B. La crise maniaque

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VITTOZ IRDC
FORMATION 2014/2015
Odile RAGUIN Psychologue clinicienne Praticienne de la Psychothérapie Vittoz
PSYCHOPATHOLOGIE
- LES PSYCHOSES -
SOMMAIRE
Page
CHAPITRE I . LA MELANCOLIE ……....……………………..…..... 03
CHAPITRE II . LA PSYCHOSE MANIACO-DEPRESSIVE ………. 10
CHAPITRE III . LA SCHIZOPHRENIE …………………...……...…. 15
CHAPITRE IV . LA PARANOÏA …………………………..……….... 24
BIBLIOGRAPHIE ………………….…...…..…………………..………. 28
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CHAPITRE I
LA MELANCOLIE
1. QUELQUES GENERALITES SUR LA STRUCTURE PSYCHOTIQUE
Le comportement du psychotique concerne l’agir et la pensée concrète ; c’est-à-dire
l’inaptitude primaire à exister de manière différentielle (en voie de conséquence à dialoguer)
qui nous amène à parler du langage du psychotique comme un non-langage ; celui-ci ne fera,
en effet, qu’exprimer, en dehors de la différenciation significative verbale, son ouverture
insuffisante à toute altérité par l’immaturité de la relation d’objet fusionnelle qu’elle
comporte…
Nous parlerons d’un langage qui a une valeur plus expressive que communicative…
Plus proche d’un fonctionnement par l’agir que d’un fonctionnement verbal.
Rappelons que la structure psychotique est essentiellement caractérisée par une
fixation et un non dépassement du registre pré-objectal.
On admet qu’à l’origine, le nourrisson participe pour ainsi dire sur le mode de la
fusion et de l’identification à une totalité fusionnelle où il n’existe pas encore de séparation
entre le sujet et son entourage ; où les échanges ne sont pas perçus comme une acquisition
mais comme une simple expansion de son être.
On comprend ainsi la prédominance de mécanismes d’absorption et de diffusion propres à
cette période qui ont amené à la définir comme appartenant à une phase orale du
développement. Il s’agit alors d’avoir la possibilité de distinguer un dedans et un dehors (avec
les limites que cela implique et naturellement l’espace qu’elles entourent, base du futur Moi).
Les modes de fonctionnement de ce système apparaissent comme essentiellement liés à
l’entrée ou à la sortie ; ils seront présidés par le phénomène de l’introjection (mise en dedans)
et la projection (mise en dehors) sans qu’il n’y ait pourtant, jamais à ce stade unipolaire par
excellence, la constitution possible d’une distanciation objectale véritable et sans qu’il n’y ait
non plus de différenciation entre la réalité intérieure et le milieu environnant.
La répétition successive des périodes d’absence puis de retour de la mère ou de la personne
chargée de donner des soins à l’enfant, entraîne la mise en jeu successive de périodes
hallucinatoires, de périodes de désirs (avec insuffisance des satisfactions qu’elles entraînent)
et la différenciation de la satisfaction véritable par la présence réelle de l’objet extérieur dont
l’enfant a besoin.
Les alternances de période de satisfaction ou de besoin correspondent elles-mêmes aux
manifestations alternées des pulsions, particulièrement de la pulsion alimentaire, sans qu’il
n’y ait, à ce stade, absence d’éprouvé d’un autre ordre.
Les sensations alternantes de plénitude et de vacuité, de bien-être et de manque, ne tarderont
pas normalement à organiser le sujet en entité fonctionnelle comme lieu d’éprouvé et pour
tout dire comme sujet…
Ce lieu est primitivement unique au début, seul existe le sujet d’impressions dans son
vécu unipolaire ; la répétition de la présence et de l’absence jointe à la satisfaction et au
manque permettra peu à peu d’isoler le sujet éprouvant de son pôle extérieur et, de fait, de ses
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expériences. Il va se trouver dissocier selon une ligne fonctionnelle de démarcation par
l’absence possible et le manque.
La permanence de l’éprouvé et l’immédiateté de la perception délimitent le secteur propre du
sujet et de son milieu intérieur.
Chez le sujet « normal », le passage de cette situation fusionnel et narcissique unipolaire à la
reconnaissance progressive d’une distanciation bipolaire sujet-objet inaugure les premières
manifestations de l’autonomisation du Moi séparé peu à peu du milieu environnant…
L’existence d’un Moi séparé de l’objet qui le fonde, signe le passage d’un mode d’existence
unipolaire à la bipolarité objectale. Ce passage tranche ce que les analystes appellent « la
situation pré-objectale » caractérisant le mode de relation d’objet du même nom, différencié
de la relation dite « objectale » caractérisée par la séparation du sujet et de l’objet.
