Antipub

publicité
I. Le mouvement antipub et ses arguments
1. Définition de Antipub
L'antipub existe depuis une quinzaine d’années mais leur combat est resté longtemps confidentiel. C’est
donc un mouvement récent en France. En effet, ce terme est apparu dans les mœurs le 17 octobre 2003,
lorsque des centaines de personnes réussissent à recouvrir des milliers d'affiches de publicité dans le métro
parisien. Ces "antipubs" sont volontairement anonymes et agissent en petits groupes coordonnés, souvent
par le biais d'internet.
Le groupe des antipubs est un réseau informel qui n'a pas de véritable chef et qui regroupe des
mouvements divers comme le RAP (Résistance à l'Agression Publicitaire) ou les Casseurs de Pub. Il
s'inscrit dans la mouvance des organisations alter mondialistes avec qui il y a une proximité intellectuelle
forte.
Ce mouvement a soulevé un problème : la publicité s'impose aux individus. Il y a un "ras le bol" face au trop
plein de publicité et plus profondément une violente critique de la publicité, considérée comme un acteur ou
symbole de mondialisation et d'ultra libéralisme.
2. Les actions antipubs
Parmi les thèmes chers aux antipubs, la publicité sexiste est sans aucun doute le plus porteur. L’impact des
récentes polémiques provoquées par les campagnes pour les marques de lingerie Boléro et Sloggi en
témoigne.
- Les actions terrains comme les faits du 17 octobre 2003
Ce jour là près de 300 personnes se sont munies de pinceaux, de peinture et de gros marqueurs noirs et
sont descendus dans le métro parisien pour détourner, barbouiller ou recouvrir des panneaux publicitaires.
Le barbouillage est l’action la plus courante des antipubs.
- Les journées sans achat ou encore Une rentrée sans marque sont des actions menées par les Casseurs
de pub dans les écoles afin que les enfants, une population très touchée par les publicités, ne soient plus
soumis à des messages publicitaires et ainsi influencés.
- Le déversement de prospectus : les antipubs luttent contre la distribution de prospectus dans les boites
aux lettres. Une action menée le 10 juin 2006 par la RAP. En effet, ils continuent de « dénoncer au grand
jour, de manière légale et non violente, le scandale de ces 40 kg de purs déchets déposés chaque année à
notre insu dans chacune de nos boites aux lettres : gaspillage, pollution et envahissement, dont nous
payons les coûts ». Avec cette action, le mouvement antipub se rallie à la cause de l’écologie contrairement
aux actions terrain, qui dénoncent plutôt une saturation de publicité et un problème de morale.
3. Les associations antipub
Les origines et les motivations des acteurs composant le mouvement antipub sont disparates : féministes,
anarchistes, alter mondialistes, défenseurs, de l’ordre moral, anticapitalistes ou simples parents,
intermittents, précaires et chômeurs.
Ainsi, la nébuleuse "antipub" recouvre désormais de nombreuses associations aux objectifs et aux
méthodes divers :
- La RAP (Résistance à l'Agression Publicitaire), fondée en 1992 par Yvan Gradis, de la revue Publiphobe.
Privilégiant les actions de terrain spectaculaires, l'association est proche des Casseurs de Pub spécialisée
dans le détournement publicitaire et dirigée par un ex-créatif, Vincent Cheynet. Les deux associations
partagent le même site : antipub.net
- La BAP (Brigade Antipub) est une nouvelle venue. Depuis son site, bap.propagande.org, elle signale les
actions antipub, comme le barbouillage des affiches du métro.
- Payasages de France, dirigée par Pierre-Jean Delahousse, l'association basée à Grenoble, s'attaque à
l'affichage sauvage et illégal.
- UFC-Que Choisir. La section quimpéroise de l'Union française des consommateurs, sous la banière du
magazine Que Choisir, s'est spécialisée dans la chasse aux prospectus et à l'affichage illégal.
- La Meute. Florence Montreynaud, l'une des fondatrices de l'association anti-sexiste Les chiennes de
garde, a pris la tête de La Meute, qui pourchasse la publicité machiste, sur son site lameute.org.free.fr
- Le CIEM (Comité Interassociatif Enfance et Médias), cautionné par Ségolène Royal, créé courant 2001 à
l'initiative de l'Union nationale des associations familiales et de la ligue de l'enseignement. Il regroupe plus
de 25 associations et se présente comme "un réseau de vigilance" pour protéger l'enfance des dérives des
médias.
4. Les arguments des antipub
L'idéologie
Ces associations ont un but par le biais de leurs actions. Elles dénoncent la trop forte pression publicitaire.
