MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- AVANT-PROPOS Qu’est-ce que la littérature ? Quel est son rapport à l’auteur ? à la réalité ? au lecteur ? au langage ? D’Aristote à Derrida, la question a, derrière les formes prises par ses diverses déclinaisons, toujours la même pertinence. Inséparable de la conception du texte qui l’informe, toute « théorie » sur la littérature est aussi fille de l’Histoire. Cet enseignement vise à retracer les grandes étapes de la critique littéraire, depuis sa première théorisation par les classiques grecs jusqu’à sa « remise en cause » par la modernité et la post-modernité. Il prendra la forme d’un parcours chronologique au cours duquel seront rappelés et interrogés les principaux concepts qui permettent une réflexion sur la littérature, comme art ou comme technè, comme manifestation et / ou comme vision du monde. Définir ce qu’est la critique littéraire n’est pas aisé. Le terme est en effet source de confusion, puisqu’il renvoie aussi bien : à la critique journalistique (en anglais : les book reviews des journaux et magazines) à la critique dite scientifique, qui répugne à porter des jugements (contrairement à la critique journalistique) ; universitairement parlant, la critique littéraire recoupe toutes les recherches sur la littérature, qui décrivent, analysent, interprètent, … et dépendent des jugements littéraires des autres. à la critique (littéraire) des écrivains, qui ont, en dehors de leur fiction, produit des essais théoriques sur la littérature en général. On peut citer Proust (son célèbre Contre SainteBeuve), E.M. Forster, Henry James, J.L. Borges, Valéry, Mallarmé… sans distinction de période ou de nationalité ni langue d’expression. Ce cours, « Texte et Critique du Texte », s’intéresse en priorité à la seconde catégorie, qui fait partie des outils indispensables à tout chercheur rentrant dans le deuxième cycle des études universitaires (celui du Master). Il concerne le domaine littéraire, même si bien souvent, des parallèles peuvent être établis et si de nombreux outils critiques peuvent s’avérer communs à la littérature, la civilisation et la linguistique1. « Texte et Critique du Texte » est un cours divisé en deux parties, rédigées par deux enseignants-chercheurs différents. Cette première partie, générique, va de l’antiquité à la critique contemporaine, d’Aristote à Paul Ricœur. La deuxième partie, assurée par le Pr Francine Maier, se concentre plus particulièrement sur le modernisme et le post-modernisme (soit le structuralisme et ses dérivés ou ses avatars, de Roland Barthes à Jacques Derrida – entre autres théoriciens). Les deux parties se complètent pour proposer un panorama des principales écoles critiques / écoles de pensée qui permettent de lire – c’est-à-dire d’interpréter – un texte littéraire. Cet « avant-propos » se poursuit (des pages 2 à 7) par : 1. une bibliographie 2. une liste de « modèles » épistémologiques. La première, qui n’est qu’indicative, constitue une base structurée qui doit vous permettre de travailler individuellement, en fonction des connaissances que vous possédez déjà ET des choix / orientations critiques que vous avez déjà effectués au cours de votre cursus. La seconde, qui pourrait être considérée comme un plan de cours, reprend sous forme thématique, l’essentiel de la bibliographie. Toutefois, les regroupements en rubriques peuvent 1 Pour ces deux derniers domaines, deux cours distincts vous sont proposés Voir la dernière section du document pour trouver réponse à vos questions concernant l’examen. 1 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- vous apparaître différents. Cela tient à ce que la première section (la bibliographie) est exclusivement chronologique, tandis que la seconde opère des synthèses d’ordre plus théorique. Néanmoins, les deux démarches se rejoignent, comme vous le constaterez à l’examen des auteurs / théoriciens convoqués de part et d’autre. La suite du cours, à partir de la page 8, est subdivisée en 5 sections : n° 1 = « D’Aristote à Proust », n° 2 = « du formalisme russe au structuralisme », n° 3 = « de Bakhtine à l’intertextualité » ; le cours n° 4 est consacré à Michel Foucault et, plus brièvement, à Gilles Deleuze, le cours n° 5 à Paul Ricœur. La dernière section (cours ou section n° 6) comporte un « bilan » sous forme parodique, des précisions concernant l’examen et quelques conseils méthodologiques et / ou lectures complémentaires. Je vous engage, si ce cours vous intéresse (il est à visée méthodologique et comme son intitulé le précise, traite de notions théoriques fondamentales à ce stade de votre cursus), à me communiquer votre adresse électronique, accompagnée de vos nom et prénom et, surtout, de votre filière d’origine et de l’intitulé de votre Master – et si possible votre sujet de recherche – à l’adresse suivante : [email protected]. Je suis par ailleurs disponible, dans mon bureau (L 112), aux heures de permanence affichées (ou sur rendezvous)2. S. Jousni (MCF – Département d’anglais – Université de Rennes 2 Responsable des enseignements mutualisés de Master 1 – Semestre 1) Attention, l’année universitaire n’étant pas encore commencée au moment où sont écrites ces lignes, les heures de permanence ne sont pas encore indiquées ou, si elles sont indiquées, sont susceptibles d’être changées. Merci de vérifier. 2 2 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- I. BIBLIOGRAPHIE Cette liste d’ouvrages de référence ne doit pas vous effrayer par sa longueur. Il ne s’agit nullement là de vous prescrire TOUS les ouvrages qu’il FAUT absolument lire, mais de vous présenter le panorama le plus large possible des grandes tendances en matière de critique littéraire, à la fois sur un plan historique (diachronique) et théorique. Cette bibliographie constitue déjà à elle seule, en raison de sa subdivision en rubriques, une forme de « cours ». Cela dit, reportez-vous néanmoins, bien entendu, à la section II. de cet envoi, qui retrace de façon commentée le parcours et les avatars de la critique littéraire au fil des siècles. Un certain nombre de ces ouvrages sont en anglais. Lorsqu’ils ont été traduits en français, c’est l’édition française qui est ici répertoriée. Pour les autres, malheureusement non traduits en français3, il en existe des résumés plus ou moins et plus ou moins vulgarisés, disponibles sur divers sites Internet, entre autres celui de l’ Encyclopedia Universalis4. I. OUVRAGES GENERAUX Baldick, C., Criticism and Literary Theory, 1890 to the Present, London : Longman, 1996. Gengembre, G., Les grands courants de la critique littéraire, Paris : Seuil, coll. Mémo, 1996. Maurel, A., La critique, Paris : Hachette, coll. Contours littéraires, 1994. Meschonnic, H., Modernité, Modernité, Paris : Verdier, 1988. Selden, R., The Theory of Criticism, from Plato to the Present, London : Longman, 1998. Tadié, J-Y., La critique littéraire au XX siècle, Paris : Belfond, coll. Agora, 1987. Compagnon, A., Le démon de la théorie, Paris : Seuil, coll. Points Essais, 1998. II. L’EVOLUTION DE LA CRITIQUE LITTERAIRE DU XVIII A L’EPOQUE CONTEMPORAINE Auerbach, E., Dante, Poet of the Secular World, tr. R. Manheim, Chicago/ London : Chicago U.P., 1961. Bénichou, P. Morales du grand siècle, Paris: Gallimard, 1948. Empson, W., Seven Types of Ambiguity, London, 1930. Forster, E.M., Aspects of the Novel, London : E. Arnolds, 1927. Leavis, F.R., The Great Tradition, London :Harmondsworth, Penguin, (1948) 1983. Proust, M. Contre Sainte-Beuve, Paris : Gallimard, 1954. Todorov, T. Critique de la critique, Paris : Seuil, 1984. III. LES GRANDES TENDANCES DE LA CRITIQUE CONTEMPORAINE A. Les analyses formelles 1. Les formalistes russes Jakobson, R., Essai de linguistique générale, Paris : Minuit, 1963. Jakobson, R., Questions de poétique, Paris : Seuil, 1973. Propp, V., Morphologie du conte, Paris : Seuil, (1965) 1970. Todorov, T., Théorie de la littérature, Paris : Seuil, 1965. 3 4 Je m’adresse ici aux non anglicistes parmi vous. Egalement à disposition sous forme papier à la Bibliothèque Universitaire. 3 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- Todorov, T., Théories du symbole, Paris : Seuil, 1967. Ducrot, O., Todorov, T., Dictionnaire encyclopédique des Sciences du langage, Paris : Seuil, 1972. 2. Le structuralisme a. Narratologie Booth, W., The Rhetoric of Fiction, University of Chicago Press, 1961. Frye, N., Anatomy of criticism: Four Essays, Princeton NJ: Princeton UP, 1957. Genette, G., Figures II, Paris: Seuil, 1969. Genette, G., Figures III, Paris: Seuil, 1972 b. Stylistique et poétique. Leech, G., & M. Short, Style in Fiction, London : Longman, 1981. Lejeune, P. Le pacte autobiographique, Paris : Seuil, 1975. Lejeune, P., Je est un autre, Paris : Seuil, 1980. Meschonnic, H. Pour la poétique, Paris : Galimard, 1970. Riffaterre, M., La production du texte, Paris : Seuil, 1969. Riffaterre, M., Essais de stylistique structurale, Paris : Flammarion, 1971. c. Sémiologie Barthes, R., Le degré zéro de l’écriture, paris : Seuil, 1953. Barthes, R., S/Z, Paris : Seuil, 1970. Barthes, R., Le plaisir du texte, 1973. Barthes, R., L’aventure sémiologique, Paris : Seuil, 1985. Culler, J., Structuralist Poetics : Structuralism, Linguistics and the Study of Literature, 1975. Eco, U., L’oeuvre ouverte (L’Opera Aperta Milan: Bompiani, 1962), tr. Paris : Seuil, 1965. Eco, U., La Structure absente, Milan : Bompiani, 1968 / Paris : Mercure de France, 1972. Eco, U., Lector in Fabula, Paris : Grasset, 1985. Greimas, A.J., Essais de sémiotique poétique, Paris : Larousse, 1972. Sontag, S., Against Interpretation, New York, 1964. B. Post-structuralisme, post- modernisme Bakhtine, M., Esthétique et théorie du roman, Paris : Gallimard, 1978. De Man, P., Allegories of Reading, Yale University Press, 1969. Deleuze, G., Logique du Sens, Paris : Minuit, 1969. Deleuze, G., Différence et répétition, Paris : PUF, 1968. Derrida, J., De la grammatologie, Paris : Minuit, 1967. Derrida, J., L’écriture et la différence, Paris : Seuil, 1967. Derrida, J., La dissémination, Paris : Seuil, 1972. Foucault, M., Les mots et les choses, Paris : Gallimard, 1966. Holquist, M., Bakhtin and his World, London / Routledge, 1990. Hutcheon, L., A Poetics of Post-Modernism, London : routledge, 1996. Kermode, F., Essays on Fiction, 1983. Kermode, F., The Classic : Literary Images of Permanence and Change, 1975. Kristeva, J., Séméiotiké, recherches pour une sémanalyse, Paris : Seuil, 1969. 4 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- Kristeva, J., Le langage, cet inconnu, Paris : Seuil, 1981. Lyotard, J-F., Discours, Figure, Paris : Klinsieck, 1985. Lyotard, J-F., Le post-modernisme expliqué aux enfants, Paris : Galilée, 1988. Miller, J.H., Fiction and Repetition, Oxford, 1982. Ricoeur, P. La métaphore vive, Paris : Seuil, 1975. C. Analyse du discours, idéologie 1. La critique marxiste et idéologique Barberis, P., La politique du texte, enjeux sociocritiques, Lille : PUL, 1992. Eagleton, T., Criticism and Ideology, London : New Left Books, 1976. Goldman, L., Pour une sociologie du roman, Paris : Gallimard, 1964. Lecercle, J-J., The Violence of Language, London : Routledge, 1990 (tr. Fr. Disponible sous le titre La violence du langage) Lecercle, J-J., The Philosophy of Nonsense, London : Routledge, 1994. Luckacs, G., La théorie du roman, Paris : Gonthier, (1920) 1963. Luckacs, G., Le roman historique, Paris : Payot, 1965. Macherey, P., Pour une théorie e la production littéraire, Paris : Maspero, 1966. 