Béton à vivre - Une maison à flanc de coteaux mosellans

publicité
Béton à vivre - Une maison à flanc de coteaux mosellans
Auteur : Christian Rech / CIMALUX
Article intégral
Intro :
Alors qu’il est difficile pour un maître d’ouvrage privé de trouver un terrain constructible
libre de contraintes contractuelles au Luxembourg, certaines opportunités peuvent
toutefois se présenter sous la forme de parcelles situées en terrain réputé difficile, par
exemple à flanc de colline. Une attention particulière devra alors être accordée tant à la
conception architecturale qu’aux techniques constructives. C’est le cas du projet de
construction d’une maison unifamiliale décrit dans cet article.
Un peu de hasard et beaucoup de chance ont permis aux maîtres d’ouvrage de cette maison
d’acquérir en 2003 un terrain de construction à Schengen, le village luxembourgeois le plus connu
depuis que l’accord de libre-circulation y a été signé.
Situé à flanc de coteaux, côtoyant la réserve naturelle du Strombierg - où CIMALUX exploitait des
mines de gypses dans les années 50 - dominant la Moselle et offrant une magnifique vue sur la
vallée des Trois Frontières, ce terrain comblait tous leurs désirs [1.1].
Cependant, les flancs du Strombierg sont d’une géologie capricieuse, constitués de marnes
bariolées, traversés par de multiples sources et, dans ce cas particulier, en partie recouverts par
des déblais provenant d’une ancienne carrière de pierres dolomitiques. S’y ajoute une topographie
présentant un fort dénivelé tant en profondeur qu’en largeur, qui laisse présager de la nécessité de
réaliser d’importants travaux de terrassement créant de hauts talus [1.2]. Bref, tous les ingrédients
réunis constituent un défi, tant du point de vue technique qu’économique, que les concepteurs du
projet ont choisi de relever par le choix d’un matériau : le béton.
Par sa conception, cette maison en béton devra satisfaire à une série d’exigences en :
-
s’intégrant au paysage et en tirant le meilleur parti du lieu ;
résistant à la poussée des terres ;
étant étanche à l’eau ;
se construisant rapidement ;
présentant une basse consommation d’énergie et une grande qualité de l’environnement
intérieur ;
- induisant un impacte le plus faible possible sur l’environnement ;
- offrant la possibilité de s’adapter aux évolutions de la vie de ses habitants.
Le tout à coût raisonnable. Une maison durable en somme.
Cet article propose une réflexion sur les thèmes énumérés ci-dessus et vous présente les
solutions mises en œuvre.
1
[1.1] Vue depuis le terrain sur la Moselle et le château de Schengen
[1.2] Dénivelés du terrain
2
Système constructif
Les concepteurs partent du principe que le béton répond aux exigences imposées par la
topographie et la géologie du lieu, en particulier en ce qui concerne la reprise des poussées de
terre et l’étanchéité à l’eau. Par ailleurs, une construction en béton offre l’inertie thermique
nécessaire à la régulation de la température intérieure du bâtiment et constitue directement une
enveloppe étanche à l’air, conditions nécessaires à la réalisation d’une maison basse énergie. Il
garantit le confort acoustique des habitants et contribue à leur santé, non seulement en n’émettant
aucuns polluants, mais également en évitant leur infiltration dans la maison1. Finalement, le béton
est un matériau rassurant de par sa robustesse, sa résistance au feu, son insensibilité à l’humidité
et sa durabilité. Autant de qualités apportant une certaine sérénité face aux inévitables aléas de
chantier : le béton pardonne beaucoup.
En ce qui concerne le système constructif, il a dès le départ été opté pour la technique de la semipréfabrication, à savoir un système de prémurs et de prédalles assemblés sur chantier et
solidarisés par du béton coulé sur place. Ce système est décrit plus bas.
Plusieurs raisons sont à l’origine de ce choix. Tout d’abord une volonté affirmée de promouvoir ce
mode de construction : flexibilité d’adaptation, simplicité et rapidité d’exécution, intégration des
armatures et des équipements techniques en usine, qualité garantie par la production
industrialisée, possibilité de laisser le béton apparent. Autant d’arguments qui ne peuvent que
séduire des maîtres d’ouvrage soucieux de la qualité de réalisation de leur gros-œuvre. Ensuite,
de par leur légèreté, les éléments semi-préfabriqués sont plus faciles à transporter et à manipuler
sur chantier. La disponibilité de ces produits sur le marché régional est de plus assurée par la
présence d’un fabricant luxembourgeois renommé. S’y ajoute le fait que les produits semipréfabriqués en béton sont économiquement intéressants et leur mise en œuvre maîtrisée par un
grand nombre d’entreprises de construction. En contrepartie, le choix de la préfabrication implique
une planification poussée et rigoureuse, ne laissant que peu de place à l’improvisation sur
chantier.