Selon les antipubs, nous sommes bombardés de messages publicitaires par les spots TV, l'affichage, les
prospectus, les imprimés sans adresse, le spam sur internet et tous les autres vecteurs de publicité. Il n'y a
plus un espace privé qui ne soit pas investi par la publicité, c'est sa supposée "nocivité" qui est dénoncée.
Sa puissance est telle qu'elle en devient dominante. Elle réduit l'être humain a un statut de consommateur
et les échanges à ceux de marchandises. Le mythe de la liberté du choix des produits ne serait qu'un leurre,
faisant oublier un dispositif de persuasion masqué. Derrière tous les signaux plus quotidiennement
envoyés, il y a l'injonction générale qu'il faut consommer pour être heureux et être intégré dans la société.
François Brune, auteur d’un ouvrage sur le sujet et à l’origine du mouvement des Casseurs de Pub résume
ce propos : « le consommateur voit-il qu’il ne choisit pas librement la nature de ses consommations ? Ce
dont nous croyons avoir besoin est le fruit d’un conditionnement commercial à base de mimétisme
sociaux… J’ai le choix entre mille et une boissons pétillantes et sucrées, mais je ne m’aperçois pas que je
cède à l’impératif de boire en été, pétillant et sucré ».
Cette idéologie antipub s'appuie sur : l'Unique Selling Proposition et les théories béhavioristes.
Selon l'Unique Selling Proposition, une campagne doit formuler une et une seule proposition, suffisamment
forte pour influencer le comportement de millions de consommateurs. Une fois le message identifié, il s'agit
de le répéter selon la formule "repetition is persuasion".
Ainsi, les antipubs dénoncent ce concept, adopté par un grand nombre d’agences, en expliquant que par la
répétition le consommateur n’a pas le choix : il est soumis à des messages qu’il le veut ou pas : « c’est une
sorte de propagande ».
De plus, L’analyse pavlovienne nourrit ainsi toute la pensée antipub, qui voit le seul mode d ‘action du
marketing et de la publicité : « la publicité s’attaque à notre cerveau. Elle nous conditionne » écrivent les
Casseurs de pub. En effet, pour les théories béhavioristes, un courant initié par Pavlov, nous sommes faits
de nombreux réflexes acquis et que notre comportement n’est que réaction à des stimuli extérieurs. Les
individus apprennent par les essais et les erreurs, et leurs réponses comportementales sont conditionnées
par la fréquence des stimuli.
Les objectifs
Pour les antipubs il faut donc aider à la prise de conscience des procédés publicitaires destinés à la mise en
condition de la personne, du consommateur et du citoyen et d'en combattre les nuisances humaines,
sociales et environnementales.
Il faut également lutter contre l'affichage dégradant le paysage et le cadre de vie, les pollutions et
gaspillages induits, l'apologie du gaspillage et des consommations d'énergie et d'agir en faveur du respect
et de l'application de la législation relative aux publicités, enseignes et préenseignes.
Ils vont également agir contre les pratiques commerciales abusives, pour l'information objective et pour la
défense de la vie privée, notamment contre les abus des fichiers informatiques.
Dans un objectif d'humanisme et de démocratie, ils visent enfin à la sensibilisation du public, notamment
celle des plus jeunes qui doivent pouvoir acquérir l'esprit critique nécessaire à leur futur rôle de citoyens
autonomes. Ils s'opposent en particulier à toute introduction de la publicité au sein du système éducatif et
recherchent l'implication des citoyens dans le respect des particularités et convictions de chacun.
5. Faut-il avoir peur des antipubs ?
Le mouvement antipub annonce une génération beaucoup plus critique et exigeante, qui s’inquiète de la
mondialisation et de la surconsommation en combattant l’expression du capitalisme qu’est la publicité, et
non son fonctionnement.
C’est un mouvement rebelle, constructif, polémique et provocateur et qui va ainsi toucher davantage les
jeunes, qui sont en recherche d’identité, d’affirmation de soi, notamment en ce forgeant un esprit critique.
Dès lors, on peut remarquer que sur 4,5 millions de jeunes âgés de 14 à 19 ans, 11,8% d’entre eux se disent
antipub, 60% étant des garçons (Source : TNS Media Intelligence ConsoJunior 2004).
Nous constatons donc que le mouvement antipub touche une partie des adolescentes et en particulier les
garçons. Cette constatation est appuyée par Pierre-Jean Delahousse, qui déclare : « Avant la publicité
c’était sympa. Aujourd’hui, j’entends des jeunes traiter leurs amis de ringards parce qu’ils portent des
marques ».
