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Chronique des exploits des comtes de
l'Anjou
Prologue
Puisque, je le crois, j’ai fait clairement connaître ce qu'il était nécessaire de savoir sur les
rois des Francs, cessaire pour le travail antérieur et spécialement pour celui qui suit - je
vais maintenant expliquer en détail, brièvement et de façon appropriée, « en quelques mots,
du mieux que je peux », ce que j'ai découvert au sujet des Comtes d'Anjou écrit de façon
désordonnée et dans un style assez frustre.
La vie est courte, et nous devons « donner une longévité à la mémoire de ceux dont les
vertus sont tenues pour remarquables et éternelles. »
1
Puisque les prouesses militaires procèdent du summum des qualités spirituelles et
physiques, on a pris l’habitude de transférer le gouvernement des cités antiques, des moins
bons dirigeants, aux meilleurs.
Ainsi au temps de Charles le Chauve, quelques « hommes nouveaux », qui n’étaient pas
nobles, mais plus enclins à de bons et honorables exploits que les nobles eux-mêmes,
s’élevèrent à des positions éminentes. Ces hommes, que Charles voyait assoiffés de gloire
martiale, se jetteraient il n'en doutait pas, dans le danger et la lutte avec le destin.
2
Car il y
avait également en ce temps là des hommes d antique lignée, dotés de portraits [dancêtres]
dont l’orgueil se nourrissait des exploits de leurs ascendants plutôt que de leurs propres faits
d’armes. Quand on donnait à ces hommes-, n'importe quel poste ou position importante, ils
choisissaient des hommes du peuple et leur déléguaient les pouvoirs quand le roi leur
ordonnait de donner des instructions à d'autres, ils cherchaient quelqu'un pour le faire à leur
place. Ainsi, de tous ces nobles, seuls quelques uns étaient vraiment inféodés au Roi
Charles. A ces « nouveaux hommes » il offrait avec bonté le butin des guerres, et des
domaines à gagner à leurs risques et rils. Parmi eux il y avait Tertullus, d’où est née la
lignée des comtes d'Anjou, un homme qui savait comment porter atteinte à l'ennemi, dormir
à la dure, avoir faim, et souffrir été comme hiver, sans se plaindre, et qui ne craignait qu’une
chose : que son nom ne soit sali...
En faisant tout cela, il s’est rendu noble, et avec lui toute sa lignée.
En ce qui concerne son père, je dirai ce qu’il faut. Je demande seulement au lecteur de me
croire, et de ne pas penser que j'ai écrit des mensonges
De Tertullus
1
Beaucoup de ce discours d'introduction est tiré de l'écriture de l'historien romain Salluste, et en particulier de ses travaux sur Catilina
et Jugurtha (1er siècle Avant Jésus Christ). Les mots de Salluste sont indiqués par des italiques ici ; notre auteur les a souvent
réorganisés à sa façon d'une manière qui renverse complètement la signification de Salluste.
2
Le « il » ici n’est pas identifié.
2
En Gaule armoricaine il y avait un certain Torquatius, dont les ancêtres avaient été jadis
chassés d'Armorique par les Bretons sur ordre de l'empereur Maxime. Les Bretons lui
avaient donné par erreur le nom de Tortulfus ignorants l'utilisation appropriée du vieux nom
romain. Charles le chauve, l’année il expulsa les Normands d'Anjou et du royaume tout
entier, fit de cet homme le garde forestier de la forêt dite du « Nid de Merle ». Comme
beaucoup de récits en témoignent, cette lignée vécut longtemps dans les forêts, en dépit de
l'opposition des Bretons. Cet homme était un paysan qui avait grandi au pays de Redon
[pagus Redonicus, une région du sud-ouest de la Bretagne]. Il y vivait de son habileté à la
chasse et de l'abondance du gibier. Ces hommes là, comme on le dit, sont appelés
« birgis », par les Bretons, alors que nous les Francs les appelons « chasseurs ». D'autres
pensent que cet homme vivait dans des villages avec les paysans de Redon. Laquelle de
ces version est la bonne n'a pas beaucoup d’importance, puisque ceux qui relatent ces
histoires ne sont pas contredits, et que personne ne s’étonne de leurs affirmations: en effet,
on a souvent lu que des sénateurs qui travaillaient aux champs ont été appelés du jour au
lendemain à devenir des empereurs.
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Chez cet homme, « simplement grand par la naissance, les armes de la vieillesse, à savoir la
compétence et l'exercice des qualités, ont porté des fruit merveilleux, savoir qu’il avait bien
mené sa vie et le souvenir de ses bonnes actions le rendait profondément heureux. »
4
Ce Tertullus, que les généalogies antiques reconnaissent comme le premier géniteur
[progénies] des Comtes de l'Anjou avait l'esprit vif, dominait son propre destin et les
difficultés grâce à sa grandeur d’ esprit, et commença à désirer un meilleur destin pour lui-
même, osant se battre pour l obtenir.
