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LA SCIENCE
[extrait de L. Russo et de quelques unes de mes
conférences]
***
Avant de mentionner, plus bas, les différents types de
sciences, on peut considérer une classe particulière, celle
des
Théories axiomatique - déductives
Prenons par exemple la géométrie d'Euclide (enseignée telle
quelle pendant vingt-trois siècles…).
Elle précise d'abord un set d'objets élémentaires (point,
droite, surface, etc.), et un petit nombre de postulats (il était
déjà clair que l'on ne pouvait pas "tout" définir, et que donc
il fallait partir de quelques propriétés que l'on "acceptait").
Ces premières définitions peuvent apparaître pas très
brillantes, mais elles ont beaucoup souffert des
transcriptions/traductions successives (au moins une tous
les cent ans…), et Euclide n'en est peut être pas
responsable.
Si l'on analyse les Eléments on voit que:
1) Les affirmations de la théorie ne concernent pas des
objets du monde réels mais des entités spécifiques de la
théorie considérée.
2) La théorie a une structure rigoureusement déductive :
objets élémentaires +
postulats (= axiomes, hypothèses, principes)
méthode unitaire pour déduire des conséquences
conséquences et propriétés (en nombre illimité).
3) La théorie est applicable au monde réel grâce à des
“règles de correspondance” entre les objets de la théorie et
les objets concrets.
Les règles de correspondance n’ont aucune garantie
absolue. La méthode fondamentale pour contrôler la validité
des règles de correspondance est la méthode expérimentale.
4) Le domaine de validité des règles de correspondance est
toujours limité.
Par exemple les règles de la mécanique classique sont
valables tant que les dimensions des objets et leur vitesse
restent dans les limites du monde macroscopique.
Autres exemples :
- quand on dit que les orbites des planètes sont
“elliptiques” (elles ne le sont que idéalement).
- Vitruve s’embrouille parce que Archimède dit dans un
cas que la superficie de la mer est plane, et dans un
autre qu’elle est sphérique.
Similitudes
On retrouve le fondement logique des théories déductives
quand on commence un. texte par une affirmation. Exemple:
“Tous les hommes sont égaux sans distinction de race, de
couleur, de sexe, de langue, de religion, de richesse, de
naissance ou autre condition”.
Quant à la distinction entre objets théoriques et objets réels,
posons-nous la question :
“Est-ce qu’existent la lumière, la température, la charge
électrique, les électrons ou les atomes ? “
La réponse est “NON”. Il s’agit dans chaque cas de
“modèles”, qui fonctionnent à l’intérieur et dans les limites
d’une quelconque théorie, mais qui ne sont pas “réels”.
[ Je vais dorénavant utiliser dans la même acception les
noms: théorie axiomatique-déductive, théorie scientifique
ou science exacte].
Caractéristiques et avantages
Avantages d’une théorie scientifique
1) On n’a pas besoin de se demander continuellement si ce
que l’on fait est vrai ou faux. “A l’intérieur” de la
théorie l’exactitude des conséquences est garantie – on
peut toujours vérifier si une propriété est vraie ou
fausse. La déduction de nouveaux résultats peut
avancer alors très rapidement.
Quand les déductions dépassent le domaine des
phénomènes connus (“auto-extension”), on peut avoir des
inventions ou des innovations technologiques.
2) La terminologie, les méthodes, les conséquences sont
“universelles”, c’est à dire qu’elles peuvent être
partagées par nombre de chercheurs dans le monde
entier, qui parleront tous le même langage, utiliseront
les mêmes méthodes, pourront toujours vérifier les
résultats obtenus par les autres.
3) La théorie ( = série de déductions) fournit une méthode
générale pour résoudre un nombre illimité de
problèmes.
4) Une théorie n'est pas une vérité - il n’existe pas de
théories “vraies” ou “fausses”, dans le sens qu’une
théorie scientifique ne contient aucune “vérité” absolue
et prouvée en ce qui concerne le monde réel.
