères embryonnaires après la
germination. Ces racines accumulent des triglycérides,
avec une composition en acides gras et des protéines
de réserve typiques des graines, ainsi que des phytates.
Il n'en est pas de même pour certains autres composés.
Il y a donc une répression, mais sélective, de certains
synthèses par PKL.
     
La Reproduction
21. Un nouveau type de mutants mâle-stériles
d'Arabidopsis a été obtenu en inactivant une protéine
impliquée dans l'accumulation des lipides, ce qui
déstabilise la formation du pollen en provoquant une
distribution désordonnée de la sporopollenine et
une absence d'exine. Ce mutant a été appelé nef (no
exine formation). T Ariizumi et al.; Plant Journal 39
(JUL04) 170-181.
Ce gène code une protéine membranaire du
chloroplaste de 1123 aminoacides. Elle maintient
probablement son intégrité.
     
22. SHY est un gène pollen-spécifique induit lors
de la germination du grain. Il code une protéine
sécrétée à répétitions riches en leucines (LRRs).
Utilisant un antisens V Guyon et al.; Plant Journal 39
(AUG04) 643-654 montrent que ce gène intervient
dans la croissance du tube, son absence entraîne un
arrêt de la croissance au niveau de l'apex de l'ovule
avec une accumulation de callose le long et à la pointe
du tube. La protéine SHY ressemble beaucoup à
d'autres glycoprotéines de matrice avec LRRs,
comme les inhibiteurs de polygalacturonase. Mais
SHY n'a pas un tel rôle d'inhibiteur. Le produit de
l'homologue de SHY chez la tomate (LeSTIG1)
interagit avec les kinases de récepteurs (LePRK1 et 2) comme le montrent W Tang et al.; Plant Journal 39
(AUG04) 343-353 qui penchent plutôt pour une
interaction avec le pistil, mais les résultats des auteurs
précédents indiquent que SHY fonctionne dans une
cascade assurant la croissance du tube pollinique.
     
23. Beaucoup d'espèces de Prunus présentent une
auto-incompatibilité de type gamétophytique basé
sur une S-RNase (GSI). La spécificité de cette
allogamie est assurée par un minimum de deux gènes
du locus S assurant la sélectivité du pistil vis à vis du
pollen. Côté pistil c'est le gène codant la S-RNase.
SFB (S haplotype–specific F-box protein), est un gène
de ce locus codant une protéine à F-box qui semble
bien être le déterminant côté pollen. L'autocompatibilité de certains haplotypes de Prunus avium
et P.mume correspondent à un défaut dans ce gène. Ce
sont, soit une délétion de 4 pb entraînant un
changement de phase de lecture, soit une insertion de
6,8 kb conduisant tous deux à la perte des deux
régions hypervariables. K Ushijima et al.; Plant
Journal 39 (AUG04) 573-586. Les mêmes auteurs
avaient montré l'an passé, que l'amandier présente un
gène de ce type lié génétiquement à celui de la SRNase. K Ushijima et al.;The Plant C ell 15 (MAR03)
771-781.
     
24. La croissance du tube pollinique exige un
gradient de Ca++ comportant un niveau élevé dans le
cytosol apical du tube. Ce dernier oscille, mais est
maintenu par un influx continuel lors de l'élongation.
On a longtemps supposé que cet influx est assuré par
des canaux sensibles à la tension liée à l'élongation,
mais on n'était pas arrivé à les caractériser. Des
chercheurs de Purdue University viennent de le faire
dans le pollen du Lys Lilium longiflorum. Ils sont
effectivement localisés à la pointe du tube (plus
exactement à la partie des protoplastes de tube
correspondant à cette extrémité). Des canaux à K+
activés par la tension sont distribués sur toute la
surface du grain de pollen avec des canaux spontanés
à K+ à l'exception de l'extrémité du tube. R Dutta et
al.; Plant Physiology 135 (JUL04) 1398-1406.
     
La Physiologie des Plantes
25. La longueur du jour est perçue au niveau des
feuilles et commande la floraison. Le signal
généralisé (systémique) correspondant est inconnu et
dénommé
"florigène"!!!.
L'analyse
génétique
permettant de le découvrir est toujours en cours et
Constans (CO), une protéine nucléaire à doigt à zinc
est fortement soupçonnée d'y participer. En jours
longs chez Arabidopsis, elle stimule l'expression de la
protéine codée par Flowering Time (FT) qui est une
protéine inhibitrice RAF-kinase-like. En utilisant des
greffes des chercheurs du Max PLanck de Köln
(l'Institut de J Schell maintenant dirigé par
G Coupland) montrent que CO agit sur le phloème.,
ce qui permettrait la dissémination du signal. Ce qui
créait la difficulté était que CO est exprimé dans de
nombreux sites de la plante, mais sous la commande
d'un promoteur phloème-spécifique, une altération
de CO bloque le signal de floraison. H An et al.;
Development 131, n°15 (AUG04) 3615-3626.
     
26. Les gènes Transparent Testa TT2, TT8 (un
homologue du gène R du maïs) et TTG1
4
(TRANSPARENT TESTA GLABRA1) spécifient, de
façon synergique, l'expression du gène BANYULS. Ce
dernier
code
l'enzyme
de
synthèse
(une
anthocyanidines réductase) des proanthocyanidines
dans la paroi des graines d'Arabidopsis. Voir
I Debeaujon et al.; Plant Cell 15 (NOV03) 2514-2531
et DY Xie et al.; Archives of Biochemistry &
Biophysics 422 (01FEB04) 91-102.
Les mutations ban entraînent une accumulation
précoce des anthocyanes dans la paroi de la graine
comme l'avait montré l'équipe de Delseny à Perpignan
en 1997.
TT2, TT8 et TTG1 activent directement le
promoteur de BAN comme cela avait été suggéré par
la même équipe dans N Nesi et al.; The Plant Cell 12
(OCT00) 1863–1878. Ces trois protéines forment un
complexe ternaire. Les chercheurs de l'INRA à
Versailles (A Baudry et al.; Plant Journal 39 (AUG04)
366-380) montrent que TTG1 agit en combinaison
directe avec TT8 ou des protéines apparentées, mais
que TT2 ne peut être remplacée par d'autres protéines
MYB d'Arabidopsis.
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
L'expression ectopique de TT2 suffit à déclencher
l'expression de BAN dans les parties végétatives de la
plante.
     
27. Les brassinostéroïdes (BRs) de la graine de
tomate sont des dérivés en C27 et C28. La voie de
synthèse des C27 a été disséquée par des chercheurs
coréens. Elle comporte les conversions cholestérol →
cholestanol et 6-déoxo-28-norteastérone ↔ 6-déoxo28-nor-3-dehydroteastérone
↔
6-déoxo-28nortyphastérol -> 6-déoxo-28-norcastastérone → 28norcastastérone (28-norCS). TW Kim et al.; Plant
Physiology 135 (JUL04) 1231-1242. Le cytochrome
CYP85A1 d'Arabidopsis intervient dans cette dernière
étape. Un mutant nain de CYP85 peut être
complémenté par addition de 28-norCS.
CYP85 oxyde en C-6 le 6-déoxoCS en CS comme il
le fait pour les mêmes dérivés de norcastastérone. La
méthylation en C-24 de la 28-norCS en CS est assurée
en présence de NADPH et de la S-adénosylméthionine
(SAM). Les C27 BRs, comme les C28 BRs sont aussi
actifs quand l'appareil de méthylation SAM-dépendant
permet de convertir les BRs C27 en C28.
La 28-norCS ne dérive pas du CS, mais de la voie
issue du cholestérol. De plus le brassinostéroïde des
plantules de tomate est bien la castastérone, et pas le
brassinolide. Les 28-norBRs permettent de maintenir
l'homéostasie de la CS. Pour ceux que ces jongleries
rendent perplexes, voir SD Clouse; The Arabidopsis
Book
qui
est
librement
consultable
à
http://www.bioone.org/bioone/?request=getdocument&issn=15438120&volume=026&issue=01&page=0001
     
30. L'inhibiteur de dextrinase limite de l'orge
(LDI), une enzyme déramifiante de l'amylopectine,
est structuralement apparenté à la famille des
inhibiteurs d'-amylase/trypsine.
La limitation de cette activité par antisens
augmente, tout naturellement, l'activité de l'enzyme.
Mais on observe des effets imprévisibles et
pléiotropes, notamment sur les - et -amylases,
ainsi que sur les amidons synthases.Y Stahl et al.;
Plant Journal 39 (AUG04) 599-611.
On trouve moins de grains d'amidons de type B
(constitué de grains d'environ 6 contre pour
l'amidon A), avec moins d'amylose. La distribution en
longueur des chaînes d'amylopectine est modifiée avec
des ramifications longues moins abondantes et plus
de chaînes moyennes (10-15 glucoses).
     
31. On sait produire des amidons aux propriétés
variées chez le maïs, mais la pomme de terre est
difficile à modifier dans ce sens, alors que c'est un
producteur important d'amidons industriels, bien que
l'amidon y soit fortement dilué par l'eau. La taille des
grains d'amidons est très variable (20 à 190  et la
taille moyenne des molécules d'amidon est plus
grande que chez le maïs, son principal concurrent avec
le blé). De plus, cet amidon est relativement riche en
amylopectine (76 à 80%). Des pommes de terre
riches en amylose ont été obtenue par inactivation
des deux enzymes ramifiantes connues par antisens.
Ces pommes de terre ont été suivies pendant plusieurs
années au champ par Plant Science Sweden AB. Ces
lignées sont stables mais la production d'amidon est
diminuée, la diminution de la production
d'amylopectine n'étant pas compensée par un
accroissement de celle de l'amylose. P Hofvander et
al.; Plant Biotechnology Journal 2 (JUL04) 311-320.
La taille des grains d'amidon est réduite en moyenne.
     
32. ### Thellungiella halophila est une petite
crucifère annuelle extrêmophiles (halophyte avec
une tolérance à 500 mM de NaCl grâce à une
accumulation de proline et cryophyte avec une
tolérance à –15°) avec un cycle court comme
Arabidopsis annua. Son génome est à peine deux fois
plus grand que celui de cette dernière. L'identité de
séquence entre les deux est de 92%. Elle peut être
transformée par trempage classique de la fleur. Cette
plante pourrait, pour toutes ces raisons ,constituer un
modèle intéressant. Ses caractéristiques sont détaillées
dans G Inan et al.; Plant Physiology 135 (JUL04)
1718-1737 et sa tolérance au sel par T Taji; p.16971709 utilisant des sondes d'Arabidopsis.
     
33. Plusieurs gènes de glutathione peroxydase ont
pu être clonés, et tous sont fortement homologues des
gènes d'isoformes des hydroperoxidases de
phospholipides. Ces protéines sont probablement
impliquées dans les réponses aux stress. Le gène gpx1
de l'orange Citrus sinensis codant une telle isoforme
est régulé d'une façon qui indique que son induction
par le sel est liée à un stress oxydatif. Ceci a été
démontré par O Avsian-Kretchmer et al.; Plant
Physiology 135 (JUL04) 1685-1696. Mais c'est le
peroxyde d'hydrogène intracellulaire qui intervient,
pas celui que l'on peut appliquer de façon exogène qui
utilise une autre voie.
     
34. On peut trouvera dans L Ralley et al.; Plant
Journal 39 (AUG04) 477-486, un tour d'horizon sur
l'ingénierie des céto-caroténoïdes (astaxanthine,
canthaxanthine et 4-céto-zéaxanthine) chez les
plantes.
     
35. L'expression du gène BGL1 de la -glucosidase
d'Aspergillus niger chez le tabac Nicotiana tabacum
(cv. Xanthi) a un effet très net sur les émissions
volatiles des feuilles. BGL1 a été exprimé sous la
commande du classique promoteur 35S en divers sites
cellulaires. L'activité enzymatique a été surtout
observée dans la paroi de la vacuole lytique et dans le
réticulum endoplasmique. S Wei et al.; Plant
Biotechnology Journal 2 (JUL04) 341-350.
Les feuilles de toutes les plantes transgéniques
émettent des quantités supérieures de 2-éthylhexanol.
Dans la paroi ce sont surtout du trans-caryophyllène
et du cembrène dans le réticulum et la vacuole
lytique.
Si on considère les feuilles pressées, ce sont du
linalool, du nérol, de l'oxyde furanoïde de cis-linalool,
du 4-méhyl-1-pentanol, du 6-méthyl-hept-5-en-2-ol et
du 2-éthylhexanol. Il est clair que ces études sont
destinées à améliorer la qualité aromatique des
tabacs.
Les Symbioses
5
36. ### ID Rodriguez-Llorente et al.; Plant Journal
39 (AUG04) 587-598 se sont penchés sur le problème
de savoir ce qui a permis au Légumineuses de
généraliser la fixation symbiotique nodulaire de
l'azote atmosphérique. Ils ont analysé le rôle des
polygalacturonases (PGs) et pectine méthyl
estérases (PMEs) au cours des premières étapes de la
symbiose de Sinorhizobium meliloti/Medicago avec
les interactions entre les deux partenaires. Ils les ont
comparé aux interactions entre le tube pollinique et
le pistil. Le tube pollinique avec sa progression au
sein du style étant comparé à celui des bactéries dans
le cordon infectieux racinaire.
     
37. Sinorhizobium meliloti met en route ses gènes
de fixation de l'azote en microaérobiose grâce à un
régulateur global à deux composants FixLJ. Des
chercheurs du centre CNRS-INRA de Toulouse ont
utilisé une approche SELEX pour caractériser les
cibles génomiques de la protéine FixJ. Le procédé
SELEX (si j'ai bien compris) est un processus itératif
qui permet d'identifier un aptamère se liant à n'importe
quelle cible mis au point par le groupe de Gold à
l'University of Colorado et commercialisé par
Archemix (voir le Bulletin d'Août §137). Ceci a
permis d'identifier 22 sites de fixation de FixJ , y
compris les sites connus dans les promoteurs fixK1 et
fixK2 de Bradyrhizobium japonicum. La majorité de
ces sites sont portés par le plasmide pSymA ou par
une courte région chromosomique manifestement
intégrée à partir d'un support génétique non
chromosomique. Les auteurs ont ainsi découvert deux
nouveaux sites de fixation et probablement régulés par
FixJ. Ces sites sont manifestement issus d'une
duplication du promoteur fixK avec une partie du
gène correspondant. On connaît des duplications
similaires du promoteur de nifH. Il n'y a pas moins de
17 duplications de ce type dans le génome, et il
semble bien que S.meliloti utilise à tour de bras ce
procédé pour réguler sa fixation de l'azote.
     
39. L'osmoprotectant proline-bétaine est la
principale bétaïne de la Luzerne. Son accumulation,
et son métabolisme lors de la réponse à long terme à
un stress salin, ont été étudiés par l'équipe CNRS de
Nice de Le Rudulier (JC Trinchant et al.; Plant
Physiology 135 (JUL04) 1583-1594). Le stress salin
ne stimule pas la synthèse de la proline-bétaine, mais
diminue fortement son turnover dans les
bactéroïdes.
     
40. Le nectar extra-floral (les glandes sont situées
à l'aisselle des feuilles), qui est usuellement
inductible chez les acacias après blessure et
stimulation par l'acide jasmonique, est sécrété en
permanence par les acacias myrmécophytes
d'Amérique Centrale colonisés par les fourmis qui se
logent dans les épines creuses de la plante (Acacia
chiapensis, A. collinsii, A. cornigera, A. globulifera et
A. hindsi). Sauf chez A. collinsii, l'acide jasmonique
n'a pas d'effet inducteur. Il s'agit, en réalité, d'une
défense indirecte contre les insectes herbivores
grâce à des mercenaires. M Heil et al.; Nature 430
(08JUL04) 205-208. Les auteurs (dont deux du
CIRAD) montrent que la voie de l'acide jasmonique
est cependant parfaitement fonctionnelle chez toutes
ces myrmécophytes, laissant donc cette voie utilisable
pour d'autres fonctions.
     
Les Pathogènes des Plantes et les Mécanismes de Défense
42. Les chloroplastes des plants de tomate
importent une polyphénols oxydase en présence de
méthyl-jasmonate induit par les herbivores.
S Koussevitzky et al.; Planta 219 (JUL04) 412-419.
Ce n'est pas le cas pour le pois, et par ailleurs si
l'éthylène renforce cet effet , il n'est pas capable de le
déclencher à lui tout seul.
L'enzyme se lie aux thylakoïdes et elle est
transloquée dans la cavité du thylakoïde. C'est une
protéine de 90 kDa qui n'est autre que l'inhibiteur de
protéases multicystatine qui est induit par le méthyljasmonate et associé à la compétence au transport de
l'enzyme et donc aux réactions de défense.
     
43. Le Turnip yellow mosaic virus (TYMV) est un
virus à ARN codant directement les protéines. Il code,
en particulier, deux protéines de réplication de 140
kDa et 66 kDa. La séquence de la protéine de 140 kDa
indique
qu'elle
possède
une
activité
de
méthyltransférase, protéase et NTPase/hélicase
(c'est donc une de ces enzymes multifonctionnelles
évoquées dans le Bulletin d'Août §96), tandis que celle
de 66 kDa constitue l'ARN polymérase ARN
dépendante nécessaire à la réplication. La réplication
a lieu à la périphérie des chloroplastes où elle est
recrutée par la protéine 140 kDa comme l'avaient
montré D Prod'homme et al.; Journal of Virology 77,
n°17 (SEP03) 9124–9135.
Contrairement à ce que l'on observe chez les autres
-virus, c'est le domaine protéase de la protéine
140K qui permet l'interaction avec le domaine ARN
polymérase de la protéine 66K. C'est ce que montre
le même groupe d'Isabelle Jupin de l'Institut Jacques
Monod de Paris. A Jakubiec et al.; Journal of Virology
78, n°15 (AUG04) 7945-7957.
     
45. Des carbohydrates oxydases participent aux
défenses contre les agressions par les pathogènes dans
les feuilles de laitue et de tournesol traitées à l'acide
salicylique. JH Custers et al.; Plant Journal 39
(JUL04) 147-160. Elles permettent la libération de
peroxyde d'hydrogène et sont également inductibles
par les pathogènes fongiques, mais pas par l'éthylène
ou le jasmonate. Ce rôle a été vérifié pour
Pectobacterium carotovorum ssp. carotovorum (alias
Erwinia carotovora ssp. carotovora pour tromper le
lecteur).
     
Les plantes recombinantes
46. D Klaus et al.; Planta 219 (JUL04) 389-396
montrent qu'il est possible d'enrichir le tubercule de
la pomme de terre en lipides en divertissant une
partie du flux de carbone vers la lipogenèse, à la place
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
de l'amylogenèse. La surexpression de l'acétyl-CoA
carboxylase d'Arabidopsis dans les amyloplastes du
tubercule quintuple la teneur en triacylglycérol (il est
vrai qu'il y en a peu au départ), le malonyl-CoA étant
le facteur limitant (l'ATP plastidial ne l'étant pas). On
pourra bientôt faire des frites sans huile.
     
47. Un vaccin contre le coronavirus de la
bronchite infectieuse du poulet (IBV), basé sur
l'expression dans la pomme de terre de la protéine
complète des spicules de la capside, est décrit dans
JY Zhou et al.; Journal of Biotechnology 111
(15JUL04) 121-130. Son efficacité a été vérifiée chez
le poulet après immunisation orale et par injection
intramusculaire.
     
48. Les glycanes d'origine végétale peuvent donner
lieu à des inquiétudes d'ordre immunologique quand
on les injecte de façon relativement massive et
répétée. Ce peut être le cas de protéines glycosylées
exprimées dans les plantes dont la N-glycosylation est
différente de celle des animaux, avec du xylose et de
l'1,3 fucose. Un moyen de l'éviter est de confiner ces
protéines dans le réticulum endoplasmique, en évitant
ainsi les glycosylations dans le Golgi. R Sriraman et
al.; Plant Biotechnology Journal 2 (JUL04) 279-287.
Mais sans glycosylation seront-elles efficaces? Il f
faudra les glycosyler enzymatiquement après
purification.
     
49. Des chercheurs d'Advanta Biotechnology
décrivent des betteraves exprimant des complexes de
fructanes grâce à une fructosyltransférase d'oignon.
G Weyens et al.; Plant Biotechnology Journal 2
(JUL04) 321-327.
     
