
Suivant nos conclusions basées sur l’observation détaillée de l’interprétation de la relative
dans les différentes traductions/éditions de La Chanson de Roland en français moderne
, on peut
affirmer que l’emploi de la relative dans le texte en ancien français de l’épopée en question est de
loin plus fréquent. Le traducteur préfère la paraphrase de la relative ; là où elle se trouve
conservée, on y sent nettement, grâce à sa réapparition, l’effet archaïsant recherché, comme dans
l’édition de Joseph Bédier par exemple. L’éditeur précise lui-même qu’il a essayé de sauvegarder
le style « noble » du poète, mais il avance comme argument essentiel en faveur de la difficulté de
cette entreprise le fait que plusieurs éléments de la syntaxe sont tombés en désuétude
. Nous
avons pu cependant nous convaincre dans l’accomplissement réussi de ses objectifs par
l’intermédiaire de l’analyse du degré de fidélité de la traduction au texte.
La langue moderne essaye donc d’éviter la relative là où c’est possible, pour que la phrase
soit plus cohérente, plus légère, moins ambiguë. Aussi emploie-t-on dans les traductions en
français moderne des appositions, des épithètes liées ou détachées à la place des relatives en
ancien français.
Or, s’il se trouve parfois que la substantivation ou l’adjectivation est impossible ou que
l’auteur essaye de rapprocher sa phrase de celle du poème (pour diverses raisons), on a dans les
versions en français moderne la conservation non seulement du relatif sujet qui, mais aussi de ses
emplois spécifiques qui ont un effet archaïsant, comme par exemple les occurrences de qui en
emploi absolu, avec ses différentes valeurs.
Quoique la théorie traditionnelle des deux types de relatives, issue des conceptions
présentées dans La Logique de Port-Royal, ait soulevé de nombreuses critiques et des objections
austères (cf. Gapany 2004, par exemple), nous nous tiendrons, pour les fins de la présente étude,
au classement dont on se sert le plus souvent dans les grammaires de l’ancien français et qui est
le fruit de la théorie classique (cf. G. Moignet 1976 ; G. Joly 2004). Cl. Buridant (2000, p. 577),
qui a recours à la même distinction traditionnelle, divise les relatives en adjectives et
substantives, selon qu’elles renvoient ou non à un antécédent, et sépare, en ce qui concerne les
premières, au cas où l’antécédent serait défini, la relative déterminative/restrictive de la relative
explicative/appositive. Le tableau des relatives qu’a établi Ph. Ménard (1994, p. 88-92) est
composé des types suivants : propositions relatives déterminatives et circonstancielles ; relatives
abrégées à valeur distributive ; relatives indéterminées à valeur concessive.
On peut poser que l’emploi élevé de la relative (surtout explicative) dans les chansons de
geste est dû, en grande partie, à sa possibilité d’adaptation malléable aux exigences de la
versification, du rythme, de l’assonance, de la syntaxe (assez souple, en effet), ainsi que du
lexique. Nous allons nous arrêter surtout aux relatives qui présentent des « descriptions » de
Charlemagne et de l’armement ou bien introduisent le personnage de Dieu dans les trois chansons
de geste que nous avons choisies pour la présente étude. Nous nous bornerons à l’emploi de qui
comme sujet, en observant et analysant de près, dans la mesure du possible, ses variations dans
les trois œuvres.
« La syntaxe du pronom relatif sujet qui dans les traductions de La Chanson de Roland en français moderne », dans
Actes du Colloque international Problèmes linguistiques et socioculturels de la traduction, Sofia, 29 septembre –
1 octobre 2006, à paraître en 2008.
La Chanson de Roland, éd. J. BÉDIER (1982), p. xii.