Il existe seulement des théories “bonnes” ou “pas bonnes”,
dans le sens que (par l’intermédiaire des règles de
correspondance) les déductions trouvées “correspondent”
(rendent compte plus ou moins bien) aux phénomènes
observés.
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Quand une théorie n’est plus “bonne” (il y a des
phénomènes qu’elle ne peut pas expliquer), pas de drames :
on modifie les hypothèses et on cherche une théorie
“meilleure” – qui améliore ou la qualité d’interprétation ou
la quantité de faits expérimentaux qu’elle explique.
[Cette acception de théorie scientifique a été trop souvent
oublié (même de nos jours). Que d'ennuis Galilée aurait pu
éviter s'il avait compris les conseils du cardinal Bellarmin et
de Urbain VIII sur la façon de présenter ses théories, et que
de malentendus à propos de la “théorie de l’évolution”
auraient été évités aux USA en se rappelant de la vraie
signification de "théorie scientifique"].
En résumé:
Une “théorie scientifique”, par exemple la géométrie
euclidienne, c’est une construction logique et abstraite.
Logique parce que, ayant compris qu’on ne peut pas
tout démontrer indéfiniment, on admet comme point de
départ plusieurs propriétés simples et indémontrables
(postulats, axiomes, principes les Grecs les appelaient
“hypothèses”, c’est à dire bases, appuis), et quelques
“entités” ou objets élémentaires (en géométrie, points,
lignes, droites, surfaces, plans).
La théorie a ensuite une structure rigoureusement
déductive : à partir des postulats, avec une méthode
unitaire universellement acceptée (pour la géométrie :
la démonstration et le calcul), on peut déduire un
nombre illimité de conséquences et de propriétés.
Abstraite, parce que la théorie traite d’objets
imaginaires (spécifiques à la théorie), qui n’existent pas
dans la réalité concrète (dans la nature les angles et les
droites n’existent pas).
Quand naît la science?
Les sciences exactes (théories axiomatique-déductives) ne
sont pas l’unique type de science (voir ci-après “Types de
science”), mais elles sont un constituant et un moteur
essentiel de notre civilisation.
En utilisant la définition de “science exacte” comme critère
de recherche et d'évaluation , nous pouvons immédiatement
affirmer qu’il n’y avait de "science" :
Ni dans les anciens empires,
Ni dans la Grèce du Ve s. av. J.C.,
Ni dans les œuvres de Platon ou d’Aristote,
Ni dans la culture romaine.
Et on peut émettre de sérieuses réserves aussi sur Copernic,
Kepler et (en partie) Galilee.
[ne pas confondre science et connaissance; toutes les
civilisations ont accumulé successivement une énorme
quantité de connaissances].
La mathématique pythagoricienne, la physique
aristotélicienne, etc. ne sont pas des sciences exactes.
Aristote n’utilise ni la méthode démonstrative, ni
l’expérimentation : les forces, les temps, les longueurs dont
il parle sont conçus comme des objets concrets, dont il est
possible de comprendre les relations réciproques grâce à la
spéculation philosophique. L’allusion aux données
empiriques est purement démonstrative.
Si l'on veut donc dater la première apparition des
sciences exactes :
On a le premier exemple de théorie déductive au IIIe s.
av. J.C. à Alexandrie (avec Euclide et ses disciples), et ce
fut une caractéristique essentielle de la civilisation
hellénistique.
[une de mes conférences définit le terme "hellénisme"].
A part leur caractère rigoureux, les premières théories
scientifiques ne font plus appel ni aux dieux, ni aux mythes,
ni à de prétendues théories la philosophiques.
L'affirmation que la science moderne est née avec
l’hellénisme est confirmée par le fait que différentes
théories scientifiques hellénistiques, telles que :
la géométrie euclidienne,
l’optique géométrique,
la théorie des machines simples,
l’hydrostatique,
la théorie des nombres. Etc.
ont été incluses substantiellement inchangées dans la
physique et l'enseignement modernes.