Les Insectes et leur Maîtrise
50. La sélection de parentèle (kin selection en
anglais, qui est une manière "indirecte" de promouvoir
ses gènes en excluant les étrangers), indique que les
individus apparentés montrent une moindre
agressivité réciproque et plus d'altruisme et c'est la
base des sociétés d'animaux. Mais on a récemment pu
montrer que, dans le cas d'une dispersion limitée des
individus, la compétition finit par surmonter
l'affection mutuelle. Il n'est pas facile de quantifier
expérimentalement ces deux facteurs opposés mais
trop liés. Chez les guêpes parasitoïdes à
polyembryonie comme Copidosoma floridanum (alias
C.truncatellum, une petite guêpe de 1mm sans nom
vulgaire tellement elle est petite et inaperçue, voir le
§52), chaque œuf donne lieu à des divisions et
naissance à une abondante descendance clonale. Dans
une telle "portée" clonale les soldats stériles n'ont, en
principe, aucun conflit d'intérêt avec les autres
descendants du même œuf. Mais quand plusieurs œufs
sont déposés dans un même hôte (œufs de
Trichoplusia ni ou Pseudoplusia includens), des
sources potentielles de conflit apparaissent. Le même
groupe de MR Strand, D Giron et al.; Nature 430
(05AUG04) 676-679 montrent que c'est bien la
parenté qui importe, et pas la compétition pour la
nourriture.
     
51. La coopération extrême au sein des colonies
des insectes eusociaux, avec une caste ouvrière et une
ou des reines, est souvent perturbée par des dérives
consistant en une reproduction de certaines
ouvrières.
Ce peut être le cas chez les hyménoptères (fourmis,
abeilles, etc…) où des ouvrières peuvent donner des
mâles à partir d'œufs non fécondés. Les théories
actuelles n'arrivent pas à expliquer, de façon claire, le
niveau de cette reproduction parasite. C LopezVaamonde et al. Nature 430 (29JUL04) 557-560
montrent que chez le bourdon Bombus terrestris, ce
sont des ouvrières non apparentées qui
s'introduisent dans la colonie où elles donnent des
oeufs de mâles de façon nettement plus précoce que
les ouvrières autochtones s'adonnant à cette pratique.
En effet une colonie de ce bourdon est annuelle
avec la reine et les ouvrières réglementaires. Les coûts
en productivité d'une reproduction des ouvrières sont
très faibles. Aussi la théorie de la sélection de
parentèle (voir le §50) prévoit qu'une production
substantielle de mâles, accompagnée par un conflit
évident entre ouvrières et reine, ainsi qu'entre ouvrière
pour cette reproduction se traduit par une agressivité
entre ces catégories et individus. Les auteurs ont
quantifié cette évolution de la population en marquant
les individus.
     
52. La formation des castes chez les insectes
sociaux dépend de facteurs du milieu comme la
nourriture. Certaines guêpes parasitoïdes pondant
leurs œufs dans une proie comme Copidosoma
floridanum montrent une polyembryonie clonale
(jusqu'à 1000 embryons à partir d'un seul œuf, une
polymorula) avec deux castes. Les œufs du
parasitoïdes éclosent au cinquième stade larvaire sous
l'effet des hormones de la proie, mais le parasitisme
induit un différé de la pupaison de la proie et des
mues supplémentaires. Certains embryons du
parasitoïde se développent précocement et donnent
des ouvrières soldats stériles qui défendent le grenier
contre d'autres parasitoïdes. Les embryons se
développant plus tardivement finissent de
consommer le contenu de l'hôte, donnent des pupes et
les guêpes adultes et reproductrices. Les soldats
meurent alors.
Dans ce cas, la détermination de la caste dépend
de la distribution des cellules germinales lors de la
polyembryogenèse. L'expression du gène Vasa
indique qu'au stade 4 cellules, l'une d'entre elles est
déjà déterminée comme cellule germinale
primordiale. Si on procède à une ablation de cette
cellule, les descendants de l'embryon sont des
ouvrières (soldats). DM Donnell et al.; Proceedings of
the National Academy of Sciences USA 101
(06JUL04) 10095-10100. Quand deux œufs sont
déposés dans la même proie les clones sont de sexe
opposé, l'un des oeufs est fécondé et l'autre pas et cela
reste à expliquer.
7
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
     
53.### La nature haploïde des mâles fonctionnels,
issus d'œufs non fécondés chez les Hyménoptères
sociaux et autres, est un dogme largement répandu.
C'est effectivement le mode le plus étudié. Cette
détermination selon le principe de la "single locus
complementary sex determination (sl-CSD)" ne
dépend pas de la seule ploïdie (nombre de garnitures
chromosomiques). Elle permet l'apparition de mâles
diploïdes biparentaux en petit nombre. Le potentiel
reproducteur de tels mâles a été étudié chez environ 13
des 200 000 hyménoptères probables dans le monde.
Dans tous ces cas ces mâles sont un fond de sac
reproducteur, car ils sont stériles, voire non viables.
On vient de montrer que chez la guêpe solitaire
Eumenine Euodynerus foraminatus, les mâles
haploïdes et diploïdes sont fertiles. DP Cowan et al.;
Proceedings of the National Academy of Sciences USA
101 (13JUL04) 10374-10379.
Beaucoup de ces guêpes solitaires euménines
utilisent des cavités allongées (tunnels d'insectes dans
le bois, par exemple) comme nid. La femelle suspend
un œuf au fond de la galerie, puis va chasser les
chenilles qu'elle paralyse puis stocke dans le nid et
assure le casse croûte de son descendant avant de
fermer la cellule avec de la boue. Elle recommence
alors un nouveau cycle, etc… Dans les nids contenant
les deux sexes, les œufs du fond sont fécondés et
donnent donc des femelles. Les œufs déposés plus
près de la sortie sont des mâles entre lesquels une vive
compétition existe, laissant peu de place aux mâles
extérieurs. Cette fertilité des mâles et l'inbreeding sont
des caractéristiques de bien d'autres hyménoptères et
cette situation est probablement plus fréquente qu'on
ne le pensait.
     
55. ### Blochmannia floridanus est une bactérie
endosymbiotique intracellulaire de la fourmi
Camponotus floridanus et voisine des Buchnera et
Wigglesworthia glossinidia. Elle se loge dans des
cellules spécialisées, les bactériocytes. La séquence
de son génome a été publiée par R Gil et al.;
Proceedings of the National Academy of Sciences USA
100 (05AUG03) 9388-9393.
F Wolschin et al.; Applied & Environmental
Microbiology 70 (JUL04) 4096-4102 se sont
intéressés, eux, à la prolifération de la bactérie. La
dépendance des Camponotus tropicales est
manifestement différente de celles d'autres insectes.
Ces fourmis se nourrissent, en principe d'exsudats
d'insectes ou de plantes, et sont donc des herbivores
secondaires, ce qui laisse entrevoir une spécialisation
nutritionnelle. Mais leur migration dans des régions
plus tempérées s'accompagne d'une diversification de
l'alimentation, ce qui exclue probablement un rôle
nutritionnel des symbiotes. Les bactéries prolifèrent
durant la pupaison, et immédiatement après l'éclosion
des adultes. Chez les ouvrières le nombre de bactéries
dans les bactériocytes de l'intestin diminue, alors que
les chez les reines âgées les bactériocytes intestinaux
disparaissent également, mais les bactéries
prolifèrent dans les ovaires avec le développement
reproducteur (la transmission est verticale via
l'ovocyte). Ce qui est intéressant est que, dans ce
couple la présence de la bactérie ne semble pas
essentielle pour la fourmi qui semble bien se porter
quand on élimine les bactéries (ce qui n'est pas le cas
pour les pucerons et leurs Buchnera, ou les mouche
tsetse avec leurs Wigglesworthia). La symbiose
semble ne pas être indispensable aux adultes mais
pourrait jouer un rôle au cours du développement
     
Les Biopesticides
55. Serratia marcescens 90-166 et Bacillus
pumilus SE34 sont deux rhizobactéries favorisant la
croissance d'Arabidopsis écotype Columbia. CM Ryu
et al.; Plant Journal 39 (AUG04) 381-392 montrent
qu'elles ont la capacité de réduire les symptômes du
virus de la mosaïque du concombre. Le signal
impliqué a pu être caractérisé en utilisant des mutants
bactériens de la souche 90-166 et d'Arabidopsis ainsi
que des Arabidopsis transgéniques. Ce signal dépend
de la voie du jasmonate et pas de l'acide salicylique
et du gène NPR1 (NON-EXPRESSOR OF PR1, alias
NIM1).
     
56. Serratia plymuthica IC1270 est une bactérie
biopesticide. Elle a été isolée de la rhizosphère de la
vigne et semble antagoniste de très nombreux
pathogènes dont des champignons. Elle produit deux
N-acétyl--D-glucosaminidases de 89 et 67 kDa,
l'endochitinase de 58 kDa ChiA, et l'antibiotique
pyrrolnitrine.
L'activité antagoniste de plusieurs pseudomonades
fluorescents contre les champignons pathogènes
dépend d'un système régulateur à deux composants
GacA/GacS et du facteur  RpoS. M Ovadis et al.;
Journal of Bacteriology 186,n°15 (AUG04) 49864994 ont recherché chez des bactéries biopesticides
autres que les Pseudomonas, les gènes de régulation
8
globale de l'activité pesticide. Cette régulation porte
sur la production des antifongiques et des
exoenzymes. Les homologues chez la souche IC1270
ont été clonés et caractérisés. Les mutants sont
nettement moins efficaces contre Rhizoctonia solani
ou Pythium aphanidermatum.
     
57.
Serratia
entomophila
et
Serratia
proteamaculans causent la maladie ambrée de
Costelytra zealandica un scarabée des fourrages et
pâturages redouté en Nouvelle Zélande où il est
indigène. Un plasmide de 155 kb pADAP, porteur des
gènes sepA, sepB et sepC, est responsable des
symptômes de la maladie. L'inactivation de chacun de
ces trois gènes abolit la destruction de l'intestin de la
larve, mais pas l'arrêt de la prise de nourriture, qui doit
être régulée ou assurée par d'autres gènes du plasmide.
On vient de montrer que l'activité anti-herbivorie est
liée à l'existence d'un prophage en voie de
dégénérescence. Ce qui est intéressant est que six
exemplaires potentiels de ce phage sont présents chez
Photorhabdus luminescens subsp. laumondii TTO1.
MRH Hurst et al.; Journal of Bacteriology 186,n°15
(AUG04) 5116-5128.
     
58. Les Photorhabdus utilisent un système de
sécrétion de type III. Les effecteurs transportés par ce
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
système de sécrétion, et prédits par une étude
génomique,
diffèrent
entre
Photorhabdus
luminescens et P.asymbiotica, malgré la grande
conservation du système. K Brugirard-Ricaud et al.;
Journal of Bacteriology 186,n°13 (JUL04) 4376-4381.
Ce sont deux espèces voisines, mais si
Photorhabdus luminescens est un insecticide,
P.asymbiotica, comme son nom l'indique, ne participe
pas à une symbiose insecticide avec un nématode. Il a
été retrouvé dans des échantillons cliniques chez
l'homme.
La structure des gènes codant ce système indique
qu'ils ont probablement été acquis avec un
bactériophage intégratif.
P.luminescens code une protéine effectrice du type
de YopT de Yersinia tandis que chez P.asymbiotica
c'est une protéine de type ExoU de Pseudomonas
aeruginosa.
Ce système de sécrétion semble absent chez les
souches de Xenorhabdus examinées.
     
Les Productions animales
L'expression des gènes
59. Des chercheurs de l'ETH de Zürich (BP Kramer et al.; Nature Biotechnology 22 (JUL04) 867-870) utilisent
un mécanisme épigénétique pour piloter l'expression de transgènes par un mécanisme d'interrupteur à bascule.
Ils utilisent deux répresseurs pilotant réciproquement leur expression pour exprimer, de façon alternative, deux
transgènes. Chacune des expressions, stables, est induite de façon transitoire par un produit chimique différent. Un
schéma illustre plus clairement le procédé que je ne pourrais le faire.
     
Le développement
60. Les interactions entre l'épithélium mammaire
et le stroma mésodermique qui l'enveloppe est
nécessaire à l'organogenèse de la glande mammaire.
S Cases et al.; Development 131 (JUL04) 3047-3055
montrent que l'acyl CoA:diacylglycérol transférase 1
(DGAT1), une enzyme de synthèse des triglycérides,
est indispensable à cette organogenèse, à la fois dans
l'épithélium et dans le stroma.
     
61. On sait que les phanères comme les poils et les
plumes sont induites par un signal, encore inconnu,
du derme vers l'épiderme qui le recouvre. Ce signal
déclenche la formation de la placode qui va donner la
phanère. La surexpression des versions solubles des
récepteurs FGFR1 ou FGFR2, pièges pour le FGF,
dans la peau d'un embryon de poulet entraîne une
absence de plumes avec absence des placodes
correspondantes.
Fgf10 est exprimé à ce niveau, et des anticorps antiFGF10 suppriment la différenciation de la placode en
plume. FGF10 induit l'expression des régulateurs
positifs et négatifs impliqués dans la formation de la
plume. Il peut également induire sa propre
production lorsque les BMPs (Bone Moprhopgenetic
Protéines) sont à faible niveau. M Mandler et al.;
Development 131 (JUL04) 3333-3343.
     
62. La perte de Fgf9 empêche le développement
du testicule et entraîne une inversion du sexe mâle en
femelle chez l'individu porteur. Mais la fonction en
cause était encore indéterminée. J Schmahl et al.;
Development 131 (AUG04) 3627-3636 ont caractérisé
les deux étapes de la différenciation du testicule ou
Fgf9 intervient. La première est juste en aval de Sry
dans la cascade et régule la prolifération des
précurseurs des cellules de Sertoli (cellules
accessoires mais importantes du testicule). La seconde
porte sur la localisation nucléaire d'un des
récepteurs de Fgf, le FGFR2, dans ces précurseurs.
Cette localisation de FGFR2 coincide avec le début de
l'expression de Sry et la localisation nucléaire de
SOX9 au cours du début de la différenciation des
cellules de Sertoli et la détermination mâle. une revue
de J Brennan et al.; Nature Reviews Genetics 5
(AUG04) 509-521 évoquent également le rôle de Fgf9
dans la localisation nucléaire de Sox9 ainsi que sur
son rôle dans la prolifération des cellules pré-Sertoli
et se penchent sur les aspects plus généraux de cette
différenciation.
     
63. La période préimplantaire de l'embryon des
Mammifères est décisive, car c'est au cours de cette
période que se déroule les modifications épigénétiques
des génomes paternel et maternel. On sait que seul
l'allèle maternel de H19 et l'allèle paternel de Igf2
sont exprimés. Le locus murin Igf2/H19 contient
quatre sites de fixation pour la protéine CTCF
(CCCTC-binding factor, il y en sept chez l'homme).
Ces sites sont liés à des isolateurs (AM Fedoriw et al.;
Science 303 (09JAN04) 238-240). Sur l'allèle
maternel, ces sites bloquent l'action d'un enhancer
en aval sur le promoteur d'Igf2 ce qui empêche
l'expression de l'Igf2 maternel. Dans le cas de l'allèle
paternel, les sites CTCF sont méthylés, de sorte que
CTCF ne peut se fixer et l'enhancer est donc libre
d'activer l'Igf2 paternel. La régulation de l'empreinte
de H19 et Igf2 est régulée par des éléments
communs. Elle dépend de séquences aval de H19.
RI Verona et al.; Genomics 84 (JUL04) 59-68,
montrent que ce sont des séquences transcrites avec
H19, dont l'"enhancer" endodermique de H19/Igf2 et
des éléments d'un domaine de 4,2kb entre l'unité de
transcription H19 et les enhancers, qui assurent
l'empreinte d'Igf2. Mais les auteurs soulignent que
d'autres facteurs (séquences ou organisation de la
chromatine doivent intervenir, la solution complète
reste donc à éclaircir).
On avait déjà montré que l'empreinte de H19 peut
être perdue durant la période préimplantaire dans
certaines conditions de culture.
MR Mann et al.; Development 131 (AUG04) 37273735 ont analysé cette perte durant une culture
d'embryons préimplantaires. Environ 65% des
blastocystes montrent une expression biparentale, et
donc une perte de l'empreinte. Cette perte continue à
se manifester dans les stades plus avancés de
9
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
l'embryogenèse. Les tissus placentaires (extraembryonnaires) montrent une activation de l'allèle
normalement silencieux (paternel) de H19 ainsi que
des gènes Ascl2, Snrpn, Peg1 et-3 et Xis, tandis que,
dans l'embryon proprement dit, l'empreinte se
manifeste. Voir D Lucifero et al. Human Molecular
Genetics 13 (15APR04) 839-849. La perte de
l'empreinte est associée avec une perte de la
méthylation des séquences de régulation de
l'empreinte de H19 et Snrpn. Les tissus dérivés du
trophectoderme (donc extra-embryonnaires) sont donc
incapables de rétablir l'empreinte génomique et
doivent donc disposer de mécanismes de
rétablissement moins robustes que l'embryon
proprement dit.
     
La Physiologie
64. Notch est un récepteur de surface ancien et
conservé qui régule un très grand nombre de voies en
aval. On vient de montrer qu'il gouverne la mémoire
à long terme, au moins dans le cerveau de la
Drosophile. X Ge et al.; Proceedings of the National
Academy of Sciences USA 101 (06JUL04) 1017210176.
L'établissement de la mémoire à long terme
implique une régulation de l'expression génique mais
les facteurs intervenant sont encore inconnus. Des
chercheurs du CNRS à Gif montrent qu'une mutation
dans le gène crammer (cer) entraîne un défaut dans
cet établissement. Ce gène code un inhibiteur de la
protéase à cystéine cathepsine. Ilest exrpimé dans le
site de la mémoire olfactive de la mouche et les
cellules gliales voisines. Sa surexpression dans les
seules cellules gliales entraîne le défaut de mémoire.
Chez les mouches normales l'expression de cer est
transitoirement abaissée pendant l'apprentissage ce qui
indique que la cathepsine est activée au cours des
stades précoces de l'établissement. D Comas et al.;
Nature 430 (22JUL04) 460-463.
     
65. L'horloge circadienne intervient dans la
régulation de la synthèse du noyau hème par lbiais de
la régulation de la synthèse de l'aminolevulinate
synthase 1 qui est l'enzyme limitante dans cette
synthèse. On vient de montrer qu'il existe une r
égulation en retour. Le noyau hème (et plus
généralement les porphyrines) régule l'expression
des gènes mammaliens Period, mPer1 et mPer2 in
vivo grâce à un mécanise impliquant le domaine
neuronal PAS de NPAS2 et mPER2. K Kaasik et al.;
Nature 430 (22JUL04) 467-471.
     
66. Le système nerveux sympathique joue un rôle
dans la lipolyse et la production de leptine par les
adipocytes. MR Peeraully et al.; American Journal of
Physiology; Endocrinology & Metabolism 287
(AUG04) E331-399 montrent que l'expression du
NGF (Nerve Growth Factor), une adipokine qui
entretient les neurones sympathiques, est détectée
dans tous les tissus adipeux blancs. Le TNF- étant
le stimulateur le plus efficace. Ceci indique que le
NGF est une protéine de la réponse inflammatoire des
adipocytes.
     
67. Les récepteurs Toll-like sont connus pour leur
rôle dans la réponse immunitaire innée. Ce n'est pas
le seul. TLR-4 des cellules épithéliales pigmentées de
la
rétine
participe
à
la
transmission
transmembranaire du signal en réponse au segment
externe des photorécepteurs. AL Kindzelskii et al.;
Journal of General Physiology 124 (AUG04) 139-149.
     
Le système immunitaire
68. La mémoire immunologique est définie par la
capacité d'un hôte à garder une mémoire moléculaire
d'une agression antérieure donnée et à utiliser cette
prédisposition pour répondre plus rapidement à une
nouvelle
agression.
On
discute
toujours
abondamment dans les cafeterias de la durée de cette
prédisposition des cellules T. Dans le cas de la
vaccine elle décline avec une demi vie de 8-15 ans,
tandis que la réponse par anticorps circulants dure
plus de 75 ans sans atténuation. Une revue dans cet
exemple historique qui remonte à Jenner est parue
avec MK Slifka; Current Opinion in Immunology 16
(AUG04) 443-450.
     
69. Une bonne protection par les cellules T CD8+
est un des objectif des vaccinations. Les cellules T
CD8+ "mémoires" peuvent être divisées en souspopulations dénommées "mémoire centrale" (TCM)
et "mémoire effectrice" (TEM) suivant leur
phénotype (notamment les chimiokines produites) et
la capacité à se rendre respectivement dans les
ganglions lymphatiques (grâce à CD62L) ou les tissus
non lymphoïdes.
On sait, maintenant que ces cellules se
différencient à partir de cellules effectrices
"mémoire" qui donnent des cellules "mémoire
10
centrale" qui sont soigneusement entretenues. De
plus les cellules T CD4+ pilotent la différenciation
des cellules CD8+. Une revue sur les acquisitions
récentes dans ce domaine est parue avec JK Northrop
et al.; Current Opinion in Immunology 16 (AUG04)
451-455.
Dans le cas des cellules T CD8+ mémoires, on sait
que les interleukines IL-7 et IL-15 assurent la survie,
tandis que IL-15 stimule la prolifération
homéostatique qui entretient le stock.
DC Lenz et al.; Proceedings of the National
Academy of Sciences USA 101 (22JUN04) 9357-9362
montrent que la prolifération des cellules T CD4+
"mémoire" est régulée par l'interleukine-7. IL-7 et
IL-15 assurant les mêmes fonctions pour les cellules
CD4+ tout se passe comme si la régulation de ces deux
populations hétérogènes est similaire et dépende
beaucoup plus de facteurs quantitatifs que
qualitatifs.
     