2. La critique historiciste (=« New Historicism »), les « Cultural Studies », la critique postcoloniale Greenblatt, S., Redrawing the Boundaries, the Transformation of English and American Studies, New York, 1993. Meschonnic, H., De la langue française, Paris : Hachette, 1997. Tylliard, E.M.W., The Elizabethan World Picture, London : Chattoo and Windus, 1943. -Bhabha, H., (ed.), Nation and Narration, London : Routledge, 1990. Loomba, A.., Colonialism/Postcolonialism, London: Routledge, 1998. Mongia, P., (ed.), Contemporary Postcolonial Theory, London : Arnold, 1996. Said E. The World, the Text and the Critic, 1983 Said, E., Representations of the Intellectual, 1994. 3. Féminisme et “Gender Studies” Cixous, H., Entre l’écriture, Paris : Edition des femmes, 1986. Cixous.H . et Clément, C., La jeune née, Paris : union générale d’édition, 1975. Irigaray, L., Parler n’est jamais neutre, Paris :Minuit, 1985. Moi, T., Sexual/Textual Politics; Feminist Literary Theory, London / Methuen, 1985. Showalter, E., The New Feminist Criticism: Essays on Women, Literature and Theory, London: Virago Press, 1986. D. Autres voies 1. La critique thématique Durand, G., Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris : Bordas, 1960 (reed. Donod, 1992). Richard, J-P., Littérature et sensation, Paris : Seuil, coll. Points, 1954. 5 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- Starobinski, J., Jean-Jacques Rousseau, la transparence et l’obstacle, Paris : Gallimard, 1961 (coll. Tel, 1976). 2. La critique psychanalytique a. Ouvrages généraux Chemama, R., Dictionnaire de la psychanalyse, Paris : Larousse, 1993. Freud, S., Introduction à la psychanalyse, Paris : Payot (date ?) Julien, P., Le retour à Freud de Jacques Lacan, Paris : Seuil ( ?) Kaufmann, P. (dir.), L’apport freudien : éléments pour une encyclopédie de la psychanalyse, Paris : Bordas, 1993. Laplanche, J. & Pontalis, J-B., Vocabulaire de la psychanalyse, Paris : PUF, 1967. Miller, G. (dir.), Jacques Lacan, Paris : Bordas (date ?) Roudinesco E. & Plon, M., Dictionnaire de la psychanalyse, Paris : Fayard, 1997. Sauret, M-J. et Alberti, C., La psychanalyse, Toulouse / Milan, 1996. b. Littérature et psychanalyse Arrivé, M. Psychanalyse et linguistique, Paris : Méridiens/ Klinsieck, 1987. Castanet, H., Le regard à la lettre, Paris : Anthropos, 1996. Freud, S. L’inquiétante étrangeté et autres essais, Gallimard, coll. Folio Essais, (date ?) Hassoun, P-L., Littérature et psychanalyse, Paris : Ellipse, 1996. Lacan, J., « Le séminaire sur « La lettre volée » », in Ecrits, Paris : Seuil ( ?) Lacan, J., Séminaire « Le sinthome », texte établi par J.A. Miller, in Ornicar ? , revue du champ freudien (plusieurs numéros : 1976 &1977). Lacan, J., « L’instance de la lettre dans l’inconscient », in Ecrits, Paris : Seuil, 1993. Robert, M., Roman des origines, origine du roman, Paris : Gallimard (1972), 1977. 3. La critique génétique Gresillon, A., Eléments de critique génétique, Paris : PUF, 1994. 4. Théorie de la réception et de la lecture Iser, W., L’acte de lecture, théorie de l’effet esthétique, Bruxelles : Mardaga, 1985. Jauss, H-R., Pour une esthétique de la réception, Paris : Gallimard, 1969. Maingueneau, D., Pragmatique pour le discours littéraire, Paris : Hachette, 1992. Picard, M., La lecture comme jeu, Paris : Minuit, 1986. ------------- 6 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- II. QUELQUES MODÈLES Ce qui suit peut être considéré comme un « squelette » de cours, sous forme de plan qui combine chronologie et théorie. Tout en s’inspirant de travaux personnels et collectifs (laboratoires de recherche), il doit beaucoup - notamment sa structure en rubriques – aux travaux d’Antoine Compagnon5 . Je rappelle ici ce que j’ai déjà indiqué dans l’« avantpropos » : vous ne trouverez ci-dessous que les grands titres des différentes sections correspondant aux grandes ‘étapes’ historiques de la critique littéraire depuis Aristote. Ce sont aussi des formes de modèles scientifiques, d’où l’intitulé ci-dessus. I. LA CRITIQUE LITTERAIRE Définir ce qu’est la critique littéraire n’est pas aisé. Le terme est en effet source de confusion, puisqu’il renvoie aussi bien : à la critique journalistique (en anglais : les book reviews des journaux et magazines) à la critique dite scientifique, qui répugne à porter des jugements (contrairement à la critique journalistique) ; universitairement parlant, la critique littéraire recoupe toutes les recherches sur la littérature, qui décrivent, analysent, interprètent, … et dépendent des jugements littéraires des autres. à la critique (littéraire) des écrivains, qui ont en dehors de leur fiction, produit des essais théoriques sur la littérature en général. On peut citer Proust (son célèbre Contre SainteBeuve), E.M. Forster, Henry James, J.L. Borges, Valéry, Mallarmé… sans distinction de période ou de nationalité ni langue d’expression. II. LES MODELES CONTEXTUELS OU EXPLICATIFS Sont abordés là les deux grandes tendances ‘classiques’ (post-aristotéliciennes et qui néanmoins lui doivent beaucoup), celle de la philologie et de l’histoire littéraire. Les noms de Taine, Mme de Staël, Sainte-Beuve, Gustave Lanson et de maints philosophes allemands (Schlegel, Durkheim…) seront les plus fréquemment cités. Les outils fournis par la sociologie et la psychanalyse de la littérature, tout en étant plus ‘modernes’ que les deux précédents, font néanmoins partie sur le plan théorique, de la même catégorie des modèles dits « contextuels ou explicatifs ». III. LES MODELES PROFONDS OU INTERPRETATIFS Il sera question dans cette sous-rubrique de : La critique créatrice : apparue avec le romantisme, elle renvoie essentiellement à l’école française (Baudelaire, Flaubert, Taine, Bergson, Proust et Valéry, en Allemagne Husserl et en Italie B. Croce) La critique thématique : nous y retrouverons Marcel Raymond, Georges Poulet et surtout Jean Starobinski. La critique existentialiste : Sartre, après Nietzsche et Heidegger, sont les théoriciens les plus notables, mais il faut aussi tenir compte de l’héritage de Saussure et de Lacan. Voir : Le démon de la théorie (ouvrage cité dans la bibliographie) et l’article « Critique Littéraire » revu et corrigé pour la dernière édition de l’Encyclopedia Universalis. 5 7 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- IV. LES MODELES TEXTUELS OU ANALYTIQUES « Contre l’histoire littéraire et la critique interprétative se sont violemment dressées en France, à partir des années 1960, les critiques contestant l’empire du sujet et lui substituant le primat du langage » (A. Compagnon). Nous aborderons là : La critique rhétorique et poétique La critique issue de la linguistique saussurienne, le formalisme russe et le « New Criticism » Le structuralisme et ses dérivés : sémiotique, poétique, narratologie La stylistique et la tropologie V. LES MODELES « GNOSTIQUES » OU INDETERMINES Alors que les précédents modèles relevaient des trois paradigmes : explicatif / interprétatif / analytique, le quatrième – et dernier en ce qui nous concerne- que l’on peut baptiser modèle textuel relève de la textualité qui, en refusant l’histoire et l’herméneutique, se situe sur un plan différent, qui s’intéresse moins aux textes réels qu’aux textes possibles. Les concepts d’indéterminisme et les noms de Husserl, Nietzsche et Bloom seront mentionnés, ainsi que ceux de Mallarmé et Barthes. L’esthétique de la réception A la question « comment faire de l’histoire littéraire après Heidegger ? » la théorie de la réception met l’accent sur le lecteur, sa relation au texte et le procès de la lecture (Jauss). La déconstruction : Derrida sera naturellement l’ « auteur-phare » en la matière6. Du côté français, il faut aussi évoquer Maurice Blanchot. Dialogisme et intertextualité : c’est l’œuvre de Bakhtine qui fournira l’essentiel de la réflexion. En France, ses travaux ont essentiellement été transmis par l’intermédiaire de Julia Kristeva. Le féminisme : après l’œuvre séminale de Simone de Beauvoir (Le Deuxième Sexe), Julia Kristeva, Hélène Cixous et Luce Irigaray continuent la réflexion en ce sens. Du côté anglo-saxon (c’est-à-dire eu côté de ce que l’on nomme les gender studies), les noms à retenir sont ceux d’Elaine Showalter ou de Toril Moi. Le matérialisme culturel : sous cette appellation quelque peu générique sont regroupées les théories essentiellement anglo-saxonnes qui, sous la bannière de Greenblatt aux Etats-Unis ou d’Althusser en France, créent le courant néo-historiciste qui se déclinera plus tard en cultural studies ou en études post-coloniales. 6 Il ne sera pas traité ici, mais par M. Maïer, dans un cours séparé et néanmoins complémentaire de celui-ci. 8 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- III. COURS N° 1 : D’ ARISTOTE À PROUST Selon Derrida, « [u]n texte n’est un texte que s’il cache au premier venu la règle de sa composition, la loi de son jeu ». C’est cette « vérité » qui fait toute la justification de ce que d’aucuns appellent, à juste titre, « l’herméneutique » du Texte, laquelle vise à pénétrer les secrets de l’écriture, le mot ‘secret’ devant être pris non dans son sens théologique mais dans celui de synonyme de plaisir. ------Plan = 1. Aristote en opposition à Platon 2. Proust et son Contre Sainte-Beuve --------Entre ces deux pôles de la chronologie (Aristote d’un côté, Proust de l’autre) sur lesquels nous allons insister plus particulièrement, quatre grandes périodes se font jour : de la Renaissance jusqu’au XVIIe inclus : c’est la période des classiques, dont la référence majeure reste Aristote. le XVIIIe : la rationalité du siècle des Lumières, héritière du cogito de Descartes, consacre l’essai, plus particulièrement philosophique, considéré comme le genre noble par excellence, contrairement à la fiction romanesque, ou même poétique. le XIXe marque l’avènement des Romantiques, qui instaurent le primat (lyrique) du sujet. Cette période court jusqu’à Taine, Lanson et Sainte-Beuve, tenants de ce que l’on appellerait aujourd’hui la critique biographique (‘l’œuvre c’est l’homme’), au sens le plus étroit du terme I. ARISTOTE Dans l’Antiquité, deux visions de la littérature s’affrontent : 1. Celle de Platon (428-348 BC) : pour le philosophe, l’artiste est l’imitateur d’une imitation / l’art imite un objet matériel qui est lui-même une copie de l’idée de la chose (mythe de la caverne). La connotation est plus ou moins négative, même si le poète reçoit l’inspiration directement de ‘Dieu’. Le concept fondamental est celui de l’essence 2. Celle d’Aristote (384-322 BC). Elève de Platon (de 367 à 347), Aristote est le premier à élaborer une réflexion théorique qui vise à orienter la pratique du poète. Voir son œuvre La Poétique. Concept-clé = mimesis = faculté humaine fondamentale de médiation (même si elle est complexe) de la réalité. L’art doit correspondre à la vie et atteindre à un certain ordre structuré. Le poète vise l’universel et le général. Autre concept-clé = catharsis (création d’une intensité dramatique maximale pour impliquer le public / subjectivité sollicitée pour identification avec les personnages en vue de purification des passions). La Poétique d’Aristote = création d’un métalangage destiné à définir l’art (de l’écrit) de façon objective. Aristote définit trois grands genres : lyrique, épique, dramatique. L’attitude est prescriptive : la notion de norme prévaut et il n’est pas admissible d’y déroger. (Tome 1 la Tragédie / Tome 2 la Comédie- Lire ou relire le roman d’Umberto Eco, Le Nom de la Rose, qui base une partie de son intrigue policière sur la recherche du tome 2 disparu) II. PROUST Dans son célèbre essai Contre Sainte-Beuve7, Proust prend parti de façon extrêmement virulente contre ce qu’il appelle la « méthode Sainte-Beuve », héritière des modèles de 7 M. Proust, Contre Sainte-Beuve, Gallimard, coll. Folio-essais, 1954. Les références de pages données ici correspondent à cette édition. 