Concept architectural
L’environnement dans lequel va se situer la maison, le programme, le budget disponible, le
système constructif ainsi que les règles urbanistiques à respecter sont donc les points de départ
du processus de conception architecturale. Les maîtres d’ouvrage ont tenu à ce que celle-ci
respecte quelques grands principes de l’architecture bioclimatique. [voir encadré : Principes de
l’architecture bioclimatique]
L’avant du terrain, coté EST, fait face à la Moselle et est délimité par une rue en forte pente
montant du NORD vers le SUD. Alors qu’une maison voisine borde le coté NORD, la parcelle coté
SUD est très appréciablement déclarée zone verte. L’arrière du terrain, coté OUEST, jouxte les
jardins des propriétés situées encore plus haut. La dénivellation NORD-SUD est de 1 : 8
(ΔH=+3,50m) et EST-OUEST 1 : 3,5 (ΔH=+8,50m).
Ainsi, afin de tirer le meilleur parti de la topographie des lieux, une construction sous forme d’un
prisme rectangulaire à 2 niveaux, rez-de-chaussée et 1er étage, de ± 17m de large et 6m de
profondeur, a été retenue. En adossant cette longue boîte sur les cotés SUD et OUEST à la
colline, avec la façade principale en limite constructible le long de la rue, le volume d’excavation
est réduit au minimum et la dénivellation naturelle du terrain peut être reconstituée par la suite
[1.3].
1
Les radiers en béton constituent p.ex. une mesure efficace contre les infiltrations de radon (gaz radioactif émis
naturellement par le sol en quantité variable selon les régions)
3
[1.3] Étude d’intégration (montage photo : Gilles Paget)
De plus, l’inversion de l’organisation des fonctions par rapport aux concepts usuels permet de
placer le séjour et la cuisine sur la boîte, l’utilisant ainsi comme une plateforme donnant accès au
jardin à l’arrière de la maison. Ceci permet la réalisation d’une terrasse coté SUD et offre une vue
panoramique sur la Moselle coté EST. Telle une main protectrice, une toiture plate encastrée dans
le pignon NORD - un voile de béton sur toute la hauteur - et reposant sur de fines colonnes
métalliques protège ce 2e étage et préserve au voisinage son droit au soleil et à la vue
panoramique. Le 1er étage est dédié aux chambres à coucher et aux bains [1.5]. Le rez-dechaussée est multifonctionnel en regroupant les locaux techniques, une chambre d’amis faisant
également office de bureau, une salle de bains et un atelier avec petite cave attenante.
4
Afin d’équilibrer les proportions, la façade avant est prolongée vers le SUD par un voile de
soutènement permettant la réalisation de la terrasse. Celle-ci est partiellement couverte par la
prolongation de la dalle de toiture [1.4].
[1.4] Façade EST : prolongation de la toiture et terrasse au SUD, axes 1 à 4
5
Soulignant l’esprit d’un système constructif semi-industrialisée, le rythme des façades et la
distribution des différentes pièces obéissent à un calepinage stricte basé sur un module de 1,80 m.
Les fenêtres s’inscrivent dans ce module par la combinaison de ventaux de 60 et 120 resp. de 90
cm de largeur [1.5].
[1.5] Plan du 1er étage : chambres et salle de bains
6
Toutes les ouvertures, hormis une porte latérale dans la façade NORD, sont de hauteur d’étage,
se faisant ainsi succéder ouvertures et panneaux pleins [1.6]. La semi-préfabrication permettant de
réaliser des panneaux jusqu’à 7,80m de longueur et 3,50m de hauteur, les parois de chaque
façade ont pu être réalisées d’un seul tenant, sans joint de reprise, l’assemblage se faisant
exclusivement aux angles. Le plus grand prémur a une longueur de 7,58 m, fait 2,87 m de haut et
pèse 5,5 to [1.7].