70. ### On a longtemps cru que les agnathostomes
(les lamproies) ne possèdent pas de système
immunitaire adaptatif. Il n'en est rien, il est
simplement différent de celui qu'on pouvait attendre.
On trouvera dans l'article de Z Pancer et al.; Nature
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
430 (08JUL04) 174-180, commenté par MF Flajnik;
p.157-158, des résultats intéressants dans ce domaine.
Le système immunitaire innée est codé par des
gènes déjà présents dans la lignée germinale, non
remaniés (et donc à large spécificité basée sur des
patrons communs aux pathogènes), contrairement à ce
qui se passe dans le cas du système adaptatif
beaucoup plus élaboré.
Pancer et al. ont découverts des protéines à
répétitions riches en leucine (LRRs), qu'on trouve
dans le système immunitaire inné, ainsi que dans des
systèmes de défense des invertébrés et des plantes.
Ils montrent que ces gènes sont surexprimés dans des
lymphocytes stimulés par un antigène. Ils ont surtout
découvert que c'est une famille très riche en gènes
avec une grande variabilité de leurs cassettes de
répétitions LRRs. Ils les ont dénommés "variable
lymphocyte receptors" ou VLRs. Des cassettes LRR
invariantes sont présentes aux extrémités de chaque
clone dérivé des ESTs avec, interposées, des
cassettes variables. Les cassettes invariantes sont
codées par des gènes simple copie proches les uns des
autres dans les cellules non lymphocytaires. Les
LRRs variables interposées sont intégrées
ultérieurement, et on retrouve une structure qui fait
penser à la sélection clonale du système adaptatif et
à une recombinaison de type RAG.
On a donc des indications d'un système qui a été
fonctionnellement remplacé par le système adpatatif,
comme celui que nous connaissons chez les vertébrés
à mâchoires mais a peut être subsisté sous une forme
que nous n'avons pas reconnue, et on en a des
indications chez les Echninodermes et les Mollusques,
pourquoi pas chez nous.
     
71. ### C'est encore chez la lamproie que l'on
retrouve l'origine de la voie classique du complément
qui est un des éléments du système de l'immunité
adaptative. La voie des lectines est l'équivalent de la
voie classique dans l'immunité innée sur le plan des
composants. Les deux voies sont amorcées par des
complexes faisant intervenir des protéines type
collagène et de protéases à sérine de la famille des
protéases associées à des lectines se liant au mannose
(MASP)/C1r/C1s. On a supposé que la voie classique
du complément a conservé le mécanisme
d'activation de la voie des lectines après sa
divergence de la première. Ces deux voies existent à
la fois chez les poissons cartilagineux et les
urochordés (ascidies). M Matsushita et al.;
Proceedings of the National Academy of Sciences USA
101 (06JUL04) 10127-10131 montre que l'orthologue,
chez la lamproie, du composant C1q du complément
des mammifères se comporte comme une lectine
liant les seules GlcNAc. C1q, est un élément du
premier composant (collagéneux) impliqué dans la
reconnaissance des immunoglobulines dans la voie
classique du complément.
     
72. Les chercheurs d'Hybrigenics et de l'Institut
Pasteur (dont la firme est issue), E Real et al.; Journal
of Virology 78, n°14 (JUL04) 7410-7417 décrivent
une stratégie de lutte antivirale basée sur des copies
de peptides actifs sur une réplication virale (ici celle
du virus rabique). Ces peptides sont contraints dans
leur conformation (coactamères) en se basant sur les
peptides actifs intervenant dans la réplication du virus.
C'est la phosphoprotéine P qui a été choisie comme
substrat reconnu par ces peptides. Elle interagit, en
effet, avec la protéine N de nucléocapside et l'ARN
polymérase ARA-dépendante L. P se lie également à
la dynéine LC8 imlmpliquée dans le transport
rétrograde. Cela pourrait intervenir dans une thérapie
post-exposition à la rage, mais le principe est
beaucoup plus général et servir condtre d'autres virus
et d'autres cibles.
     
73. Les protéines Mx constituent une famille de
GTPases de type dynamine, induites par les
interférons  qui ont des effets antiviraux
puissants, en particulier contre les virus à ARN
simple brin des mammifères et du poulet, où elles
inhibent la première phase de la transcription du
génome. OG Engelhardt et al.; Journal of General
Virology 85 (AUG04) 2315-2326. Chez les poissons
les interférons  inhibent la réplication du virus de
la nécrose pancréatique infectieuse (IPNV). On
vient de montrer que la protéine Mx1 du saumon
atlantique est bien responsable de l'activité antivirale.
Il s'agit, dans ce cas, d'un virus à ARN double brin.
R Larsen et al.; Journal of Virology 78, n°15
(AUG04) 7938-7944.
MC King et al.; Proceedings of the National
Academy of Sciences USA 101 (15JUN04) 8957-8962
montrent qu'il est possible d'inhiber l'importation
nucléaire de MxB humaine qui est de la même
famille que MxA, mais n'a pas d'activité antivirale,
grâce à une mutation neutralisant l'activité GTPase
qui bloque le déroulement du cycle cellulaire. Ce rôle
dans le trafic nucléocytoplasmique est probablement
la cause de l'activité antivirale d'autres protéines de la
famille.
     
Les Vaccins
74. Les vaccins ADN, c'est-à-dire basés sur
l'expression d'antigènes viraux séparés ou regroupés
par un ADN vecteur dans les cellules de l'hôte ont eu
une grande vogue dans les années 90s malgré les
doutes émis, vu la très faible probabilité que cela
puisse marcher. Puis sont venus une série de
désillusions. Les effets mirifiques sur les rongeurs se
sont révélés très décevants sur les primates. Il faut
réaliser que l'effet immunostimulant est essentiel
pour un vaccin, mais est également considéré comme
néfaste dans les essais de sécurité. On doit donc
réaliser des compromis. On a donc mieux ciblé les
vecteurs vers les cellules immunocompétentes,
notamment les cellules dendritiques de la peau et du
muscle. On leur a adjoint des gènes de cytokines
favorables, ce qui permet de diminuer les doses. Enfin,
et surtout, on a combiné une vaccination par injection
d'ADN qui n'a, certes pas un effet foudroyant, mais
amorce la réponse, complétée par des rappels avec
des vecteurs viraux recombinants l'avantage de
s'exprimer beaucoup plus sûrement, mais ne peuvent
être utilisés deux fois (pour le rappel) à cause de la
réaction contre le vecteur. C'est d'ailleurs cette
stratégie qui explique le rebond actuel malgré les
11
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
risques supplémentaires apportés par l'utilisation d'un
vecteur viral.
Les vaccins ADN n'ont jusqu'à présent donner lieu à
aucun accident aux cours des essais nombreux (mais
le plus souvent infructueux). De plus, on peut en
préparer, en cas d'urgence, très rapidement contre un
nouveau pathogène comme le virus West Nile et le
virus du SARS. IL faut deux à trois ans pour accéder
au même stade des essais cliniques pour un vaccin
traditionnel. Les risques d'intégration dans l'ADN
chromosomique sont impossibles à vérifier chez
l'homme mais chez un animal ils sont 3000 fois
inférieur à ceux des mutations.
Un vaccin de ce type contre le virus West Nile et
pour les chevaux produit par Fort Dodge Animal
Health (une filiale de Wyeth) est, cependant, sur le
point d'être enregistré. Un vaccin de ce type contre le
même virus a été essayé au Zoo de Los Angeles pour
protéger les condors du zoo contre ce virus. Pour
l'instant on n'a pas cherché à vérifier l'efficacité contre
ce virus qui n'a pas encore atteint cette région, mais au
cas où… Ce vaccin n'a pas une carrière garantie car il
existe d'autres vaccins plus conventionnels contre ce
virus envahissant, dont un par la même firme basé,
très classiquement, sur la protéine de capside exprimé
par le virus canaripox dénommé West Nile
Innovator™. Les flavivirus comme le West Nile
(avec la fièvre jaune, la dengue , etc…) sembleraient
être de bonnes cibles pour ces vaccins. On devrait
pouvoir regrouper plusieurs sérotypes dans une seule
injection. C'est ce qu'a réalisé Maxygen avec ses
techniques de recombinaisons particulières. K Powell;
Nature Biotechnology 22 (JUL04) 799-801. L'auteur
donne la liste des institutions et firmes qui avancent
dans ce domaine. Sur le plan plus général de
l'immunité contre ce virus on peut consulter T Wang et
al.; Current Opinion in Immunology 16 (AUG04) 519523.
     
Les Pathogènes
75. Des polémiques sur la transparence ou non du
gouvernement chinois sur la prolifération du virus de
la grippe H5N1 du poulet en Chine. Sa présence,
annoncée à grand fracas, chez le porc fait qui, s'il se
confirmait, serait grave car le porc possède à la fois les
récepteurs aviaires et humains du virus de la grippe,
n'empêche pas ses chercheurs de publier des résultats
de leurs recherches en chinois que les américains
ignorent (malgré leurs possibilités), mais aussi en
américain (ce qui est peu excusable, mais on connaît).
Ainsi des chercheurs de Harbin décrivent l'évolution
de ce virus chez les canards depuis le milieu des
années 80s. H Chen et al.; Proceedings of the
National Academy of Sciences USA 101 (13JUL04)
10452- 10457.
Ils montrent que les virus isolés de canards
apparemment sains sont devenus de plus en plus
virulents pour les mammifères entre 1999 et 2002.
Vingt et un de ces isolats sont tous antigéniquement
voisins de A/Goose/Guangdong/1/96 ou Gs/Gd
(H5N1) qui a été la source de l'épidémie de 1997 de
Hong Kong. Tous sont fortement pathogènes pour le
poulet. Ce sont des virus issus de réarrangements
associant l'hémaglutinine A/Goose/Guangdong/1/96 à
des gènes d'autres virus eurasiatiques qui leur permet
d'infecter des souris.
KS Li et al.; Nature 430 (08JUL04) 209-213 (un
groupe de chercheurs de tout le sud-est asiatique et de
Memphis, Tennessee) s'intéressent aux virus isolés,
lors des multiples épidémies caractérisées à la fin de
l'année dernière et au début de cette année, dans les
élevages de ces pays et qui ont causé mort d'homme
en Thaïlande et au Vietnam. Ils se sont intéressés aux
réarrangements globaux du génome provoquant des
sauts évolutifs, mais également aux mutations portées
par ces segments résultant d'une pression de sélection
sur les souches virales. Ils s'intéressent, de plus, aux
modifications probables des fonctions induites par
12
les mutations. Cet article est particulièrement complet
et intéressant.
Les auteurs confirment les réarrangements qui ont
permis la constitution du génotype Z de l'épidémie de
Hong Kong en 1997 et des épidémies subséquentes de
2001 et 2002. Les auteurs confirment également le
danger des infections inapparentes des canards et la
diffusion du virus dans toute la région qui le rend
pratiquement non éradicable. Ils identifient les
réarrangements introduisant de nouvelles protéines
internes du virus comme provenant des génotypes A,
B, C, D, E et X0.
La surveillance des marchés de volailles durant la
période d'étude indique un pic de contamination
lorsque les températures moyennes sont au dessous
de 20°. Au début, c'est surtout chez les oiseaux
aquatiques que les infections ont été constatées puis,
à partir de 2001, le virus est apparu de plus en plus
fréquemment chez les volailles terrestres, tout en
restant prédominant chez les canards.
A partir de 2002, huit nouveaux génotypes sont
apparus H5N1 V, W, X1, X2, X3, Y, Z et Z+). Les
génotypes A, C, D et E, et leur précurseur Gs/Gd ont
disparu. Actuellement neuf génotypes au moins sont
en circulation en Chine du Sud. Tous sauf Gs/Gd et
X0–X3 portent une délétion de cinq acides aminés (
aa 80–84) dans la protéine NS1. Les virus isolés à
partir de 2002 , sauf B, W et Z+, présentent une
délétion de 20aa dans la tige de la neuraminidase
NA (aa49–68). Il semble que cette délétion soit à
l'origine de l'adaptation aux volailles terrestres.
Depuis Janvier 2002, le génotype Z, possédant les
deux délétions dans NA et NS1 est devenu la souche
dominante en Chine du Sud. En Février 2003 des cas
humains de grippe H5N1 ont été diagnostiqués, les
premiers
depuis
1997
(A/HK/212/03
et
A/HK/213/03). Ces souches présentent la constellation
des gènes du génotype Z, mais sans la délétion dans
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
NA, d'où la désignation de Z+. Sur 62 isolats de 2003,
60 sont de ce type. Tous les isolats des épidémies
déclarées fin 2003-début 2004 en Indonésie, Thaïlande
et Vietnam sont de ce type. Les virus Z isolés en
Indonésie sont un peu à part et apparentés à ceux du
Yunnan.
Des échanges bidirectionnels ont permis
l'apparition de nouvelles souches H9N2 et un
mécanisme similaire pourrait donner prochainement
de nouveaux H5N1.
Il est remarquable que, depuis son émergence en
2002, le génotype Z ait pu, si rapidement, remplacer
les génotypes A–E, X et Y chez les volailles aquatiques
et terrestres dans la région.
L'examen des substitutions silencieuses ou non
dans les gènes des protéines internes du virus (sans
HA et NA pour lesquels l'immunogénicité est
importante) montre que les mutations dans chacun des
segments du génome réarrangé ont leur importance.
Ces mutations confèrent clairement un avantage
significatif aux nouveaux types de virus. Le gène M2
a été soumis à une pression de sélection forte en 20022003, mais plus faible après. Les gènes NS1 et NS2,
acquis fin 2000, ont également subi une pression de
sélection notable. Ces dernières données sont
intéressantes, car elles prouvent que l'adaptation du
génotype Z au poulet n'est pas achevée.
La résistance à l'amantadine, l'un des inhibiteurs
utilisés pour lutter contre les cas humains, est liée à la
présence de l'Asp31 de M2. Elle est présente dans
tous les génotypes Z de Thaïlande et du Vietnam,
mais seulement dans un des six virus isolés en
Indonésie en 2004. Asp31 a également été observée
dans certains génotypes B, Y et Z+. Cette distribution a
donc été acquise de façon indépendante plutôt que par
dérivation d'un unique gène M2.
Les substitutions Ser64Ala et Glu66Ala dans M2
ont également été observées chez les génotypes Z et
Z+ chez des souche aviaires très pathogènes à Hong
Kong en Décembre 2002, et des virus humains à
Hong Kong en Février 2003, ainsi qu'en Thaïlande et
au Vietnam en 2003–2004. Les autres génotypes Z,
dont ceux isolés en Indonésie et en Chine en 2003–
2004, conservent la Ser64 de la protéine M2. Cette
sérine est le site prédominant de phosphorylation de
la protéine M2. La mutation Ser64Ala ne modifie,
cependant, pas de façon claire le phénotype ni les
fonctions de M2. Le glutamate 66 n'a pas de fonction
connue. .
Les modifications de l'hémaglutinine HA n'ont pas
donné de renseignements clairs concernant la
transmission à l'homme. Il semble cependant que les
HAs de la plupart des génotypes Z isolé depuis la fin
de 2002 à Hong Kong, et deux des six isolats
d'Indonésie, de tous les isolats de Thaïlande, Vietnam
et du Yunnan fin 2003 et début 2004 aient acquis un
nouveau site de glycosylation aux positions 154–156.
Ce site est adjacent au site de fixation du récepteur
cellulaire et aux sites antigéniques de la pointe
globuleuse de la HA de H5. Il pourrait modifier la
reconnaisance cellulaire et permettre une évasion
immunitaire.
La lysine 627 de la protéine PB2 est associée à une
plus grande virulence du virus H5N1 pour la souris
et du virus H7N7 pour l'homme. Trois des quatre virus
H5N1 humains isolés au Vietnam présentent cette
mutation, mais pas le seul virus humain thailandais.
Parmi les isolats récents aucun ne porte de glutamate
92 dans NS1 qui est associé à une virulence accrue
pour le porc.
La dissémination de ce virus est liée à des oiseaux
migrateurs, car les génotypes Z ont été isolés d'un
certain nombre de ces oiseaux (Egrette Egretta
garzetta), hérons Ardea cinerea, mouette Larus
ridibundus, un pigeon et des moineux Passer
montanus, ainsi qu'un faucon pélerin Falco
peregrinus.
Pour l'instant le nombre de cas humain est très
restreint, vue la population qui y est exposée. Mais le
virus est maintenant endémique dans toute la volaille
locale. De plus les virus humains contemporains
H3N2 sont endémiques chez les porcs du sud de la
Chine, et peuvent facilement se réarranger avec les
H5N1 dans cet hôte intermédiaire entre volailles et
humains.
     
77. Les parvovirus sont les virus ADN ayant les
plus petits génomes, de l'ordre de 5 kb. On en trouve
quatre sous familles dont trois infectent les Vertébrés
Parvovirus, Erythrovirus et Dependovirus, plus les
Densovirus, infectant les invertébrés. Les Parvovirus
et Erythrovirus sont autonomes pour leur réplication.
Les dépendovirus (les Adéno-Associated Virus ou
AAV) dépendent, eux, des adénovirus ou des
herpèsvirus pour leur réplication.
Une mini-revue de M Vihinen-Ranta et al.; Journal
of Virology 78, n°13 (JUL04) 6709-6714 est consacrée
aux infections par les Parvovirus et AAVs. Elle
analyse les étapes successives du cycle viral. Comme
pour la plupart des virus non enveloppés, l'entrée dans
la cellule est mal connue.
Les AAV-2 et AAV-3 utilisent des héparane
sulfate comme récepteurs à faible affinité. Mais
l'AAV-2 reste infectieux pour des cellules dépourvues
de ces récepteurs. D'autres récepteurs potentiels de
l'AAV-2 sont l'intégrine V5 et le récepteur du FGF
(Fibroblast Growth Factor). AAV-4 et AAV-5 se lient
aux acides sialiques.
AAV-4 se lie à l'acide sialique 2-3, tandis que
l'AAV-5 se lie à la fois aux acides sialiques 2-3- et
2-6, etc… Les AAVs sont donc très éclectiques.
Le parvovirus B19 humain se réplique
uniquement dans lignée erythroïde grâce à un
récepteur globoside (antigène P). Mais lui aussi doit
posséder des récepteurs alternatifs. Et cela est vrai
pour tous ces virus, de plus la fixation du virion ne
signifie pas que l'infection peut se dérouler
normalement.
     
78. Le West Nile Virus (WNV) est préoccupant.
BL Fredericksen et al.; Journal of Virology 78, n°14
(JUL04) 7737-7747, analysent les mécanismes de lutte
contre ce virus et comment ce dernier les contourne.
Les auteurs montrent que la cellule utilise l'interféron
 et les gènes induits, au cours de la phase tardive,
par cette cytokine. Ce différé est dû au fait qu'IRF-3
(Interferon Regulatory Factor 3, (voir le Bulletin
d'Août §66).
13
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
L'activation de la voie IRF-3 n'est cependant pas
suffisante pour bloquer la réplication de virus, mais
limite la diffusion du virus.
     
79. Des chercheurs suisses montrent qu'il existe une
transmission naturelle dans les deux sens des
lentivirus de petits ruminants (comme celui de
l'arthrite-encéphalite caprine ou le Maedi-Visna) entre
la chèvre et le mouton. C Shah et al.; Journal of
Virology 78, n°14 (JUL04) 7518-7522.
Ce sont des causes d'infections inflammatoires
persistantes. Leur transmission peut avoir lieu par
contact prolongé entre adultes mais également via le
lait entre la mère et les petits. Le transfert se manifeste
dans les séquences provirales (intégrées) du virus au
niveau des gènes gag et pol.
     
80. Francisella tularensis, un des agents potentiels
du bioterrorisme, car très infectieux, est une bactérie
intracellulaire, donc difficile d'accès. On connaît
quatre sous-espèces qui diffèrent par leurs écologies
différentes, leur distribution géographique ainsi que
par leur virulence.
Pour essayer de trouver des traces génomiques de
cette différence entre les sous-espèces américaines,
MM Samrakandi et al.; FEMS Microbiology Letters
237 (01AUG04) 9-17 ont utilisé un réseau basé sur
une bibliothèque shotgun de la souche de référence
Francisella tularensis subspecies tularensis.
Les auteurs ont détecté 13 segments contigus
différents qui manquent spécifiquement chez toutes
les souches de la sous-espèce Francisella tularensis
subspecies holarctica analysées. Ceci est lié à des
évènements de transposition. La comparaison de la
souche vaccinante vivante dérivant de cette souche
montre également trois délétions propres à ce vaccin.
     