L'idée que seule la confrontation avec l’expérience
(expérimentation) peut montrer si une théorie est plus ou
moins satisfaisante est bien est présente dans toutes les
œuvres hellénistiques :
Archimède
Philon de Byzance (pneumatique)
Héron (appareils de physique)
Ptolémée (optique)
Médecine d' Hérophile et Erasistrate (anatomie,
physiologie, thérapeutique,)
Zoologie, botanique (Aristote et Théophraste).
Chimie empirique alexandrine.
Types de science
Nous avons dit qu’une théorie axiomatico-déductive a
l’avantage de :
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- pouvoir définir exactement les objets abstraits dont on
s’occupe (par exemple un angle en géométrie, une
température en thermodynamique)
- de pouvoir tirer des déductions rigoureuses et de
résoudre des problèmes en nombre illimi
- et de pouvoir quand on le veut confronter les résultats à
une certaine classe de phénomènes du monde réel grâce à
la méthode expérimentale.
Et qu’une science exacte se distingue d’une science
empirique par son caractère déductif.
Il y a naturellement d’autres types de sciences, non moins
respectables ou importantes que les sciences exactes.
Par exemple les disciplines que nous pouvons appeler
“empiriques”, comme la médecine, la psychologie,
l’économie, la sociologie, la sismologie.
Elles sont caractérisées par une communauté de spécialistes
dont le travail de recherche se situe en dehors aussi bien de
la recherche philosophique que de la pratique
professionnelle - et qui comparent leurs résultats
expérimentaux.
Il existe ensuite les non-sciences.
L’astrologie, l’ufologie, la parapsychologie (et même la
pyramidologie).
Ces sciences se créent en définissant un “contenant”, si
possible avec un nom à racine grecque et avec une
terminaison en -logie. On poursuit ensuite en mettant dans
ce “panier” n’importe quelle “vérité” que l’on veuille
affirmer sur le sujet, sans s’embarrasser de définitions ou de
démonstrations.
La liste de sciences exactes ou non est aujourd'hui très
longue:
Sciences “empiriques”
Sciences exactes
- la météorologie
- la zoologie
- la botanique
- la géologie
- l’écologie
- l’agronomie
- la médecine
- etc.
- les mathématiques
- la physique
- l’astronomie
- l’optique
- la chimie
- l’aéronautique
- la statistique
- etc.
Les Grecs et la géométrie
Ce qui frappe le plus dans la pensée grecque est le niveau
d'abstraction atteint, niveau qui semble avoir progressé au
même rythme que les connaissance mathématiques.
Tout ne commence pas en Grèce, il y a des apports
chaldéens et babyloniens, mais le manque de documentation
nous masque la transmission de connaissances entre ces
peuples, ou ceux qui les ont précédés.
Grâce à des stades successifs d’abstraction :
1) Du monde réel => aux formes (droite, cercle, etc. ...).
[A part des formes simples comme la droite, le cercle,
etc..., les Grecs ont étudié des formes moins banales : par
ex. les “lunules”, ou les solides “d’Archimède” dont l’un
décrit parfaitement la structure d'une molécule moderne, le
fullerène, C-60]
2) Des formes => aux formes idéales (droite infinie, cercle
parfait, polyèdres parfaits, etc...)
3) Des formes idéales => aux entités géométriques (point
sans dimension, segment avec une infinité de points, etc...)
Ces entités échappent facilement à l’intuition : par ex. un
segment et sa moitié contiennent le même nombre de
points.
4) La séparation des entités géométriques du monde réel.
[Pour Platon et même Aristote, les entités géométriques
“existent” indépendamment de l’invention de l’homme,
comme si elles étaient enracinées dans la “structure” du
monde naturel].
Le “constructivisme” d’Euclide
A l’opposé de Platon et d’Aristote, pour qui les entités
mathématiques préexistent à la recherche humaine, Euclide
ne nomme jamais une nouvelle “figure” sans en donner en
même temps la construction - pour bien montrer que la
géométrie est une “construction” de l’homme.
