Histoire des greffes

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CARRIC Elodie
LE NOUVEAU Emilie
EC Immunodépression - 13/01/11
Histoire des greffes
Introduction
Pendant la bataille d’Angleterre en 1940, le gouvernement britannique désigne un obscur biologiste
pour étudier les greffes cutanées, afin de traiter des pilotes anglais qui présentaient des brûlures étendues.
Ce biologiste réalise une expérience très simple qui utilise des greffes cutanées chez le lapin.
Expérience de Medawar (1944) démontre que :
I. Chez le lapin, une greffe cutanée provenant d’un autre donneur sans aucun lien de parenté est
rejetée en 10 jours.
II. Une seconde greffe provenant du même donneur est rejetée beaucoup plus vite, en 6 jours : ce qui
suggère la survenue d’une immunisation chez le receveur : càd l’existence d’un mécanisme immunitaire
(comparable à ce qui peut exister en matière d’infectiologie, de tuberculose par exemple, càd que le rejet
de greffe n’est pas du tout différent de la défense de l’organisme vis à vis d’un mécanisme infectieux).
Ce travail simple donne à Medawar le prix Nobel de médecine. Il sera anobli par la reine, et devient
Sir Peter Medawar.
Actuellement il a donné son nom au Nobel de la transplantation délivré par le comité de la
transplantation : le prix Sir Peter Medawar.
Ce prix a été donné par exemple à trois français :
-
René Küss qui a décrit la technique de la greffe rénale et qui a aussi pour la première fois
réussi une allogreffe rénale avec immunosuppression chimique entre patients non apparentés.
-
Georges Mathé : première greffe de moelle osseuse
-
Jean-Michel Dubernard qui a énormément travaillé en transplantation. Il a d’abord mis au
point la transplantation pancréatique, ensuite et pour la première fois a réalisé des greffes
composites : d’un avant-bras d’abord puis les deux ensuite et donc les mains. Il a montré que
ces greffes composites étaient mieux tolérés que les greffes habituelles car elles associent par
définition une greffe de moelle osseuse puisqu’il y a de la moelle osseuse dans les os de
l’avant-bras
Il y a deux ans il a développé la 1ère greffe de visage au monde qui a été faite à Amiens.
Le rejet est dû à quoi ?
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Le rejet est dû à l’immunité cellulaire et donc au lymphocyte. Preuve de 2 manières :
1- Une expérience très simple et très ancienne qui consiste à mettre dans une capsule avec
des mailles très fines (grillage) un morceau de tissu étranger. Celui-ci n’est pas rejeté si
les mailles sont assez fines pour empêcher les éléments figurés du sang de passer,
notamment les lymphocytes qui sont responsables du rejet de greffe.
2- Les greffes rejetées sont infiltrées de lymphocytes.
I- Définitions
A- Différents types de greffe
1- Autogreffes
Quand un tissu est transplanté d’un endroit à un autre sur le même receveur, l’organisme de
ce receveur reconnaît que ce tissu lui appartient.
Le succès ou l’échec d’une greffe dépend exclusivement d’une bonne technique opératoire.
Ex : pour les grands brulés le greffon provient du même individu, c’est un morceau de peau qu’on lui
prélève sur une autre partie de son corps.
2- Isogreffe
On appelle ainsi des tissus échangés entre de vrais jumeaux car ils ne sont pas considérés
comme des tissus étrangers. Il existe une identité génétique totale entre le jumeau donneur et le jumeau
receveur.
3- Homogreffes ou allogreffes
On appelle ainsi des tissus transplantes entre les membres différents d’une même espèce
(comme l’homme).
L’intensité du rejet dépend grossièrement du degré de différence génétique entre le donneur et le
receveur d’où les recherches sur le groupe tissulaire. Ce sont les greffes les plus pratiquées.
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4- Hétérogreffes
On appelle hétérogreffe la transplantation d’un tissu provenant d’un donneur qui appartient à
une espèce différente mais similaire (par exemple singe et homme : HLA du singe est similaire à 98% à
l’homme). En moyenne la rapidité et l’intensité du rejet sont plus grandes qu’avec les homogreffes.
Les hétérogreffes entraînent en général un rejet suraigu puis un rejet aigu.
Ex : Un chimpanzé a donné son foie à un jeune enfant. Le foie de l’animal était totalement
différent d’un point de vue génétique. L’enfant a fait un rejet suraigu, suivi d’un rejet aigu. L’enfant n’a
pas survécu à cette hétérogreffe.