81. ### La paratuberculose bovine, une entérite
granulomateuse fatale, est due à la bactérie
intracellulaire facultative Mycobacterium avium
subsp. paratuberculosis. Cette bactérie peut également
s'attaquer aux monogastriques (volailles et porcs) et
pourraient être en cause dans la maladie de Crohn
toujours aussi énigmatique. Elle réside dans le
phagosome ou les endosomes "jeunes" des
macrophages, tout particulièrement ceux associées
aux plaques de Peyer de l'intestin. Elle pénètre par les
cellules M intestinales, à la surface desquelles elle
reconnaît certaines protéines. L'infection persiste
pendant plusieurs années notamment au niveau de la
valvule iléo-cæcal et les ganglions lymphatiques
voisins subissent une hyperplasie.
Une revue sur cette bactérie pathogène comparant
son infection avec celle d'autres mycobactéries vient
de paraître. PM Coussens et al.; Infection & Immunity
72 (JUN04) 3089-3096. Les auteurs décrivent un
modèle qu'ils considèrent comme plausible de
l'infection.
L'essentiel de la revue porte sur le comportement du
système immunitaire qui semble central dans la
pathologie.
     
82. Dans l'intestin, les nodules lymphoïdes, qu'ils
soient dispersés ou agrégés en plaques de Peyer, sont
des sites où la reconnaissance des antigènes de la
14
lumière intestinale et où la réponse immunitaire
s'amorcent. Les cellules M de l'épithélium couvrant
ces nodules sont spécialement différenciés pour
capturer et transporter les antigènes et notamment les
bactéries elles-mêmes à travers la barrière épithéliale.
Les plaques de Peyer du tractus intestinal des autres
mammifères et le jéjunum des ruminants, sont des
organes lymphoïdes secondaires où des réponses
immunitaires ont lieu, mais pas une différenciation,
tandis que les plaques de Peyer continues de l'iléon
des ruminants sont de vrais organes lymphoïdes
primaires où le développement des cellules B a lieu.
La fixation et l'incorporation de Mycobacterium avium
subsp. paratuberculosis dans l'intestin a été analysées
par une autre équipe. TE Secott et al.; .Infection and
Immunity 72 (JUL04) 3724-3732.
Dans les cellules épithéliales en culture, la FAP-P
(Fibronectin Attachment Protein homologue Protein)
permet à M. avium subsp. paratuberculosis l'invasion
des plaques de Peyer via les cellules M de l'iléon
distal qui, contrairement aux autres cellules
intestinales, expriment des intégrines sur leur face
apicale. Beaucoup de bactéries Gram+ expriment des
protéines de surface appelées adhésines. Celles-ci
reconnaissent différents composants de la matrice
extracellulaire tout particulièrement la fibronectine.
Cette protéine multifonctionnelle circulante peut se
lier, à la fois, aux cellules et aux bactéries, permettant
ainsi l'adhérence des bactéries. Ses interactions avec
les intégrines déclenche, en sus, des signaux
intracellulaires pouvant faciliter la pénétration.
C'est ce qui se passe pour M.avium subsp.
paratuberculosis au niveau des cellules M de la partie
distale de l'iléon du veau.
     
83. La peste est causée Yersinia pestis qui partage
avec Y.enterocolitica et Y.pseudotuberculosis un
plasmide de 70 kb porteur des gènes de protéines de
virulence sécrétées (Yops, voir le §84), de régulation
et de sécrétion (LcrV). La bactérie est représentée par
plusieurs biovars : antiqua, mediaevalis et orientalis.
Elles dérivent, respectivement, des pandémies de
Justinien (5° et 6° siècle), de la peste noire du 13° au
16°siècle) et de la peste moderne (depuis 1870). On
les distingue par leurs capacités à fermenter le
glycérol et la réduction des nitrates. Deux de ces
biovars ont été séquencés : CO92 (biovar orientalis)
et KIM (biovar mediaevalis).
Le biovar antiqua est probablement un résident
d'Afrique et descend de la pandémie de Justinien. Le
biovar mediaevalis est issu d'Asie centrale et dérive
de l'agent de la peste noire, tandis que le biovar le plus
récent, orientalis, est originaire de la Chine du sud. Il
n'est donc pas étonnant que les militaires chinois
s'intéressent à ces souches. Ils viennent de caractériser
moléculairement un nouveau biovar, appelé microtus
car ce rongeur en est le vecteur. D Zhou et al.; Journal
of Bacteriology 186,n°15 (AUG04) 5147-5152.
Le même groupe, D Zhou et al.; p. 5138-5146, a
caractérisé la microévolution de Yersinia pestis en
liaison avec l'adaptation à des niches particulières
en utilisant des microréseaux. Ils constatent une
dynamique non négligeable, malgré la persistance très
longue de ces souches, dont on peut retracer l'histoire
sur plusieurs siècles. Il semble que Y.pestis ait dérivé
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
de Yersinia pseudotuberculosis en un pathogène
mortel. Si les transmissions horizontales de gènes
semblent avoir eu fréquemment lieu provoquant une
ségrégation spectaculaire de biovars et genomovars,
Y.pestis semble avoir surtout subi des pertes de
segments de son ADN. Leurs données indiquent que
le biovar moderne (orientalis) est issu de la province
du Yunnan et qu'il ait dérivé du biovar antiqua,
plutôt que de mediaevalis.
     
85. La peste bubonique est transmise par les
puces. On vient de montrer qu'un nématode comme
Caenorhabditis elegans en est un vecteur
involontaire dans le sol; quand il traverse un parterre
de ces bactéries il est littéralement englué par elles
grâce à sa constitution en biofilm. C'est également le
cas pour les puces dont elle englue tout le tube
digestif, l'empêchant de se nourrir. L Tan et al.;
Journal of Bacteriology 186,n°15 (AUG04) 50875092.
     
87. ER Mulcahy et al.; Journal of Virology 78, n°13
(JUL04) 6792-6798 montrent que la transmission du
prion au muscle à partir du système nerveux a bien
lieu au niveau de la synapse neuromusculaire. Ils
l'ont montré dans des muscles squelettiques et au
niveau des papilles de la langue pour la souche HY du
prion de l'encéphalite transmissible du vison. Il y
aurait là une nouvelle voie de dissémination. En ce qui
concerne les muscles, le consensus actuel est que le
risque est, dans ce cas, limité, mais des personnes
comme moi-même qui apprécie la langue de bœuf ont
été exposées au prion (il n'y a qu'à attendre la
confirmation).
     
88. Des anticorps monoclonaux contre des
épitopes comprenant les acides aminés 96-104 et 133158 de PrPC inhibent fortement la conversion de
PrPC en PrPSC, probablement en empêchant la
formation de l'hétérodimère entre les deux protéines.
Ces épitopes ont donc la conformation adéquate pour
assurer cette dimérisation et, si on les transplante dans
une protéine adéquate comme un anticorps, on devrait
pouvoir détecter les molécules de PrP SC. Des
chercheurs du Scripps Research Institute ont vérifié
cette hypothèse en utilisant les séquences de PrP C des
acides aminés 89-112 ou 136-158 pour remplacer la
partie hypervariable (CDR-3) de la chaîne lourde d'un
anticorps contre autre chose.
     
Les animaux transgéniques
89. Une revue sur les transgenèses du bétail est
parue dans AJ Thomson et al.; Molecular
Biotechnology 27 (JUL04) 231-244. Les auteurs
appartiennent au Roslin Institute.
     
Les Productions Microbiennes
90. La stabilisation de vecteurs plasmidiques sans
utilisation d'une sélection par antibiotiques. Des
chercheurs suédois décrivent une sélection évitant la
réprobation engendrée par cette pratique. Le plasmide
vecteur exprime le petit gène infA codant le facteur
d'initiation de la traduction IF1. On exprime les
vecteurs dans des Escherichia coli dépourvues de ce
gène, ce qui assure la disparition des cellules ayant
perdu le vecteur sans avoir à utiliser d'antibiotiques de
sélection et de gènes de résistance. P Hagg et al.;
Journal of Biotechnology 111 (01JUL04) 17-30.
     
91.### On trouvera dans MR Parsek et al.; Journal
of Bacteriology 186, n°14 (JUL04) 4427-4440, un
compte-rendu du colloque sur les biofilms qui s'est
tenu du 1° au 6 Novembre 2003 à Victoria au Canada.
C'est il y a une dizaine d'années qu'on a pris en compte
le fait que les bactéries ne vivent pas généralement en
suspension mais fixées à des supports qui leur évite
d'être emportées loin de leur casse-croûte.
Une des difficultés dans ces études est l'absence de
standardisation des méthodes. De plus ces études
font appel à des disciplines parfois éloignées de la
microbiologie
proprement
dite
comme
la
physicochimie des surfaces, les sciences de
l'ingénieur, etc…
Une des caractéristiques marquantes des biofilms
est que les bactéries qui les forment sont
sensiblement plus résistantes aux antimicrobiens au
sens large que les mêmes sous la forme planktonique.
On admet que c'est une combinaison de trois facteurs
qui intervient, avec les problèmes de pénétration des
agents, les modifications du métabolisme bactérien et
la variabilité génétique au sein de ces populations.
La pénétration des agents est variable, car elle est
liée à la nature des exopolysaccharides qui
constituent la matrice extracellulaire. Ainsi, dans les
films
de
Pseudomonas
aeruginosa,
les
fluoroquinolones pénètrent bien, tandis que les
aminoglycosides sont piégés par les alginates et divers
glucanes. Cette matrice n'est pas forcément un
obstacle mécanique pour les défenses immunitaires,
car les leucocytes humains pénètrent dans les biofilms
de P.aeruginosa, Staphylococcus aureus et
Staphylococcus epidermidis, et des P.aeruginosa
dépourvus du système de quorum sensing sont plus
sensibles aux polynucléaires neutrophiles et des
Pantoea stewarti dans ce cas sont relativement inaptes
à former un biofilm. Par ailleurs et inversement, un
traitement de P aeruginosa PA14 planctoniques par
des antibiotiques semble sélectionner des variants
hyperformateurs de biofilms. E Drenkard; Microbes
& Infections 5, n°13 (NOV03) 1213-1219. Ceci
semble lié à l'intervention d'un régulateur de
transcription PvrR qui assure le basculement de ce
phénotype vers le type normal. Le couplage entre
résistances contre les antibiotiques et formation de
biofilms doit être examiné avec prudence car on a
montré, que le gène plasmidique TEM-1 codant une lactamase à large spectre, a un effet inhibiteur sur la
formation de biofilms. Et cela est valable pour d'autres
gènes de résistance à l'ampicilline et n'ets pas dû à un
hasard.
Le métabolisme dans un biofilm est probablement
différent de celui à l'état planctonique du fait des
gradient nutritionnels, de sorte que les cellules les plus
profondes sont à l'état stationnaire, ce qui les rend, en
passant, moins sensibles à certains antibiotiques. La
limitation en oxygène dans les biofilms joue
15
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
également un rôle dans la résistance à divers
antibiotiques
comme
tobramycine
(un
aminoglucoside),
ciprofloxacine
(une
fluoroquinolone),
carbenicilline,
ceftazidime,
chloramphénicol ou tétracycline (G Borriello et al.;
Antimicrobial agents & Chemotherapy 48 (JUL04)
2659-2664).
Même la nature des polysaccharides constituant la
matrice est encore sujette à controverse. Chez des
souches non mucoïdes de P.aeruginosa ont pensait
qu'elle est constituée d'alginate (un polysaccharide
formé d'acides mannuronique et guluronique). En
fait, on a découvert que la production d'un autre
polysaccharide formé de mannose et de glucose est
codée par un locus particulier appelé psl. Cette
multiplicité des polysaccharides est probablement un
fait général.
L'architecture du biofilm de P.aeruginosa, avec ses
champignons caractéristiques, indique que la tige et le
chapeau ne sont pas constitués des mêmes populations
(très belle figure). En effet un mélange à parties égales
de mutants non mobiles et de bactéries normales
entraîne la formation des pieds par les mutants non
mobiles, tandis que les chapeaux sont constitués par
les bactéries normales (M Klausen et al.; Molecular
Microbiology 50 (OCT03) 61-68).
Par ailleurs, chez la souche modèle PAO1 de cette
bactérie, le bactériophage PF1-like finit par tuer les
plus vieilles cellules à l'intérieur du biofilm (JS Webb
et al.; Journal of Bacteriology 185, n°15 (AUG03)
4585–4592. C'est également le cas pour Serratia
marcescens, Vibrio cholerae et Pseudoalteromonas
tunicata. (A Mai-Prochnow et al.; Applied &
Environmental Microbiology 70 (JUN04) 3232-3228).
Les effets de l'inhibition du quorum sensing
continuent à être explorés. L'outil souvent utilisé est
l'inhibiteur furanone halogénée de l'algue rouge
Delisea pulchra (voir le Bulletin d'Août 2003 §35)..
Même si on n'a pas le droit (il parait!!!) de parler de
différenciation dans un biofilm, il n'en reste pas moins
qu'il existe une diversification phénotypique qui est,
probablement, une réponse particulière aux diverses
niches dans un biofilm.
Une observation intéressante est la répression, dans
les biofilms, de tous les îlots de pathogénicité de
Staphylococcus aureus sauf un, ce qui pourrait
correspondre à la transition de l'invasion à la
chronicité. D'autres travaux, chez Escherichia coli,
montrent que l'expression de gènes de stress extracytoplasmique, comme l'opéron psp ou des éléments
des voies cpx et rpoE sont des marqueurs de l'état
"biofilm".
Les interactions interspécifiques dans les biofilms
composites, qui sont fréquents, ont été étudiées chez
des bactéries pathogènes comme P. aeruginosa et
Burkholderia cepacia dans un même biofilm.
Curieusement, alors que P.aeruginosa soit capable de
répondre à une addition du signal de B.cepacia
(octanoyl-homosérine lactone) on n'a pas de trace
d'une réponse en co-culture dans un biofilm. Cela doit
être comme pour les odeurs une habituation.
Par ailleurs, l'amorce d'une symbiose de
légumineuses avec des bactéries rhizobiennes comme
Sinorhizobium meliloti implique l'intervention de
plusieurs facteurs dans la colonisation des surfaces
16
abiotiques et don quelque chose qui ressemble à la
formation d'un biofilms.
     
92.
Les
catalases
Mn-dépendantes
(pseudocatalases) thermostables sont industriellement
intéressantes pour leurs capacités à éliminer le
peroxyde d'hydrogène, par exemple dans le
traitement des textiles pour éviter des problèmes de
teinture ultérieurs ou dans le lait après stérilisation par
le peroxyde. On a essayé de produire une telle enzyme
en provenance de la bactérie hyperthermophile
Thermus thermophilus dans l'hôte commode qu'est
Escherichia coli. Mais si l'enzyme est produite elle
n'est pas fonctionnelle alors que d'autres protéines
thermostables le sont.
Des chercheurs espagnols ont donc sur exprimé
l'enzyme directement dans T. thermophilus HB8 grâce
à un promoteur inductible par l'anoxie et les nitrates
de la nitrate réductase respiratoire de la bactérie.
A Hidalgo et al.; Applied & Environmental
Microbiology 70 (JUL04) 3839-3844. C'est donc un
hôte alternatif pour l'expression de protéines de
thermophiles que les mésophiles comme Escherichia
coli ne savent pas fabriquer sous une forme
fonctionnelle. Or quatre de ces catalases à Mn sur cinq
sont des enzymes thermophiles issues des bactéries
Thermus
YS8-13,
Thermus
thermophilus,
Thermoleophilum album et Pyrobaculum calidifontis
(la cinquième est présente chez le mésophile
Lactobacillus plantarum).
Ceci dit, la production dans une bactérie mésophile
est souvent préférable, car l'étape de la purification est
facilitée par une dénaturation thermique des protéines
de l'hôte. Mais la production dans des hôtes
thermophile est probablement requise pour diverses
raisons, dont la nécessité de chaperones pour assurer
une conformation correcte et l'insertion de co-facteurs,
par exemple.
     
93. Des chercheurs de Grignon ont caractérisé deux
-1,6-mannosyltransférases de Yarrowia lipolytica
et qui sont les homologues de Anp1p et Och1p de
Saccharomyces cerevisiae qui viennent s'ajouter à
YlMnn9p et participent à la N-glycosylation et à la
stabilisation de la paroi. S Barnay-Verdier et al.;
Microbiology 150 (JUL04) 2185-2195.
     
94. La production microbienne de mono- et
diterpénoïdes peut être de grand intérêt sur le plan
industriel. Leur production chez Escherichia coli, est
limitée par la quantité de géranyle diphosphate
(GPP) et géranylgéranyle diphosphate (GGPP),
précurseurs du polyprényle diphosphate. Des
chercheurs de Berkeley ont bâti des opérons artificiels
codant trois enzymes clés de la voie de synthèse de
ces précurseurs : 1-déoxy-d-xylulose-5-phosphate
synthase, IPP isomérase d'Haematococcus pluvialis et
l'un de deux variants de IspA, la farnésyle
diphosphate synthase donnant soit du GPP ou du
GGPP. Après avoir démontré que l'on fabrique alors
assez de précurseurs, les auteurs ont incorporé soit une
diterpène cyclase du ricin (Ricinus communis) et une
ent-kaurène cyclase de Phaeosphaeria sp. L487 (un
champignon phytopathogène) ou une monoterpène
cyclase de l'épicéa (Picea abies). On peut ainsi
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
produire in vivo les diterpènes casbène, kaur-15-ène,
kaur-16-ène et les monoterpènes -pinène, myrcène,
sabinène, 3-carène, alpha-terpinène, limonène, betaphellandrène, et terpinolène. KK Reiling et al.;
Biotechnology & Bioengineering 87 (20JUL04) 200212.
     
95. On trouvera, dans DJ Adams; Microbiology 150
(JUL04) 2029-2035, une revue sur les chitinases et
glucanases pariétales des champignons et de la levure
et la régulation de leurs productions.
     
96. Des chercheurs de Taiwan polymérisent
l'hémoglobine, après pyridoxylation, avec la
reuterine
(3--hydroxypropionaldéhyde)
de
Lactobacillus reuteri, ce qui en fait un substitut
potentiel du sang. YC Chen et al.; Biotechnology &
Bioengineering 87 (05JUL04) 34-42. On peut le faire
en pontant avec la glutaraldéhyde, mais le procédé est
trop efficace et on n'arrive pas à bien contrôler la taille
des polymères, ce qui fait que l'hémoglobine prend en
gel. De plus la glutaraldéhyde résiduelle est quand
même cytotoxique (justement du fait de son efficacité
de pontage). Or la reuterine est également un agent de
pontage, mais apparemment plus souple
     
97. G Wilharm et al.; BMC Microbiology 4
(12JUL04) 27 montrent que les Yersinia pathogènes
disposent d'un système de transport de protéines
sous leur conformation finale, contrairement à ce qui
se passe pour le système III où l'aiguille d'injection a
un diamètre intérieur 2-3 nm, ce qui suppose un
déroulement de la protéine au cours du transport.
     
Les Protéines et les Enzymes
98. Les désaturases jouent un grand rôle dans la
nécessaire diversité des acides gras. Leurs
spécificités (substrat et localisation de la double
liaison induite) a évolué en parallèle avec des
mutations au niveau du site actif. Mais une idée qui est
assez récemment apparue est que cette spécificité
dépend également du métabolisme ambiant,
ajoutant un degré de souplesse et d'adaptation.
Quand on transplante dans le cytoplasme la 16:07
désaturase FAD5 (ADS3) plastidiale d'Arabidopsis,
c'est une désaturation 9 au lieu de 7 que l'on
observe.
Inversement,
deux
désaturases
cytoplasmiques 16:0 9 (ADS1 et ADS2) transférées
dans le chloroplaste, entraînent une désaturation
passant de 9 à 7. Ces trois désaturases sont toutes
9 chez la levure, où les produits désaturés sont pour
l'essentiel, greffés sur la phosphatidylcholine. La coexpression, chez la levure, de chacune des enzymes
avec la monogalactosyldiacylglycérol (MGDG)
synthase du concombre provoque une désaturation
7, les acides gras 16:17 s'accumulant
spécifiquement dans les MGDG chloroplastiques. Le
corps (head group) du lipide agît comme un
basculeur moléculaire dans cette spécificité de site
de désaturation. La spécificité de la FAD5 7 est liée
au ciblage qui implique l'addition d'un peptide de
transit à la 9 désaturase cytoplasmique dans ce but.
C'est ce dernier, plutôt que des mutations dans le site
actif des FADs en général qui est responsable de ces
différences de comportement.
Or le génome d'Arabidopsis montre qu'il existe 239
familles de protéines dont les membres peuvent avoir
des localisations alternatives dans la cellule. Ceci
suggère que cette souplesse est beaucoup plus
générale qu'on ne l'admet. Une telle distribution
d'enzymes mono- ou multifonctionnelles accroît donc
les possibilités métaboliques sans gaspiller des
séquences
génomiques.
I Heilmann
et
al.;
Proceedings of the National Academy of Sciences USA
101 (13JUL04) 10266-10271.
     
