Un nouveau cadeau aux multinationales?
Quel serait pour la Bolivie le bénéfice d’une exportation de gaz via le Chili ? Les
principaux investissements se limiteraient au développement des puits et à la
construction des gazoducs. Peu d’effets sur les revenus et sur l’emploi local. Les plus
avantagées seraient les multinationales, la partie la plus juteuse de l’affaire étant le
transport, la liquéfaction et la re-gazéification. De plus, Pacific LNG paierait 2,5 $US
pour 100m³, un montant bien inférieur au prix payé actuellement par le Brésil (4,50
$US). De ce montant, l’Etat bolivien percevrait 18% de taxes, soit 45 cents.
Soulignons aussi que si les multinationales du consortium font pression sur la Bolivie
pour que le gaz passe par un port chilien (au lieu d’un port péruvien), c’est parce
qu’elles disposent d’intérêts importants au Chili.
Par ailleurs, le projet d’exportation de gaz devait soi-disant vitaliser l’économie
bolivienne. Cependant, le prix du gaz en Bolivie a augmenté de 1,25% et celui de
l’essence de 24,4% donnant lieu à des explosions sociales (en avril et en septembre
2000).
Une situation explosive
Les différents mouvements sociaux se cristallisent lors des dernières élections
présidentielles en 2002 par l’arrivée au parlement de deux forces politiques
émergentes : le MAS (Mouvement Vers le Socialisme) du dirigeant cocalero Evo
Morales et le MIP (Mouvement Indien Pachacuti). En toile de fond, des problèmes
structurels sans solution : la lutte contre l’éradication de la coca, la défense de l’eau,
etc... En février 2003, un premier coup de semonce annonce clairement une situation
devenue intenable. Le gouvernement a bien promis de corriger le tir, en retirant le
projet d’instaurer un impôt sur le revenu, en diminuant les dépenses par l’abaissement
des rémunérations des hommes politiques, en réduisant la caisse des “Dépenses
Réservées” de l’Etat,... Il a promis d’engager immédiatement des programmes de
relance économique. Cependant, en 7 mois, le gouvernement s’est cantonné dans les
mêmes pratiques, montrant clairement que rien ne pouvait faire changer sa manière
d’agir.
Le refus du peuple bolivien d’exporter le gaz par le Chili trouve son origine dans un
profond ressentiment après la perte de la façade maritime du pays lors de la guerre du
Pacifique (1879-1883), provoquée par des sociétés anglaises. Depuis, la Bolivie
enclavée, n’a cessé de revendiquer “un accès souverain à la mer” sur son ancien
territoire. Le Chili s’y est toujours opposé. La Bolivie souhaite y dis-poser d’un terrain
pour y construire un môle pour l’embarquement de son gaz et une usine de
liquéfaction. En outre, le projet d’exportation du gaz vers les Etats-Unis, à partir d’un
port chilien, permettra aux compagnies pétrolières et gazières étrangères d’obtenir des
gains d’environ 1,3 milliars de dollars, laissant à la Bolivie 50 millions de dollars
d’impôts et de droits d’exploitation. Enfin, depuis l’application de la capitalisation en
Bolivie, c’est l’État qui doit financer les géants pétroliers pour l’exploitation des
hydrocarbures. En d’autres mots, ces compagnies perçoivent d’énormes subventions
financées à même la dette extérieure de l’État.