LA VIE
DU VENERABLE SERVITEUR DE DIEU
VINCENT DE PAUL
INSTITUTEUR
ET
PREMIER SUPERIEUR GENERAL
DE LA CONGREGATION DE LA MISSION
LIVRE SECOND
De ses Œuvres principales, et des grands fruits qui en sont provenus
Par Messire Louis ABELLY Evêque de Rodez
A PARIS
Chez Florentin LAMBERT, rue Saint-Jacques,
devant Saint Yves, à l'image de Saint Paul
M. DC. LXIV
Avec approbation et privilège
III
PRÉFACE
Quoique dans le premier livre nous ayons parlé des grandes œuvres dans
lesquelles M. Vincent a signalé sa vertu et son zèle, nous ne l'avons pu faire
toutefois que fort succinctement, pour ne pas interrompre par des digressions
trop fréquentes et trop étendues la suite de la vie de ce saint homme. C'est
pourquoi nous avons jugé nécessaire d'en faire un récit plus ample et une
déclaration plus particulière en ce second livre, afin que le lecteur ne fût pas
frustré de la consolation et de l'utilité spirituelle qu'il en pourra retirer. Par cette
lecture, il sera excité a admirer la conduite de la sagesse de Dieu pour la
sanctification et le salut d'un très grand nombre d'âmes; à remercier sa bonté de
cette abondante effusion de grâces qu'il a voulu faire en ce dernier siècle par le
ministère de son fidèle serviteur; et enfin à en tirer divers sujets d'édification et
même d'imitation dans les occasions qui se pourront présenter de pratiquer de
semblables œuvres. Car la voie des saints, selon le témoignage de l'Écriture.
croît comme la lumière jusqu'à un jour parfait qui éclaire ceux qui la veulent
suivre: elle est toute parfumée de cette odeur de Jésus-Christ, qu'ils répandent
par leur vertu, laquelle console et fortifie ceux qui marchent sur leurs vestiges.
Aussi, est-ce louer parfaitement Dieu, comme il le veut être en ses saints, que de
repasser par sa mémoire les belles actions de leur vie, d'étudier leurs vertus,
d'entrer dans les sentiments de leur piété, d'imiter les exemples qu'ils ont
laissés, de continuer les œuvres qu'ils ont commencées, et de s'efforcer, dans
l'union d'une parfaite charité.de rendre à Dieu sur la terre la même gloire qu'ils
lui rendent et qu'ils lui rendront éternellement dans le ciel.
Il est vrai que ce second livre paraîtra un peu ample, et que ceux qui aiment la
brièveté ne goûteront pas d'abord son étendue et la longueur de quelques-uns
de ces chapitres; mais s'ils veulent un peu considérer la qualité des sujets qu'on
y traite et la fin qu'on s'est proposée en les écrivant, ils connaîtront qu'on n'a pu
se dispenser d'agir de la sorte.
Il était question de faire connaître plus en particulier les
IV
grandes œuvres que Dieu a faites par M. Vincent, les motifs qu'il lui a inspirés
pour les entreprendre, les moyens dont il s'est servi pour les achever et les
grands fruits qui en ont réussi, tant pour inviter le lecteur à en remercier et
glorifier Dieu, que pour lui donner diverses vues de faire quelque chose de
semblable dans les occasions qui se pourraient présenter, où il s'agirait de
rendre les mêmes services à Dieu et les mêmes assistances au prochain. Or, il
est certain que cela ne se pouvait faire qu'en expliquant le détail et les
particularités qu'on a jugés dignes de remarque, d'où l'on pourra sans doute
tirer beaucoup plus de lumière que si les choses n'étaient rapportées qu'en
général.
Si néanmoins quelqu'un n'avait pas le loisir ou ne voulait pas se donner la peine
de lire ce qui est rapporte en ce second livre, et ne désirait voir que le simple
récit de la vie et des vertus de M. Vincent, la lecture du premier et du troisième
livre suffira pour lui donner une entière satisfaction.