98.bis ### La difficulté pour des réactions
enzymatiques nécessitant des cofacteurs n'est pas
d'immobiliser ces complexes, mais de régénérer le
cofacteur. Beaucoup d'oxydoréductases peuvent
catalyser des productions industrielles comme la
production de composés chiraux, d'amino-acides, de
stéroïdes, etc… Mais il faut leur fournir leurs
cofacteurs pyridine nucléotides (NAD ou NADP) en
quantités stœchiométriques, ce qui, vu le prix de ces
cofacteurs, est prohibitif. Si on peut réduire
sensiblement cette fourniture on peut ouvrir des
possibilités intéressantes. La régénération du NAD se
fait, classiquement, via une formate déshydrogénase
(cas de Degussa pour la production de L-tert-leucine
qui est le seul procédé industriel actuel), et du NADP
via une glucose déshydrogénase. On consultera avec
profit la revue de WA van der Donk et al.; Current
Opinion in Biotechnology 14 (AUG03) 421-426
analysée dans le Bulletin d'Octobre 2003 §98.
     
99. La cellobiohydrolase Cel48C de Paenibacillus
sp. BP-23 est une enzyme ayant une activité limitée
sur la plupart des substrats cellulosiques. Si on
l'associe à d'autres endo- ou exocellulases
bactériennes ont augmente significativement cette
activité. Il peut s'agir de l'endoglucanase endogène
Cel9B (codée par le gène voisin sur le chromosome)
ou des cellulases Cel6A (endo-) et Cel6B (exo-) de
Thermobifida fusca. Il y a donc synergie entre ces
diverses enzymes. La synergie maximale est observée
avec Cel9B et Cel48C de Paenibacillus BP-23,
associées à l'exocellulase Cel6B de T.fusca. On peut
regrouper tout cela dans une seule bactérie
recombinante. MM Sanchez et al.; Biotechnology &
Bioengineering 87 (20JUL04) 161-169.
     
100.
L'hydroxytyrosol
(3,4-dihydroxyphényléthanol) est un polyphénol naturel de l'olivier
qui a la plus forte capacité de protection contre les
radicaux libres de tous les composés anti-oxydants
naturels. Il est vendu sous des marques différentes
pour les aliments (jus de tomate, beurre, huiles
végétales) ou les crèmes pour la peau.
Des chercheurs italiens ont produit, avec une grande
pureté, d'hydroxytyrosol à partir de feuilles d'olivier,
en utilisant une -glycosidase hyperthermophile
semi-purifiée immobilisée sur chitosane. R Briante et
al.; Journal of Biotechnology 111 (01JUL04) 67-77.
Cette -glucosidase permet de libérer l'aglycone de
17
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
,
l'hydroxytyrosol 4--D-glucoside auquel il est
couplé. On peut également l'utiliser sur les effluents
de moulins à huile qui sont très polluants et
contiennent de l'oleuropéine qui peut être convertie.
Les polyphénols les plus abondants de l'huile d'olive
sont, en effet, les aglycones non polaires oleuropéine
et
ligstroside
et
les
molécules
polaires
hydroxytyrosol et tyrosol. Le procédé avait été décrit
par le même groupe en tirant parti de la fixation du
produit par le chitosane. R Briante et al.; Journal of
Biotechnology 93 (14FEB02) 109-119.
     
101. Clostridium cellulovorans dégrade les parois
végétales en utilisant des enzymes cellulolytiques
contenues dans des cellulosomes, complétées par des
enzymes ancillaires libres. Le cellulosome comporte
un axe protéique non enzymatique constitué par la
protéine CbpA (alias CipA) sur laquelle sont greffés
les sous-unités catalytiques grâce à séquence
dupliquée appelée domaine dockerine qui reconnaît le
motif hydrophobe cohésine de CbpA. Il y a
manifestement des synergies entre elles. Des
chercheurs de Davis et de Kyoto ont analysé l'attaque
de cellobiose, cellulose, pectines, xylanes, fibres des
raffles de maïs seuls ou en mélange.
L'induction de l'expression des deux types
d'enzymes dépend fortement du substrat offert. Les
enzymes du cellulosome en sont plus dépendantes.
Ceci explique que l'induction est plus générale en
présence de substrats mixtes (qui sont la condition
naturelle). Comme d'habitude on a une différence
nette entre cellulose (le polymère) et cellobiose (un
disaccharide). SO Han et al.; Journal of Bacteriology
186,n°13 (JUL04) 4218-4227.
Le fait que l'enzyme cellulosomique EngB a une
forte homologie, dans sa partie N-terminale avec
l'endoglucanase non-cellulosomique a facilité le suivi
de l'expression jusqu'au stade protéine de ces diverses
enzymes.
     
102. Les catéchols substitués, tout spécialement
ceux
substitués
en
3
(3-méthoxycatéchol,
méthoxyhydroquinone ou méthylhydroquinone) sont
utilisés comme point de départ de synthèses de
différents médicaments, mais sont difficiles et coûteux
à produire car ils le sont avec un mauvais rendement
et impliquent des opérations de blocage et déblocage
successifs de fonctions.
La toluène 4-monooxygénase non hème (T4MO)
de Pseudomonas mendocina KR1 peut réaliser trois
hydroxylations successives, et assurer la conversion
du benzène en phénol, catéchol puis 1,2,3trihydroxybenzène. Ceci correspond à trois
hydroxylations du cycle aromatique en des sites
différents (régiospécifiques). Cette enzyme a, en fait,
un spectre de substrats beaucoup plus étendu. Elle
permet l'oxydation de l'o-crésol en 3-méthylcatéchol
(91%) et méthylhydroquinone (9%), l'oxydation du m-
18
crésol et p-crésol en 4-méthylcatéchol (100%), ainsi
que le o-méthoxyphénol en 4-méthoxyrésorcinol
(87%),
3-méthoxycatéchol
(11%)
et
méthoxyhydroquinone (2%). L'enzyme présente une
structure quaternaire de type ()2.
Y Tao et al.; Journal of Bacteriology 186,n°14
(JUL04) 4705-4713 ont travaillé la protéine aux
alentours du site catalytique à fer, notamment
Ileu100, Gly103 et Ala107 de la sous-unité  de
l'hydroxylase (TmoA). Ils se sont basés sur ce que l'on
sait de la toluène o-monooxygénase apparentée de
Burkholderia cepacia G4 et du mutant déjà connu
Gly103Leu de T4MO pour modifier le spectre de
substrat et l'efficacité sur o-crésol et ométhoxyphénol, car ce sont ceux dont les produits
hydroxylés sont les plus intéressants. (Voir également
le Bulletin d'Août §127 avec une publication du même
groupe).
Les auteurs montrent que le variant TmoA
Gly103Ala/Ala107Ser donne à 98% du 3méthylcatéchol deux fois plus vite que l'enzyme de
départ. Il produit du 3-méthoxycatéchol à 82% à partir
de o-méthoxyphénol sept fois plus vite. Le mutant
Gly103Ser/Ala107Thr produit à 92% de la
méthylhydroquinone à partir d'o-crésol quatre fois
plus vite. Gly103Ser produit quarante fois plus de
méthoxyhydroquinone à partir d'o-méthoxyphénolet
de la méthylhydroquinone (80%) à partir d'o-cresol.
On peut donc facilement (??) orienter la
régiospécificité de l'enzyme. De plus les résultats cités
montre qu'on peut obtenir une enzyme orthohydroxylante (Gly103Ser/Ala107Gly). Le variant
Gly103Ser/Ala107Thr convertit la totalité du toluène
en p-crésol et c'est donc une très bonne enzyme parahydroxylante. Les hydroxyles des acides aminés
Ser103, Ser107 et Thr107 influence la nature du
substrat préféré par leurs liaisons hydrogènes.
     
103. ### Des chercheurs coréens ont caractérisé le
gène d'une glucoamylase thermostable de l'archée
hyperthermophile Sulfolobus solfataricus (ssg).
MS Kim et al.; Applied & Environmental
Microbiology 70 (JUL04) 3933-3940. Exprimé chez
Escherichia coli les propriétés de l'enzyme ont été
établies. Elle est très thermostable et sa Topt est de
90° et son pHopt est dans la fourchette 5,5 à 6,0, c qui
en fait une enzyme bien adaptée à la production de
sirops de glucose à partir de l'amidon, évitant d'avoir à
ajuster pH et température dans la chaîne des
conversions. Elle a pour substrat préféré le maltotriose
(celui qui résulte de l'activité des pullulanases).
On a déjà cloné plusieurs -amylases très
thermoactives à partir d'archées hyperthermophiles
comme Sulfolobus, Pyrococcus, et Thermococcus,
mais les glucoamylases sont très rares chez les
archées.
     
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
L'Agroalimentaire
104. Les composants majeurs de l'arôme des
fromages à pâte cuite dont le caillé est chauffé
pendant un certain temps à 50° dérivent du
catabolisme des acides aminés ramifiés (3méthylbutanal, acides isobutyrique, isovalérique et
leur esters) de la méthionine (méthional, méthanethiol
et diméthyl trisulfure) ainsi que de la phénylalanine
(phénylacétaldéhyde et acide phénylacétique). Ainsi
l'acide isobutyrique apporte la note douce et l'acide
isovalérique la note forte au fromage, tandis que le 3méthylbutanal confère un arôme "malté" et l'acide
phenylacétique et le phénylacétaldéhyde une note
fruitée.
Par contre le méthional et les composés dérivant du
tryptophane comme l'indole, sont désagréables au
dessus d'un certain seuil.
Des chercheurs de l'INRA à Jouy, associés à
Entremont, analysent les capacités des bactéries
lactiques thermophiles utilisées dans ces fromages à
convertir les acides aminés en arômes. S Helinck et
al.; Applied & Environmental Microbiology 70
(JUL04) 3855-3861. On sait que ces bactéries en sont
capables, mais les voies cataboliques exactes de
production ne sont pas vraiment connues.
Les auteurs ont examiné les capacités de
Lactobacillus delbrueckii subsp. lactis, Lactobacillus
helveticus et Streptococcus thermophilus (qui sont les
composants majeurs de la flore, en sus des
propionibactéries de ces fromages) à produire ces
arômes à partir de leucine, phénylalanine et
méthionine à pH 5,5, celui de la maturation de ces
fromages.
Chez les trois bactéries, la voie catabolique
commence par une transamination qui donne l'céto-acide correspondant. Ceci suppose la présence
d'un -céto-acide accepteur du groupement amine
comme
l'-cétoglutarate
(-KG).
Seul
S.thermophilus
possède
une
glutamate
déshydrogénase donnant de l'-KG à partir du
glutamate, de sorte que c'est la seule bactérie des trois
qui peut cataboliser ces acides aminés sans apport
exogène d'-KG. Par contre et à cette condition la
production des composés aromatiques comme acides,
aldéhydes et alcools est plus variée avec les
Lactobacillus. L. helveticus produit surtout des acides
à partir de leucine et phénylalanine, tandis que
L.delbrueckii subsp. lactis donne surtout des alcools et
des aldéhydes. L.delbrueckii subsp. lactisutilise une cétoacides décarboxylase, donnant des aldéhydes qui
sont ensuite oxydés ou réduits. Chez L. helveticus et S.
thermophilusla production des acides est liée à
l'activité d'une -céto-acide déshydrogénase donnant
des acyle coenzymes A.
     
105. La RAPD-PCR a été utilisée par des
chercheurs de Lodi pour analyser des starters
lactiques commerciaux, et plus particulièremnt pour
analyser leur évolution au cours du temps. Il y a
effectivement une évolution d'une année sur l'autre
dans la composition de ces starters. Il semble qu'il y
ait eu une introduction volontaire mais aussi une
évolution spontanée. Il n'est pas sûr que cette
évolution ait un effet bénéfique sur la production des
fromages. G Giraffa et al.; FEMS Microbiology
Letters 237 (01AUG04) 133-138.
     
106. On estime que la fermentation du vin est
amorcée par des levures dites apiculées comme
Kloeckera et Hanseniaspora. Elles ne peuvent
subsister que deux à trois jours et disparaissent ensuite
du fait de l'accumulation d'éthanol qu'elles ne
supportent pas, laissant la place aux Saccharomyces
cerevisiae beaucoup plus tolérantes. Mais la
persistance des levures initiales dépend de la
température de fermentation de l'abondance de
S.cerevisiae concurrentes et de la présence du SO2.
Mais les levures comme Brettanomyces et
Zygossacharomyces, polluants du vin sont aussi
résistantes que S.cerevisiae.
Cette résistance est liée à la capacité des levures à
réorganiser les lipides de la membrane plasmique
face au stress éthanolique.
Des chercheurs portugais ont mesuré cette
résistance chez Hanseniaspora guilliermondii, H.
uvarum, Torulaspora delbrueckii, Debaryomyces
hansenii après des "préparations" différentes
(aérobiose, anaérobiose, nutrition lipidique, etc…)
ainsi que l'incorporation de lipides et stérols dans les
membranes. C Pina et al.; Food Microbiology 21
(AUG04) 439-447.
Ils ont constaté que, dans les conditions utilisées,
Hanseniaspora guilliermondii présente une tolérance
à l'ethanol du même ordre que S.cerevisiae, et très
différente de la levue apiculée voisine, H.uvarum. Un
petit accroissement de la tolérance est observé pour
H.uvarum et Torulaspora delbrueckii après une
culture en aérobiose. La croissance de ces levures en
présence d'ergostérol et d'une source d'acide oléique
(Tween 80) n'a pas d'effet très notable, bien que ces
composants soient incorporés dans la membrane.
Debaryomyces hansenii n'est pas capable de les
utiliser et ne montre aucune amélioration de la
tolérance. L'oxygénation peut avoir, pour certaines des
levures un effet favorable (voir le Bulletin d'Août
§106), mais pas pour toutes.
     
107. Des chercheurs de Dijon décrivent, dans
C Beltramo et al.; FEMS Microbiology Letters 236
(01JUL04) 53-60, un nouveau vecteur, pGID052,
utilisable pour les transferts de gènes chez
Oenococcus oeni.
g est la bactérie responsable de la fermentation
malo-lactique du vin. C'est une bactérie très
réfractaire à toute transformation, mais le transfert
conjugatif du plasmide pGID052 de Lactocccus lactis
vers O.oeni est possible. Ce plasmide dérive du
plasmide pORI19, et comporte l'origine de réplication
oriT de pIP501 (qui permet le transfert dans O.oeni),
les gènes de réplication d'un plasmide de Leuconostoc
citreum. Le vecteur est stable à faible
nombred'exemplaires.
     
109. ### On trouvera, par ailleurs, dans S Gouin;
Trends in Food Science & Technology 15 (JULAUG04) 330–347, de Danisco, une revue sur les
19
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
technique de microencapsulation avec un évaluation
des techniques existantes et des tendances dans le
domaine beaucoup plus qu'une description des
techniques elles-mêmes.
C'est un moyen de délivrer les ingrédients de façon
contrôlée, ce qui les rend plus efficaces à une dose
donnée, et élargit leur spectre d'utilisation. Des
additifs instables comme des vitamines, arômes et
autres substances volatiles peuvent ainsi être plus ou
moins stabilisés.
L'une des exigences est le coût du procédé qui doit
être maintenu le plus bas possible de l'ordre de 0,1
Euro par kg dans l'industrie alimentaire (c'est ce que
tolère le consommateur final pour une amélioration
technique pour une portion).
Divers matériaux ont été proposés pour
l'encapsulation et divers procédés de libération de
l'additif mis au point, comme des changements de pH,
les stress mécaniques, la température une hydrolyse
enzymatique, la pression osmotique, etc… Mais, dans
l'industrie alimentaire on ne peut utiliser n'importe
quel emballage, car il va persister dans l'aliment
traité.
Le séchage par pulvérisation (spray drying) permet
une encapsulation. Il a été utilisé dès les années 50s
pour protéger les huiles, comme les huiles de poisson,
contre l'oxydation et autres dégradations. C'est une
technique simple et peu coûteuse, mais limitée dans la
diversité de l'enrobage utilisable. On a essayé d'utiliser
d'autres
polysaccharides
(alginates,
carboxymethylcellulose, guar) ou des protéines (de
lactoserum, de soja ou caséinates), mais ces matériaux
ont un défaut majeur: ils sont très peu solubles dans
l'eau et il faut utiliser beaucoup trop d'eau qu'il faut
ensuite éliminer lors du spray drying. Très peu de
nouveaux matériaux ont été proposés ces dernières
années. On peut mentionner la mesquite gum de
Prosopis juliflora, une Légumineuse halophile du
Golfe du Mexique jusqu'au Vénézuela). Une autre
proposition est d'utiliser les produits de la réaction de
Maillard (le brun de la croûte du pain) qui est une
réaction à haute température des protéines et de
polysaccharides, qui constituent une protection contre
l'oxydation.
Un autre procédé est le "spray cooling/chilling". Il
consiste à mélanger dans une matrice lipidiques des
ingrédients hydrosolubles ("matrix" encapsulation) qui
laisse une partie de l'ingrédient à la surface, mais
permet une stabilisation thermique et un relargage plus
ou moins différé, au moins pour la partie noyée dans
la matrice.
L'utilisation de disques rotatifs pour disperser
l'émulsion ou la solution est actuellement en
développement car elle ne revient pas plus cher que le
spray drying et le débit est du même ordre.
La microencapsulation par extrusion est uniquement
utilisée pour les flaveurs instables et volatiles. Elle est
réalisée dans une matrice d'un polysaccharide
"vitreux" (non cristallin). L'avantage de cette
technique réside dans la très bonne protection de
l'ingrédient, même très oxydable comme les essences
d'agrumes, sur des durées très longues (cinq ans contre
quelques mois à l'état naturel).
L'inconvénient de ce procédé ancien (milieu des
années 50s) est la faible charge (environ 8%) des
enrobats. En effet une charge plus forte conduit à des
fuites et oxydations. A ce niveau le procédé n'est pas
intéressant, car son coût d'utilisation est trop élevé et
conduit, en sus, à une charge importante de l'aliment
en substances d'enrobage et il faut adapter chaque
enrobage à un usage donné.. On peut cependant
monter à 40% de charge en utilisant des amidons
acylés.
A 40% de charge on atteint près du double de la
concentration en spray-drying et bien que ce procédé
soit un peu plus onéreux que le spray-drying la plus
grande durée de vie des préparations et sa résistance à
l'oxydation peut permettre un coût à l'usage plus
favorable. Pour les flaveurs volatile, il est évident
qu'un procédé à basse température (pas plus de 50°)
est plus particulièrement indiqué, même si la charge
ne peut, en général, dépasser 5 à 30%. Un de des
défauts deprocédé c'est que les cordons d'extrusion
sont ensuite découpés mais done des particules
relativement importantes (500–1000 m), ce qui est
gênant pour les aliments où le goût à la bouche
(mouthfeel) est important...
     
Les Pré, Probiotiques et Autres
112. ### Contrairement au sevrage progressif des humains, les porcelets sont précocément sevrés et alimentés
avec des solides. Ceci introduit des facteurs de stress pouvant entraîner des manifestations pathologiques qu'on
pense diminuer par addition d'antibiotiques. Mais le développement de stratégies nutritionnelles avec une approche
pro- et prébiotique est actuellement développée pour éviter ces traitements antibiotiques. On compte influer, ainsi,
sur la résistance à la colonisation par des pathogènes, particulièrement lors de stress du sevrage.
La réponse de la microflore intestinale iléale et colonique de porcelets au sevrage auxquels étaient administrés
quatre polysaccharides fermentescibles (inuline, lactulose, amidon de blé et sucre de betterave sous forme de pulpe)
a été étudiée par des chercheurs néerlandais SR Konstantinov et al.; Applied & Environmental Microbiology 70
(JUL04) 3821-3830. Ces sucres répondent à la définition des pré-biotiques qui sont des substrats favorisant le
développement de bactéries favorables à la santé (pro-biotiques).
La stimulation de la flore existante de Lactobacillus plutôt que l'introduction d'une flore complémentaire (qui est
un peu contradictoire avec l'utilisation d'une résistance à la colonisation) est une stratégie qui a pu être
recommandée. Certains prébiotiques stimulerait spécifiquement certains des lactobacilles autochtones.
     