L’heureux aboutissement de ce processus maturant, dit « personnation » selon
RACAMIER, délimite également le dépassement de la zone de fonctionnement psychotique
et l’entrée dans la problématique névrotique…
Sur le plan d’un fonctionnement mental, l’organisation d’un Moi séparé du non-Moi va
permettre la différenciation entre la réalité extérieure et la réalité intérieure (fantasmatique).
Elle s’avère contemporaine de la manière d’être comportementale et psychique, particulière,
articulée de façon fondamentale sur la reconnaissance implicite du sujet séparé des objets.
La séparation est susceptible d’être exprimée dans ses contenus psychiques par les
représentations et enfin transmissibles verbalement.
C’est précisément l’acquisition de cette existence séparée, de ce Moi-personne, qui
s’avère défaillant chez un patient psychotique.
2. HISTORIQUE
D’après le dictionnaire de la psychanalyse de Elisabeth ROUDINESCO et de Michel
PLON : bien que la mélancolie occupe une place importante dans le dispositif freudien, les
plus belles études sur cette question furent produites par les poètes, les philosophes, les
peintres et les historiens qui lui avèrent un statut théorique social, médical et subjectif.
Depuis la description de BELLEROPHON - héros poursuivi par la haine des dieux
pour avoir voulu escalader le ciel - jusqu’à la théorisation par ARISTOTE « du génie
mélancolique » en passant par le récit mythique d’HYPOCRATE sur les animaux pour y
trouver la cause de la mélancolie du monde, cette forme de déploration perpétuelle fut
toujours à la fois l’expression d’une rébellion de la pensée et de la manifestation la plus
extrême d’un désir d’anéantissement de soi lié à la perte d’un idéal…
Pendant des siècles, c’est la théorie d’HYPOCRATE - « les quatre humeurs » - qui
ont permis de décrire, de façon à peu près identique, les symptômes cliniques de ce mal :
- humeur triste
- sentiment d’un gouffre infini
- extinction du désir et de la parole
- impression d’hébétude suivi d’exaltation
- attrait irrésistible pour la mort, pour les ruines
- vécu de nostalgie et de deuil.
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Ainsi la mélancolie était elle associée à la « bile noire » à côté des trois autres humeurs :
le sang, la bile jaune et le flegme.
« Le sang imite l’air, augmente au printemps, règne dans l’enfance.
La bile jaune imite le feu, augmente en été, règne dans l’adolescence.
La mélancolie ou bile noire imite la terre, augmente en automne, règne dans la maturité.
Le flegme imite l’eau, augmente en hiver, règne dans la vieillesse »
La bile noire, donc la mélancolie, serait une maladie de la maturité, de l’automne, de
la terre. Elle peut se diluer dans les autres humeurs et aller de pair avec la joie et le rire (le
sang), avec l’inertie (le flegme) et avec la fureur (la bile jaune). Par des mélanges, elle
affirmerait ainsi sa présence dans toutes les formes d’expression humaine.
De là, naîtra l’alternance cyclique entre un état et un autre : manie et dépression,
caractéristique de la nosographie psychiatrique moderne.
Cependant en tant qu’humeur noire, la mélancolie relevait du mal de SATURNE - Dieu
terrien des romains - morbide et désespéré, identique à CHRONOS de la mythologie grecque
qui avait châtré son père OUROS avant de dévoré ses enfants.
On appellera donc les mélancoliques, « les saturniens » ; mais, chaque époque a
construit sa propre représentation de la maladie…
On pensait aussi que certains climats favorisaient le mal car la maladie est plus
fréquente dans les pays nordiques que dans les contrées méridionales.
Le médecin anglais THOMASWILLIS (1621 – 1675) fut le premier à rapprocher la
manie de la mélancolie pour définir un cycle maniaco-dépressif.
Le philosophe Robert BURTON (1577 – 1640) avec « Anotomy of Melancoly »
donne la version d’une nouvelle conception de la mélancolie déjà entrée dans les mœurs.
Dès la fin de Moyen Age, le terme était en effet synonyme de tristesse sans cause, et à
l’ancienne doctrine des humeurs s’était progressivement substituée une causalité existentielle.
On parlait de tempérament, en songeant à HAMLET devenu la figure par excellence du drame
de la conscience européenne : « un sujet livré à lui-même avec l’avènement de la révolution
copernicienne » ; tout en conservant l’ancien vocabulaire humoral de BURTON qui assimile
donc la mélancolie à un désespoir du sujet abandonné par Dieu.
A la fin du 18ème siècle et notamment à la veille de la révolution française, la
mélancolie apparaît comme le symptôme majeur d’un ennui distillé par la vieille société.