9 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- critique extrinsèque, qui « expliquent » l’œuvre par la personnalité de son auteur et ses conditions d’émergence (sociales, personnelles). Voici la manière dont Proust résume ladite méthode : La littérature, disait Sainte-Beuve, n’est pas pour moi distincte ou du moins, séparable du reste de l’homme et de l’organisation. On ne saurait s’y prendre de trop de façons et de trop de mots pour connaître un homme, c’est-à-dire autre chose qu’un pur esprit. Tant qu’on ne s’est pas adressé sur un auteur un certain nombre de questions et qu’on n’y a as répondu, ne fût-ce que pour soi seul et tout bas, on n’est pas sûr de le tenir tout entier, quand même ces questions sembleraient les plus étrangères à la nature de ses écrits : Que pensait-il de la religion ? Comment était-il affecté du spectacle de la nature ? Comment se comportait-il sur l’article des femmes, sur l’article de l’argent ? Etait-il riche, pauvre ; quel était son régime, sa manière de vivre journalière ? Quel était son vice ou son faible ? Aucune réponse à ces questions n’est indifférente pour juger l’auteur d’un livre et le livre lui-même, si ce livre n’est pas un traité de géométrie pure, si c’est surtout un ouvrage littéraire, c’est-à-dire où il entre de tout. (p. 126) Proust s’insurge contre cette critique exclusivement biographique qui méconnaît la nature même de l’œuvre littéraire. Voici quelques extraits parmi les plus représentatifs de ces pages qui dénoncent la « méthode Sainte-Beuve » : L’œuvre de Sainte-Beuve n’est pas une œuvre profonde. La fameuse méthode, qui en fait, selon Taine, selon Paul Bourget et tant d’autres, le maître inégalable de la critique du XIXe, cette méthode, qui consiste à ne pas séparer l’homme et l’œuvre, à considérer qu’il n’est pas indifférent pour juger l’auteur d’un livre, si ce livre n’est pas un « traité de géométrie pure », d’avoir d’abord répondu aux questions qui paraissent le plus étrangères à son œuvre, à s’entourer de tous les renseignements possibles sur un écrivain, à collationner ses correspondances, à interroger les hommes qui l’ont connu, en causant avec eux s’ils vivent encore, en lisant ce qu’ils ont pu écrire sur lui s’ils sont morts, cette méthode méconnaît ce qu’une fréquentation un peu profonde avec nous-mêmes nous apprend : qu’un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. (p. 126-127 –suite) Ou encore : « […] En aucun temps, Sainte-Beuve ne semble avoir compris ce qu’il y a de particulier dans l’inspiration et le travail littéraire, […] » C’est Proust qui, le premier, distingue le moi social et le moi profond : « […] le moi profond qu’on ne retrouve qu’en faisant abstraction des autres et du moi qui connaît les autres, le moi qui a attendu pendant qu’on était avec les autres, qu’on sent bien le seul réel, et pour lequel seuls les artistes finissent par vivre, comme un dieu qu’ils quittent de moins en moins et à qui ils ont sacrifié une vie qui ne sert qu’à l’honorer ». Proust condamne encore, d’une plume assassine, Sainte-Beuve parlant de Stendhal (p128-129), ou « pire encore », de Baudelaire (p.165). Il poursuit par : Et pour ne pas avoir vu l’abîme qui sépare l’écrivain de l’homme du monde, pour n’avoir pas compris que le moi de l’écrivain ne se montre que dans ses livres, et qu’il ne montre aux hommes du monde (…) qu’un homme du monde comme eux, il inaugurera cette fameuse méthode qui selon Taine, Bourget … est sa gloire et qui consiste à interroger avidement pour comprendre un poète, un écrivain, ceux qui l’ont connu, qui le fréquentaient, qui pourront nous dire comment il se comportait sur telle ou telle chose, c’est-à-dire précisément sur tous les points où le moi véritable du poète n’est pas en jeu. 10 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- COURS N° 2 Le cours précédent a placé l’accent sur la distinction entre « critique extrinsèque » (Sainte-Beuve) et la « critique intrinsèque » (Proust), autrement étiquetées « critique évaluative (Sainte-Beuve) et critique explicative (Proust). Cette double opposition n’est cependant qu’ici schématisée, tout comme est schématique le « grand saut chronologique » d’Aristote à, grosso modo, la fin du XIXe). Ce dernier a néanmoins une valeur historique : jusqu’au XIXe, prévaut la croyance en un ordre du monde (existence d’un SENS), conception qui relève de l’ordre du religieux (préceptes / dogmes // existence d’un être suprême // approche téléologique). La littérature est le reflet et le produit de cette conception. A partir du XIXe (début avec les Romantiques), cette théorie s’effrite ou vole en éclats (Nietzsche et la mort de Dieu). Concomitante à ce phénomène, la conception de littérature change. Historiquement, deux révolutions / découvertes interviennent dans des champs jusque là inexistants et qui vont devenir des disciplines : la linguistique et la psychanalyse. Les deux objets d’études = le langage / le sujet. Le primat de l’un sur l’autre OU les empiètements de l’un sur l’autre (et réciproquement) vont influer sur la conception de la littérature et donc sur la critique littéraire. Parcours de ce cours n° 2 = du Formalisme russe au structuralisme Auteurs mentionnés = Saussure / Jakobson / Levi-Strauss / Barthes / Lacan Textes supports = 1. L’analyse des « Chats » de Baudelaire par Jakobson et Lévi-Strauss8 2. L’analyse textuelle d’une nouvelle de Poe par Roland Barthes : la Vérité sur le Cas de M. Valdemar9 ----SAUSSURE (1857-1913) : Cours de Linguistique Générale (1915-1959) / concepts clés = notion de système (même si le terme structure n’est pas employé, le mot système renvoie à la même chose) par distinction interne / externe le système dérive de l’étude de l’évolution des langues : toute étude comparative et évolutionniste (diachronie/ seule existant au préalable) est fragmentaire en l’absence d’une théorie systématique de la langue comme entité à un moment donné dans une société donnée (définition de la synchronie). Opposition langue (le système) / parole (ses manifestations individuelles) La fonction (but) du système qu’est la « langue » est la signification, ses éléments = signes avec ses deux volets : signifiant et signifié. C’est Saussure qui suggère le lien entre la linguistique et l’anthropologie. Il sera établi en propre par Jakobson (un linguiste) et Lévi-Strauss (un anthropologue). Saussure amorce aussi ce qui va devenir la sémiologie (nécessité de fonder une théorie, plus large, des signes = sémiologie) LE FORMALISME RUSSE Prône l’analyse formelle. C’est « l’Ecole de Moscou » dans les années 1915-1916. Linguistes et poéticiens avaient entrepris étude systématique de la littérature. Viktor Chlovsky (1917 : publication de son célèbre article « L’art comme procédé »). L’accent est mis sur la 8 9 Voir l’ouvrage de Jakobson : Questions de Poétique, Seuil, 1973. R. Barthes, L’aventure sémiologique, Seuil, coll. Essais, pages 329 à 359. 11 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- littérature comme ensemble de procédés formels. Les formalistes nient la dimension représentative ou expressive de la littérature, dénonçant l’humanisme lié à la croyance en l’unité essentielle du texte et de sa signification. L’objet de la critique n’est plus la littérature mais la littérarité. La critique devient une « science ».10 Parmi les théoriciens se situant dans la même mouvance, se trouve Vladimir Propp, auteur de Morphologie du Conte, 1928, texte important (2ème après celui de Chlovsky). Propp analyse les structures du conte merveilleux considéré comme genre. Il dégage les lois de fonctionnement (exemple : le récit est structuré comme une quête, diverses fonctions sont occupées par les personnages, le récit est fondé sur des couples d’oppositions…). Poursuite par Greimas (analyse de la structure du roman, notion de « schéma actantiel » …) Autres noms (russes) = Michael Bakhtine (cf infra). Œuvre comme forme pure, analyse des rapports entre les éléments constitutifs. Le vulgarisateur de ces théories en France (dans les années soixante, par la traduction des ouvrages du russe) est Tzvetan Todorov (puis Julia Kristeva). Pour Todorov, voir biblio. Le lien entre le formalisme russe et ce qui va devenir le structuralisme se fera de deux manières : 1. externe à la France : R. Jakobson. Il fonde dans les années 26-39, « l’école » / « le cercle » linguistique de Prague). Lien entre l’analyse formelle et le linguistique = Essais de Linguistique Structurale (1963), Questions de Poétique (1973 / cf « Les Chats »). Rappel : théorie des fonctions du langage, fondée sur théorie de la communication. Jakobson dénombre 6 fonctions : référentielle (dénotative) / expressive (émotive) / conative (orientée vers le destinataire) / phatique (destinée à maintenir ou interrompre la communication) / métalinguistique (le langage qui parle du langage –scientifique, épistémologique-) / poétique (vise le message en tant que tel, le langage qui attire l’attention sur lui-même –esthétique-) LE STRUCTURALISME 2. Interne à la France = Claude Lévi-Strauss : travail d’anthropologie, influencé par le marxisme et la psychanalyse. Travail sur les sociétés dites ‘primitives’ : les questions de parenté, le tabou de l’inceste, la transmission de la langue. Anthropologie structurale et Tristes Tropiques (1955), La pensée sauvage (1962), Mythologiques (1964 : Le cru et le cuit , œuvre en 3 volumes, dont le dernier paraît en 1968). Remarque : les débuts du structuralisme concernent explicitement d’abord l’anthropologie. (le problème le plus sérieux = son extension, son application à des domaines hors « sciences » (comme les mathématiques ou la linguistique), tels que la littérature et la philosophie. --Pendant ce temps, en Angleterre : au tournant du siècle, Oscar Wilde, Walter Pater et T.S. Eliot (et plus encore aux USA) se crée un courant qu’on appelle le New Criticism. Dès les années 30, ce mouvement qui est proche du formalisme russe dans ses conceptions, remet en cause l’hégémonie de l’histoire littéraire biographique et sociale. C’est le rejet de l’illusion génétique (genetic fallacy) qui explique l’œuvre par causes externes. Le rejet de l’intentionnalité de l’œuvre (intentional fallacy) qui l’explique en la référant à son auteur. Le rejet de l’illusion affective (affective fallacy) qui l’aborde à partir des émotions qu’elle éveille chez le lecteur. Le New Criticism prône un retour au texte, à la lecture microscopique, à 10 Encore une fois, ainsi résumés, les principes du formalisme peuvent apparaître schématiques, voire caricaturaux. Il faut bien comprendre que tout cela n’est pas vu en termes absolus, mais comme un système relationnel changeant dans l’histoire. 12 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- l’analyse des propriétés structurales du poème ; l’œuvre est isolée et considérée comme un objet verbal et un système clos Conclusion = des deux côtés de l’Atlantique (sauf en France malgré l’œuvre critique d’un Paul Valéry, par exemple) l’ insistance est mise sur le langage par opposition à tout autre paramètre constitutif de la littérature. --Application 1. = « Les Chats », poème de Baudelaire, analysé par Jakobson et Levi-Strauss en196211. Critique par M. Riffaterre (article célèbre de 1972) qui reproche à Jakobson et LéviStrauss de négliger la pertinence esthétique des propriétés mises en évidence par l’analyse. Exemple : le cas de l’examen des variations infimes dans la distribution des voyelles liquides à l’intérieur de certains vers / comme constituant une correspondance formelle à certains développements thématiques. --ROLAND BARTHES (1915-1980) Il conduit à bouleverser la critique littéraire et pousse dans ses conséquences le formalisme naissant (à la fin du règle de Lanson) qui était à l’origine de l’orientation prise par la critique en France jusque dans les années 60 (malgré des gens comme Proust ou Valéry plus proches du formalisme, on en est resté à l’histoire littéraire, à la division en genres et écoles, et à la critique biographique). Barthes dénonce la prétention de l’histoire littéraire à dire la vérité sur l’œuvre par imposition d’un sens unique que les moyens de l’exégèse historique, philologique et biographique permettraient de découvrir. Citation clé : Le problème, du moins celui que je me pose, est en effet de parvenir à ne pas réduire le Texte à un signifié, quel qu’il soit (historique, économique, folklorique ou kérygmatique), mais à maintenir sa signifiance ouverte. In Analyse structurale et exégèse biblique, 1972. L’auteur n’est plus tenu comme origine de l’œuvre, il tisse des chaînes de discours qui s’entremêlent dans l’œuvre (étymologie du mot texte = tissu) --Application 2. « La Vérité sur le cas de M. Valdemar » (titre original = « The facts in the case of M. Valdemar », Edgar Allan Poe, 1845): Barthes passe de l’analyse structurale (type Jakobson) à l’analyse textuelle proprement dite.12 COURS N° 3 1. Les suites / prolongements du structuralisme. 