5- Xénogreffes
On appelle xénogreffes des tissus que l’on transplante entre des espèces différentes (comme
par exemple entre porcs et chiens). Dans la plupart des cas, les xénogreffes sont détruites en quelques
heures par un rejet suraigu. Le rejet est plus aigu du porc vers le chien que l’inverse.
B- L’immunité cellulaire
Il y a 2 sortes d’immunité : immunité humorale et cellulaire. Pour le rejet de greffe c’est
l’immunité cellulaire qui est en jeu.
Elle est sous la dépendance d’une variété de globule blanc : le lymphocyte :
- comme le prouvent les expériences de laboratoire
- l’envahissement des greffes par les lymphocytes au moment du rejet.
Elle est donc responsable du rejet.
L’immunité cellulaire dépend des Lymphocytes T (LT) et l’immunité humorale des immunoglobulines
sécrétées par les Lymphocytes B.
Au début les traitements immunosuppresseurs étaient non sélectifs, aujourd’hui sélectifs des LT avec
l’IL-2.
C- Conditions du succès d’une transplantation d’organe
1 - Atténuation des différences antigéniques
Il y a sélection des donneurs : identité du HLA pour une compatibilité totale.
En veillant à ce qu’il y ait une bonne immunité tissulaire. Mais actuellement les traitements
immunosuppresseurs sont tellement forts que cette atténuation des différences antigéniques a beaucoup
moins d’importance.
2 - Diminution des défenses immunitaires
Par un traitement immunosuppresseur. Ainsi un donneur vivant peut par exemple donner un de ses
reins à son conjoint, ce qui était impossible auparavant.
Avantage : organe préservé, vascularisé
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Inconvénients : risques pour donneurs pour certaines greffes
D- Antigènes d ’Histocompatibilité
Atténuation rapprochée avec les antigènes d’histocompatibilité. Ce sont les marqueurs de
chaque individu. Ces antigènes sont retrouvés au niveau de chaque cellule, de chaque tissu.
S’il y a greffe, des antigènes étrangers à l’individu sont donc introduits dans l’organisme.
Le système HLA (antigènes d’histocompatibilité) a été découvert par Jean Dausset.
Pour des frères et sœurs avec HLA identiques : il y a 100% de succès à vie.
En un peu plus de 40 ans, il y a eu seulement 3 prix Nobel de Médecine en biologie :
-
en 1965 : Monod, Lwoff et Jacob, pour l’ARN messager
-
en1980 : Jean Dausset pour HLA.
-
en 2008 : Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi, pour la découverte du VIH
E- Traitement Immunosuppresseur
= Qui lutte contre les différences antigéniques
Le premier est l’Azathioprine (Imuran).
Puis on a associé plusieurs molécules :
-
Azathioprine (Imuran) + Prednisone (Cortancyl)
-
Azathioprine (Imuran) + Prednisone (Cortancyl) + Serum Anti-lymphocitaire
-
En 1985 la Cyclosporine (Sandimmun) + Prednisone (Cortancyl) +/- Azathioprine
(Imuran)
-
En 1995 le FK 506 (Prograf) + Prednisone (Cortancyl)
Aujourd’hui il existe de nombreux traitements immunosuppresseurs.
Le FK 506 fut un réel progrès.
II- Histoire de la greffe
A- Le début des greffes
1- Technique opératoire de greffe rénale
René Küss est le premier à découvrir la technique opératoire de greffe rénale.
Le problème est que les reins sont thoraciques (sous les côtes), rétro péritonéaux et profonds, avant
passage à travers les côtes mais difficile d’accès pour greffer, il est donc presque impossible à remettre
en place.
R. Küss a imaginé de mettre le rein greffé dans la fosse iliaque droite ou gauche. Pratique
car :
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-
Possibilité de le brancher aux vaisseaux iliaques
-
Le rein est très proche de la vessie donc l’implantation de l’uretère dans la vessie est facilitée.
-
De plus le rein est protégé par la fosse iliaque et la biopsie est facile pour savoir si il y un rejet ou
non.
Cette technique opératoire a été révolutionnaire car elle a permis de faire des greffes de rein en toute
sécurité dans le monde entier.
Par ailleurs, René Küss a étudié le traitement immunosuppresseur.
En 1954, un jeune maçon tombe d’un échafaudage, on l’opère pour lui retirer son rein mais les
chirurgiens se rendent compte qu’il n’a qu’un seul rein. Sa mère va alors lui donner un de ses reins mais
il ne fonctionnera que 3 semaines avant d’être rejeté.
John Merill, néphrologiste de Boston a vu cette technique alors qu’il voyageait en France au début des
années 1950, il a alors mentionné cette technique au Docteur Hume qui l’a adopté pour la première
greffe qui a été réalisée sur des jumeaux identiques. Cette greffe a réussi et a donc permis à John Murray
d’obtenir le prix Nobel, en utilisant la technique de R. Küss.