20
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
La sécurité alimentaire
113. ###. Le genre Listeria est divisé en six
espèces: L. monocytogenes, L. seeligeri, L. ivanovii, L.
innocua, L. grayi et L. welshimeri. Deux seulement
sont pathogènes. L'une est L.monocytogenes,
pathogène pour l'homme ainsi que pour plusieurs
animaux. L'autre, L.ivanovii n'est pratiquement
pathogène que pour les animaux. La plupart des cas
humains sont dûs à une consommation d'aliments
contaminés consommés crus. La maladie humaine est
finalement très rare, mais on y fait très attention à
cause de sa gravité (20 à 30% de mortalité). On arrive,
de ce fait, à des exigences très sévères (pas de bactérie
détectable). Il convient donc de ne pas se tromper dans
le diagnostic sous peine d'erreurs ayant des incidences
non négligeables, soit de santé soit économiques.
TJ Ward et al.; Journal of Bacteriology 186,n°15
(AUG04)
4994-5002
ont
raffiné
l'analyse
phylogénique intraspécifique de L.monocytogenes.
Ils se sont basés les gènes prfA de virulence de 113
isolats de L.monocytogenes. On détecte au moins trois
lignées de L.monocytogene dont les lignées 1 (la plus
fréquente dans les cas de listériose humaine) et 3 (la
moins fréquente) sont très proches. Le sérotype 4b y
est le plus souvent associé
Mais la relative rareté de la lignée 3 est liée à une
exposition moins fréquente, car elle est aussi virulente
que la lignée 1. Par contre, elle semble mieux adaptée
au milieu animal qu'à celui des transformations
alimentaires.
Enfin l'analyse du génome de la lignée 1 indique
qu'elle a subi une purge de la variabilité génétique qui
n'est pas observée dans les autres lignées. On pourrait
les considérer comme trois espèces distinctes (amis
avec les réserves d'usage sur l'utilisation de ce thème
(voir le §).
     
114. Les méthodes actuelles de détection des
Listeria supposent une culture sélective, mais ces
techniques sont génériques et répondent "Listeria" ou
non, mais ne peuvent descendre au niveau de l'espèce.
Il faut ensuite caractériser l'espèce par des critères
métaboliques ou physiologiques. Mais il existe des
cas où un des critères n'est pas satisfait ,et on ne fait
alors plus confiance aux autres.
Pour rendre les choses plus simples on considère
que tous les L.monocytogenes sont virulentes. Mais on
connaît des souches dont la virulence est atténuée.
Il existe, ainsi des souches non hémolytiques, ou
Rhamnose-. On se pose alors la question de savoir si
l'isolat hémolytique Rha- est une L. monocytogenes ou
une L.seeligeri hémolytique Xyl- anodine? On est
alors contraint d'effectuer un essai sur souris ou
L.monocytogenes est pathogène, alors que L.seeligeri
ne l'est pas. On peut aussi appeler à l'aide les ARN
16S, ou un test api de naphthylamidase. On y arrive
donc, mais cela exige des efforts supplémentaires.
On vient de se heurter à un tel problème avec une
L.innocua qui est, en principe, non hémolytique, mais
qui, en l'occurrence, l'était, contrairement au dogme.
Et cela ne semble pas être un cas isolé.
Il faut rappeler que si on interpète mal les données
on peut fort bien, à cause de la réglementation très
stricte, expédier inutilement au crématoire un énorme
stock de fromage au grand dam du producteur, ou
vice-versa
J Johnson et al.; Applied & Environmental
Microbiology 70 (JUL04) 4256-4266 décrivent un cas
de Listeria hémolytique, Rhamnose- et Xylose- se
moquant de l'identificateur en brouillant les résultats
des essais complémentaires. Il a fallu utiliser des
hybridations sélectives et des réseaux de sondes.
Ces techniques complémentaires indiquent que c'est
bien une nouvelle souche hémolytique de Listeria
innocua. Cette espèce, est en principe, non
hémolytique mais a acquis tout l'îlot de
pathogénicité 1 de L.monocytogenes. Elle reste nonpathogène pour la souris. Son avirulence est, au moins
partiellement, due à l'absence de l'allèle iap de
L.monocytogenes ainsi que d'une batterie d'autres
gènes de cette dernière. Mais la souche exprime,
pourtant, la listériolysine O et une enzyme typiques
de L.monocytogenes
     
116. T Zhao et al.; Applied & Environmental
Microbiology 70 (JUL04) 3996-4003 ont analysé les
biofilms de systèmes de drainage où Listeria
monocytogenes a disparu pour y détecter des
composants qui pourraient êre responsables de cette
disparition. Ils ont, effectivement, détecté des activités
antilistériennes dans plusieurs échantillons, associées
à la présence d'Enterococcus durans (six isolats),
Lactococcus lactis subsp. lactis (deux isolats) et
Lactobacillus plantarum (un isolat). Certains d'entre
eux semblent d'excellent compétiteurs par exclusion
de L.monocytogenes dans les biofilms.
     
119. On trouvera dans S Burt; International Journal
of Food Microbiology 94 (01AUG04) 223-253 une
revue sur les propriétés antibactériennes des huiles
essentielles végétales et leurs utilisations alimentaires
On a pu démontrer ces effets contre Listeria
monocytogenes, Salmonella typhimurium, Escherichia
coli O157:H7, Shigella dysenteria, Bacillus cereus et
Staphylococcus aureus à des concentrations comprises
entre 0,2 et 10 l/ml. Les bactéries gram- sont un peu
moins sensibles. Carvacrol, thymol, eugénol,
périllaldéhyde, cinnamaldéhyde et acide cinnamique
ont été identifiés comme les substances actives de ces
essences in vitro aux doses précitées, mais il faut en
ajouter nettement plus dans les aliments. Les
conditions physicochimiques favorisant ces effets
bactéricides sont une température ainsi qu'une tension
d'oxygène et un pH bas.
Une synergie est osbservée entre carvacrol et son
précurseur le p-cymène et entre cinnamaldéhyde et
eugénol. Certains de ces composants sont autorisés en
Europe et aux Etats-Unis mais il faut éviter les effets
organoleptiques indésirables par un dosage adéquat.
     
120. La zéaralénone (ZEN), la lactone de l'acide 6(10-hydroxy-6-oxo-trans-1-undécényl)--que), est une
toxine œstrogène non stéoïdique produite par divers
Fusarium, à la fois sur pied et dans les silos. On en
trouve parfois une quantité anormalerment élevée due
à des conditions de milieu particulières dans les grains
de maïs, blé ou orge. Le problème est que le groupe
cétone peut être réduit en -zéaralénol (nettement
21
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
plus œstrogène ou son stéréoisomère -zéaralénol
qui est moins œstrogène que ZEN) par divers
microorganismes dont des levures et des microbes
intestinales humaines, ce qui est fâcheux.
Tous ces composés ont un effet détestable sur le
développement et le fonctionnement des organes
reproducteurs (1 to 5 g de ZEN/g pour le porc). ZEN
se fixe, en effet, sur les récepteurs des oestrogènes
humains. A côté de cet effet œstrogène, on a
découvert, dans des études à long terme chez la souris,
un effet sur les croissances tumorales à des
concentrations de ZEN supérieures à celles causant
l'effet œstrogène.
La détection n'est pas toujours facile à cause des
faux positifs dûs à d'autres composés oestrogènes.
L'élimination chimique est impraticable. C'est
pourquoi N Takahashi-Ando et al.; Applied &
Environmental Microbiology 70 (JUN04) 3239-3245
préconisent (après d'autres) de plutôt procéder à une
élimination. Ils décrivent un processus de
détoxification par un organisme exprimant un gène de
lactonohydrolase de Clonostachys rosea. L'organisme
peut être Escherichia coli, Saccharomyces cerevisiae
(cette dernière étant moins efficace) moyennant une
adaptation des codons. Cela ne devrait quand même
pas encourager les négligences culturales.
     
L'Environnement
121. Il est souvent difficile de définir une espèce
bactérienne (ce qui entraîne de nombreuses
synonymies quand on rassemble ou éclate des espèces
existantes un jour donné). L'utilisation des ARNs
ribosomiques 16S n'apporte pas toujours la solution
(voir le §122).
S Acinas et al.; Nature 430 (29JUL04) 551-554 ont
analysé une population bactérienne marine côtière
complexe. Mais mieux que de nombreuses autres
études sur le sujet, les auteurs ont surtout travaillé à la
réduction des artefacts liés à l'amplification par PCR
et aux erreurs induites par la Taq-polymérase. Le
résultat est une simplification étonnante des arbres
phylogéniques qui peuvent être déduits des séquences
des ARNs 16S.
Les auteurs en déduisent que les fines
ramifications terminales des arbres sont des
populations présentant des adaptations à des niches
écologiques voisines et peuvent donc être considérées
comme écotypes d'espèces (éventuellement des
espèces).
De fait, quand on pioche un gène donné dans la
nature et qu'on l'amplifie par PCR, les séquences sont
rarement identiques, ce qu'on interprète comme une
grande diversité.
Ainsi JC Venter (JC Venter et al. Science 304
(02APR04) 66–74) a cloné, par la technique de
shotgun, l'équivalent de 775 génomes microbiens
complets de la mer des Sargasses. Mais la diversité
était telle qu'il a affirmé que cela correspondait à 1800
espèces, en se basant sur une définition simple et
classique qui est que si deux génomes diffèrent par
plus de 3% dans leurs ARNs 16S, ils correspondent à
deux espèces différentes. Mais si on applique cette
règle aux séquences caractérisées par S Acinas et al.
on a 99% d'identité, ce qui indique une seule espèce.
Les Pelagibacter correspondent à 380 des 1412 rRNA
16S récupérés par Venter et al.. Mais le plus gros
fragment qu'ils aient pu récupérer était relativement
petit, avec environ 21 000 paires de bases, et cette
séquence était relativement peu fréquente dans leur
collecte. Ceci suggère une très grande diversité
génétique dans ce groupe. Or Acinas et al. montrent
que 50% des gènes de rRNA (et même les deux tiers,
si on applique l'estimateur de diversité Chao-1)
peuvent être regroupés en quatre à cinq groupes, ce
qui indique une diversité relativement limitée.
Mais le critère des 3%, comme d'autres règles
empiriques, prend en compte des variations neutres
22
dans les séquences, n'ayant aucune incidence évidente
sur les fonctions et qui s'accumulent dans les génomes
en fonction du temps sans donner prise à une
sélection.
D'une façon générale, la notion d'espèce chez les
bactéries est doublement fumeuse. Il n'y a pas de
sexualité équivalente à celle des eucaryotes permettant
de définir deux espèces comme deux entités ne
communiquant plus génétiquement entre elles, alors
que les transferts génétiques existent bien mais de
façon tout à fait différente, chez les bactéries, grâce à
des informations génétiques facultatives (plasmides
conjugatifs, transposons et tous les ustensiles des
transferts horizontaux), parasexualité qui ne
nécessitent aucun lien entre la cellule donneuse et la
cellule receveuse (voir la dissémination des
résistances aux antibiotiques). Ceci a conduit dans les
années 80s à une position extrême que les bactéries
sont toutes un patchwork de séquences prélevées decidelà et que les bactéries sont une seule espèce.
Le seul intérêt, dans ce cas, de la notion d'espèce est
le rôle unique d'un groupe de bactéries dans la nature,
les ramifications terminales correspondraient à une
diversification élémentaire au sein d'une population
de cellules jouant le même rôle.
Mais ces transferts horizontaux sont-ils suffisants
pour abolir toute différence entre les bactéries
permettant une sélection?
Les résultats de S Acinas et al. montrent bien que
l'hypothèse pangénique des bactéries n'est pas
valable et que la sélection a bien un rôle dans
l'évolution des gènes, même de rRNA. La sélection
permet l'apparition de populations ayant une niche
commune et ayant le statut d'espèce dans le jargon des
bactériologistes, car elles correspondent bien à un
phénotype fonctionnel. Cela ne signifie pas pour
autant une homogénéité fonctionnelle des génomes,
car une variabilité peut permettre de briser certaines
contraintes d'un milieu qui change. Par ailleurs, le
milieu peut amoindrir la compétition. On a, par
exemple, souligné que les prédateurs peuvent donner
lieu à une contre sélection des phénotypes les plus
performants.
La génomique comparée a montré que les génomes
peuvent être divisés en gènes stables et variables,
considérés comme le noyau du génome (avec les
gènes de ménage et les opérons ribosomiques) et la
partie flexible/auxiliaire. Cette dernière se modifie
continuellement par le biais des transferts
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
horizontaux par phages et transposons interposés, et
comprend entre 1 et 18% des gènes présents, parfois
jusqu'à 60%.
Les groupes (clusters) de ribotypes devraient donc
se retrouver au niveau des gènes "de ménage". Une
corrélation de la variation génomique avec des
paramètres écologiques n'a été clairement démontrée
qu'entre deux souche de Prochlorococcus (G Rocap et
al.; Nature 424 (28AUG03) 1042-1047 évoqué dans le
Bulletin d'Octobre 2003 §5), mais ces deux souches ne
tombent pas dans les groupes à microdiversité définis
plus haut. Les résultats actuels de la diversité
correspondent à une sélection qui a élagué les
branches internes de l'arbre phylogénique en faveur
de populations plus adaptées. Les fines ramifications
terminales de l'arbre n'ont pas encore eu le temps de
subir cet élagage, et la compétition est trop faible
pour purger la diversité existante.
La conclusion de tout ceci est qu'il existe une autre
façon d'aborder la diversité génétique dans des
milieux naturels et se méfier un peu des évaluations du
nombre de variants significatifs dans la nature. Voir
également le commentaire de S Giovannoni; Nature
430 (29JUL04) 515-516.
     
122. On trouvera dans MR Parsek et al.; Journal of
Bacteriology 186, n°14 (JUL04) 4427-4440, un
compte-rendu du colloque sur les biofilms qui s'est
tenu du 1° au 6 Novembre 2003 à Victoria au Canada
et dont une partie est traitée au §91.
Les biofilms correspondent à une physiologie
particulière des populations bactériennes. On en a
beaucoup parlé dans le cas de la pathogénicité, de la
résistance aux stress et anti-bactériens, mais ils sont
également associés à des problèmes de corrosion dus,
soit à la production d'acides corrosifs comme l'acide
sulfurique en, conditions aérobies, soit à la formation
de sulfures en milieux réducteurs. Ils peuvent
également faciliter la formation de dipôles
électrostatique entre le centre dela colonie et les
régions dégagées.
On a pu montrer que les oxydes de fer et les acides
humiques
favorisent
la
prolifération
de
communautés multispécifiques corrosives, alors que
les éléments planctoniques sont beaucoup moins
nocifs. Inversement les biofilms de bactéries réduisant
le fer ferrique pour y éliminer les électrons d'une
respiration sur le fer au lieu d'oxygène peuvent
protéger l'acier dans certains cas. Des composés actifs
sur le plan redox comme les phénazines peuvent servir
de navettes à électrons stimulant la réduction du fer
ferrique. La plupart des phénazines ont, en effet, un
potentiel redox que le fer ferrique.
On a montré que des Bacillus brevis (une bactérie
anodine) modifiées pour produire de la gramicidine
peuvent protéger les aciers doux des attaques de
bactéries réduisant les sulfates (R Zuo et al.; Applied
Microbiology & Biotechnology 64 (APR04) 275–283
(avec un article à venir dans la même revue.
On commence à utiliser systématiquement des
techniques combinées pour déterminer la disposition
spatiale de bactéries individuelles ou de groupes
phylogéniques avec la technique FISH (Fluorescent
In-Situ sequence Hybridization) et la microscopie
confocale, les profils des gradients chimiques (par
microcapteurs) et le type des activités métaboliques
par microautoradiographie avec sondes à isotopes
stables.
Une des difficultés des biofilms est l'impossibilité
d'y mesurer l'expression génique autrement que par
des moyennes, alors qu'on sait qu'elle varie selon la
position d'une cellule dans le biofilm. On cherche à
tourner cet obstacle, notamment en utilisant la
technique IVET (In Vivo Expression Technology) .Je
rappelle que la technique est plus intéressante, de ce
point de vue, que la mutagenèse traditionnelle, car elle
permet une sélection positive de gènes spécifiquement
exprimés dans une condition environnementale
donnée, et n'utilise pas l'inactivation de gènes
essentiels. On crée des bibliothèques génomiques avec
un plasmide portant un gène sans promoteur qui
permet la détection des promoteurs actifs, tandis
qu'un second gène reporteur, permet de distinguer les
promoteurs inductibles ou permanents. Le gène de
criblage est sacB sans lequel la bactérie ne peut pas
pousser sur saccharose, par exemple.
L'utilisation de modèles de biofilms a également
été discutée. Parmi ces modèles il y a celui des tapis
de cyanobactéries (dont des Synechococcus) des
sources chaudes que le groupe de Ward utilise depuis
un certain temps (voir la revue de DM Ward et al.;
Microbiology & Molecular Biology Reviews 62 (98)
1353–1370).
Ces biofilms sont des communautés très stratifiées
et organisées en fonction de la lumière et parfois des
gradients de température. Les différents constituants
sont métaboliquement intégrés. Ces communautés
sont protégés à ces températures de prédateurs
eucaryotes et sont relativement stables
Les
Synechococcus
sont,
en
réalité,
métaboliquement diverses, bien qu'aucun marqueur
moléculaire (ARN 16S) ne puisse les distinguer. Un
des faits nouveaux est que si l'activité métabolique est
très élevée dans ces biofilms la croissance est très
lente (il n'est pas précisé si il y a émission de formes
planctoniques qui expliqueraient ce résultat).
Une autre catégorie de biofilms qui sont très étudiés
est celle des biofilms des unités de traitement des
eaux usées. On s'y intéresse beaucoup à cause de leurs
capacités à éliminer beaucoup des polluants azotés et
phosphorés.
Il a été présenté une analyse de la distribution des
populations de bactéries réduisant les sulfates dans des
biofilms d'eaux usées en fonction des gradients
d'oxygène, nitrates et des différents niveaux
d'oxydation du soufre manipulés avec des électrodes.
Un autre groupe a montré que le niveau des charges
en azote détermine la nature des bactéries oxydant
l'ammoniaque ou les nitrites dans ces biofilms. En
excès d'ammonium on a coexistence de Nitrosomonas
europaea, Nitrosomonas oligotropha et Nitrosomonas
communis avec une distribution dans le biofilm
dépendant des gradients d'ammoniaque et d'oxygène.
Les biofilms sont des réservoirs potentiels pour
certains pathogènes (voir le cas des Legionella). On a
pu montrer que des bactéries du complexe
Mycobacterium avium sont présentes dans les
conduites et réservoirs d'eau chaude des hôpitaux, et
que ces souches peuvent être retrouvées chez des
patients immunodéprimés. On peut également les
23
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
retrouver dans les conduites d'eau potable, ce qui les
rend encore plus communicables par cette voie.
Des bactéries passagères planctoniques peuvent
profiter de l'hospitalité ainsi offerte et des S.enterica
serovar Typhimurium, des spores de B.cereus et des
oocystes de Cryptosporidium parvum peuvent être
ainsi hébergés et persister des semaines. La
coexistence de plusieurs pathogènes voisins peut
faciliter les transmissions horizontales de complexes
géniques de virulence. On a ainsi pu montrer que le
gène vanA, redouté, car conférant la résistance à la
vancomycine peut être détecté dans un biofilm dans
des conduites d'eau potable en l'absence de tout
entérocoque, c'est à dire qu'il est déjà transmis.Une
revue de FH Sharkey et al.; Applied & Environmental
Microbiology 70 (JUL04) 3795-3806, fait le point sur
la détection et la quantification de l'expression
génique des bactéries dans leurs milieux naturels
complexes. Les succès grandissants dans le domaine
environnemental sont liés à la chute des coûts des
techniques et à l'efficacité grandissante des techniques
de prélèvement des ADNs dans l'environnement.
     
123. ### La octahydro-1,3,5,7-tétranitro-1,3,5,7tétrazocine est également un explosif dénommé
HMX qui est un acronyme pour High Melting
eXplosive. On l'appelle également octogène ou plus
prosaïquement cyclotétraméthylène-tétranitramine, ou
d'autres sobriquets. Cet explosif est utilisé dans des
combustibles propulseurs de fusée. Il en est produit un
peu lors de la production du RDX, dont il augmente
l'efficacité du fait de sa vélocité de détonation.
Plusieurs bactéries anaérobies fermentaires
produisant de l'hydrogène, dont des
Clostridium, Klebsiella et Fusobacterium
dégradent le HMX en formaldéhyde et oxyde
nitreux N2O. Parmi ces bactéries,
Clostridium bifermentans HAW-1 est
relativement efficace et on repère parmi les
intermédiaires de la dégradation le composé
mononitroso et la méthylènedinitramine.
L'analyse de cette dégradation semble
impliquer deux enzymes, l'une pour la
dénitration et la seconde pour la réduction
des dérivés nitroso. JS Zhao et al.; FEMS
Microbiology Letters 237 (01AUG04) 65-72.
     