2. Bakhtine et ses concepts clés : le dialogisme / le carnaval polyphonique / le chronotope Intertextualité (J. Kristeva) ----1. Les suites ou dérivés du structuralisme. Ils appartiennent au modèle dit « analytique ». Conteste l’empire du sujet et lui substitue le primat du langage. Souvent un champ d’analyse fait appel à d’autres pour la construction d’une lecture. Pas d’étanchéité radicale des catégories ; plutôt divers plans d’analyse du texte (diverses strates). Toutes cependant interrogent le processus de formation de la signification, la lecture du sens de l’œuvre. Exemples de prolongements : 11 Voir bibliographie. Le texte de cet article de Barthes (1973) est reproduit dans L’aventure sémiologique (Seuil, coll. Points Essais, 1985, pages 329-359), ouvrage cité dans la bibliographie. 12 13 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- la narratologie : Gérard Genette dans Figures (I, II et III ; ed. Seuil, coll. Poétique) poétique et stylistique : Booth (The Rhetoric of Fiction-1961, Chicago) / Forster (Aspects of the Novel) = à l’origine de la notion de point de vue / Frye (Anatomy of Criticism -1957 -= réflexion globale sur le statut de l’œuvre littéraire ; classification des différents types de fictions- cf Empson -1930, classification des diverses formes d’ambiguïté poétique) sémiotique et sémiologie : Umberto Eco / Greimas / Barthes // Culler –Lodge - Sontag dans le « post-structuralisme » on trouve : la déconstruction / l’intertextualité / le postmodernisme (Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Julia Kristeva, Frank Kermode, Philippe Sollers, Philippe Lyotard …) --Influence grandissante de la philosophie sur la critique (Paul Ricoeur, Gilles Deleuze, Jacques Lacan, Michel Foucault- cf infra, cours n° 4). 2. BAKHTINE (1898 -1975) 1929 : petit livre sur la poétique de Dostoïevski / 1946 : soutenance d’une thèse en littérature russe à l’université de Moscou (sur Rabelais) qui fit scandale. Dans son tout premier texte (1924), il prend position contre le formalisme russe, affirmant qu’il faut en finir avec la rupture entre d’un côté le formalisme abstrait et l’idéologisme qui ne l’est pas moins. Constat: les deux sont nécessaires. Ouvrage à lire = Esthétique et Théorie du Roman (1975- Gallimard 1978), qui rassemble 4 grands textes (« études ») écrits entre 1934 et 1941. C’est le volet central d’un triptyque dont le Dostoïevski et le Rabelais forment les 2 côtés. S’y élabore une véritable théorie du Roman (la littérature selon Bakhtine a été auparavant étudiée selon les seuls critères de la poétique au sens étroit, soit avec application des catégories stylistiques traditionnelles, basées sur l’étude des tropes). Or, il existe des spécificités au Roman qui est un genre qui ne fait pas bon ménage avec les autres genres, qui les transcende, un anti-genre, toujours inachevé, qui se développe sur les ruines des genres clos (la tragédie, la comédie, l’épopée…). Il n’existe pas dans le Roman d’unité de style car il n’existe pas d’unité du langage (au sens d’un système de formes normatives générales) ; le style du roman, c’est un assemblage de styles, le langage du roman, c’est un système de « langues » / « sens de « dialecte individuel » de « parole » -cf Saussure. Concepts principaux : Le dialogisme / le plurilinguisme (hétéroglossie) et la polyphonie / le rire carnavalesque / + satire ménipée / notion de chronotope. le roman polyphonique = par excellence l’œuvre de Dostoïevski (D. comme prophète de la Révolution) / rire carnavalesque de Rabelais (= p.14 + p.15 de l’ouvrage Esthétique et Théorie du Roman) l’histoire du genre romanesque est liée à celle de la conscience linguistique. Le roman naît, selon Bakhtine, d’une attitude nouvelle, réflexive et critique, vis-à-vis du langage, à partir du moment où celui-ci cesse d’être purement et simplement vécu du dedans, comme un absolu, pour être saisi du dehors, entendu comme langage, distancié, relativisé. Historiquement, la genèse du roman est lié aux époques où l’absolutisme autoritaire de la langue unique, consubstantielle d’une société et d’une civilisation, est remis en question par le surgissement, à l’horizon culturel, d’une ou plusieurs langues étrangères : l’époque hellénistique, l’empire romain, l’aube de la Renaissance, lorsque les langues nationales de l’Europe occidentale se substituent au latin. Remise en question liée aussi à la présence, en parallèle à la « grande littérature », des genres parodiques qui la réfléchissent dans le miroir du rire. Parodie = exemple le plus simple de langage bivoque, où le parodiste superpose son intention comique à l’intention sérieuse du parodié. Rire = contre-culture populaire / Rabelais / attitude fondamentalement nouvelle vis-à-vis du langage, du mot. 14 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- Satire ménipée = association du grotesque, du fantastique, et de la profondeur philosophique (= Rabelais encore mais aussi le Satiricon de Petrone, par ex.) chronotope = p. 19 (même ouvrage) La popularisation de Bakhtine se fera en France entre autres par Julia Kristeva qui en développera le concept d’intertextualité. ---Application : Gillermo CABRERA INFANTE (auteur cubain, 1929-2005) Ex. de La Havana par un Infante Difunto : dans ce titre (roman publié en 1979), l’intertextualité est à la fois musicale, avec l’écho au titre de l’œuvre de Maurice Ravel, Pavane pour une infante défunte, et littéraire, dans sa veine autobiographique puisque l’« Infante » difunto dont il est question n’est autre que l’auteur lui-même, bien sûr. Ex. de Tres Tristes Tigres (ce roman, publié en 1965, est un festival de références littéraires à des auteurs multiples et de nationalités variées, dont Lewis Carroll, Joyce, Faulkner, Hemingway mais aussi Marcel Proust, le portugais Fernando Pessoa, ou encore les principaux romanciers et poètes cubains). Parmi les auteurs favoris de Cabrera Infante, se trouve Lewis Carroll, dont l’épigraphe de Tres Tristes Tigres reproduit cette phrase, tirée de Alice au Pays des Merveilles: « Elle essaya même de s’imaginer à quoi peut ressembler la flamme d’une chandelle quand la chandelle est fondue ». Ce roman extrêmement « polyphonique » comporte aussi, entre autres prouesses formelles : une page – de droite – écrite à l’envers (image miroir de la page de gauche imprimée en regard, autre hommage à L. Carroll et au passage d’Alice « de l’autre côté du miroir ») / un segment imprimé en forme de calligramme (encore une fois, hommage à Carroll- cf le poème en forme de queue de souris) / une double page noire (elle figure l’évanouissement du personnage-narrateur et fait référence à l’existence, dans l’œuvre de Laurence Sterne The Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentleman – 1768-, d’une page noire destinée à signifier la mort de l’oncle du héros.) Quelques extraits : « La seule chose que je sais13 c’est que je m’appelais souvent Bustrophoton ou Boustrophotomaton ou Busneforoniepece, et Silvestre était Bustrophénix ou Bustrophélice ou Bustrofitzgeneral […] Buonofarniente, BusnofaitDante, Bustopédante, Bustopétant, Bustopétard, Bustofêtard, Bustoféérique, Bustoféroce : toutes variantes qui marquaient les variations de l’amitiés : des mots comme un thermotsmètre14 […] » (3TT, 215-216) Marseille Prou / Jules Averne / Shylock Holmes / Silvlaise Cendre d’Art --------- « la 5è Eve nue » / « Prosopopeye le Marin » / l’« Encyclicopedia Tyrannica » --------- « Cuba est une île d’équivoques dites par un bègue ivre qui signifient toujours la même chose » (3TT, 135 / TTT, 136). // L’intertextualité est là au moins à deux niveaux. Le premier est la référence à peine déguisée à ce célèbre passage du monologue de Macbeth (Shakespeare -1611) : “ It (=Life) is a tale told by an idiot / full of sound and fury, signifying nothing.” (Acte V, sc. 5, v. 31) [trad ; française = « … un conte, plein de bruit et de fureur, qui ne signifie rien. » Le second est le titre du roman de William Faulkner (The Sound and the Fury -1928-), luimême inspiré de Shakespeare. 13 14 Celui qui s’exprime est alors un dénommé Codac, photographe de son métier. Dans la version originale (espagnol de Cuba), le jeu de mots n’existe pas. 15 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- COURS N° 4 : FOUCAULT / DELEUZE I. Michel Foucault (1926-1984) En préambule : il y a nécessité à sortir de l’écueil d’un Foucault aseptisé, convenu, vaguement sociologue des normes et des marges, figure de l’extrême gauche. Ses thèses sont toujours controversées. Elles ont paru exclusivement liées au structuralisme (sans doute à tort). Philosophe ET historien, Foucault ne reconnaît en fait que l’appellation d’archéologue (ce qui est enfoui et rend compte d’une culture). C’est ainsi qu’il met en place / étudie l’archéologie du silence imposé aux fous, l’archéologie du regard médical, celle du savoir en général, celle de la société disciplinaire (dispositif carcéral). Son œuvre consiste à placer l’activité particulière du philosophe dans le travail du diagnostic : « que sommes-nous aujourd’hui ? Quel est cet ‘aujourd’hui’ dans lequel nous vivons ? DE qui, de quoi suis-je sommes- nous le jouet ? (nous sommes entourés de pièges qui nous privent de notre vérité.) L’intérêt de Foucault se porte sur « la discontinuité anonyme du savoir ». Il a voulu introduire à la racine de la pensée : le hasard, le discontinu, la matérialité. Foucault appartient à la tendance responsable de l’influence grandissante de la philosophie sur la critique (littéraire). Genèse / fondements : Marxisme et phénoménologie (Heidegger / cf Sartre) sont le terreau dont il s’affranchira peu à peu, grâce à lecture de Nietzsche, Bataille, Blanchot, Klossowski. Influence de Nietzsche sur sa pensée : « depuis Nietzsche, la philosophie a pour tâche de diagnostiquer et ne cherche plus à dire une vérité qui puisse valoir pour tous et pour tous les temps ». Champs auxquels il s’est intéressé : la folie, la médecine, l’exclusion, le droit, le libéralisme, la sexualité. Philosophe mais toujours dans une perspective historique. Fait de la philosophie un ACTE, une pratique engagée dans le présent, un outil pour construire sa propre vie : va de l’histoire au « souci de soi », du politique à l’éthique et à l’esthétique. Ouvrages principaux : Histoire de la Folie à l’âge classique (1961) Les Mots et les Choses (1966) + L’ordre du discours (1971 = Leçon inaugurale au Collège de France) = plus partic. sur le langage donc utile dans une perspective de critique litt. au 1er degré. Dans la même perspective : l’Archéologie du Savoir (1969) Surveiller et Punir (1975) Histoire de la sexualité : 3 tomes : La Volonté de savoir (1976) / L’usage des plaisirs (1984) / Le