C’était très astucieux de donner le prix Nobel à cet homme car non seulement il a réussi la première
greffe, mais en plus avec des jumeaux identiques. Ceci pour montrer l’importance des différences
antigéniques pour le succès ou l’échec de la greffe.
En effet, jusqu’à Murray, toutes les greffes échouaient car le rejet survenait.
A cette époque, en 1961, Burnett en dépit du succès réalisé par J. Murray laissait entendre qu’il y avait
peu de chances qu’on réussisse une greffe, quelque soit l’organe.
2- L’immunosuppression chimique
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R. Küss a montré qu’il est possible de réaliser une greffe entre deux individus antigéniquement
différents : il s’agit d’un donneur et d’un receveur. Pour la première fois, il utilise une
immunosuppression chimique : 6-mercaptopurine
Avant l’utilisation de l’immunosuppression chimique, pour les greffes entre les jumeaux non
identiques et les greffes familiales, on utilisait la radiothérapie. L’idée était très simple puisque le rejet
est dû aux lymphocytes, on bombarde avec la radiothérapie le receveur pour détruire toutes les cellules
du sang et de ce fait le rein n’était pas rejeté car il n’y avait plus de lymphocytes.
Mais il s’agissait d’une radiothérapie très peu sélective puisque toute la moelle osseuse avait été détruite.
Cette étape d’immunosuppression chimique fut très importante car on a montré que l’on pouvait se
passer de la radiothérapie, et utiliser des drogues à la place.
Roy Calne a découvert l’azathioprine (Imuran), dérivé de la 6-mercapto-purine, qui était utilisé
de manière systématique au début des premiers succès de greffes rénales dans les années 1962-1963.
Le plus utilisé après la 6mercaptopurine jusqu’en 1985 avec l’arrivée de la cyclosporine.
Thomas E.Starzl, jeune chirurgien a d’abord travaillé à Chicago, à la Northwestern university, sur les
problèmes de reconstruction des greffes du foie sur le flux hépatique après l’intervention.
Expérience sur le chien : le chien est un animal particulier qui a des sphincters sur les veines sushépatiques ; et Starzl voulait montrer qu’en dépit de ces sphincters qui ont tendance à se contracter et à
empêcher le sang veineux du foie de sortir ; on arrivait par des précautions un peu spéciales à contourner
ce problème…) et à réussir une greffe de foie.
3- La réversibilité du rejet de greffe
Puis il a été nommé Professeur agrégé de chirurgie dans un petit hôpital de vétérans à Denver où il
avait la possibilité de faire de la chirurgie expérimentale. Il a donc repris ses expériences sur les greffes
de foie.
Il est déjà prouvé qu’il y a un mécanisme immunitaire dans le rejet de greffe mais pas prouvé que
des médicaments existent puisqu’il s’agit d’un mécanisme constitutif de l’organisme.
Sur la greffe de rein, il montre pour la première fois que le rejet est réversible, qu’il n’y a pas de
phénomène continu.
Il montre que quand on injecte de la prednisone lors d’un rejet rénal, on arrive à rétablir une situation
normale et à créer une tolérance de l’allogreffe.
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Sur ce schéma on remarque qu’après les premiers jours de la greffe (quand rejet) :
- augmentation de l’urée et de la créatinine
- polynucléose
- Tension artérielle augmente
- clearance de la créatinine s’effondrent
Avec une injection de prednisone (flèches noires) : le rejet devient réversible, la clairance remonte,
l’urée diminue, les GB diminuent.
4- Association de deux immunosuppresseurs
A Chicago, le chef du département de chirurgie, Loyal Davis, était neurochirurgien mais surtout
éditeur d’un journal de chirurgie « Surgery, Gynecology and Obstetrics ».
Starzl a eu l’idée d’associer pour les greffes de rein 2 immunosuppresseurs, puisque : le rejet était
réversible par la prednisone ; et que Küss et Roy Calne avaient montré que l’on pouvait avoir un
traitement IS avec la 6-mercaptopurine ou Imuran.
Il a donc eu l’idée d’associer les deux et a alors obtenu des résultats extraordinaires pour les greffes
de rein.
Tout le monde est allé voir ce qui se passait à Denver et pourquoi il avait de très bons résultats.
Il voulait publier ses résultats dans le journal « JAMA » (Journal American Medical Association) et
a donc envoyé son article à Loyal Davis qui était éditeur du journal. Ce dernier est donc allé à Denver et
a dit à T. Starzl de publier cet article et d’en faire un autre concernant la démonstration de la
réversibilité du rejet qu’il publierait dans « Surgery, Gynecology and Obstetrics ».