On évite ainsi le problème de démontrer l’existence des
objets (figures) considérés.
La géométrie euclidienne naît explicitement comme la
théorie scientifique des dessins faits avec une règle et un
compas
Pourquoi les Grecs ont utilisé la géométrie ?
Parce que la géométrie, et précisément les figures
construites avec règle et compas, était pour eux une
thode de calcul rapide et précise, qui condensait en une
seule opération
l’algorithme (le calcul),
l’illustration du résultat ,
et le plan d’exécution d’un projet.
On l'appellerait aujourd'hui “algèbre géométrique”.
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[Autres exemples : les méthodes des constructeurs des
cathédrales, ou la règle à calculer utilisée jusqu'aux années
'60]
Si nécessaire, les Grecs utilisaient aussi le calcul
numérique, par ex. pour la mesure des angles ou en
astronomie.
[Archimède dans l’Arenaire veut démontrer qu'Aristarque
avait tort d'affirmer que la distance des étoiles fixes était
"incommensurablement" plus grande que la distance Soleil-
Planètes. Il entreprend alors (Archimède) de définir les
nombres exponentiels; à la fin, il évalue le rapport entre les
distances susmentionnées à 10 puissance 64 (si je me
rappelle bien).
Pendant des années je ne comprenais pas pourquoi
Archimède avait écrit un livre aux grains de sables
Pour la précision, Aristarque avait dit qu'il y avait entre les
deux distances le même rapport qu'entre une circonférence
et son centre].
D’autres peuples, comme les Babyloniens, utilisaient
comme support de leurs calculs des tablettes d’argile, dont
la superficie réduite se prêtait mieux au calcul numérique.
Ces méthodes, dans ces pays, n’ont pas été abandonnées
pendant la domination grecque (hellénisme).
Il n’est pas exclu que les Arabes aient privilégié le calcul et
l’algèbre numérique parce qu'ils les ont trouvés en
utilisation dans les premiers qu’ils ont conquis (Moyen
Orient).
Aujourd’hui nous utilisons de préférence le calcul
numérique, et le dessin géométrique seulement pour
illustrer les résultats obtenus.
Les Grecs faisaient tout simplement le contraire.
Article 2
La question "La contribution scientifique de Newton est-
elle révolutionnaire ? " en suggère une autre:
"Combien de révolution scientifiques pouvons nous
compter ? "
Au départ, j'avais l'impression qu'il s'agirait de trois-quatre
théories. Et puis en comptant bien, et avec quelques oublis,
le compte augmente. Par exemple :
1) la révolution oubliée (les anciennes connaissances
évoquées par Newton) - au III-IIe siècle av. J.-C.
2) L'œuvre de Tycho Brahe et Kepler : première
couverte des nouvelles lois naturelles depuis
l'antiquité.
3) L'œuvre de Newton (et donc ni G. Bruno, ni Copernic,
ni Descartes, ni Galilée)*.
4) La chimie quantitative (Van Helmont, R. Boyle,
Lavoisier, Gay-Lussac, Dalton, Avogadro et, dulcis in
fundo, Mendeleïev).
5) La découverte de l'équivalence chaleur- énergie
mécanique (J.P. Joule), et donc le principe de
conservation de l'énergie (premier principe de la
thermodynamique).
6) La structure de l'atome (Bohr, Rutherford, et autres)
7) La relativité de Einstein : équivalence masse- énergie et
explication géométrique de l'attraction gravitationnelle.
8) La connaissance théorique et expérimentale
(accélérateurs) des particules élémentaires - et
application à la cosmologie.
9) Début de l'exploration de l'espace - satellites artificiels,
astronautes, sondes d'exploration.
* Parlerait-on encore autant de Bruno et Galilée, en science,
s'ils n'avaient pas été condamnés par l'église?
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