souci de soi (1984) Les Mots et les Choses : « livre par lequel le scandale ‘anti-humaniste’ arriva ». Description des déterminations formelles qui organisent secrètement le savoir. L’homme (ne pas confondre avec les hommes comme espèce vivante) est un simple « pli historique » formé par les savoirs, appelé à se défaire, à disparaître devant l’avènement du langage comme nouveau déterminant universel de la pensée : tout est langage, échange de signes, communication… 16 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- « Finalement, la seule patrie réelle, le seul sol sur lequel on puisse marcher, la seule maison où l’on puisse s’arrête et s’abriter, c’est bien le langage, celui qu’on a appris depuis l’enfance ». On a fait de Foucault le chantre de la mort de l’homme ; le jugement est à affiner : antihumaniste peut-être, mais défenseur de l’individu assurément. Les mots de Foucault : Archéologie / généalogie / éthique / folie /résistance /discours /norme /discipline (réflexion sur détention / prisons…// lié à la Norme) / pouvoir /histoire / biopolitique /sexualité /contrôle /subjectivation ---Généalogie : Dès Les Mots et les Choses, il qualifie son projet d’une archéologie des sciences humaines comme une généalogie nietzschéenne que comme une recherche structuraliste. Foucault s’oppose à l’unicité du récit historique et à la recherche de l’origine (conception téléologique) ; il travaille au contraire à partir de la dispersion et la diversité, du hasard des commencements et des accidents ; pas de rétablissement de la continuité de l’histoire, cherche à restituer les événements dans leur singularité. Ethique (in Histoire de la Sexualité) : distinction morale / éthique. Morale = ensemble valeurs et règles proposés aux individus et aux groupes. Elles est prescriptive. Ethique = la manière dont chacun se constitue soi-même comme sujet moral du code. Folie : rupture au XVIIe (âge classique) avec la représentation médiévale de la folie (circulation / lieu de passage : de la vie à la mort, du monde à l’au-delà, du tangible au secret… en bref une zone indéterminée qui donnerait accès aux forces de l’inconnu). Ligne de partage raison / déraison, folie = au-delà du savoir, soit menace ET fascination. Folie = l’Autre (c’est-à-dire le contraire) de la raison selon le discours de la raison elle-même. Discours : ensemble d’énoncés qui peuvent appart. A des champs différents mais obéissent aux mêmes règles de fonctionnement. Règles = pas seulement ordre linguistique ou formelles, mais reproduisent un certain nombre de partages historiquement déterminés : l’ordre du discours propre à une période particulière = fonction normative et réglée. Met en œuvre des mécanismes d’organisation du réel via la production de savoirs, stratégies et pratiques. Pouvoir : jamais LE pouvoir comme entité cohérente, unitaire et stable mais « relations de pouvoir » avec conditions historiques d’émergence complexes et avec effets multiples. Pas de principe de pouvoir premier et fondamental mais un agencement où se croisent les politiques, les savoirs et les institutions, et où le type d’objectif poursuivi ne se réduit pas à la domination mais n’appartient non plus à personne , et varie dans l’histoire. Histoire : concept de rupture. Reprise de Nietzsche. Critique de l’Histoire conçue comme continue, linéaire et pourvue d’un telos // formulation d’une véritable pensée de l’événement (histoire ‘mineure’) // problématisation du rapport philosophie et histoire en dehors du doublet ‘philosophie de l’histoire – histoire de la philosophie’. « L’un de mes buts est de montrer aux gens que bon nombre de choses qui font partie de leur paysage familier – qu’ils considèrent comme universelles – sont le produit de certains changements historiques bien précis. Toutes mes analyses vont contre l’idée de nécessités universelles dans l’existence humaine. » Rôle critique de l’histoire. « L’histoire a pour fonction de montrer que ce qui est n’a pas toujours été, c’est-à-dire que c’est toujours au confluent de rencontres, de hasards, d’une histoire fragile, précaire, que se sont formées les choses qui nous donnent l’impression d’être les plus évidentes. » ----------- 17 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- Grandes étapes d’une pensée en mouvement, qui a évolué au fil de ses recherches et se présente avant tout comme non figée : 1. Démédicaliser la maladie. Médicalisation et pouvoir médical : insistance sur la médecine. Pas science méd. comme objet d’une archéologie du savoir, mais réflexion sur le pouvoir de la médecine. (Histoire de la folie) : comment est-on passé de l’expérience médiévale humaniste de la folie à notre expérience ‘moderne’, qui confine la folie dans la maladie mentale, l’exclut et l’aliène. Impératif de surveillance et de sécurité pour régulation de la population. Penser la Folie : le cogito de Descartes instaure – selon Foucault – la raison classique sur base d’un rejet de la folie. Topologie de l’exclusion : ou bien on est responsable (ayant à répondre de ses actes) ou bien irresponsable, c’est-à-dire hors de la circulation politique de la parole. a. Impossible conjonction du sujet et de la folie (il est impossible de dire ‘je suis fou’ –cf Barthes lisant Poe : il est impossible de dire ‘je suis mort’ –) b. Le folie est toujours connaissance par l’autre de ce qui lui est étranger. La folie implique donc la communauté et donc le politique. Si le sujet de Descartes est celui qui, pour pouvoir être celui qui pense, doit poser sa propre folie comme impossible, la certitude sur laquelle il se fonde suppose qu’il y ait des fous, ce qui ne peut être attesté que par au moins UN autre qui l’incarne. 2. L’humanisme en question : les années 60s sont les années du langage, de la Littérature, les années structuralistes, celles de Les Mots et les Choses (au cœur de l’actualité qui est alors celle du structuralisme, des sciences de l’homme, Dumézil, Lévi-Strauss, Lacan, Althusser, Barthes, la nouvelle vague, le nouveau roman…). Foucault entreprend une exploration systématique de l’expérience littéraire moderne et contemporaine. Essais littéraires sur Bataille, Blanchot, Raymond Roussel. Foucault pense l’écriture mais aussi la peinture comme acte philosophique. Littérature (La Bibliothèque Imaginaire). Placée sous le signe de l’éclatement, de la dispersion, de la réflexivité. Circulation sans fin des discours (précède de peu Derrida). Pas de vérité, pas de Sens (unique) : plus de parole première à interpréter ou à traduire, mais une circulation indéfinie dans une Bibliothèque fantasmagorique. « La modernité comme anti-Renaissance ». 3. Le pouvoir. Cela donne réflexion sur l’institution, le système carcéral avec Surveiller et punir (1975). Projet d’enfermer pour redresser : société disciplinaire = un des moyens par lesquels le pouvoir s’assure la maîtrise des individus. La question, qui est celle du pouvoir, de ses techniques, des modalités de son exercice, des stratégies et des tactiques, de ses rapports avec le savoir (Savoir / Pouvoir = résumé) prend alors une place comparable à celle occupée jusqu’alors par le thème marxiste de l’exploitation. L’inévidence carcérale. Surveiller et punir = texte qui a durablement révolutionné l’approche du phénomène carcéral. (Approche différente cependant de l’enfermement psychiatrique). Fait une histoire et une généalogie de --. La prison n’a que 150 ans d’existence. Naissance de la prison lors de la 2è moitié du 18è. (Durant le siècle suivant, les US et l’Europe vont se couvrir de prisons). Prisons nées dans l’ombre des Lumières qui n’ont pas seulement inventé les libertés, qui ont aussi promu les disciplines qui en sont la rigoureuse mais sinistre contrepartie. Surveiller et Punir nous aura rendu la prison moins familière. La prison est rendue à ce qu’elle est : une institution historiée de part en part (incluse dans l’Histoire) et de ce fait, ouverte en droit à des mutations radicales. Se profile donc par conséquent son inéluctable bien que lointaine disparition. 18 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- 4. La construction de soi. C’est en particulier les 2 derniers volumes de l’histoire de la sexualité. Théorie de la sexualité. Solidaire de sa théorie du pouvoir. Son hist. de la sexualité = interrogation sur la façon dont les pratiques et les discours ont contribué à faire de la sexualité à la fois un enjeu de pouvoir et un instrument de subjectivation (processus par lequel on obtient la constitution d’un sujet, ou mieux, d’une subjectivité. / se constituer comme sujet de sa propre existence). Théorie élaborée à partir de 1968, où intense illusion que la ‘répression’ de la sexualité (l’interdit, les tabous sociaux) était en train de céder devant les audaces des générations nouvelles (utopie de la ‘libération sexuelle’). Foucault et les Etats-Unis Il est vrai que l’œuvre de F. n’est pas spécialement localisée en France. Il a multiplié toute sa vie les voyages (Suède, Pologne, Allemagne, USA, Canada, Brésil, Japon), occasion à chaque fois de se décentrer, de se rendre étranger à sa propre culture. Foucault = « l’oracle californien » (fin 70s et années 80s). Des foules assistent à ses conférences. Entrée aux US, comme Barthes avant lui et immédiatement après Derrida et Deleuze, par l’intermédiaire des départements de littérature (« seuls bastions où soient autorisés les dangereux produits de contrebande théorique du post-structuralisme français »). Il faut distinguer un Foucault français et un Foucault américain : « mauvaise lecture » (sens de Bloom), forme de trahison (mais moins que dans certains cénacles parisiens) qui fait de lui un modèle prescriptif et opératoire (qu’il récusait). aujourd’hui : la référence à Foucault reste constante aux US, des études gays aux études post-coloniales, de l’art social à la théorie littéraire. Malheureusement, elle sous-tend une théorie du complot majoritaire et établissement de contre-normes identitaires (cf. dérives du genre affirmative action / discrimination positive …) pour conclusion: l’œuvre de Foucault est beaucoup moins univoque que l’image qu’on en donne généralement, plus « en mouvement », plus opaque, avec certes une filiation nietzschéenne mais aussi l’influence de Bataille. C’est une œuvre surréaliste autant qu’anarchiste, « toutes faces sombres peu propice à la domestication académique ». II. Gilles Deleuze (1925-1995) Philosophe complexe. Préoccupation constante : affirmer une métaphysique en mouvement, en activité (cf Foucault) = Renouveler la philosophie dans le sens nietzschéen d’une pratique mobile, « nomade ». Nietzsche = LA référence fondamentale. Fondamentalement antidialectique : ce qu’il faut, ce n’est pas penser les résultats de forces historiques contraires mais déplacer le lieu des questions, produire un espace différent, celui de l’ici et maintenant, de « l’intempestif ». Œuvres : Différence et répétition (1967) Logique du Sens (1969) Vaste critique du lacano-freudisme avec l’Anti-Œdipe (1972 + F. Guattari), très polémique Mille Plateaux (1980, + Guattari) L’abécédaire : ed. Montparnasse, mars 2004. Entretien-fleuve (enregistrement pour la TV) réalisé sous condition de diffusion seulement après sa mort (suicide en 1995) 19 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- Kafka, pour une littérature mineure (+ F. Guattari) ; ed. Minuit, 1989. / hyps que la lecture de Kafka comme tragique est un non-sens. Au contraire, K. = lieu d’élection de la dérision de l’humour, du rire franc même… L’Abécédaire et Kafka = les 2 ‘ouvrages’ les plus accessibles pour commencer. Importance de l’humour et de la réflexion sur le quotidien. La philosophie non comme matière abstraite mais comme démarche concrète. --A la figure en arbre de la rationalité, Deleuze oppose la figure