L I V R E D E U X I E M E
LES OEUVRES
DU VÉNÉRABLE SERVITEUR DE DIEU VINCENT DE PAUL
CHAPITRE PREMIER
Des Missions de Monsieur Vincent.
SECTION PREMIERE
DE SES MISSIONS EN GÉNÉRAL
Il n'est pas nécessaire d'employer ici un long discours pour faire voir au lecteur
la nécessité ou l'utilité des missions auxquelles M. Vincent et les siens ont
travaillé. L'expérience depuis plus de quarante ans qu'elles ont commencé, la
fait assez connaître: Et s'il y avait quelqu'un qui n'en fût pas pleinement
persuadé, il n'aurait qu'à jeter d'un côté les yeux sur l'état déplorable se
trouvaient avant ce temps la plupart des peuples, et particulièrement ceux de la
Campagne, qui semblaient être comme ensevelis dans les ténèbres d'une
profonde ignorance des choses de leur salut, et par une suite inévitable plongés
en toutes sortes de vices; Et d'autre côté considérer les effets salutaires que les
missions de M. Vincent ont produits et les conversions admirables qu'elles y ont
opérées ; certes il serait obligé de reconnaî-
2
tre et de confesser que la main de Dieu était avec son fidèle serviteur, et
qu'entre plusieurs autres excellents moyens extérieurs pour le salut des âmes,
sa miséricorde a voulu particulièrement employer en ce dernier siècle celui de
ses missions, comme l'un des plus efficaces et des plus souverains, et sur lequel
il voulait répandre une plus grande abondance de ses divines bénédictions.
Voici ce qu'un ecclésiastique de condition et de vertu, qui avait assisté et même
travaillé à une mission dans une grosse bourgade de la province d'Anjou,
écrivit sur ce sujet, il y a plus de vingt ans, à M. Vincent:
«Entre les personnes (ui dit-il) qui ont fait des confessions générales, je puis
vous assurer qu'il s'en est trouvé plus de quinze cents qui n'en avaient jamais
fait une bonne, et qui outre cela, pour la plupart, avaient croupi en des péchés
très énormes l'espace de dix, de vingt et de trente ans, lesquels ont avoué
ingénument que jamais ils ne s'en fussent confesses à leurs pasteurs et
confesseurs ordinaires. L'ignorance y a été trouvée très grande, mais il y avait
encore plus de malice; et la honte qu'ils avaient de déclarer leurs péchés allait
jusqu'à un tel point que quelques-uns d'entre eux ne pouvaient se résoudre de
les déclarer même dans les confessions générales qu'ils faisaient aux
Missionnaires. Mais enfin, pressés vivement par ce qu'ils entendaient aux
sermons et aux catéchismes, ils se sont rendus et ont avoué franchement leurs
fautes avec gémissements et larmes.»
Un grand prélat, dont la mémoire est en bénédiction, c'est messire Jacques
Lescot, évêque de Chartres, écrivant à M. Vincent sur le sujet des mêmes
Missions, en l'année 1647, lui parle en ces termes:
«Je ne puis recevoir une nouvelle plus agréable ni plus avantageuse que celle
qu'on me mande, que vous désirez faire continuer les missions en mon diocèse,
si je le trouve bon. Il n'y a point de diocèse en France dont vous puissiez
disposer plus absolument; et je ne sais s'il y en a les missions puissent être
plus utiles et plus nécessaires, pour les ignorances étranges que je rencontre en
mes visites, lesquelles me font horreur. Je ne détermine rien, ni lieu, ni pouvoir:
Tout est à vous; et pour parler aux termes d'Abraham: Ecce universa coram te
sunt, et je suis moi-même en vérité et de cœur, votre, etc. »
Un autre prélat, que nous ne nommerons point, parce qu'il est
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