125. L'herbicide paraquat est accusé d'être un
facteur de risque de par ses fonctions oxydatives, dans
la genèse de la maladie de Parkinson. J Peng et al.;
Journal of Biological Chemistry 279 (30JUL04)
32626-32632 montrent que cet herbicide induit une
phosphorylation séquentielle de la c-Jun N-terminal
kinase (JNK) et de c-Jun ce qui entraîne l'activation
de la caspase-3 responsable de la mort neuronale in
vitro et in vivo. On peut réduire cette dégnérescence
sous l'effet de l'herbicide avec des inhibiteurs de JNK.
     
126. La dégradation des biphényles polychlorés
(PCBs) par plusieurs bactéries dont la fameuse
Burkholderia LB400, est incomplète et laisse
subsister de nombreux intermédiaires qui ne sont pas
24
sans dangers. Des chercheurs de Valparaiso ont
examiné la toxicité de ces intermédiaires.
Des Escherichia coli recombinantes exprimant
divers sous-ensembles de gènes bph de la souche
LB400 accumulent certains de ces intermédiaires.
Les effets sur le métabolisme de la bactérie ont été
analysés. Les dihydrodiols et dihydroxybiphényls
sont extrêmement toxiques pour la bactérie, beaucoup
plus que les PCBs initiaux. Les E.coli recombinantes,
mais également Burkholderia sp. LB400, sont
détruites par une exposition au 2,3-dihydroxybiphényl.
Cette toxicité explique, en partie la difficulté
d'élimination de ces produits dans l'environnement,
malgré la présence des enzymes adéquats. Cette
conversion de xénobiotiques moins toxiques en
produits plus toxiques est un peu l'équivalent du
processus se déroulant chez les animaux. Ce n'est
probablement pas le seul cas.
     
127. On trouvera dans MG LaMontagne et al.;
Environmental Microbiology 6 (AUG04) 799-808 une
étude sur l'effet des communautés bactériennes
enrichies au niveau des fuites naturelles
d'hydrocarbures comme celles détectées dans le
Santa Barbara Channel (on doit trouver la même chose
dans la Caraïbe ou dans l'embouchure de l'Orénoque)
sur la microflore avoisinante.
     
128. ### Les alkylbenzènesulfonates linéaires
(LAS) sont les surfactants les plus répandus dans le
monde. On en distribue dans les égouts 3,1
g/personne/jour en Europe de l'Ouest soit 4% des
déchets organiques. La biodégradation des LAS a été
démontrée dès 1957, mais on ne connaît pas bien les
voies de dégradation.
Parvibaculum lavamentivorans DS-1T (au nom
bien adapté) utilise les préparations commerciales
d'alkylbenzènesulfonates linéaires (LAS) (qui
comprend 20 congénères à chaîne alkyles de C10 à
C13) comme source de carbone et d'énergie en
grignotant la chaîne acyle.
     
129. Codakia orbicularis (une grosse coque blanche
tropicale de 9 cm de diamètre, du Brésil jusqu'au
Golfe du Mexique appelée Tiger Lucine ou Great
White Lucine) pratique une symbiose avec des
bactéries intracellulaires logées dans ses branchies
et qui oxydent les sulfures (elles sont donc
chimioautotrophes). Des chercheurs dont deux de
l'Université des Antilles et de la Guyane à Pointe à
Pitre ont analysé la stratégie respiratoire de ce bivalve.
MR Duplessis et al.; Applied & Environmental
Microbiology 70 (JUL04) 4144-4150.
On avait déjà étudié la symbiose entre Lucinoma
aequizonata et une autre bactérie qui utilise les
nitrates comme accepteurs d'électrons, y compris en
présence d'oxygène. Les symbiotes de C.orbicularis
utilisent bien l'oxygène dans ce but, et aucune
respiration sur nitrate n'est détectable. Les symbiotes
consomment l'oxygène lorsqu'elles sont en suspension.
Dans d'autre cas similaires la formation de sulfures
semble avoir lieu quand oxygène et nitrates sont
absents. Les auteurs montrent directement que c'est
bien le cas pour ces symbiotes.
     
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
130. Les rideaux de douches sont un biotope
intéressant. Au bout d'un certain temps d'utilisation, ils
commencent à se couvrir de biofilms qui peuvent
constituer (voir le §122) un bon réservoir de
pathogènes. ST Kelley et al.; Applied &
Environmental Microbiology 70 (JUL04) 4187-4192
se sont posé la question de savoir quelle était la
composition de la microflore. L'identification a été
classiquement réalisée par PCR des rDNAs entraîne.
Cette flore est étonnamment complexe et variable.
On y trouve en abondance des membres des protéobactéries, surtout des Sphingomonas et des
Methylobacterium. Ces deux genres sont connus pour
comporter des pathogènes opportunistes et plusieurs
clones correspondent à des espèces proches de celles
de pathogènes connus. De quoi ne plus se doucher
dans les hôtels où il faudrait traiter énergiquement ou
jeter périodiquement les rideaux de polyvinyle.
     
132. On trouvera dans R Bennett et al.; Plant
Biotechnology Journal 2 (JUL04) 273-278, une étude
sur l'impact sur l'environnement et la santé humaine de
la culture de betteraves transgéniques résistantes au
glyphosate (donc de Monsanto).
Les résultats qui seront, évidemment, violemment
contestés par certains; indiquent que, globalement, la
diminution des transports et disséminations
diverses des herbicides étant nettement inférieurs à
ceux des betteraves conventionnelles, l'utilisation des
betteraves transgéniques est de tous les points de vues
moins agressive pour l'environnement. Les auteurs ont
mesuré les émissions de gaz à effet sur le
réchauffement planétaire et la destruction de la couche
d'ozone et les produits carcinogènes aériens,
l'écotoxicité des eaux et l'acidification des sols et des
eaux, son nettement inférieurs à ceux d'un champ
conventionnel.
     
133. Il ne suffit pas de calculer la maille des filets
pour laisser passer les jeunes générations de poissons
destinés à entretenir tant bien que mal les populations
de poissons. Celles-ci dépendent des femelles les plus
âgées pour leur maintien, car leurs descendants sont
plus nombreux et plus compétitifs. Il est évident
qu'avec la surpêche actuelle, ce sont elles que l'on
élimine en premier, et que les élevages n'en produisent
pas à cause de l'immobilisation de capitaux et le coût
de la nourriture que cela suppose.
On sait que chez le red snapper (Lutjanus
campechanus) une femelle de 61 cm produit autant
d'oeufs que 212 femelles de 43 cm. On a calculé qu'il
suffirait que des réserves représentant 5% de l'habitat
pourrait compenser les prises ailleurs.
Des chercheurs de Santa Cruz ont étudié Sebastes
melanops, dont les femelles de 12 ans donnent des
larves croissant quatre fois plus vite que celles de
femelles de 5 ans et résistent deux fois mieux aux
carences alimentaires. Ceci est lié à la fourniture aux
descendants d'une goutelette de lipide qui leur facilite
la vie après que le vitellus ait été épuisé. S Berkeley,et
al.; Ecology 85, (MAY04) 1258–1264. Celà signifie
clairement qu'une femelle n'est pas équivalente à une
femelle comme un calcul simpliste pourrait le faire
croire.
Ceci dit la situation globale chez les poissons est
compliquée par le fait qu'ils changent souvent de sexe
avec l'âge. Chez les groupers (Epinephelus si je me
souviens bien) les petites femelles se convertissent en
plus gros mâles, la pêche des gros diminuant donc le
nombre des mâles. Dans les zones de pêche active, on
en arrive à un mâle pour des dizaines de femelles.
Cela les fatigue nettement. Chez les crevettes ou les
crabes c'est plutôt l'inverse, avec des petits mâles
donnant de grosses femelles. La pêche des gros est
donc aux dépens des femelles.
     
La Politique
134. ### M Harvey et al.; Nature Biotechnology 22
(JUL04) 807-810 analysent la compétition qui a
abouti à la publication de la séquence
d'Agrobacterium tumefaciens C58 dans le même
numéro de Science du 14 Décembre 2001 entre deux
consortiums, celui de l'University of Washington
Genome Center, the Institute of Computing, Unicamp
(au Brésil) et DuPont d'une part, et Monsanto
(Cereon) et Hiram College de Cleveland de l'autre.
En fait plus que la double publication, c'est le défi
pour préserver un bien public dans une
collaboration avec l'industrie qui est son histoire.
Dans le cas d'A.tumefaciens, la dépendance mutuelle
entre les secteurs public et privé est illustrée. Mais la
nature même de privé et public est ténue, car des
données fondamentales ont été apportées par des
institutions privées comme le TIGR (dont on oublie
souvent que c'est quand même une organisation sans
but lucratif). Mais DuPont et Monsanto comptaient
bien renforcer leur propriété intellectuelle avec les
apports du secteur public qui lui évite d'avoir à
consacrer des ressources dans le développement de
travaux plus fondamentaux. D'où leur intérêt pour les
biens publics que sont ces recherches fondamentales
assurées par le secteur académique avec leur
conséquence, les publications . Mais ces intérêts
souvent divergents ont été une source de tension
continuelle.
La première partie de l'article discute l'émergence
des deux projets concurrents au vu de l'impossibilité
(à l'époque) de mener à bien l'entreprise séparément
dans les deux secteurs.
La seconde partie analyse le déroulement de la
course avec un schéma chronologique, avec une
analyse des conflits que cela a soulevé à propos de la
propriété industrielle.
La dernière partie discute de l'asymétrie des
interactions dans la création du savoir.
Il y a eu une double course, l'une pour achever la
séquence et la publier, et l'autre pour en acquérir une
propriété industrielle formelle. La logique de
l'entreprise a été différente entre les deux consortiums
et conflictuelle au sein de chacun.
Dans le domaine public, c'est l'antériorité qui est
recherchée dans la compétition; il n'y a guère de place
pour un second. Ceci confère un avantage dans la
collecte de financements, ce qui facilite une antériorité
ultérieure.
Dans le cas d'un génome, l'achèvement complet de
la séquence a certainement moins d'intérêt pour un
25
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
industriel qui peut l'exploiter à un stade bien
antérieur, et son bénéfice décroît au fur et à mesure
que la séquence ralentit (en général à cause de régions
difficiles à séquencer qui sont souvent non codantes).
DuPont comme Monsanto n'ont fourni qu'un accès
très limité à leurs partenaires publics à travers un
unique ordinateur localisé dans l'Université
correspondante.
Ils
pouvaient
ainsi
piloter
l'avancement de la séquence en n'y mettant que ce
qu'ils voulaient bien y inclure.
Le consortium Monsanto-Hiram, après un début
assez lent pour mettre au point la collaboration, a
rapidement progressé vers une séquence presque
complète (avec les lacunes finales classiques)
présentée en Novembre 2000. Ceci va placer le
consortium en tête d'environ un an sur son concurrent.
Ils avaient largement le temps d'achever seuls la
séquence.
Les progrès de l'autre consortium ont été plus
chaotiques et ses progrès contrôlés par DuPont. Il
n'avait achevé que trois fois la longueur du génome
(il en aurait fallu six selon le contrat et l'University of
Washington avait identifié 800–900 gènes pouvant
avoir un intérêt commercial).
C'est à peu près le moment où les deux partenaires
industriels ont arrêté leur contribution, mais pour
différentes raisons. Monsanto a tenu à assurer ses
droits industriels, et il est devenu clair pour les
partenaires que Monsanto n'était pas intéressé par une
séquence complète. DuPont, par contre, a délaissé A.
tumefaciens et non sa séquence, préférant s'intéresser à
des hôtes microbiens à usage plus général comme
Escherichia coli, se disant qu'il y avait des moyens de
tourner la propriété industrielle recherchée par
Monsanto.
A ce moment là, les deux consortiums savaient
qu'ils étaient en compétition, et le problème de la
priorité pour la divulgation s'est posé de façon aigue.
C'est la raison pour laquelle l'Université de Campinas
(Unicamp) est entrée en jeu par le biais d'un
bioinformaticien en année sabbatique à Seattle, Joao
Setubal (ceux qui ont ensuite séquencé Xylella
fastidiosa), et elle a pris la place de DuPont. Par un
artifice parait-il légal, l'ensemble des données de
DuPont a été déchargé, en l'ignorance de la firme, et
traité par les logiciels d'annotation d'Unicamp
auxquels l'University of Washington avait un libre
accès, ce qui libérait le groupe de Seattle des
contraintes et rigidités de DuPont sur ce plan. De toute
façon, le fait que le financement de DuPont était
clairement un financement-relai mettait le groupe de
Seattle en bonne position dans ces conditions. La
NSF, de son côté a permis la relance du projet à Hiram
College. Tout ceci indiquait que la course était
maintenant pour la publication académique de la
séquence.
L'annonce du dépôt d'une ébauche de séquence par
Derek Wood en Juillet 2001 à GenBank pour le 15
Août 2001 a déclenché chez Monsanto la décision de
libérer toutes ses données, ce qui a été fait cours
d'une conférence de presse du 14 Août., rien que pour
battre l'University of Washington sur le fil. Les deux
consortiums ont publié dans le même numéro de
Science du 14 Décembre 2001, leur séquence.
26
Il est clair, qu'au delà de la séquence proprement
dite, le groupe de Seattle fournissait bien plus
d'annotations que le consortium de Monsanto.
Mais comme on a pu constater des différences entre
les deux séquences, la question de savoir leur cause
s'est immédiatement posée. Elle existe réellement
entre deux souches C58. Et l'ensemble des partenaires
(hors DuPont, mais avec Monsanto) a donc décidé de
séquencer d'autres souches de la bactérie pour
analyser la variabilité génétique entre elles. Comme
quoi le privé, peut également s'intéresser à la
connaissance au-delà des applications.
Il faudrait lire le rapport de Lawrence Busch de
l'Université de Chicago sur les accords entre Berkeley
et une seule firme, Syngenta, dans le domaine végétal
où il soulève les mêmes questions. Je tâcherai de me le
procurer, car c'est un évaluateur objectif que j'ai eu
l'occasion d'apprécier.
     
136. H Pearson; Nature 430 (22JUL04) 388,
reprend la "sortie" assez générale de chercheurs
américains contre la classification trop hâtive des
agents pathogènes susceptibles d'être utilisés en
bioterrorisme et les mesures imposées aux
laboratoires en conséquence (voir le Bulletin de Juillet
§155 par exemple). Elle commente plus en détail les
propositions de A Casadevall et al.; Trends in
Microbiology 12 (JUN04) 259-263 sur une
reclassification moins manichéenne de ces agents qui
regroupe Coccidioides immitis (un champignon
pathogène relativement anodin et le virus de la variole
dans une unique catégorie.
Les auteurs suggèrent de faire intervenir
plusieurs caractéristiques de ces agents mais
les US Centers for Disease Control and
Prevention (CDC) n'envisagent absolument
pas de modifier la liste.
     
137. Les exigences plus strictes d'une brevetabilité,
comme l'éclatement de la bulle spéculative en 2000
expliquent le ralentissement observé des demandes
de brevets aux Etats-Unis et ailleurs. On peut y
ajouter la publication complète d'un génome humain
en 1998, ce qui expliquerait le différé de la régression
de 3 ans qui est le délai d'examen des brevets à l'US
Patent Office. Mais on prévoit un redémarrage
prochain du flot.
Au-delà de divergences de méthodes entre plusieurs
des enquêtes sur le sujet, il se dégage un consensus
pour affirmer que le nombre de dépôts a fortement
décru en 2001 et 2002. Et cela semble se prolonger en
2003 et pendant le premier semestre de cette année.
S Lawrence; Nature Biotechnology 430 22 (AUG04)
930-931.
Il existe bien d'autres raisons comme la diminution
des retours industriels sur les brevets pour cause
d'enthousiasme excessif dans les années antérieures.
Quand on analyse les courbes figurant dans l'article
et qui portent sur la période 1983-2003, on constate
que cette régression n'affecte pas toutes les demandes
de brevets et que celles dans le domaine de l'internet
croissent toujours exponentiellement alors que celles
sur les séquences stagnent, après un pic en 1999. Le
nombre des dépôts de brevets sur les ADNs a,
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
cependant, bondi de 7 902 en 2002 à 13 603 en 2003
pour diminuer de 23% au premier semestre de cette
année.
Un autre argument est le coût d'un brevet (de l'ordre
de 50 000 dollars US) qui, en période de vaches
maigres fait réfléchir sur les justification du dépôt,
d'autant que l'USPTO renforce ses exigences et que
"dépôt" ne signifie pas "brevet". Ceci est
particulièrement vrai pour les dépôts d'origine
académique
Les demandes sur les technologies ADN semblent
plus stables. Un outil de recherche ou une cible
pharmacologique les universités vont céder une
licence, mais ne breveteront pas.
La poussée de 2003 qui est parallèle à l'intérêt
renouvelé des investisseurs dans les biotechnologies
devrait avoir un débouché dans les années prochaines
du fait des améliorations des brevets les plus
intéressants.
     
138. Alors que la tendance occidentale en
biotechnologie est le repli vers des projets plus
proches du débouché industriel, les japonais
semblent maintenant s'intéresser à la partie amont du
secteur. (S Louët et al.; Nature Biotechnology 430 22
(AUG04) 931-932). Ceci est un sérieux tournant pour
un secteur industriel japonais très allergique aux
risques.
Jusque là la pharmacie japonaise a confié ses
recherches à des filiales qu'elle finance entièrement,
ou à des firmes ayant déjà des liens forts avec
l'industrie japonaise. Ainsi Takeda Chemical
industries a fondé sa filiale américaine Takeda
Pharmaceuticals North America et Yamanouchi
Europe, issue de Royal Gist-Brocades, dont la firme
avait acquis la branche pharmaceutique.
Mais des difficultés majeures sont apparues. Ainsi
70% des nouvelles molécules apparues sur le marché
japonais sont d'origine étrangère. Du coup, les
firmes et le gouvernement japonais insistent sur le
financement japonais de recherches à l'étranger.
En Mai 2004, Takeda Research Investment (TRI),
une filiale de capital risque américaine a investi des
sommes non dévoilées dans trois compagnies de
biotechnologies, Lectus Therapeutics en Grande
Bretagne et deux compagnies non indiquées aux EtatsUnis. La recherche de compagnies étrangères serait
liée à l'incapacité de soutenir des start-ups au Japon.
Les accords de licence et de R&D sont également de
plus en plus nombreux. Un tableau résume des
exemples de ces initiatives.
     