en ‘rhizomes’ des agencements d’intensité travaillant le milieu social et travaillés par lui. Eloge de la singularité irréductible à toute appréhension de l’Un, éloge du multiple, figure du nomade. Importance de la littérature, comprise comme « machine textuelle » exprimant à chaque fois la singularité d’un désir. Travail sur Proust et les signes, sur Kafka. Sur le théâtre également (sur Beckett), non pas « par hasard » ou dans un but de « diversification » mais parce que cela entre dans la logique de son cheminement de pensée philosophique. Le théâtre en effet est une pratique en mouvement. A l’interprétation, Deleuze oppose l’expérience ; au ressentiment, l’affirmation. Réflexion aussi sur le cinéma. (l’Image-mouvement et l’Image-temps.) --Lectures complémentaires : dans sa série « Rétrolectures » de l’été 2008, le journal Le Monde a consacré – édition du jeudi 31 juillet, page 15) un article à l’ouvrage majeur de Foucault Les Mots et les Choses (1966). Dans la même série, le journal consacre un article à L’Anti-Œdipe de Gilles Deleuze (et F. Guattari, 1972) dans son édition du vendredi 8 août.15 -----------COURS N° 5 : PAUL RICOEUR (1913-2005) Paul Ricœur, lui aussi (comme Foucault, ou Derrida, dont il n’est pas question ici16), appartient à cette même catégorie, celle des penseurs de la littérature influencés par la philosophie en tant que discipline. Si un Foucault par exemple était au croisement de l’Histoire et de la Philosophie, Ricoeur est au croisement de la Linguistique et de la Philosophie. Si Michel Foucault était un « anti-humaniste » -au sens où il diagnostiquait la mort de l’homme, l’homme étant un « accident » de l’Histoire parmi d’autres (voir sa conception du Sujet ; ne pas oublier pour autant son caractère de défenseur de l’individu, P. Ricœur est lui, un Humaniste. En ce sens, il est étranger aux préoccupations du structuralisme. Ricœur est difficile à enfermer dans un courant précis : il est attentif à la littérature aussi bien qu’aux sciences humaines. Le christianisme (la revue Esprit – E. Mounier / Gabriel Marcel), la phénoménologie, l’herméneutique, la psychanalyse, la linguistique et l’histoire ont, dans des proportions variables, contribué à la formation de sa pensée. Le christianisme est pour lui une réflexion Pour ceux que ça intéresse et qui n’arriveraient pas à se connecter sur le site du Monde (l’article en son entier est payant), je peux faire une photocopie : il suffit dans ce cas de me fournir une adresse postale. 16 Le philosophe Jacques Derrida est traité dans la partie du cours assurée par Mme Francine Maïer, partie qui vient en complément de celle-ci. 15 20 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- philosophique faisant une place centrale à la question religieuse sans pour autant renoncer à la rigueur conceptuelle. La phénoménologie : il retient les enseignements de Husserl (qu’il a traduit pendant ses années de captivité entre 19442 et1945) et de Carl Jaspers. Les deux courants se marient pour donner à ses inquiétudes de chrétien préoccupé par le thème de la faute une réponse digne des exigences de la méthode phénoménologique. Il écrit une vaste « Philosophie de la volonté » : le 1er tome paraît en 1949, les 2 autres, réunis sous le titre de Finitude et Culpabilité, paraissent en 1960. Parmi les questions posées : comment peut-on vouloir le mal ? Qu’est-ce que la mauvaise foi ? quel est le sens d’un acte involontaire Ricœur explore, derrière la couche superficielle de la conscience, les profondeurs de l’inconscient individuel aussi bien que collectif à travers l’univers symbolique dans lesquels les grandes religions s’efforcent de pense le problème du mal. Il fait alors la rencontre simultanée de la psychanalyse et de l’herméneutique, ces deux disciplines germaniques sont mal connues en France, surtout l’herméneutique, en particulier celle théorisée par les théologiens protestants tels Schleiermacher et Gadamer. Il s’agit pour eux (donc à leur suite pour P. Ricœur) d’appliquer les outils de l’exégèse biblique aux contenus de la philosophie morale. La psychanalyse elle, par d’autres voies, remet en question le narcissisme du cogito classique. De ces deux disciplines, Ricœur retient une idée centrale (partagée par Mircea Eliade) : la réalité humaine est avant tout constituée de symboles dont le déchiffrement est interminable. Deux ouvrages clés paraissent alors : De l’Interprétation, essai sur Freud (Seuil, 1965) et Le Conflit des Interprétations, essai d’herméneutique (Seuil, 1970). Avec la question du symbolisme (voir Lacan), P. Ricœur touche au problème du langage. Après des désillusions politiques (il fut le doyen de la faculté de Nanterre de1968-1970 ; une certaine amertume liée à son expérience le fit se tourner vers les USA, où il s’expatria quasiment pendant un temps), se tourne vers l’étude des sciences linguistiques. Un tournant s’opère dans sa pensée dans les années 70: il est l’un des premiers Français à dialoguer avec la philosophie analytique triomphante dans le monde anglo-saxon (cf. Austin puis Searle, « la philosophie du langage ordinaire » ou, en anglais, le Speech Act Theory (quand dire c’est faire). Trois ouvrages très importants sont ensuite publiés : 1. La Métaphore Vive (Seuil, 1975) : la métaphore est envisagée sous l’angle de la production de sens (donc d’un enrichissement pour le texte littéraire). 2. Temps et Récit (Seuil, 1983-1985) : l’ouvrage va bien au-delà de l’analyse linguistique. C’est une réflexion sur l’écriture du passé et, au-delà, sur la question même de la connaissance historique, de son statut et de son apport de vérité. 3. Soi-même comme un autre (Seuil, 1990) : dans cet ouvrage P. Ricœur essaye de sauver l’idée d’une philosophie universelle susceptible d’embrasser tous les aspects de l’agir humain. L’essai est une analyse sémantique et pragmatique de la notion de Sujet + une esquisse d’une ontologie de la personne, ou une herméneutique du Soi. Il apparaît là que l’étude du langage n’a jamais été pour Ricœur une fin en soi : elle n’a jamais été qu’une autre façon de poser la question de l’Etre et celle de l’Action. Texte marqué par une exigence très grande : voir la – difficile – étude sur Hannah Arendt dans Le Juste (1995)* Son dernier ouvrage = La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli (Seuil, 2000). Aboutissement d’une méditation sur l’histoire développée pendant cinq décennies. Objet de la réflexion : en quoi l’Histoire se distingue-t-elle d’autres formes de relation au passé, à commencer par la mémoire ? La mémoire dont on observe une montée en puissance au cours des années 90s. Irruption du thème de la mémoire dans l’espace public, place croissante réservée à ses 21 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- manifestations (commémorations...). Parallèlement, on observe une multiplication des discours critiques à l’endroit de la mémoire : c’est la démarche historienne OU, sur un autre plan, la mémoire « envahissante » de la Shoah, concurrente des autres mémoires (par ex. la mémoire des crimes du communisme…). Ricœur parle d’« abus » de la mémoire. Selon lui, le « devoir de mémoire » est trop souvent convoqué pour court-circuiter le travail de l’histoire (cf. Pierre Nora), laquelle a pour vocation, selon Ricœur, « de corriger, critiquer, voire de démentir la mémoire d’une communauté déterminée lorsqu’elle se replie et se referme sur ses souffrances propres au point de se rendre aveugle et sourde aux souffrances des autres communautés ». Cette lecture ne fait pas l’unanimité, car elle glisse vers une notion contestable, celle d’une « juste » mémoire, que Ricœur appelait plus ou moins de ses vœux – qui en jugerait ?- Il reste que le trouble suscité par cette réflexion est indéniable et même légitime : songeons à la terrible pertinence de cette peur qu’évoquait en lui « l’inquiétant spectacle que donne le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs ». En conclusion, on peut dire que Paul Ricœur aura incarné les déchirements de la pensée humaniste depuis le début du XXè. Son authenticité tragique est un témoignage exemplaire sur la crise de notre modernité. ----Bibliographie PAUL RICŒUR Le Volontaire et l’involontaire (Aubier, 1950) Finitude et Culpabilité (Aubier, 1960 ; 1988) Histoire et Vérité (Seuil, 1955 ; 2001) De l’interprétation, essai sur Freud (Seuil, 1965) Le conflit des interprétations - essais d’herméneutique I (Seuil, 1969) La Métaphore vive (Seuil, 1975) Temps et récit (Seuil, 1983-1985 ; Points Essais, 1991) Soi-même comme un autre (Seuil, 1990) Le Juste (Esprit, 1996) La Mémoire, l’histoire, l’oubli (Seuil, 2000) Le Juste II (Esprit, 2001) Parmi les études consacrées au philosophe : Paul Ricœur, par Olivier Mongin (Seuil, 1994) Paul Ricœur, les sens d’une vie, par François Dosse (La Découverte, 1997) Voir aussi l’article de Robert Maggiori dans l’édition du samedi 21 mai 2005 de Libération: http://www.liberation.fr/page.php?Article=298162 -----------Voir également, dans la série des « Rétrolectures » que le journal Le Monde a consacrées cet été 2008 à un certains nombre d’ouvrages de penseurs phares des vingt et vingt-et-unième siècles, l’édition du vendredi 22 août 2008, consacrée à La Mémoire, l’Histoire, l’oubli (Rétrolecture 2000, page 14)17. A ceux que ça intéresse et qui n’arriveraient pas à se connecter sur le site du Monde (l’article en son entier est payant), je peux faire une photocopie : il suffit dans ce cas de me fournir une adresse postale. 17 22 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- SECTION n° 6 : ANNEXES I. POUR L’EXAMEN Cet enseignement, dont le code est C0A7M1, fait partie des « fondamentaux » de M1, Master première année, regroupés sous le code C0A7M. Ils sont « mutualisés » pour l’ensemble de l’UFR Langues, c’est-à-dire communs aux anglicistes, bretonnants et celtisants et aussi aux germanistes, langues romanes…C’est la raison pour laquelle il est rédigé en français, langue commune de toutes nos disciplines. C’est aussi la raison pour laquelle le français est la langue de composition à l’examen. Les « Fondamentaux », divisés en trois sous-enseignements (Textes et Critique du Texte C0A7M1- pour la littérature, La Civilisation entre Culture et Histoire – C0A7M2 – … pour la civilisation et Théories du Langage – C0A7M3 – pour la linguistique18) donnent lieu pour l’examen à une seule épreuve (terminale donc, en fin de semestre; elle est de 2h). Il est procédé à un tirage au sort entre les trois composantes littérature / civilisation / linguistique. A titre d’exemple(s), voici des possibilités de sujet 19 : ------A. Vous composerez sur l’un des deux sujets suivants : 1. Quels sont les apports du structuralisme à la critique du texte ? Tentez de les définir à la fois par rapport à la critique traditionnelle et par rapport au post-structuralisme. (sujet F. Maier) 2. Situez les auteurs/théoriciens suivants dans l’histoire de la critique littéraire, entendue comme l’histoire du rapport au texte : M. Proust / M. Bakhtine / M. Foucault / P. Ricœur. (sujet S. Jousni, correspondant à ce cours- 1ère partie) -------B. Vous composerez sur l’un des deux sujets suivants : 1. « La naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’auteur ». Expliquez cette assertion de Roland Barthes et commentez-la du point de vue du critique littéraire. (sujet F. Maier) 2. En quoi les théories de Michel Foucault sont-elles de nature à fournir des outils conceptuels au critique littéraire et au chercheur en littérature ? sujet S. Jousni) ----------C. Voici un dernier sujet (correspondant exclusivement à cette 1ère partie du cours - assuré par S. Jousni) : Répondez de façon argumentée aux questions suivantes : 1°) A quels courants de la critique littéraire peut-on rattacher les noms suivants : Vladimir Propp / Claude Lévi-Strauss / Julia Kristeva / Umberto Eco ? 