[1.6] Plan de pose des prémurs du 1er étage (plan Bétons Feidt)
[1.7] Pose du plus grand prémur, 7,58 x 2.87 m / 5,5 to
7
Les prédalles apparentes, de 1,80 m de largeur, rendent le module de calepinage également
lisible de l’intérieur. Cette rigueur trouve son point culminant au dernier étage, où chaque joint
entre prédalles tombe exactement sur l’axe de symétrie d’une colonne métallique [1.8].
[1.8] Alignement des joints des prédalles sur les colonnes métalliques
L’aboutement très fin à angle vif et rectiligne entre prédalles est rendu possible grâce à la
technique du JOINT94© - exclusivité BETONS FEIDT - limitant la largeur des joints à moins de 15
mm. Le soin apporté à la conception des détails et la qualité d’exécution de la pose permettent
ainsi de laisser apparent un produit industriel qui n’y est pas directement destiné.
Le système porteur est longitudinal à une travée, les dalles à portée unidirectionnelle, de 22 cm
d’épaisseur, reposant sur les voiles extérieurs. L’absence de refends transversaux libère à chaque
étage un plateau qui peut être librement agencé. Afin d’optimiser les réseaux d’alimentation et
d’évacuation, seule la gaine technique, colonne verticale autour de laquelle vient se greffer
l’ensemble des installations sanitaires, de ventilation, de chauffage et électriques de chaque étage,
constitue une séparation fixe des plateaux en ⅓ - ⅔ [2.5].
8
Prémurs et prédalles en béton
La structure portante de la maison a été réalisée en prémurs et prédalles. Les prémurs et prédalles
sont des éléments de construction en béton semi-préfabriqués permettant la réalisation sur
chantier de voiles et de dalles massifs en béton armé sans devoir monter de coffrages.
[2.1] Prémur et prédalle avant remplissage de béton (image Bétons Feidt)
Un prémur est constitué de 2 panneaux de béton de 5 à 7 cm d’épaisseur, fabriqués et solidarisés
en usine par des poutrelles-treillis. Les armatures nécessaires à la stabilité du voile à réaliser sont
déjà incorporées dans les panneaux. En fonction de la hauteur des poutrelles, des prémurs de 18
à 40 cm d’épaisseur peuvent être produits. La longueur maximale est déterminée par les moyens
de production à 7,80 m pour une largeur de 3 m.
Le montage sur chantier est réalisé à la grue. Les prémurs sont enfilés sur les armatures en
attente, stabilisés avec des étais tire-pousses, et le vide intermédiaire entre panneaux rempli de
béton. Après durcissement, l’ensemble est considéré en tant que voile monolithique.
Les dimensions du panneau extérieur peuvent différées de celles du panneau intérieur. Il est ainsi
possible de le surélevé afin qu’il forme le coffrage de rive de la dalle, le panneau intérieur servant
d’appui à la prédalle [2.1].
Les réservations et mannequins de portes et fenêtres sont réalisés en usine. De même, l’ensemble
des inserts tels que gaines et boîtiers électriques ou rails d’ancrage y est directement monté. Les
surfaces extérieures sont lisses de décoffrage et peuvent satisfaire aux exigences du béton
apparent [2.2].
9
[2.2] Enfilement du prémur NORD du Rez sur les armatures en attente
La mise en œuvre de systèmes d’étanchéité spécifiques au droit des joints, p.ex. tôles enduites,
permet également la réalisation d’ouvrages étanches. [3.2]
10
Une prédalle est un panneau préfabriqué en béton de ± 5 cm d’épaisseur rigidifié par des
poutrelles-treillis. Les prédalles contiennent les armatures structurelles principales et transversales
nécessaires à la reprise des efforts de flexion en phase de montage et en phase définitive. Elles
peuvent être produites jusqu’à 3 m de largeur et 13,50 m de longueur. Lors de la pose, elles sont
appuyées sur des filières entre distantes de 2 à 3 m [2.3] [2.5].
[2.3] Pose d’une prédalle
A l’instar des prémurs, les réservations, trémies, inserts et découpes sont réalisés en usine.
La pose d’armatures supplémentaires sur les prédalles assure une portée bidirectionnelle. La mise
en œuvre d’un lit d’armatures sur les poutrelles-treillis permet la réalisation de dalles continues sur
travées multiples. Les poutrelles-treillis assurent la liaison entre la prédalle et le béton
complémentaire coulé sur chantier. Elles peuvent le cas échéant reprendre les efforts tranchants
[2.4].
Après durcissement du béton, l’ensemble de la section est considérée comme monolithique.