141. L'utilisation de l'exemption de redevances
pour une utilisation expérimentale de techniques ou
produits brevetés a toujours posé des problèmes
juridiques et les décisions des tribunaux ont été
fréquemment divergentes, ce qui peut handicaper les
recherches, à la fois académiques et industrielles. Les
australiens sont en train d'expérimenter la portée de
cette exemption et un article d'A McBratney et al.;
Nature Biotechnology 430 22 (AUG04) 1023-1025
analyse la situation depuis le jugement Madey v. Duke
University traité, en son temps, dans ce Bulletin. Dans
le cas des séquences géniques le problème est
particulièrement aigus, car nombre de séquences sont
publiques mais pas forcément leur utilisation.
Dans l'Union Européenne plusieurs états
reconnaissent cette exemption au niveau statutaire. Il
en est de même au Canada alors que la Nouvelle
Zélande a une exemption légale. Par contre l'Australie
était resté dans le vague, sans décision statutaire, ni loi
traitant de ce sujet, ni "précédents juridiques"
utilisables.
Deux enquêtes ont été diligentées dans le pays, au
cours de 2004. Les deux ont analysé la situation dans
les autres pays.
Il se trouve que l'exemption en Grande Bretagne a
été interprétée de façon restrictive par la justice. Ainsi
l'utilisation d'une invention à des fins pédagogiques
n'y est pas considérée comme une utilisation
expérimentale. Par contre l'utilisation pour confirmer
la faisabilité du procédé breveté en est une, même
dans un contexte commercial. Mais des essais
commerciaux avant une commercialisation ne sont pas
exempts.
Une exemption statutaire n'est pas forcément
rassurante, car le chercheur n'est pas à l'abri d'une
assignation devant un tribunal par le détenteur, ce qui
limite la facilité d'utilisation de l'exemption. C'est ce
qui se passe en Grande Bretagne.
L'examen de la situation réelle en Australie montre
qu'il n'y a pas de vrai frein à la recherche, mais ceci
grâce à des subterfuges divers, dont l'ignorance
délibérée du brevet. Ce qui avait déjà été signalé aux
Etats-Unis après Madey v. Duke University. Mais
comme le disent justement les auteurs "absence of
evidence…is not evidence of absence". Beaucoup de
chercheurs le font par ignorance, et ne sont pas gênés.
D'autres croient que les exemptions sont générales.
Enfin, les détenteurs de brevets sont souvent peu
enclins à poursuivre les contrevenants académiques
sauf si cela menace sérieusement leurs revenus..
Il faut, cependant, se méfier car les procès pour
infractions à la propriété industrielle ont décuplé
durant les 20 dernières années. Les auteurs, dont deux
appartiennent à un cabinet d'avocats australiens,
concluent que, d'abord, l'absence d'exemption ne gêne
pas beaucoup la recherche et qu'ensuite les échecs
étrangers, ne plaident pas en faveur d'une exemption
statutaire.
Il n'y a, par ailleurs pas d'exemption légale en
Australie, bien que des alinéas dans un coin pourraient
faire croire à des possibilités d'exemption. Les
tribunaux ont toujours préféré une obligation faite au
détenteur d'accorder une licence à un prix
raisonnable. Les auteurs ont donc analysé les
conséquences de cette attitude sur la recherche. La
première constatation est que si un chercheur veut être
en règle dans ces conditions il devra acquérir des
quantités effrayantes de licences.
Les auteurs concluent, donc, qu'une exemption
serait utile pour trois raisons. Si l'utilisation dans le
cadre de l'exemption ne cause pas de difficultés aux
détenteurs, l'exemption donne un signal clair au
chercheur qui ne cherche pas à l'exploiter
commercialement. Une licence obligatoire est, par
contre, mieux adaptée au développement et à la
commercialisation d'un procédé ou d'un produit. Ces
deux considérations permettent d'éviter une longue et
27
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
coûteuse recherche de l'Université dans le capharnaüm
des brevets existants.
De plus, au moins en Australie, le processus de la
licence obligatoire est étonnamment rugueux et
coûteux. Si on peut éviter de l'utiliser pendant la phase
initiale d'une recherche, cela serait préférable, quitte à
lancer la requête pour une R&D. Il faudrait donc une
double réforme créer l'exemption et réformer le
processus de licence obligatoire.
La difficulté réside dans la rédaction de l'exemption
pour que la situation idéale décrite se réalise.
Prenant le cas des séquences géniques il est
vraiment difficile de distinguer ce qui est
momentanément sans applications évidentes, de ce
qui peut en avoir plus tard. C'est précisément le
fondement du cas Madey, où un chercheur en conflit
avec Duke University est parti avec ses recherches sur
un appareil que l'université n'avait pas voulu breveter,
l'a fait avec sa nouvelle université puis a attaqué avec
succès les développements fondamentaux qui se sont
poursuivis dans son université d'origine. Du coup,
bien des recherches dites de base peuvent se trouver à
un moment ou à un autre à la marge du secteur
commercial et interférer avec une propriété
industrielle.
Cette
distinction
fondamentale/commerciale est donc on ne peut plus
vague, prise dans le temps. Il ne faut donc pas
l'invoquer dans une réglementation quelconque.
Un meilleur critère serait la recherche sur la
recherche, mais qui doit être soigneusement rédigé.
L'un des deux rapports australiens souligne que la
recherche d'une autre fonction d'un gène breveté, ou
ses interactions avec un autre gène, doivent clairement
être exemptées. Il n'en serait pas de même pour les
promoteurs ou suppresseurs car ce sont des outils de
recherche. Mais ce critère ne résoudra pas toutes les
difficultés. .
     
142. JL Fox; Nature Biotechnology 22 (JUL04) 791
discute les opportunités actuelles pour les
biotechnologie en faveur de l'agriculture. Les
négociations internationales avancent et les
autorisations de commercialiser en Europe
débouchent. Le problème réside dans le marché et
l'appétit des consommateurs pour ces techniques et
leurs produits.
Un point de discorde est que ces techniques sont
surtout destinées au bonheur des semenciers, un peu
des fermiers, mais pas du tout du public. Monsanto a
compris cela et affirme, le 10 Mai, ne vouloir mettre
dans le commerce, en Amérique du Nord, un blé
résistant au glyphosate que quand un gène intéressant
le consommateur sera introduit. Phrase un peu vague
et qui peut masquer d'autres raisons.
Le 19 Mai Syngenta ne commercialisera pas son
maïs doux en Europe, bien que la société en ait obtenu
l'autorisation. Bayer CropScience, de son côté
renonce à commercialiser son maïs fourrager en
Grande Bretagne.
L'attitude agressive de certains industriels vis à vis
des semences de "ferme" dans le domaine ainsi que
l'insuffisance des recherches pour le tiers-monde est
également d'actualité. L'auteur évoque les opinions
des partisans et opposants à la décision confirmant la
condamnation du fermier canadien Percy Schmeiser
(voir le Bulletin d'Août §131) à propos du canola
transgénique de Monsanto. En ce qui concerne le cas
Schmeiser et celui, parallèle du cultivateur du
Mississipi Homan McFarling sur des sojas, les
dommages et intérêts demandés ont été rejeté au
Canada comme aux Etats-Unis. Le rapport de la FAO
sur les biotechnologies en faveur du tiers-monde
critique l'absence d'initiatives industrielles (les
industriels affirment que ce n'est pas leur sujet et que
les gouvernements et fondations doivent s'en charger).
D'accord, mais il ne faudrait pas que Monsanto utilise
cet argument de promotion de la lutte contre la faim
par les plantes transgéniques (sauf à dire ouvertement
que les Etats-Unis se chargent de nourrir qui ils
veulent dans le monde.
Une autre querelle, déjà évoquée est celle de la
production de substances à usage parmaceutique dans
des plantes dont 16 demandes d'essais ont été
déposées en 12 mois sans que les adversaires aient pu
prendre connaissance des détails. Il n'est d'ailleurs pas
sûr que ces données seront utilisées pour éclairer le
public
     
La Vie des Sociétés
143. Cargill Health & Food Technologies (H&FT)
a obtenu le 15 Juillet une autorisation d'utilisation du
tréhalose pour le renforcement des flaveurs des
produits carnés, notamment dans les rôtis. La société
va le commercialiser sous la marque Ascend™. Ce
sucre permet de diminuer la sensation métallique ou
astringente engendrée par l'utilisation de phosphate ou
diacétate de sodium, sel, lactate de potassium. On sait
que ce disaccharide est également un stabilisateur de
protéines. Cargill Press Release (15JUL04).
     
144. DuPont a nommé un religieux, le père
KT FitzGerald à son comité consultatif. Il est
consultant en éthique pour la National Society of
Genetic Counselors.
Sven Thormahlen, qui est vice-président pour la
recherche et l'organisation chez Danone, a également
été nommé à ce comité consultatif créé le 22
Septembre 1999 et qui est facilité par le Keystone
28
Center de Keystone au Colorado. Il est chargé de
publier des rapports sur les avancées des
biotechnologies
(http://www.dupont.com/biotech/difference/advisory.h
tml pour le rapport 2002, le dernier disponible) chez
DuPont.
     
145. Monsanto vient d'être confronté à l'apparition
d'une résistance au glyphosate chez la ragweed
(Ambrosia artemisifolia, une Composée causant une
sévère allergie) dans un champ du centre du Missouri,
et vient de lancer avec l'University of Missouri une
analyse de la plante pour déterminer la cause de cette
résistance. Monsanto accuse, le plus souvent, les
cultivateurs de ne pas suivre les consignes
d'utilisation. Les essais préliminaires confirment la
résistance, mais on ne sait toujours pas en quoi
consiste la résistance qui est notamment associée à
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
une morphologie particulière. Cette résistance est,
pour l'instant, isolée dans un seul champ.
     
146. Depuis 2001, l'US Department of Energy
(DOE), le National Renewable Energy Laboratory
(NREL) et Novozymes ont entamé une collaboration
dans le domaine de la production d'éthanol à partir de
matériel cellulosique. Novozymes s'est occupé de
l'amélioration de l'efficacité et des coûts de
production des enzymes permettant d'obtenir les
sucres qui vont être fermentés. En effet, la production
actuelle est basée sur du glucose produit à partir
d'amidon de maïs, ce qui entraîne une compétition
avec les besoins alimentaires.
En Février 2004 Novozymes annonçait avoir
abaissé les coûts de production de 12 fois, excédant,
ce faisant, l'objectif de 10 fois (à 0,30 dollars pour
chaque gallon d'éthanol). Il faudrait pouvoir descendre
à 0,1 dollars pour un gallon d'éthanol pour atteindre le
niveau de compétitivité de la production à partir de
l'amidon.
Le NREL s'est consacré aux prétraitements de la
cellulose (les rafles de maïs) et à la combinaison des
enzymes améliorées. Novozymes Press Release
(26APR04).
     
147. La firme belge UCB a racheté pour 1,5
millions de livres la firme britannique, Celltech, pour
l'un de ses produits, le CDP 870 (un anticorps
monoclonal contre le TNF- destiné à combattre
l'arthrite rhumatoïde et la maladie de Crohn (une
inflammation intestinale) et qui est "pegylé" (combiné
au polyéthylène glycol selon un procédé de Nektar
Therapeutics).
C'est, selon P Mitchell; Nature Biotechnology 22
(JUL04) 787, le signal que la "consolidation" des
sociétés de biotechnologies est en cours.
Celltech est la plus grosse firme indépendante de
biotechnologie de Grande Bretagne avec 353 millions
de livres de revenu et 50 millions de livres de bénéfice
opérationnel. UCB est une relativement petite firme
pharmaceutique (productrice de l'antihistaminique
Zyrtec) avec 4,4 milliards de dollars US de ventes.
Cela vexe beaucoup les britanniques, d'autant que
Celltech aurait très bien pu rester indépendante.
Les analystes (qui se trompent souvent, comme les
scientifiques sur le sujet) prédisent un marché de 740
millions de dollars en 2010.
Celltech avait besoin d'un nouveau partenaire pour
développer le CDP870 depuis la défection, fin 2003,
de Pfizer après sa fusion avec Pharmacia.
GlaxoSmithKline et Aventis avaient, un moment,
envisagé l'acquisition d'une licence. UCB a fait des
propositions qui seraient équivalentes à celles de
Pfizer. Cela correspond à un changement de cap de la
stratégie d'UCB de la chimie (Union Chimique Belge,
si je ne trompe) vers les biotechnologies.
Il est vraisemblable que Celltech qui aurait pu se
contenter de cet accord sur le CDP870 a préféré
anticiper sur les besoins de financement de ses autres
produits moins avancés pour lesquels il aurait, de toute
façon fallu trouver des partenaires extérieurs, en
gardant plus de possibilités.
Le prix accepté montre que l'industrie
biotechnologique est probablement très sous-évaluée.
L'article cite plusieurs autres firmes qui, selon les
"experts" sont également dans ce cas.
Un des problèmes serait que les investisseurs
européens ont tendance à ne vouloir investir que dans
leur pays, or l'auteur soutient que les firmes
européennes doivent absolument grossir si elles
veulent tenir tête aux américaines.
EuropaBio souligne que la consolidation ne pourra
avoir lieu qu'à condition que les frontières, encore
manifestes, soient oubliées, mais les gens "sérieux"
ont beaucoup plus tendance à chercher outreatlantique, car l'argent y est plus abondant et les
compagnies y seraient plus attractives techniquement
et cela pourrait durer.
     
147. S Lawrence; Nature Biotechnology 22
(AUG04) 798 examine globalement les trois rapports
de Ernst et Young de Juin sur les biotechnologies
dans le monde. Le secteur des biotechnologies a vu
ses revenus croître de 17% (pour atteindre 46,5
milliards de dollars US) une diminution des pertes de
65% à 4,6 milliards de dollars US, mais aussi une
réduction des dépenses de recherche de 16% (à 18,6
milliards de dollars US). Le nombre des employés a
cru à 200 000 dans les 611 compagnies cotées
analysées, soit 9% de plus. Il existait dans le monde à
la fin 2003, 4 471 compagnies. S Louët; Nature
Biotechnology 22 (JUL04) 789-790, commente celle
sur les biotechnologies de la région Asie Pacifique
(c'est à dire incluant Nouvelle Zélande et Australie,
mais hors Japon) intitulé "Asia-Pacific report, On the
threshold", publié en Juin. Cette étude souligne leur
développement rapide, alors que l'Europe est recul. La
seule limitation est un capital risque très limité,
compensé par une stimulation gouvernementale non
négligeable. Une série de tableaux permet de
visualiser les évolutions comparées en Amérique du
Nord en Europe et dans la région Asie-Pacifique,
globalement ou par pays.
Mondialement, les Etats-Unis restent leader avec
1155 start-ups et 314 sociétés cotées en bourse, suivis
du Canada avec 389 et 81, l'Europe avec 1765 et
seulement 96 (surtout 43 sociétés cotées en bourse en
Grande Bretagne)
Cet essor est inégal suivant les pays. L'Australie
compte 168 start-up (private companies) mais 58
cotées en bourse (en France on en compterait
respectivement 240 et 6) mais Inde et Chine sont en
rapide progression (Chine, plus Hong Kong,
représentent 126 start-ups et 10 sociétés cotées en
bourse, la Suisse ayant sensiblement le même nombre,
mais avec seulement 5 sociétés cotées en bourse.
Une des forces de la Chine, de l'Inde et de la Corée
est le nombre des expatriés jeunes et compétents (je
souligne depuis quinze ans le pourcentage de premiers
signataires d'articles d'origine asiatique, sauf en
Europe et surtout en France). L'avantage des
asiatiques sur l'Europe est qu'ils ramènent plus
facilement leurs idées et de l'argent qu'en une Europe
très académique.
Ce qui peut motiver les capitaux locaux est la taille
des marchés (Inde et Chine) qui est potentiellement
élargi par les accords entre la Chine et l'ASEAN
(Brunei, Birmanie, Cambodge, Indonésie, Laos,
Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam)
29
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
en Mai dernier. C'est trois fois l'Europe (1.7 milliards
de personnes). Ceci incite des états comme Singapour
à développer des technologies à destination d'un
marché ainsi élargi.
Le problème est d'adapter les structures au contexte
économique et politique qui n'est pas le même qu'en
Europe, passée la phase de stimulation publique. Les
investisseurs occidentaux sont, de ce fait, très
méfiants. Pour faciliter cette transition la Chine a
ouvert un équivalent du Nasdaq.
En l'absence actuelle de capitaux risques
suffisants, les asiatiques développent un système
hybride combinant des revenus à court terme comme
des services techniques et une recherche de produits,
ce qui les handicape dans la rapidité de mise en œuvre
de nouveaux produits. Un autre aspect préoccupant,
pour eux, est la fragmentation des autorités ce qui
ralentit d'autant les mises sur le marché en fonction
des pays et de l'efficacité de leurs autorités
réglementaires. Le rapport de Ernst & Young souligne
qu'il faudrait avoir une structure unique pour la région
calquée sur les dispositions européennes (encore que
dans le domaine des cultures génétiquement
modifiées, nous ne soyons guère un modèle).
     
148. D McElroy; Nature Biotechnology 22
(AUG04) 817-822, de Verdia se penche,
indirectement,
sur
l'évaluation
des
acquis
intellectuels derrière la valeur d'une entreprise,
particulièrement sur le calendrier d'un développement
en biotechnologie agricoles
On connaît les objectifs de ces améliorations moins
sur les techniques qui pourraient être utilisées et
amélioreraient le résultat final (par exemple la
recombinaison homologue), soit en accélérant la mise
sur le marché soit en réduisant les coûts (par exemple,
les modalités de production dans les plantes). On n'a
pas l'équivalent des trois phases d'essai des
médicaments (en fait quatre, avec la phase préclinique) qui permettent de se faire une idée du stade
de développement.
En fait le profil des risques en ag-biotech est
différent de celui de la pharmacie et on ne peut
rransposer ce qui se fait dans ce dernier secteur. Il
faudrait, selon l'auteur, créer une nomenclature
spécifique dont il suggère quelques grandes lignes
comparées à celle des médicaments.
     
149. Les firmes de biotechnologie ont un besoin
urgent d'accéder à des financements (et les
investisseurs
initiaux
à
un
retour
sur
investisement). L'introduction en bourse en est un qui
assure le début de la maturité d'un projet. Une fenêtre
vient de s'entrouvrir, mais pas pour tous.
Elle s'est ouverte, en fait en Septembre 2003.et 20
compagnies ont pu collecter 1,17 milliards de dollars
jusqu'à Avril 2004. L'enthousiasme n'y est quand
même pas car, le premier jour de cotation, seules les
actions d'Eyetech Pharmaceuticals (voir le Bulletin
d'Août §137) a été coté au dessus du prix
d'introduction.
T Jacobs; Nature Biotechnology 430 22 (AUG04)
949, affirme que ce type d'évaluation de l'intérêt d'une
action est erroné.
30
Il rappelle que généralement dans une introduction
en bourse, c'est une banque d'investissement qui prend
en charge la totalité des actions et , en tant que leader,
les vend et a donc la responsabilité de l'opération. Elle
agit alors en liaison avec un syndicat de banques
auquel elle alloue un contingent d'actions avec un
rabais de 7-8%, à charge pour chacun de placer les
siennes. Le leader assure la promotion de la société
auprès du public comme des investisseurs de toutes
nature, pour vendre les actions le plus cher possible
dans une sorte d'enchère forcenée.
C'est là que réside une difficulté majeure entre
l'entreprise et son promoteur banquier. Ce dernier
doit laisser espérer aux investisseurs un bénéfice
rapide, or la société a encore plusieurs années, le plus
souvent, pour mettre quelque chose sur le marché.
C'est donc un bénéfice spéculatif qui est recherché au
début. L'entreprise a besoin d'un maximum de
financement par ce biais et donc une action vendue
cher lui plaira plus qu'à son banquier. Autrement dit,
plus une action est réévaluée juste après l'introduction,
plus la société a perdu d'argent dans l'introduction.
L'auteur reprend l'exemple de l'action d'Eyetech, qui
a un aptamère contre la dégénérescence de la macula,
Macugen™ (pegaptanib sodium) pegylé selon la
technique de Nektar. La société est entrée en bourse
en Janvier et a récolté $167,2 millions, avant
déduction des redevances à la banque introductrice.
Offerte à 21 dollars l'action, cette dernière a pris 45%
dès le premier jour de cotation. Quelle aubaine…sauf
pour Eyetech qui estime avoir donc perdu $76,6
millions offerts aux nouveaux actionnaires. Les
sociétés veulent bien perdre quelques pourcent (ce
qu'elle font en utilisant une banque d'investissement)
mais pas 45%. Ce ne serait que demi-mal si le prix de
l'action reste élevé, ce qui facilitera un second round
de financement par ce moyen, mais en général l'action
retombe et on n'en a tiré aucun avantage compétitif
pour l'avenir (il n'y a pas que les biotechnologies
auxquelles cela arrive, voir ce qui s'est passé pour
plusieurs privatisations). D'où l'avertissement de
l'auteur.
     
150. Syngenta avait abandonné au début de l'année
ses poursuites contre Monsanto à propos de la
technique de transformation du coton par
Agrobacterium. Les deux compagnies avaient décidé
de ne pas se réclamer de redevances dans le cadre d'un
accord non exclusif de licences sur les techniques de
protection biologique contre les insectes et la tolérance
aux herbicides. L'encre de l'accord signé entre
Syngenta et Monsanto à peine sèche (Syngenta Press
Release du 23FEB04), Monsanto attaque Syngenta,
le 12 Mai, à propos de son acquisition des maïs GA21
de Bayer CropScience (issus des travaux de De Kalb
selon Monsanto), lui interdisant de les commercialiser
en 2005 via sa marque NK, ainsi que sous celles de
Garst et Golden Harvest et sous licence par d'autres
semenciers, et lui intimant de détruire toutes ses
lignées. Monsanto affirme dans la même phrase que la
technique GA21 est périmée et que sa technique
NK603 est très supérieure, et pourtant la société
poursuit!!!!
Par ailleurs, Monsanto attaque Syngenta, le 10 Mai
puis, sous une forme amendée le 27 Juillet, pour
Le Bulletin des BioTechnologies – Septembre 2004 – n°221
rupture de contrat sur les sojas transgéniques négociés,
à l'époque, avec Ciba-Geigy (prédécesseur de
Syngenta).
Syngenta Seeds en rajoute une couche en assignant,
le 28 Juillet, Monsanto dans un nouveau procès
antitrust à propos du maïs.
Ce n'est pas tout, le 24 Août (Associated Press),
Syngenta signe un accord de coopération avec Delta
& Pine Land, un des grands semenciers du coton
(filiale de Monsanto jusqu'à nouvel ordre) sur des
cotons résistants aux insectes. Syngenta accorde une
licence de ses technologies VipCot au détriment de
la technique Bollgard™ et obtiendra, en retour, un
paiement des licences et une part des bénéfices,mais
sans autre détail. Selon Forbes (www.forbes com)
c'est le premier pas dans une émancipation de Delta &
Pine Land par rapport à Monsanto qui a été longtemps
son fournisseur de cotons transgéniques. La raison de
ce changement de technique n'est pas dévoilée (mais il
y a eu plusieurs échecs dans la protection des
plantations de coton dans le sud des Etats-Unis). Le
bénéfice le plus probable est une diminution des
redevances. La rapidité du basculement entre ces deux
techniques sera une indication. Curieusement
Monsanto n'avait pas réagi fin août (lors de la
rédaction de ce Bulletin).
     
31
Téléchargement