2°) Que désignent les concepts suivants et d’où viennent-ils / à qui les doit-on ? 18 « Texte et Critique du Texte » est assuré par Mmes S. Jousni et F. Maier. « La Civilisation entre Culture et Histoire » par Mrs M. Nicolas et R. Saez, et « Théories du Langage » par M. D. Roulland. Lorsque le sujet tiré est littéraire ou civilisationniste – cours assuré par deux personnes – l’étudiant a le choix entre deux sujets. Ce n’est pas le cas de la linguistique (Théories du Langage), cours assuré par un seul enseignant. 19 Ils ont été donnés les années précédentes, entre les années 2004 et 2008. Ce cours est la refonte complète du cours correspondant à ces années 2004-2008, mais le contenu, s’il a été aménagé, n’est pas fondamentalement différent. Les sujets d’examens possibles sont donc très proches des exemples ci-dessus. 23 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- ‘dialogisme’ / ‘déconstruction’ / la triade ‘Réel-Imaginaire-Symbolique’ ? 3°) En quoi la critique littéraire américaine a-t-elle été influencée par « l’école française » à partir de la fin des années (mil neuf cents) soixante-dix ? -----------D. Quelques « perles » et leur « décryptage Sur des penseurs / théoriciens : Lévi-Stauss (il était demandé de situer l’individu dans son époque et son contexte politique et épistémologique) « déporté / camps de concentration / livre sur Auschwitz » (sic) … Lévi-Strauss a été confondu avec l’écrivain italien Primo Levi, qui fut effectivement interné à Auschwitz et écrivit un livre de témoignage bouleversant sur les camps de la mort (« Si Questo è un Uomo »). P. Levi s’est suicidé en 1987). Quant à Claude Lévi-Strauss, il était certes vivant (il l’est toujours !) et actif dans ces années-là, mais jusqu’en 45-46, il était enseignant aux Etats-Unis. « contexte politique = début du XXè. La IIIè république en France est à ses débuts. L’entrée de cette république dans le XXè est marquée principalement par la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, effectuée sous l’impulsion du Premier ministre de l’époque, Emile Combes » (sic.). Visiblement, l’auteur de la copie a « recraché » là un fragment de cours, mais lequel ??? Saussure « L’œuvre littéraire est, selon Saussure, structurée comme un langage. » La confusion est totale entre Saussure et Lacan. C’est Lacan qui a défini l’inconscient comme étant « structuré comme un langage ». Que « l’œuvre littéraire » soit structurée comme un langage …est à la fois un truisme et une absurdité : elle n’est pas « comme » du langage, elle est du langage !!! Sur des théories : Le structuralisme = « école de pensée qui insiste sur la structure du texte et sa construction ». (Jusque là, tout va bien). « Le but est (il n’y a pas de ‘but’ à une école de pensée…la formulation est à la fois impropre et proche du non-sens) que le texte soit construit en suivant des codes qui permettront au critique de suivre la trame du texte : le respect des temps est important puisque cela va permettre au lecteur de ne pas se perdre dans les événements relatés dans un ouvrage. (…) » (sic). Autrement dit un écrivain ou un philosophe écrit de façon à pouvoir se faire comprendre du premier enfant de sept ans venu !!!! Dialogisme = « grille d’analyse qui sert de support au critique en lui indiquant la marche à suivre pour son travail. Cette grille porte plus particulièrement sur les dialogues d’un ouvrage, leur pertinence » (sic). Absurdité. Il s’agissait du principal concept de Mikhaïl Bakhtine. Le recours à une étymologie élémentaire (dialogisme < dialogue) masque (mal) le manque (criant) de connaissance du cours. Phénoménologie = « se rapporte à l’étude des phonèmes, les sons dans un ouvrage, les syllabes » (sic). La confusion vient sans doute de la proximité avec les syllabes (et phonèmes) … du mot phonème, précisément, et de ses dérivés. La racine, ici, était celle de « phénomène » et renvoie à une théorie philosophique d’origine allemande (fin du XIXe début du XXe siècles). Voir le glossaire ci-après. 24 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- II. GLOSSAIRE Voici quelques définitions des termes scientifiques les plus couramment employés dans ce cours et qui pourraient néanmoins demeurer obscurs. La liste, bien évidemment, est loin d’être close. Beaucoup de ces termes sont issus du lexique de la philosophie (au sens le plus large du terme) et vous pouvez, si nécessaire, consulter les ouvrages de vulgarisation qui s’y rapportent. A titre d’exemple : Le Monde de Sophie (best seller du philosophe norvégien Jostein Gaarder en 1991, tr. fr. 1995 aux éd. du Seuil) / les ouvrages du philosophe Michel Onfray / les « hors série » du Point de ces 3 dernières années, consacrés aux « Texte Fondamentaux ». Dans cette dernière catégorie, sont particulièrement utiles les rappels fournis dans : « Les textes fondamentaux de la pensée antique » (Aristote, Epicure, Platon), juillet-août 2005 « Les textes fondamentaux de la psychanalyse » (Freud, Ferenczi, Klein, Lacan), mars-avril 2006, « Les textes fondamentaux de la philosophie moderne » (Spinoza, Kant, Hegel), sept.oct. 2006, « Mythes et mythologies, les grands textes commentés » ((Œdipe, Sisyphe, Icare), juillet-août 2007, « Les textes fondamentaux et leurs commentaires » (Nietzsche, Schopenhauer, Kierkegaard), sept.oct. 2007. ------catharsis : un des concepts clés de la Poétique d’Aristote. La catharsis est la création d’une intensité dramatique maximale destinée à impliquer (subjectivement) le public dans une identification avec les personnages (c’est le versant créateur de l’imitation, la purgation des passions). En dehors du vocabulaire théâtral, ce terme renvoie à une lecture psychanalytique (freudienne) d’un événement ou de relations inter-personnelles. critique génétique : ce type de critique privilégie l’étude des sources, des brouillons, des ‘premiers jets’/ ‘premières moutures’ des œuvres, des manuscrits au sens physiques du mot, pour analyser une œuvre / un texte. A titre d’exemple, Stephen Hero, de James Joyce, permet en tant que « première version » de mieux cerner certaines des caractéristiques stylistiques du Portrait of the Artist as a Young Man. Stephen Hero est cependant à part en ce sens qu’il a été bel et bien publié (sous cette forme, avec ce titre). La critique génétique s’intéresse aussi à tous ces états « non fixés » d’un manuscrit qui laissent voir les étapes de la création / les modifications apportées par l’auteur, parfois à la dernière minute, etc. dialogisme : voir le cours sur M. Bakhtine. Le terme renvoie au « dialogue » implicite qu’entretient une œuvre avec les œuvres précédentes qui l’informent, la traversent, auxquelles elle fait référence : en la critiquant, la citant, la parodiant, etc. doxa : terme grec. = opinion commune, idée reçue. La racine est présente dans les adjectifs ‘orthodoxe’ (= qui rentre dans le cadre des idées pré-établies) / ‘paradoxe’ (à l’inverse : qui va à l’encontre, « à côté » des idées communément admises). épistémologie : du grec épistémé (science) et logos (discours sur ~ / étude de ~) : en philosophie, désigne l’étude des sciences, destinée à déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée. exégèse : littéralement « interprétation philologique et doctrinale d’un texte, dont le sens, la portée, sont obscurs ou sujets à discussion ». Synonyme de « commentaire », de « critique ». On parle par exemple d’« exégèse biblique » pour désigner telle ou telle interprétation – argumentée – de la Bible. fonctions (du langage) : Selon Jakobson (dans Essais de linguistique structurale -1963- ou Questions de poétique -1973-), elles reposent sur une théorie de la communication (qui 25 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- impliquent un destinateur, un message et un destinataire) et sont au nombre de six : 1. la fonction référentielle ou dénotative (le mot ‘table’ renvoie à l’objet physique qui peut se décrire comme un plateau horizontal surélevé, d’une hauteur variable, s’appuyant sur 4 pieds verticaux de même hauteur et parallèles) // 2. la fonction expressive ou émotive // 3. la fonction conative (= orientée vers le destinataire) // 4. la fonction phatique (qui maintient ou interrompt la communication ; exemple de l’apostrophe baudelairienne « Hypocrite, lecteur, mon semblable, mon frère »20) // 5. la fonction métalinguistique (le langage qui parle du langage ; ce que ce cours est en train de faire par exemple…) / : 6. la fonction poétique du langage (qui vise le message en tant que tel) formalisme : renvoie à l’école russe du début du XXè siècle, qui prônait l’étude exclusive de la forme du texte. Voir cours n° 2. herméneutique : science qui vise à pénétrer les secrets du texte. Désignait initialement l’étude des textes sacrés (la Bible, la Torah…). depuis le XIXe, le terme renvoie à l’étude de tout texte qui peut a priori recéler des difficultés d’interprétation, soit le texte littéraire par excellence. métalangage : langage spécifique/ jargon sur le langage. Le Robert donne pour définition : « en didactique, = langage naturel ou formalisé qui sert à parler d’une langue, à la décrire ». mimesis : concept clé d’Aristote, dans sa Poétique. Terme grec signifiant ‘imitation’. Selon Aristote, la mimesis, faculté humaine fondamentale, est (par imitation donc) une médiation – complexe – de la réalité. Cette notion renvoie à une conception bien particulière de l’Art, qui doit correspondre à la Vie et atteindre à un certain ordre structuré. Le poète / l’artiste vise l’universel et le général au-delà du particulier ; l’artiste a pour mission de révéler la cohérence logique sous-jacente à la vie humaine. narratologie : sous-discipline héritière du structuralisme. Elle s’intéresse au processus de narration : qui raconte quoi et comment, Voir en particulier G. Genette et son ouvrage Figures III. Distinction point de vue et focalisation, classement des divers types de narrateurs…Base de l’analyse littéraire / analyse textuelle (cf. cours de licence). paradigme : en linguistique, renvoie à l’axe vertical quand l’axe horizontal est l’axe syntagmatique. Un paradigme constitue l’ensemble des termes qui peuvent figurer en un point de la chaîne parlée ; c’est l’axe des substitutions quand l’axe syntagmatique est l’axe des combinaisons. Le terme, hors le champ strict de la linguistique au sens le plus pointu, est devenu synonyme d’exemple, de modèle déclinable. phénoménologie : terme philosophique qui renvoie d’abord à Hegel (La phénoménologie de l’esprit – 1807) ensuite à Husserl. La phénoménologie est une méthode philosophique qui se propose, par la description des choses elles-mêmes, en dehors de toute construction conceptuelle, de découvrir les structures transcendantes de la conscience et les essences. philologie : de façon générale, signifie « connaissance des belles-lettres, étude des textes ». Au XIXe, le terme est devenu quasi synonyme de grammaire avant d’être utilisé pour désigner ce qui n’était pas encore connu sous le nom de « linguistique » ; Désigne l’étude d’une langue par l’analyse critique des textes, puis, plus ‘simplement’ et plus globalement désormais l’étude formelle des textes. poétique : « science » générale, aussi bien que titre d’un des deux ouvrages majeurs d’Aristote (l’autre = la Rhétorique). Science de l’art d’écrire (pas seulement en vers) ; Aristote est le premier à élaborer une pensée théorique qui vise à orienter la pratique des écrivains (ces derniers doivent obéir à des règles strictes, fautes d’être reconnus). polyphonie : littéralement « composition à plusieurs voix ». Terme / concept compagnon de celui de dialogisme( voir cours sur Bakhtine). Pour Bakhtine, le texte dialogue avec des récits, 20 Derniers