11
[2.4] Insertion des têtes de colonnes creuses dans la dalle de la toiture et poutrelles de
renfort pour les efforts tranchants
[2.5] Aperçu d’ensemble du gros-œuvre en construction
Béton et bioclimatisme
L’architecture bioclimatique s’inspire des principes de bases de l’architecture issus de l’adaptation
des habitats traditionnels au climat, à la topographie et aux matériaux disponibles afin de favoriser
le confort des habitants et de réduire les besoins énergétiques La notion d’architecture
bioclimatique émerge à l’occasion de la crise pétrolière de 1973 et la sensibilisation aux questions
de dépendance énergétique. En rupture radical avec la construction conventionnelle, ce courant
architectural s’inspire des recherches de l’architecte Frank Lloyd Wrigth sur la symbiose de
l’architecture avec la nature. Systématisant le recours aux ressources locales traditionnelles pour
les matériaux et aux énergies naturelles, prioritairement le soleil à l’époque, cette période est riche
d’expérimentations autour de concepts tels que l’« architecture solaire » ou le « solaire passif ».
12
La prise de conscience sociétale du changement climatique, des enjeux économiques, sociaux et
environnementaux liés à la consommation d’énergie ainsi que la sensibilisation à l’approche
écologique dans la recherche de bien-être et de santé ont relancé l’intérêt pour les principes de
l’architecture bioclimatique [voir encart]. De nombreuses pistes ont entre-temps été développées et
permettent aujourd’hui la réalisation de constructions hautement performantes tant du point de vue
énergétique que du confort. Ainsi la notion de bâtiments à consommation d’énergie quasi nulle
(Nearly Zero Energy Buildings) est ancrée dans la directive européenne relative à l’efficience
énergétique des bâtiments. 2
Le projet de Schengen a été l’occasion de mener une réflexion sur les possibilités offertes par le
béton afin de satisfaire à ces principes.
L’implantation, l’orientation et la forme du bâtiment sont dictées par la topographie des lieux. Il
s’ensuit qu’une orientation plein SUD, maximisant l’apport solaire, ainsi qu’une optimisation de la
compacité du volume ne sont ici que difficilement réalisables. Par contre, la faible profondeur et les
grandes surfaces vitrées des lieux de vie favorisent l’éclairage naturel. L’ouverture des chambres
vers le soleil levant participe à la dynamique du lever et contribue à leur réchauffement le matin,
alors qu’elles resteront relativement fraîches en soirée. L’orientation vers l’EST est également
adaptée à l’utilisation des pièces en tant que bureaux (travail scolaire des enfants e.a.) en limitant
l’ensoleillement direct, source d’inconfort visuel, et le risque de surchauffe en été.
L’inertie thermique apportée par les voiles et dalles en béton contribue au confort thermique de
l’habitation et aux économies d’énergie en amortissant et en déphasant les variations de
températures journalières intérieures en été, et en restituant les apports solaires emmagasinés
l’hiver pendant les périodes d’ensoleillement. La cuisine, lieu de vie par excellence, profite
pleinement de ces apports solaires de par son orientation plein SUD et ses parois vitrées sur 180°.
Elle reste néanmoins protégée de l’ensoleillement direct et de la réflexion en été par l’avancée de
la toiture plate au-dessus de la terrasse, sans que cela ne contrarie l’arrivée du rayonnement en
hiver [1.4].
2
Directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des
bâtiments : bâtiments à consommation d’énergie quasi nulle (nearly zero energy buildings), obligation pour 2020
13
Principes de l’architecture bioclimatique
Application des principes de bases de l’architecture issus de l’adaptation des habitats
traditionnels au climat, à la topographie et aux matériaux disponibles afin de favoriser le
confort des habitants et de réduire les besoins énergétiques:
- orientation du bâtiments et des ouvertures (protection des vents dominants, captation du
rayonnement solaire en hiver, protection de la chaleur et rafraîchissement en été)
dispositions des pièces afin de créer des zones tampons isolantes (garage) resp.
captatrices (vérandas)
- matériaux à forte inertie pour le stockage de chaleur
- puits canadien
- végétation adaptée (feuillage persistant au nord, caduque au sud)
- etc.
dont l’efficacité est démultipliée par les technologies et matériaux modernes.
Exemples de technologies passives (traitements en amont)
nouvelles générations d’isolants et de systèmes d’isolation, performance thermique des vitrages,
étanchéité à l’air de l’enveloppe et des menuiseries extérieures, performance des membranes
pare-vapeurs, inertie latente des matériaux à changement de phase (PCM3), etc.