Par la suite tous les papiers sur la transplantation ont été publiés dans cette revue « Surgery,
Gynecology and Obstetrics ». Cela fut un point très fort pour Thomas Starzl car à l’époque, en raison de
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l’opinion de Burnett, la plupart des médecins et chirurgiens pensaient que c’était un challenge
impossible que de réussir une greffe, quelque soit l’organe.
5- Les premières greffes chez l’Homme
Starzl continue ses travaux sur le chien qui sont une réussite. Il décide de réaliser les premières
greffes chez l’homme. Il publiera les trois 1ères interventions chez l’homme qui provoquent un grand
choc mondial.
La première greffe chez l’homme au monde a été réalisée en mars 1963 chez un enfant de 3 ans pour
une greffe du foie. Cet enfant a eu une thymectomie avant l’opération puisque les LT en proviennent. Il
était très fatigué et en choc opératoire. Malheureusement il meurt sur la table d’opération.
Il y a eu 2 autres greffes par la suite. Elles montrent qu’on arrive à obtenir une survie pendant 21
jours. Cependant ce n’est pas suffisant et T. Starzl décide en novembre 1963 de retourner alors au
laboratoire. Il travaille alors sur d’autres immunosuppresseurs pour permettre enfin le succès.
4 ans après, avant que ne survienne le succès pour la greffe du foie, Christian Bernard réalise la
première greffe cardiaque, et en 1968 Christian Cabrol la première greffe de cœur en Europe.
B- La Greffe du Foie
1- Le sérum anti-lymphocytaire
Metchnikov, un savant russe, était professeur de biologie marine à St Petersbourg. Puis il est nommé
à Odessa. Malheureusement sa femme est très souffrante et il va travailler à Messine, devient spécialiste
de l’étoile de mer. Sa femme décède, il alors est désemparé.
Or c’est l’époque où Pasteur a un rayonnement mondial, Metchnikov part à l’institut Pasteur, où il
travaille sur la résorption des cellules. Il publie un long article en 1898 sur ce sujet.
Il découvre que lorsque l’on injecte des lymphocytes dans le sérum d’un individu différent, le sérum se
met à fabriquer des anticorps. Il fait ainsi la description en 1898 du sérum anti-leucocytaire. Il sera très
vite oublié… ( en fait il s’agit d’un sérum anti-lymphocytaire mais à l’époque ce n’est pas clair)
En 1904, il reçoit le prix Nobel pour son travail général sur l’immunité.
Puis un certain nombre de gens dans le cadre de la recherche pour les greffes se mettent à
redécouvrir le sérum anti-lymphocytaire, notamment un écossais, Sir Michael Woodruff qui travaille sur
le rat.
Thomas E.Starzl décide alors d’utiliser le sérum anti-lymphocytaire comme traitement
immunosuppresseur pour la tolérance des greffes.
Il travaille d’abord sur l’animal (le chien) et démontre que le sérum anti-lymphocytaire est un
excellent traitement immunosuppresseur qui empêche le rejet de greffe pour le rein et le foie.
Puis il décide d’utiliser ce sérum anti-lymphocytaire chez l’Homme, mais cela pose plusieurs
problèmes :
- Quels lymphocytes utiliser (il y en a dans les ganglions, la rate, le canal thoracique, les
amygdales, …) ?
- Sur quel animal les injecter ?
Thomas E.Starzl décide d’utiliser les lymphocytes spléniques et de les injecter sur le cheval dans la
veine jugulaire.
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3 semaines après, on retire le sérum du cheval et on le purifie, on obtient ainsi du sérum antilymphocytaire.
Il utilise alors le sérum anti-lymphocytaire pour les greffes de rein chez le chien, mais aussi chez
l’Homme. Les résultats sont intéressants et montrent que le sérum apporte une survie meilleure de ces
greffes.
L’expérience est menée dans le General hospital à Denver.
L’utilisation de ce troisième immunosuppresseur, associé à l’Azathioprine (Imuran) et à la Prednisone
(Cortancyl) amène les premiers succès à long terme de greffe de foie.
Un enfant souffrant de la Maladie de Wilson a été greffé. Cette maladie entraine des dépose du
cuivre soit dans le foie, soit dans le cerveau (troubles neurologiques) soit dans l’œil, donc la
transplantation hépatique bloque l’évolution de la maladie mais sans enlever les symptômes déjà
présents.
