sensation d’être un fils de la Terre. J’ai fait ce choix de liberté, je suis léger, je ne possède rien
et je n’ai pas de banquier sur le dos. Ma plus grande richesse est de vivre dans la nature et de
me réveiller le matin en contemplant le ciel et la lune.» Philosophe, Pascal ne se décrit pas
moins aussi comme un «ours bourru, volcanique et explosif». Un tempérament dont le film ne
fait pas mystère.
Carole Noblanc, 28 ans, d’origine bretonne, a pris part pendant six ans à la transhumance. «Le
plus dur, confie-t-elle, ce sont les conditions climatiques, la bise surtout.» Autre difficulté de
taille, «prendre les bonnes décisions, et toujours anticiper ce qui va se passer».
Le quotidien d’une bergère? Bâter et débâter les ânes, installer le bivouac, faire du feu et
soigner les moutons. La transhumance suit un parcours établi, et des liens se sont tissés. Les
bergers sont accueillis de temps à autre pour un repas chaud et une douche bienvenue. En
chemin, Carole marche devant le troupeau, enveloppée dans sa cape bergamasque en laine ou
sa pèlerine militaire. La jeune femme dit avoir très vite oublié la caméra qui suivait la
transhumance par tranches de deux ou trois jours: «J’avais tellement de choses à penser que
je ne m’occupais pas de la caméra.»
De magnifiques images
L’équipe de tournage emmenée par Camille Cottagnoud, un habitué des tournages en
montagne, auteur de magnifiques images, s’est adaptée aux conditions de vie rudimentaires
des bergers. Pour Pascal Eguisier, Hiver nomade est une forme de transmission: «J’ai accepté
le tournage pour mes enfants qui ont 23, 19 et 8 ans, et que je vois peu. Par images
interposées, ils pourront ainsi connaître leur père.» Un homme qui rêve de suivre un jour une
transhumance de rennes, chez les Nenets, en Sibérie.
Manuel von Stürler, qui est également musicien et compositeur, signe avec Hiver nomade son
premier film. Il a déjà décroché le Grand Prix du meilleur long métrage documentaire au festival
Visions du Réel 2012, à Nyon, le Prix du public et celui de la meilleure photographie à Namur,
et il est nommé pour le Prix du cinéma européen. Claudine Dubois
© Le Monde
8 novembre 2012