Exemples de technologies actives (apports complémentaires d’appoints en aval)
chauffage radiant sol, mur ou plafond, performance des PAC4, chaudières basse température, à
condensation, VMC5, double flux à récupération de chaleur systèmes de régulation du
chauffage, de la ventilation, occultations solaires, éclairage, efficience de l’exploitation des
énergies renouvelables: géothermie; biomasse; thermie solaire ; activation de l’inertie thermique
des éléments en béton; PV6; éolien compact ; micro-, génération ; cogénération, etc.
3
Phase Changing Materials
Pompes à chaleur
5
Ventilation mécanique contrôlée
6
Photovoltaïque
4
14
L’adossement des 2 premiers niveaux à la colline au SUD et à l’OUEST protège la maison des
vents dominants et permet de tirer parti de l’inertie du sol [3.1]. En effet, en fonction de la
profondeur, le niveau des températures moyennes du sol, résultant du déphasage et de
l’amortissement des variations de températures saisonnières extérieures, favorise un résultat
thermique satisfaisant en limitant les déperditions de chaleur et en demandant peu d’apport
thermique en hiver.
[3.1] Façade SUD avant remblayage définitif
Le béton permet également de tirer le meilleur parti de cette situation en remplissant une série
d’autres fonctions actives et passives :
- reprise des poussées de terre
- étanchéité à l’eau
- échangeur géothermique par activation des fondations
Le détail [3.2] et la photo [3.3] en illustrent la transposition technique.
15
[3.2] Radier de 30 cm d’épaisseur sur hérisson de verre cellulaire thermiquement isolant,
tête d’un des deux redans d’ancrage, armatures de reprises pour les prémurs et tôle
d’étanchéité.
[3.3] Activation géothermique des redans par insertion dans leurs cages d’armatures de 240
m de tuyaux RAUTHERM S en PE Ø 20 x 2,0 mm.
16
La VMC combinée à l’échangeur géothermique mérite une attention particulière. En effet les 240 m
de tuyaux PE noyés dans les redans en béton du bâtiment et remplis d’eau glycolée alimentent en
boucle fermée un échangeur de chaleur monté en amont de la VMC. L’air frais entrant est ainsi
réchauffé en hiver à une température suffisante non seulement pour protéger la VMC du gel, mais
également pour maintenir la température de l’air insufflé dans la maison à au moins 20°C.
L’efficacité du système a entretemps été constaté avec une température extérieure de -6°C. Sa
capacité de régénération est assurée par auto réversibilité : l’air extérieur est en effet rafraichi en
période estivale, ce qui permet de reconstituer un stock de chaleur pour l’hiver suivant. La
température de stockage est de +/- 11°C à la fin de l’hiver et de +/- 14°C à la fin de l’été. En
fonction de la température extérieure en été, l’air soufflé dans la maison peut être rafraichi de 9°C.
Le système est alors particulièrement efficace de par la récupération complémentaire de la chaleur
de condensation. Le refroidissement et la déshumidification partielle de l’air chaud et humide
entrant contribue ainsi substantiellement au confort d’été de la maison.
La capacité de stockage thermique spécifique du béton (± 2400 kJ/m3 K) joue ici un rôle primordial
pour l’efficience du système, bien avant l’échange de chaleur avec le sol. Ceci ouvre
d’intéressantes perspectives dans le contexte de l’exploitation géothermique très basse
température par activation des fondations d’ouvrages en béton, technique simple, peu couteuse et
facilement généralisable.
Une isolation poussée de l’enveloppe du bâtiment, des fenêtres et un mur-rideau triple vitrage
thermiquement performants (SAPA), des protections solaires extérieures, un système de VMC
double flux (LTM) couplé à un échangeur géothermique innovant ainsi que l’installation de
capteurs thermiques solaires (WEISHAUPT), sont autant de mesures techniques complémentaires
visant à renforcer le confort et l’efficacité énergétique de la maison.
L’audit énergétique confirme l’atteinte du niveau de performance B – maison basse énergie
(A/B/A). La performance thermique de l’enveloppe est assurée par l’application de 20 à 26 cm
d’isolant thermique extérieur (EPS élastifié, λ = 0,032 W/m K), 16 cm d’isolant périphérique enterré
(XPS, λ = 0,038 W/m K), un hérisson de verre cellulaire de 35 cm (λ = 0,089  0,140 W/m K) et
des châssis aluminium haute performance avec triple vitrage (UW < 1 W/m2 K). La déperdition
thermique réduite de l’enveloppe extérieure garantit une température homogène des différentes
parois. Combinée au chauffage par le sol et à une VMC double flux, ceci ramène la température
de confort à 20°C dans la maison.