Il semblait tellement irréaliste de réaliser des greffes de foie (de fabriquer des protéines étrangères à
l’individu qu’on greffait) que l’on appelait les greffeurs de foie les « Moon walkers » (« marcheurs de
lune », c’était en 1968 !) pour rappeler la difficulté de la réalisation d’une greffe, souvent présents des
cosmonautes en photo avec les greffés.
2- Un cas un peu particulier qui redonne espoir
Peter Petrovitch, un malade transplanté en août 1970
Il présentait une cirrhose alcoolique majeure, une dénutrition très importante, des escarres sacrées
trochantériennes et taloniennes, et depuis 6 mois il était encéphalopathe.
Il est transplanté, mais malheureusement il est resté encéphalopathe avec une gastropathie et une
hypertension portale. Il fut réopéré pour une gastrectomie, mais meurt au bout de 3 semaines.
Cependant, quand on lui fait une biopsie du foie (à Rennes), elle apparaît absolument normale.
C’était un espoir très important pour la suite car cela prouvait que le traitement immunosuppresseur
avait empêché le rejet.
Ce malade était en très mauvais état avant sa greffe. En fait il a été transplanté uniquement parce
qu’il s’agissait du roi Pierre 2 de Serbie.
Rq : histoire de ce roi : à 13 ans en 1934 son père se fait assassiner à Marseille, 1941 : 18 ans il fuit son
pays pour Londres, 1945 : la Serbie tombe sous Staline, donc il part à Los Angeles où il boit donc
cirrhose….
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3- Le problème de la survie
Au début des années 1970, malheureusement les survies restent peu nombreuses
En effet, à l’époque la survie la plus longue est de 3 ans chez un enfant qui finalement décède d’une
pneumonie virale sévère à 7 ans à cause d’une over-immunosuppression. Sa face un peu ronde
témoignait d’ailleurs de cette immunosuppression trop forte.
En mars 1972, lors de la présentation des résultats de l’équipe de Lyon, il n’y a en tout et pour tout
que 7 survivants (sur 38 malades), dont seulement 3 qui sont encore vivants, les autres étant décédés
entre 1 mois et 3,5 ans. Ces résultats sont donc décevants. 25% des malades survivent à 1 an.
Heureusement, il existait un chien qui avait été transplanté et qui était vivant depuis 8 ans alors que
l’immunosuppression avait été stoppée au bout de 3 mois. On pouvait donc pensait qu’un jour la greffe
marcherait.
4- Les causes des échecs
a. L’indication opératoire
La greffe, à l’époque de ses premiers essais, était une technique un peu aléatoire. On opérait
beaucoup de gros cancers. Ces malades (sous immunosuppresseurs) récidivaient, présentaient des
métastases pulmonaires ainsi que des récidives au niveau du greffon.
C’était logique car un cancer, c’est une greffe qui a pris, or si on donne un traitement
immunosuppresseur à un malade opéré d’un cancer, on facilite le développement du cancer.
b. L’immunosuppression inadéquate (pas assez ou trop
forte)
Un enfant malade avec une immunosuppression très forte : face lunaire, obésité faciotronculaire, notamment au niveau du visage (joues gonflées, on voit à peine les yeux), buffalo-neck,
hyperpilosité
Le puissant traitement immunosuppresseur (cortisone) entrainait un risque considérable de survenue
d’infections graves chez les patients.
De plus, la mauvaise préservation du greffon induisait une endotoxinémie chez le greffé. En
effet, lors de l’intervention, le clampage de la veine porte entrainait une pullulation microbienne
dans le foie du donneur. Une fois greffé chez le receveur, ce foie était incapable de se détoxifier tout
seul. Ceci conduisait à l’endotoxinémie ainsi qu’à des complications pulmonaires (SRAS,
pneumonie…).
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c. La signification et la difficulté de faire le diagnostic
étiologique de l’ictère
Aux débuts de la greffe, on associait systématiquement l’ictère au rejet. En réalité, on s’est
rendu compte qu’il y avait deux causes de complications autres que le rejet :
- un obstacle : au niveau des voies biliaires, car pendant l’opération on réalisait une anastomose
directement avec la vésicule, la bile était évacuée dans le duodénum et des obstacles pouvaient
apparaitre sur le canal cystique (par cytomégalovirus). Aujourd’hui on réalise une anastomose avec
le cholédoque.
- reprise d’une hépatite : un certain nombre de malades sont greffés pour des hépatites. Dans un
premier temps après la greffe, on observe une diminution de l’antigène Hbs puis celui ci augmentait
de nouveau quelques temps après (car le virus est répandu dans l’organisme), créant un ictère.
Pour faire le diagnostic différentiel de ces 2 causes, à l’époque le seul moyen était de faire une
scintigraphie marquée par un produit éliminé par la bile comme le rose bengal.