Au moment Charles le chauve, fils de Louis et neveu de l'empereur Charlemagne, fut
couronné roi, étant l’un de la triarchie, bien qu'il n'ait pas régné longtemps, le dit Tertullus,
quittant les terres de son père, et, confiant en ses propres ressources, souhaitant et espérant
se dépasser, vint des régions occidentales en France proprement dite porter les armes au
côtés du roi.
C’est le moment un grand nombre d'autres hommes, confiants en leur propre force,
assoiffés de renommée et d’honneurs et espérant améliorer leur sort grâce à cette force,
accoururent de diverses régions, attirés par la munificence royale, et motivés par les
opportunités de l'époque.
Alors que le Roi Charles, après de longues dissensions, après des guerres roces contre
ses propres frères, en sortait vainqueur et survivant, émule de la droiture et de la gloire de
son grand-père, survivant de beaucoup de luttes, il n’était pas loin de combler le vide (c'est-
à-dire d’exercer la royauté librement et sans obstacle) si la brièveté de la vie ne l’avait
rattrapé: car il se hâtait de réparer, avec une sagesse et une bonté admirables, tous les
maux qui s’étaient abattus sur le royaume et l état, pendant les luttes qui l’avaient opposé à
ses frères.
3
Une référence à De Senectute XV de Cicéron.
4
Ce passage en italique est tiré de De Senectute III, 9.
3
Il avait détruit la tyrannie de Nominöe, pseudo-roi des Bretons, (depuis que celui-ci s’était
violemment opposé à lui), et il avait été opposé en cela par la volonté de Dieu et de ses
saints, spécialement par Saint Florent. Il avait déjoué les complots de beaucoup d'autres
ennemis.
Car Dieu, glorieux et merveilleux grâce à ses saints, l’est encore plus quand il se sert d’eux
pour instiller des merveilles.
Charles repoussa aussi les Normands hostiles, une hostilité avec laquelle ils avaient dévasté
tout d’abord, puis violemment possédé, cette frange de la terre gauloise qui borde l'océan. Il
mata leur violence, et réduit leur puissance à néant. A cause de cela, les soldats affluèrent
de toutes parts : des hommes qu'il a choisis et aimés, qu'il a placé au-dessus de ceux qu’il
honorait déjà, et qu’il l’ont glorifié proportionnellement à sa force et à sa fidélité.
Parmi ces hommes- il a chéri Tertullus, dont nous parlons, aujourd’hui, lui a donné une
épouse et une part du fief de Château - Landon, et une propriété composée de quelques
autres terres, en Gâtinais et dans d'autres régions françaises. Mais à ce moment le roi,
dont les projets étaient interrompus par la destruction de son royaume, avant que la paix et
la reconstruction dont il avait rêvé [puisse être accomplie], selon la permission de Dieu, dans
la main duquel repose toutes les puissances et tous les royaumes, le roi donc, fut enlevé au
monde par une mort prématurée, apportant à la France des calamités qui dureraient
longtemps.
Il laissait derrière lui un fils, héritier du royaume, appelé Louis, qui n’avait de son grand-père
que le nom.
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Il était inférieur en tout à son père et grand-père, et en vérité à tous ses
ancêtres royaux, et menait une vie si inutile que son inertie lui a gagné le surnom de
« Fainéant ». Pendant son misérable règne les Normands et quelques autres ennemis
mauvais et tyranniques, ayant retrouvé leur force, et une méchanceté amplifiée, en usèrent
pour longtemps dans une terre privée de son chef.
Les Normands, ayant passé de beaucoup les limites de leur invasion et pillages
précédents, dépeuplèrent la Neustrie et une grande partie de l’Aquitaine s’adonnant au vol,
aux incendies criminels et au meurtre.
D Ingelger
A cette époque, Tertullus étant mort en France, son fils, Ingelger né sous le règne de
Charles le Chauve, prit possession des terres de son père. Car Tertullus avait épousé une
femme noble, une parente du duc de Bourgogne, appelée Pétronille, qui lui avait donné ce
fils.
Celui-ci fut fait chevalier [milles] en présence du roi Louis.
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Le grand père de ce garçon était Louis le Pieux, fils de Charlemagne.
4
Ce jeune homme était agile, et le meilleur des chevaliers, il égalait son père en force et
même le surpassait. Il acquit beaucoup de domaines, et réalisa des exploits audacieux et
téméraires.
Dans sa jeunesse, quand une dame noble d’un certain age, -sa marraine- et un habitant du
Gâtinais, furent faussement accusés d'adultère par les ennemis de la dame, qui voulaient
(en prétextant son « crime ») la déposséder de ses biens, il défendit et libéra cette femme en
attaquant résolument son accusateur. Cet acte le fit aimer tendrement de toute sa famille,
et de tous les nobles qui déploraient un tel affront envers une si noble dame. Ainsi ses terres
se virent elles augmenter autour du château paternel de Chateau-Landon.