Conclusions
Dans la première partie de l’article une série d’exigences pour ce projet a été formulée :
-
intégration au paysage et tirer le meilleur parti du lieu ;
résistance à la poussée des terres ;
étanchéité à l’eau ;
construction rapide ;
basse consommation d’énergie et grande qualité de l’environnement intérieur ;
faible impact sur l’environnement ;
possibilité de s’adapter aux évolutions de la vie de ses habitants ;
coût raisonnable.
Le concept constructif et le parti pris architecturale décrits ont permis de satisfaire à ces
exigences. La construction en éléments de béton préfabriqués est par ailleurs une méthode
robuste qui s’est avérée particulièrement bien adaptée à la complexité de cet ouvrage à flanc de
colline.
Le gros-œuvre, terrassement et égouttage compris, s’est fait en 18 semaines. Il faut néanmoins
tenir compte du fait qu’une paroi berlinoise a dû être mise en œuvre afin de stabiliser le talus coté
colline. Par ailleurs une série des prédalles sur le 1er étage a dû être reproduite. Leur face
17
apparente avait malheureusement été griffée lors du transport alors que le camion devait effectuer
un demi-tour suite à une déviation. Ces deux contretemps ont fait perdre 3 semaines.
La performance énergétique calculée n’est en soi pas remarquable et ne fait que refléter l’état
actuel de la technique. Vu la configuration du bâtiment, des performances supérieures auraient
nécessitées la mise en œuvre de moyens techniques financièrement et environnementalement
disproportionnés par rapport aux bénéfices attendus. Un bilan énergétique sur base de la
consommation réelle après cinq ans d’occupation s’avérera dans ce contexte particulièrement
intéressant.
La limitation à des matériaux de construction de base – béton, bois, acier, aluminium et verre –
dans leur forme industrielle robuste et de qualité, assure la durabilité de cet ouvrage. Leur facilité
d’entretien y contribue par ailleurs sensiblement. Une chaudière à pellets (KWB), une installation
thermique solaire, le raccord du lave-vaisselle et de la machine à laver au réseau d’eau chaude et
une citerne de récupération d’eau de pluie (ELOY) alimentant les WC et les espaces extérieurs
viennent compléter les efforts entrepris du point de vue environnemental.
Les maîtres de l’ouvrage apprécient particulièrement de voir la structure et le matériau constituant
de la maison et d’en percevoir la qualité d’exécution du fait que les prédalles restent apparentes.
La nature minérale des dalles en béton et la chaleur du parquet en lamelles de chêne donne un
sentiment de durabilité et de quiétude contribuant particulièrement au bien-être éprouvé. Il s’agit
pourtant dans les deux cas de produits industriels qualifiés de bon marché.
L’absence de mur de refend porteur assure l’adaptabilité de la maison par la mise en œuvre de
cloisons sèches (Trockenbau) en plaques de plâtre, système réversible, pour la délimitation des
pièces. En cas d’accident de la vie, il est possible d’intégrer à peu de frais un ascenseur à l’arrière
de la maison desservant les deux étages. Les portes d’entrées et portes-fenêtres ont d’ailleurs fait
l’objet d’une étude particulière garantissant l’accessibilité par un seuil à niveau tout en respectant
les règles de l’art concernant l’étanchéité à l’eau et l’isolation thermique. Ce développement fera
l’objet d’une publication ultérieure.
Le bilan financier confirme le respect du budget initial. Les 3 principaux postes sont le
terrassement/gros-œuvre, les menuiseries extérieures et l’installation chauffage-sanitaire.
Les photos suivantes restituent un peu de l’atmosphère de la maison.
18
[4.1] Vue d’ambiance hivernale extérieure, façade EST
[4.2] Vue d’ambiance hivernale extérieure, façade SUD
19
[4.3] Vue d’ambiance hivernale extérieure, entrée principale
[4.4] Vue d’ambiance intérieure
PS : L’entreprise de construction POECKES et son équipe, dirigée par M. José Moreira, méritent
ici d’être félicitées pour le montage rigoureux des éléments préfabriqués et la qualité des finitions
en béton apparent.
20
Téléchargement