S’il s’agissait d’un obstacle sur la voie biliaire principale le colorant marqué ne passait pas
dans les voies biliaires.
Pour l’hépatite, on avait une imprégnation du foie que l’on pouvait calculer et comparer à
celle d’un foie normal.
d. La mauvaise préservation du greffon
Le foie était mal conservé, favorisant l’endotoxinémie et les complications pulmonaires ainsi
que l’hypoplaquettose.
5- Préservation du foie
Une présentation a eu lieu dans l’amphi E (de Rennes) en 1976 sur la préservation du foie,
par Joseph Benichou qui montrait que l’on pouvait préserver le foie à long terme de 6 à 8h (la
seconde greffe de foie a été préservée à Rennes pendant 8h), tandis qu’avant on transplantait le foie
immédiatement (ce qui explique pourquoi le donneur de Peter Petrovich était arrivé dans le même
avion).
Le liquide de préservation utilisé était le liquide de Collins. C’est un liquide de composition
intracellulaire, c’est-à-dire riche en potassium. Cet outil a permis de conserver les reins jusqu’à 30
heures. Secondairement, J.Benichou, qui a fait un travail sur le chien, a pu montrer que ça marchait
très bien sur les greffes de foie et qu’on pouvait ainsi conserver le foie pendant 6 à 8h.
Par la suite est apparu un nouveau liquide, également de composition intra-cellulaire : le
liquide de Wisconsin (toujours riche en potassium mais aussi en amidon : élément nutritif des
cellules). Ce liquide a permis de conserver des foies jusqu’à 18h. Cependant il est difficile de
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conserver un foie au delà de 12h car des lésions des voies biliaires peuvent apparaître avec un risque
ultérieur de nécrose.
Cette conservation a permis une avancée considérable dans le domaine de la greffe, permettant à un
receveur d’acquérir l’organe d’une personne décédée à distance, et d’augmenter ainsi le pool des
donneurs.
6- A Rennes
A Rennes, la première greffe réalisée était une greffe de rein, elle a eu lieu en 1972.
Les deux premières greffes de rein à Rennes ont été faites à partir du même donneur : l’un des
receveurs est décédé d’un cancer de l’anus, l’autre (une femme) vit toujours.
Il a alors été décidé de réaliser des greffes de foie, mais il a fallu auparavant tester les
traitements immunosuppresseurs par une étude randomisée et prospective. L’association choisie était
l’Imuran, la prednisone et le sérum anti-lymphocytaire (fabriqué avec des lymphocytes T
provenant du canal thoracique).
La courbe du haut concerne les personnes greffées traitées, celle du bas celles greffées non traitées.
→ Quand on ne traite pas les malades avec du sérum anti-lymphocytaire, la survie du rein
cadavérique est de 30 % à 1 et 2 ans, alors que lorsqu’ils sont traités avec du sérum antilymphocytaire, on obtient le double de survie (70%).
Si on compare l’utilisation de la prednisone avec et sans association au sérum anti-lymphocytaire, on
s’aperçoit qu’avec le sérum antilymphocytaire on a besoin de beaucoup moins de prednisone que
quand on n’utilise pas de sérum anti-lymphocytaire, il y a donc moins de risque d’infection.
On a obtenu un traitement immunosuppresseur efficace qui laissait présager d’un succès dans les
greffes de foie.
Plus tard, le 18 avril 1978, a eu lieu la première transplantation hépatique à Rennes, chez un malade
qui avait une hépatite B avec un hépatocarcinome. Malgré une complication (obstacle opéré) il a
récupéré et repris une activité normale. Ce fut à l’époque une grande étape pour Rennes.
7- La transplantation hépatique stagne
Malheureusement, malgré ces avancées la transplantation hépatique stagne.
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En 1980, dans un article, Thomas Starzl craint la survie après transplantation hépatique (il
observe une diminution de la survie après la greffe). Sa faculté ne croit plus en lui, son personnel est
licencié, on ferme son unité de transplantation et il doit démissionner.
En 1981, il va discrètement en Pennsylvanie où il est embauché par un ami, chef de chirurgie
dans l’hôpital de Pittsburgh. Les choses ne vont pas mieux : tous les premiers malades meurent. Il se
pose des questions car avec la 6-mercaptopurine il avait quand même eu de bons résultats
auparavant.
Une pétition contre la greffe du foie est même signée par tous les internes et résidents du
département de médecine du CHU de Pittsburgh en disant « La greffe du foie est un objectif
irréaliste, il est immoral de poursuivre les essais».
