compréhensibles pour un large public. Son « Que sais-je » publié à l’époque sur le droit économique
reste aujourd’hui un ouvrage de référence.
Alexis comprend que l’impact national et international de ses recherches dépendra de ses
publications. Travailleur vif et rapide, il publiera durant sa carrière une vingtaine de livres et quelque
deux cents articles scientifiques. « C’était un plaisir de préparer une publication avec lui ! », m’a
confié Bernard Remiche, se souvenant d’après-midi de travail où le sérieux alternait avec un humour
débridé. En 1975, il publie en français un ouvrage intitulé « Economie industrielle » ; il sera traduit en
cinq langues. Dans la foulée de son Prix Francqui, il publie en 1985 un livre qui sera déterminant pour
le reste de sa carrière, « Sélection et pouvoir dans la nouvelle économie industrielle », qui a fait lui
aussi l’objet de traductions en cinq langues européennes et en japonais.
Ce travail colossal provoque la montée d’une réputation internationale fondée sur l’excellence,
qui vient renforcer celle de « l’école de Louvain », comme l’appelait à l’époque un journaliste. Alexis
enseigne dans les universités de Washington, Laval, Nancy, Paris IX Dauphine, Michigan, Sorbonne,
Montreal, Florence. Il participe à la fondation et à l’animation de l’Association Internationale de Droit
Economique qui réunit juristes, économistes et gestionnaires issus d’une quarantaine de pays, autour
de thèmes concernant les relations entre le droit et l’économie. Son excellence est reconnue par des
récompenses prestigieuses telles que le Prix Européen Emile Bernheim, le Prix Européen Paul-Henri
Spaak et le Prix Francqui, la plus haute distinction scientifique décernée en Belgique.
L’activité du chercheur ne devrait cependant pas voiler celle du professeur qu’Alexis pratique
tant à Louvain qu’aux Facultés universitaires Saint-Louis. Ses exposés, où se confondent la science,
l’humour et l’esprit de répartie, enchantent littéralement ses étudiants qui lui attribuent toujours les
évaluations les plus positives. Spécialiste de la concurrence, il ne veut pas qu’elle naisse dans les
enseignements parallèles que donnent ses collègues. C’est ainsi qu’il se lance en 1968, avec son
collègue et ami Henri Tulkens, dans la rédaction d’un traité, « Fondements d’économie politique »,
grand classique qu’ont connu et connaissent encore de nombreuses générations d’économistes, de
juristes et d’ingénieurs ; il en est à sa troisième édition et a été imprimé à plus de 40.000 exemplaires.
Alexis était un véritable précurseur qui avait compris bien avant d’autres l’importance capitale de la
pédagogie universitaire.
Toutefois, au terme de vingt années d’université, on sent chez Alexis le désir de tourner une
page. L’angoisse que j’ai évoquée le pousse-t-elle à jouer un rôle plus actif dans la société, à exercer
une influence qui dépasse la recherche académique et l’enseignement ? Alors qu’il était étudiant à
l’Université de Liège, il avait participé au mouvement des Jeunes Sociaux chrétiens ; en 1973, il avait
accepté le poste de chef de cabinet du Ministre Hanin, en charge de la politique scientifique. A la
demande de nombreux collègues, il accepte en 1986 de poser sa candidature au rectorat de l’UCL.
C’est en 1987 que s’ouvre la fenêtre vers une nouvelle carrière qu’il convient de qualifier de
politique. Le premier janvier 1985, Jacques Delors avait pris la présidence de la Commission
européenne et définissait des objectifs audacieux pour l’Europe : la convergence des politiques
économiques pour une croissance supérieure et des créations d’emplois plus nombreuses, l’avancée
vers l’union monétaire, la poussée technologique pour la maîtrise des secteurs d’avenir,
l’environnement, la dimension sociale. Qui mieux qu’Alexis aurait pu contribuer à l’élaboration d’un
plan aussi audacieux ? C’est ainsi qu’en 1987 il devient conseiller économique à la Commission
européenne et participe à la rédaction du Rapport Cecchini sur le coût de la Non-Europe. Pour le plus
grand bien de l’Union européenne, il rejoint en 1989 la Cellule de prospective mise en place par le
Président Delors, à laquelle il apporte une contribution fondamentale.
Alexis est un conseiller très écouté, qui a une grande influence sur l’appareil administratif. Il
est un intellectuel bâtisseur qui donne sa charpente à la politique industrielle de l’Union européenne.
Quel homme se cache derrière ce puits de science et d’intelligence ? Prenait-il le temps de
goûter à la vie ? Ce que chacun ressent est bien exprimé dans le message que m’adresse Robert