Conclusion de la partie
L’antipub est un mouvement qui rassemble toujours plus de manifestants et qui bénéficie d’une forte
couverture médiatique.
De plus, les associations antipub déplacent de plus en plus leurs actions sur le terrain juridique. Dès lors, les
annonceurs et les publicitaires sont condamnés à composer avec ce mouvement : son impact ayant déjà
sensiblement modifié le monde de la publicité.
II. La réaction des publicitaires
1) D’un point de vue légal
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En réponse aux attaques du 17 octobre 2003 (barbouillage de 6000 affiches dans le métro),
Métrobus, du groupe Publicis et régie publicitaire de la RATP, dépose plainte contre X et assigne
en référé l’hébergeur Ouvaton où les anti-pubs avaient organisé cette action pour obtenir les
noms des commanditaires. La police a procédé à 40 interpellations. Le coût des dégradations a
été estimé à 1 million d’euros en tenant compte des dédommagements et des frais de
nettoyage,
Le 27 novembre 2003, les publicitaires s’engagent auprès des pouvoirs publics à faire preuve de
la plus grande vigilance afin de prévenir les dérapages sexistes en signant une charte de bonne
conduite avec Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l’égalité professionnelle,
Le BVP conseille aux annonceurs d’être sollicité avant de diffuser les campagnes qui poseraient
des problèmes d’ordre déontologique,
L’AACC a nommé des chargés de mission pour organiser une contre-offensive et revaloriser le
métier car les publicitaires ont répondu de manière désordonnée et à titre individuel. L’AACC a
pour vocation de faire savoir le rôle et les valeurs des agences et s’engage à être le label
professionnel des agences.
2) D’un point de vue idéologique
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Les publicitaires sont sensibles aux problèmes soulevés par les anti-pubs ; le prix Effie 2003 de
l’efficacité publicitaire a été décerné à l’agence BETC Euro RSCG pour sa campagne anti-tabac
(qui rendait compte des traces de produits chimiques dans un produit de grande consommation
qui est la cigarette). L’agence Australie a également réalisé une campagne contre les
antibiotiques, avec comme slogan : « les antibiotiques, c’est pas automatique ». Toutes ces
actions prouvent que les publicitaires font des efforts et que leur travail ne sert pas qu’à la
consommation, mais également à la défense des intérêts publiques. La publicité remplit
également un rôle d’éducation et de responsabilisation des foules. De plus, la publicité ne peut
être responsable de tous les maux de la société, il semble trop facile d’accuser la publicité.
Les publicitaires se demandent également que proposent les anti-pubs au-delà de la critique ;
ont-ils des propositions concrètes ?
La publicité est un discours de parti pris qui s’annonce comme tel ; la publicité annonce très
clairement qu’elle est de la publicité, donc qu’elle cherche à séduire une cible à des fins
commerciales.
Ensuite, les anti-pubs semblent sous-estimer la capacité du consommateur à interpréter les
messages. Le consommateur est mature voire expert, il sait que la publicité ne se place pas
étant objective.
Les publicitaires réfutent également la trop large médiatisation d’un petit mouvement. Seul un
petit nombre de personnes sont engagées et dénoncent un petit nombre de campagnes
marginales. Pour preuve, en 2004, 68% des français continuent à aimer la publicité contre 63%
en 19990 (chiffres IPSOS), et d’après le BVP, seul 13% des français n’aiment pas la publicité.
L’écho rencontré par les anti-pubs est supérieur à l’importance réelle qu’ils occupent dans la
société.
La solution passerait donc par une amélioration des campagnes (éviter les publicités vulgaires,
stupides ou dégradantes) plutôt qu’une interdiction brutale. Mais comment améliorer les campagnes
et éviter les dérapages ? A ce sujet, Robert REDECKER, philosophe, répond :
 « que serait un monde sans pub ? ». En effet, la publicité permet la connaissance et la
circulation des produits et renier la publicité signifie renier les avantages de la
mondialisation. Il rajoute qu’un « monde sans publicité serait triste comme un pays
socialiste avant la chute du mur de Berlin ».
 Ensuite, il affirme également que la publicité est ludique : celle-ci joue sur les désirs, met de
la couleur, crée une attirance corporelle et une séduction sur les murs de la ville et les écrans
télévisés.
Selon Robert REDECKER, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin pour défendre la publicité. Le travail
des publicitaires serait plus simple s’ils s’interdisaient les dérives, alors qu’ils doivent au contraire
faire des efforts de créativité.
Marcel BLEUSTEIN-BLANCHET, fondateur de Publicis, rajoute à la critique que la publicité est du
vent que « le vent fait tourner les moulins »…
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