vers de l’apostrophe qui ouvre le recueil Spleen et Idéal 26 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- des textes antérieurs, qui l’informent. Il est confrontation de voix diverses (différentes instances discursives, différents points de vue…). Parler, c’est tenir un discours adressé à l’autre et le texte inscrit la présence de l’autre dans le discours du sujet ; l’œuvre est donc comme un dialogue, une.. ; « polyphonie », dans laquelle l’auteur de dérobe puisque plusieurs discours – y compris contradictoires- s’y tiennent. post-modernisme (englobe le post-structuralisme) : globalement, renvoie à une remise en question radicale de la clôture du sens. Influence de Derrida (en particulier La grammatologie, L’écriture et la différence). Derrida dénonce le primat de l’écriture sur la parole ; pour lui et les « post-modernistes » le signifiant renvoie toujours à un autre signifiant et non à une réalité externe (le « signifié ») qui n’est qu’une illusion. Il n’y a rien en dehors du texte (cf. la célèbre maxime derridienne : « il n’y a pas de hors-texte »), le langage ne peut pas nous conduire en dehors de lui-même, il ne renvoie qu’à du langage. Aucun métalangage, la philosophie par exemple, ne peut faire autorité. Il n’y a pas de plénitude, pas de coïncidence du signe et de la signification, pas de garantie de sens stable. Le langage nous entraîne dans le jeu infini des signifiants, et le sens est toujours différé, inépuisable. sémiotique-sémiologie : science des signes. Le discours est conçu comme une totalité signifiante. Le sens naît de l’agencement de signes dans le texte. La discipline, héritière de la linguistique et du structuralisme, s’intéresse aux significations construites par le texte qui échappent au contrôle de l’auteur (notamment l’idéologie, ou des significations personnelles, à la mise en relation de réseaux de signifiants discrets…). Elle remet radicalement en question la notion de clôture de l’œuvre pour insister sur la plurivocité des textes. Voir R. Barthes et aussi Umberto Eco, en particulier L’œuvre ouverte. structuralisme :voir cours n° 1 et n° 2 et l’importance de la notion de structure téléologie : Terme philosophique. Etude de la finalité. Science des fins de l’homme. (voir Hegel, Spinoza, Bergson, Ricœur ) texte – textualité : c’est Barthes qui le premier, rappelle l’étymologie du texte (du verbe latin tisser). Le texte est donc littéralement un « tissu », c’est-à-dire un entrelacs complexe de fils. (in l’Aventure sémiologique- cf. Bibliographie) -------NB Aucun glossaire, comme aucun « dictionnaire » ne peut prétendre à l’exhaustivité. Il est néanmoins possible de le compléter. Selon les demandes que certains pourraient m’adresser, je peux être amenée à l’étoffer. Mais le plus gros du travail, celui de lecture, de compréhension et d’assimilation, ne peut venir que de vous. Ce n’est qu’à cette condition que vous pourrez utiliser à bon escient les concepts de X ou Y et vous en servir avec pertinence comme outil / grille de lecture. -----En guise de conclusion, vous trouverez ci-dessous une parodie qui éclairera peut-être certains aspects du cours. III. PARODIE Le texte qui suit est une parodie d’initiation aux méthodes critiques21. Il prend pour support la comptine populaire bien connue, intitulée « Une poule sur un mur », qui se chante (ou décline) comme suit : Il s’agit d’un pastiche réalisé par des étudiants de la Sorbonne dans les années mil neuf cent soixante-dix. On peut le retrouver sur le web à l’adresse suivante http://perso.orange.fr/listephilo/humour20.html (dernière consultation septembre 2007). En introduction, ce canular extrêmement bien fait précise : « Nous nous 21 27 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- Une poule sur un mur Qui picotait du pain dur Picoti, picota, Lève la queue et saute en bas !* (*variante : Prends tes cliques et puis t’en va !) 7 écoles critiques (les principales sont passées en revue) sont ensuite utilisées comme « grille de lecture » permettant de décoder (donc d’interpréter) le « message » contenu dans la comptine. Le tout est exclusivement parodique mais demeure extrêmement pertinent ; et la parodie est d’autant plus efficace que les arguments même qui sont parodiés sont maîtrisés et fort judicieusement utilisés. 1. L’Histoire Littéraire Traditionnelle22 nous enseigne qu’il s’agit là d’un texte relevant du genre comptine, encore vivace chez les enfants des écoles maternelles. La comptine est un poème bref, au rythme saccadé, à la conclusion stéréotypée, peu propre à l’expression de l’effusion lyrique. 2. La Recherche des Sources (Quellenforschung)23 nous permettrait de considérer sous un nouvel éclairage le drame de Claudel, Le Pain dur, et la nouvelle de Sartre, Le Mur24.Le dernier vers, particulièrement pathétique, a pu dans le domaine plastique, inspirer le célèbre tableau de Greuze, Le Fils ingrat. 3. L’Ethnographie nous invite à considérer ce texte comme une formule magique destinée à la désignation d’un membre du groupe à l’égard duquel va s’exercer un rite d’exclusion en vue, par exemple, d’un sacrifice humain25. 4. Le Structuralisme : Roman Jakobson et Claude Lévi-Strauss nous donnent les moyens d’une approche entièrement nouvelle et particulièrement enrichissante du texte. 26 Ils aboutissent aux résultats suivants : le poème peut être considéré comme un objet absolu dans la mesure où il forme un tout27 de quatre vers nettement différenciés, tant sur le plan formel que sur le plan de la signification littérale ou symbolique, ces quatre vers pouvant être analysés de la manière suivante : permettons de soumettre à nos lecteurs un textes, bref mais suggestif, dans lequel quelques étudiants (…) de l’université de Paris I ont résumé les connaissances qu’ils avaient acquises, en même temps qu’ils marquaient leurs distances par rapport à ce savoir. Toutefois, [l’on] ne saurait garantir l’exactitude des références, notamment bibliographiques, qui sont ici indiquées. » 22 Il s’agit du courant qui prévalait jusqu’à la fin du XIXe et dont les principaux tenants sont alors Gustave Lanson, Hyppolite Taine, Sainte-Beuve (cf. cours n° 1.) 23 Le terme allemand est juste, ET utilisé dans ce qu’on appelle aujourd’hui la « critique génétique » (autre formulation mais même propos). Toutefois, son utilisation même, avec son pédantisme sous-jacent (qui prend implicitement pour un inculte, voire un imbécile, toute personne qui ne parle pas allemand) est déjà une moquerie. 24 Ces deux œuvres – réelles – sont ici fort judicieusement « convoquées »… Le tableau de Greuze (1777) l’est aussi. La dernière phrase du commentaire n’est évidemment pertinente que pour la version « Prends tes cliques et puis t’en va ! ») 25 C’est « l’ethnologie » et « l’ethnographie » qui, via la personne et l’œuvre de Claude Lévi-Strauss permettent de passer de la rubrique C. à la rubrique D. Sur un plan épistémologique, exercez-vous en confrontant les définitions des deux termes avec celle de l’anthropologie (les deux disciplines sont très proches, mais le point de vue initial n’est pas le même). 26 Ce paragraphe en particulier témoigne d’un très grand talent. Le « calque » de la méthode REELLEMENT utilisée par Jakobson et Lévi-Strauss dans leur célèbre analyse du poème de Baudelaire « Les Chats » est saisissant et TRES performant. Voir cours n° 2. 27 Cette remarque souligne, à juste titre, la dette que Jakobson & Lévi-Strauss – et après eux, TOUS les structuralistes – ont à l’égard du « formalisme » russe des années vingt. 28 MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010 ---------------------------------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------- a) l’anecdote centrale, consistant en deux vers heptasyllabiques rimés, de structure similaire (quatre syllabes, trois syllabes). Elle est tout entière contenue dans une phrase nominale, dont le style s’apparente à celui des indications scéniques, ce qui contribue à la dramatisation du tableau, tandis que l’imparfait duratif (« picotait ») introduit une attente et laisse présager un événement ponctuel ; b) le refrain. Cette formule de caractère incantatoire est fondée à la fois sur la répétition d’un mot et sur la variation désinentielle, ici l’alternance i, a. c) l’interpellation finale : elle consiste en un vers heptasyllabique, formé de deux propositions indépendantes coordonnées, à l’impératif, ce qui révèle l’intervention, dans une scène bucolique, de deux êtres humains en conflit, ou à la rigueur divin-humain si l’on pense, comme M. Jakobson, que le locuteur est Dieu lui-même, dont le mode favori est l’impératif. 5. Jean Starobinski28 retrouve ici les thèmes complémentaires de la transparence (nudité implicite de l’interlocuteur que l’on invite à se rhabiller) et de l’opacité ou de l’obstacle (le mur, le pain dur). Dans une perspective aussi moderne, on peut noter la présence d’un espace vertical, le mur (cf. Bachelard, Le Mur et la Rêverie de l’Evasion, PUF, 1952 ; Le Mur et la Rêverie de la Clôture, PUF, 196329), et d’un espace horizontal, la route. 6. La Psychanalyse. Madame Marie Bonaparte pense que la poule peut être une image de la mère, comme dans le langage quotidien (mère poule), le pain dur représentant le placenta (galetta en latin), et les cliques la membrane fœtale. Le texte traduirait le regret du fœtus parvenu à terme et obligé d’abandonner le ventre maternel lors de la parturition30. 7. La Critique Marxiste. Ce poème folklorique est précieux dans la mesure où il reflète le mécontentement du prolétariat agricole dans la société féodale secouée par les jacqueries ; Le mur nous rappelle l’existence de la propriété privée : la poule évoque la fameuse formule attribuée à Henri IV, monarque réformiste, sur la poule au pot ; le pain dur témoigne de l’aisance du propriétaire de la poule, qui nourrit la volaille avec les surplus de sa consommation privée (le pain étant l’aliment de base de la société française d’avant la Révolution). Le sens est clair : passant le long de la propriété close du seigneur ou du riche fermier, le travailleur nomade prolétarisé réprime l’envie de voler du pain ou de tordre le cou à la poule31. -------L’on pourrait ajouter plusieurs autres écoles critiques, donc plusieurs autres parodies à cette amorce de liste. Une division de la comptine en « lexies » pourrait être tentée à la manière de Roland Barthes, ou une « déconstruction » à la Jacques Derrida, etc. Le ressort le plus important de la parodie est bien entendu l’écart entre la « signifiance » du texte pris pour objet d’étude (a priori, « Une poule sur un mur » n’a rien de TRES signifiant) et la complexité et/ou la minutie de l’analyse à laquelle il est soumis. La réjouissante absurdité des conclusions auxquelles l’étude aboutit ici … peut, dans d’autres circonstances, s’appeler « rigueur scientifique »… 28 Désormais moins « à la mode » cette école critique dite « thématique » (ce qui ne lui rend pas justice) fait la part belle aux théories de Bachelard et à ce qu’après lui Gilbert Durand – en même temps que Starobinski luimême - appelle « Les structures anthropologiques de l’imaginaire » (voir l’ouvrage éponyme). 29 Ces deux titres sont totalement fantaisistes. Mêler invention absurde (les titres attribués à Bachelard) et exactitude (les références à Claudel, Sartre et Greuze par ex.) est un des principes fondamentaux de la parodie. 30 Marie Bonaparte peut être considérée comme une freudienne orthodoxe. Aujourd’hui, une parodie de critique psychanalytique ferait intervenir les concepts définis par Jacques Lacan. On parlerait volontiers ici par exemple du pain comme représentant « l’objet a ». 31 Outre la dialectique, c’est le choix des champs sémantiques ici utilisés qui signe ici l’intention de caricaturer le raisonnement. 29