8- Découverte de la cyclosporine et ses conséquences
Puis, un immunologiste suisse, Jean-françois Borel a découvert un champignon qui a des
qualités immunosuppressives contre les lymphocytes T : la cyclosporine.
Thomas Starzl devient alors un héros américain. Quand on compare les résultats sans / avec la
cyclosporine, il y a plus du double de survie à
5 ans.
Cependant, la greffe de foie met beaucoup de temps
à se développer car la cyclosporine n’est pas
immédiatement commercialisée (problème car elle est non
soluble).
Ainsi, en 1985, il n’existe en France que 3 centres
de greffes de foie : Paris, Rennes et Montpellier.
Ce n’est qu’à partir de la commercialisation de la
cyclosporine en 1985 que le nombre de transplantation
augmente. Les indications pour le cancer vont diminuer
tandis que celles pour la cirrhose vont augmenter.
9- Techniques de transplantation
 Les autres transplantations se développent aussi à ce moment, notamment les transplantations
cardiaques.
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On va donc écrire une procédure flexible de prélèvement multi-organes : après avoir réfrigéré les
organes, puis réalisé une sternotomie, on commence à prélever le cœur, puis on prélève le foie et les
reins voire le pancréas.
 Ici, on a développé une technique de prélèvement rapide. En effet, avant on commençait par
disséquer tous les organes puis on injectait le liquide de conservation.
On injecte d’abord le liquide pour refroidir tous les organes, puis une fois protégés par le froid ils
sont disséqués.
 Grâce aux liquides de conservation on a pu se déplacer beaucoup plus facilement en Europe
(possibilité de 6-8 heures voir 10 heures de déplacement).
 Technique
Pendant la phase de préservation il y a deux temps :
-
le temps de prélèvement, le foie est aussi nettoyé,
-
un temps où l’on vérifie si tous les vaisseaux sont bien étanches sur le foie prélevé,
Avant, on utilisait une circulation extra-corporelle. Maintenant on clampe le tronc porte. Lorsque le
foie greffé est en place on déclampe d’abord la veine cave sup, puis la veine cave inf, puis la veine
porte, celui-ci reprend des couleurs peu à peu. L’anastomose la plus importante à vérifier est celle de
l’artère hépatique, car c’est elle qui apporte l’O2 au foie. La première complication de la greffe
hépatique est la thrombose de l’artère hépatique.
10- La transplantation à Rennes
Le 10ème anniversaire de la transplantation hépatique a été fêté en 1988 par l’université de
Rennes dans l’amphi Marcel Simon.
En 1992, dans l’amphi A, un débat a eu lieu entre J-F Borel et Iwatsuki sur un nouvel
immunosuppresseur : le FK 506( =prograf=tacrolimus) , qui montre des meilleurs résultats et est
désormais utilisé.
En 1992, dans l’amphi E, Thomas Starzl a décrit pour la première fois le microchimérisme
qui induit la tolérance des greffes. Le microchimérisme est l’échange des cellules dendritiques :
entre les cellules dendritiques du donneur qui vont se disséminer dans l’ensemble de l’organisme du
receveur et les cellules dendritiques du receveur qui s’intègrent dans l’organe greffé.
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D- Indication particulière
1- L’hépatite fulminante
L’hépatite fulminante : nécrose complète du foie due à des agents toxiques, qui peuvent être viraux
(hépatite A ou B), médicamenteux principalement ou des champignons.
Cette nécrose est très rapide, elle doit être traitée en urgence, càd qu’on recherche un greffon
dans toute l’Europe pour les greffer le plus rapidement possible.
Avant la greffe de foie on a essayé tous les procédés pour traiter les malades atteints d’une
hépatite fulminante : la transfusion, la circulation croisée, la perfusion extracorporelle du foie,
l’hémofiltration, … Aucun de ces procédés n’est efficace, seule la greffe hépatique fonctionne.
Le problème est de savoir quand est-ce qu’on va greffer, en effet, un certain nombre de
malades qui présentent une hépatite fulminante vont guérir spontanément, il n’est donc pas utile de
faire une transplantation qui est une intervention lourde. D’un autre côté si on ne va pas assez vite, le
patient peut mourir rapidement. Il n’est pas rare de voir arriver des malades parfaitement conscients
qui discutent avec le médecin et puis quelques heures après tombent dans le coma et meurent.
Afin de juger de cette urgence on se base sur les critères de transplantation de Clichy.
2- Les critères de transplantation de Clichy
Pour savoir si on doit les transplanter on regarde 2 choses :
▪
▪
coma ou confusion
les facteurs de coagulation : facteur V
S’il est < 20 % chez un patient < 30 ans
S’il est < 30 % chez un patient > 30 ans
→ A ce moment là la mortalité spontanée est de 90 % (90 % de risque que le malade meurt s’il
présente ces deux critères). La greffe est réalisée au plus vite.