Le roi lui donna alors, la vicomté de la ville d'Orléans pour en percevoir les revenus. Plus
tard, devenu le représentant du roi à Tours, il fendit vigoureusement la région contre les
Normands. Deux nobles et prêtres de Tours, Adalaudus et Raino, deux frères de noble
naissance, citoyens d'Orléans, donnèrent à Ingelger, homme de devoir juste et avisé, leur
nièce Aelindis comme épouse, elle reçut d’eux en dot leurs propres domaines avec la
permission du roi et des nobles, biens qu’ils avaient reçu en héritage légitime dans les
environs de Tours et d’Orléans. Leur domaine héréditaire était à Amboise, une petite ville
que jouxtaient les ruines d'un vieux château au sommet d’une colline. Celui-ci avait été
détruit à l’époque par les Normands.
A la demande de ces prêtres, Louis fit reconstruire et fortifier le château pour Ingelgerius.
Ils obtinrent aussi pour lui, la moitié du com de la ville d’Angers, parce qu'il y avait un autre
comte en Anjou, de l’autre côté de la Mayenne. Mais chaque partie de ce territoire, souffrant
les attaques tantôt des Normands, tantôt des Bretons, avait été réduite à une grande terre en
friche, autour de la ville. Comme le roi et les deux évêques, et les autres prêtres de France
sommés par le roi de mettre une garnison dans la ville, n’en pouvaient plus de défendre
Angers, Ingelger, en la force duquel ils croyaient, prit les armes contre les pillards afin de
défendre la ville et sa région. Il fut fait Comte. Il ne fit rien de moins que ce qui avait été
espéré de lui, mena beaucoup de guerres et remporta de grandes victoires sur l'ennemi.
Pendant longtemps, tant qu il vécut, il contint les ardeurs de ceux qui voulaient agrandir
leurs terres, et restaura la paix en Anjou, excepté dans la région d’outre - Mayenne. Il confia
Amboise à Robert, fils de Haimo, un homme puissant qui lui était fidèle. Cet homme
possédait une partie de la forteresse par droit héréditaire, et devint l’homme lige d'Ingelger.
A cette époque Ingelger mourut, et son fils Foulques, surnommé le Rouge, lui succéda. Il
accomplit des exploits qui étaient à l'image de ceux de son père, et même plus grands
encore, contre leurs ennemis.
De Foulques le Roux
A la mort de son père, au temps du Roi Louis le Fainéant, le duc Hugues de Bourgogne fut
nommé et choisi par le conseil commun des Francs pour être le gardien de Charles, fils de
Louis. Celui-ci était toujours en tutelle et incapable de régner sur le royaume, et Louis lui-
même était affaibli par maladie.
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Hugues était parent du garçon du côté de sa re, comme l’histoire le dit. Cet Hugues, un
homme remarquable tant par sa piété que ses qualités, était plus doué pour cette tutelle que
le prince précédent ne lavait été, et désirait et s’acquitter de ce devoir pour la libération de
son pays. : Si sa vie avait été assez longue pour cela, il est certain qu’il l’aurait fait.
Après avoir pris avec une ferveur et une fidélité toutes chrétiennes le pouvoir que lui
conférait sa fonction d’abbé
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, mais auquel plus tard ses successeurs ont donné le titre plus
arrogant de « duché, » ce prince reçut pour son travail une part des domaines royaux en
récompense. Ce sont les évêques et les nobles du royaume tout entier, qui lui donnèrent la
Neustrie avec le consentement du jeune Roi Charles.
Ce nom (de Neustrie) comportait toutes les terres entre la Loire et la Seine, de la région
comprise entre Paris et Orléans jusqu’à l'Océan.
Quand ce territoire lui fut donné tout entier, avec ses villes et ses comtés, ses abbayes et
ses châteaux, il ne manquait que les diocèses, - possessions royales -, il désira renforcer
l'ardeur de ses Comtes et des autres chefs pour la défense du pays.
C’est pour cela qu’il les combla dhonneurs et de récompenses.
Alors Hugues octroya la totalité du comté d'Anjou, qui était jusque bipartite, à Foulques le
Roux, dont il était parent par sa grand-mère, raconte-t-on.
On lui accorda aussi les monastères de Saint - Aubin et Saint - Lézin, autrefois possessions
royales. Tout cela lui fut donné par Charles le Simple, fils de Louis le Fainéant le bègue. [Un
long passage suit dans lequel Foulques le Roux est décrit en termes tirés du travail de
Salluste sur Catilina.]
Foulques alors prit alors une épouse noble du comté de Tours, nommée Roscilla, fille de
Warnerius. Celui-ci possédait trois châteaux en Touraine, Loches, Villentras et La Haye.
Deux d’entre eux furent ensuite acquis par Foulques de manière assez frauduleuse.
Warnerius, dont Foulques avait épousé la fille, était le fils d'Adelaudus, l'homme à qui
Charles le chauve avait donné Loches. [...]
Foulques vécut longtemps et vit ses fils devenir adultes : l'un d'eux, appelé Guy, qui avait été
nommé évêque de Soissons par Hugues l’Abbé, fit des choses singulières, mais surtout un
exploit particulièrement noble et exceptionnel. Quand Charles le simple, fils survivant de
6
C’est à dire un Comte qui est aussi un Abbé, c’est à dire qui a le contrôle d’un monastère.
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