3- Développement de foie auxiliaire
A Rennes, une nouvelle technique a été développée par Karim Boudjema : un foie auxiliaire.
La technique du foie auxiliaire consiste à réséquer une partie du foie en place, et de mettre de l’autre
côté le foie qui a été prélevé chez un donneur. Il existe plusieurs type de foie auxiliaire : le foie
orthotopique (ce qui veut dire qu’on le met à la même place que le foie normal) et le foie auxiliaire
hétérotopique (implanté à une place différente du foie normal).
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Habituellement on enlevait la rate pour mettre le foie, ou on le mettait dans la fosse iliaque car le
foie est un gros organe et il n’y a pas beaucoup de place.
Il est indispensable que le foie reçoive du sang portal, car il contient des facteurs hépatotrophiques ;
s’il n’en reçoit pas il va se réduire et mal fonctionner.
Scanner après transplantation d’un foie droit, dans le cadre
d’un foie auxiliaire (nb : le foie droit greffé qui
fonctionne mieux est hyperdense ici après injection de pdc)
Actuellement la survie après greffe est beaucoup plus satisfaisante que dans les années 90.
III- Les Conférences de consensus et leurs
conclusions
A- Les conférences
Pour bien préciser les indications des greffes, il y a eu 3 Conférences de Consensus :
▪
1983 : Washington
Objectif : Définir la greffe comme Procédé Thérapeutique.
Cette conférence eu lieu après le début des succès de Thomas E.Starzl à Pittsburgh, à l’époque
sa technique était considérée encore comme un procédé expérimental, ce qui fait que les assurances
refusaient de rembourser le coût énorme d’une greffe hépatique.
Cette conférence a réuni des chirurgiens et des hépatologues.
Ce type de conférence est très structuré : bibliographie très forte, ensuite il y a présentation des
résultats par des experts, et enfin il y a un jury. Le jury n’est pas directement impliqué dans la
transplantation, c’est lui qui prend la décision.
Lors de cette conférence, le jury a dit : « oui, maintenant la greffe hépatique est un procédé
thérapeutique qui doit être utilisé, ce n’est plus un procédé expérimental ». C’est quelque chose de
très important car jusque là la technique était considérée comme aléatoire.
▪
1993 : Paris
Objectif : Préciser les indications
Jusque là les indications étaient classiques : les maladies parenchymateuse (toutes les
cirrhoses, hépatites B, C), les maladies cholestatiques (cirrhoses biliaires primitives et cholangite
sclérosante) et les maladies métaboliques (rare, la plus fréquente étant la maladie de Wilson).
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Les indications qui étaient très discutées : le Cancer (c’était presque une contre-indication), cirrhose
alcoolique.
Priorisation aux cas les plus graves.
Pour la première fois à cette conférence il a été dit qu’il y avait peu de dons d’organes et
qu’ils devaient donc être réservés aux malades les plus graves.
▪
2005 : Lyon
Objectifs : Définir de nouvelles indications
B- Conclusions de la conférence de consensus
1 – Efficacité de la transplantation hépatique dans les cirrhoses post hépatite B
2 – Optimisation des traitements et du dépistage afin d’élargir les indications dans les cirrhoses post
hépatite C
3 – Intégration des cirrhoses alcooliques dans les indications
4 – Extension des indications pour tumeurs
5 – Possibilités d’autres thérapeutiques pour les petites tumeurs (comme on manque d’organes, on
peut être tenté de faire une petite résection sur les petites tumeurs, et s’il y a une récidive on propose
alors la transplantation hépatique)
6 – Les transplantations hépatiques de donneurs vivants n’ont pas de raison d’avoir des indications
plus larges
7 – Les co-morbidités sont davantage un facteur d’exclusion dans la transplantations hépatiques que
l’âge.
IV- Les causes de transplantations en Europe
-
La majorité des indications :
Cirrhose 68 %
Cancer 21 %
Infection métabolique 6 %
-
Dans les cancers :
les hépatocarcinomes représentent 80 % des indications pour cancer
les cholangiocarcinomes représentent 4 %
les cancers des voies biliaires 3%.
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Les indications pour les cirrhoses biliaires primitives se sont réduites, alors que c’était la majorité
des indications dans les années 80.
Aujourd’hui la majorité des indications de cirrhoses sont virales et alcooliques.
Les plus mauvais succès sont obtenus dans les cas d’hépatites fulminantes et de cancers.
Il a fallu beaucoup d’endurance et de combat pour réaliser ces greffes.
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