Elle semblait toucher aussi bien les jeunes bourgeois exclus des privilèges de la naissance que
les éclatés ayant perdus tout repère et sévissait aussi chez les aristocrates désœuvrés, privés du
droit de faire fortune, « ennui du bonheur » ou « bonheur de l’ennui ».
Sentiment de dérision ou aspiration au bonheur pour dépasser l’ennui, la mélancolie
fonctionnait comme un miroir où se reflétait la défaillance générale de l’ordre monarchique et
l’aspiration à l’intimité de soi.
Au 19ème siècle, avec l’instauration de la psychiatrie, la mélancolie fut sujette à de
nombreuses variations terminologiques, destinées d’abord à transformer « cet étrange bonheur
d’être triste » - comme le dira Victor HUGO - en une véritable maladie mentale sans fioritures
littéraires ou philosophiques puis à l’inscrire dans une nouvelle nosographie dominée par la
division entre psychose et névrose.
Elle fut appelée « lypémanie » par Jean Etienne ESQUIROL en 1722 puis « folie circulaire »
par Jean-Pierre FALRET en 1772. A la fin de ce siècle, elle sera intégrée par Emile
KRAPELIN à « la folie maniaco-dépressive » pour se fondre ensuite dans la psychose
maniaco-dépressive.
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Sigmund FREUD, peu intéressé par cette psychiatrisation de l’état mélancolique,
renonça à rapprocher manie et dépression, préférant redonner vigueur à l’ancienne définition
de la mélancolie : non pas une maladie mais un destin subjectif.
Dès 1895, il s’interrogeait sur la mélancolie et dans un manuscrit envoyé à
WILHELM FLIESS, ami médecin avec lequel il correspondit pendant plusieurs années et qui,
en quelque sorte, lui servait de psychanalyste, il rapprochait cette dernière du deuil ; c’est-àdire « du regret de quelque chose de perdu… ».
Ce n’est qu’en 1917, qu’il publie un texte magistral sur « Deuil et Mélancolie »,
faisant du second terme la forme pathologique du premier. Alors que dans le travail du Deuil
le sujet parvient progressivement à se détacher de l’objet perdu ; dans la Mélancolie, au
contraire, il se sent coupable de la mort survenue, la dénie, se croit possédé par le défunt ou
atteint de la maladie qui a entraîné sa mort.
En bref, le Moi s’identifie à l’objet perdu au point de se perdre lui-même dans l’infini
désespoir d’un irrémédiable néant.
Avant cette publication, FREUD envoya le texte à Karl ABRAHAM, grand spécialiste
des psychoses et notamment de la mélancolie, sous la forme de la maniaco-mélancolie.
Tandis que les Freudiens associent les données de la nosographie psychiatriques à la réflexion
psychanalytique sur le deuil, l’Ecole Kleinienne, marquée au départ par le travail
d’ABRAHAM, accentuera la problématique de la perte d’objet et de la position dépressive
inscrite au cœur de la réalité psychique.
A la fin du 20ème siècle, la dépression, forme atténuée de la mélancolie, devient dans la
société industrielle avancée, une sorte d’équivalent de l’hystérie - Jean-Marie CHARCOT,
Salpétrière - c’est-à-dire une véritable maladie d’époque.
Mais, si l’hystérie était apparue aux yeux des contemporains comme une rébellion du corps
féminin contre l’oppression patriarcale, la dépression semble être, au contraire, cent ans plus
tard, la marque d’un échec du paradigeme de la révolte dans un monde dépourvu d’idéal et
dominé par une puissante idéologie pharmacologique très efficace sur le plan thérapeutique.
3. DEFINITION
Selon Elisabeth ROUDINESCO et Michel PLON : La mélancolie est un terme
dérivé de « Mélas » -noire- et « khole » (bile), utilisé en philosophie et en littérature, en
médecine, en psychiatrie et en psychanalyse pour désigner depuis l’Antiquité une forme de
« folie » caractérisée par l’humeur noire c’est-à-dire :
- une tristesse profonde
- un état dépressif pouvant conduire au suicide
- manifestations de crainte ou de découragement qui prennent ou non l’aspect d’un
délire.
4. LES CAUSES
A. Les facteurs psycho-dynamiques
Selon FREUD (1917), la mélancolie se caractérise du point de vue psychique par :
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- une dépression profondément douloureuse
- la suspension de l’intérêt pour le monde extérieur
- la perte de la capacité d’aimer
- l’inhibition de toute activité
- la diminution du sentiment d’estime de soi qui se manifeste par des auto-reproches
Tous ces éléments sont communs au deuil et à la mélancolie.
La mélancolie, comme le deuil, est déclenchée par une perte d’objet.
Alors que la perte d’objet est connue dans le deuil normal ou compliqué, elle demeure
inconsciente dans la mélancolie. La perte ici ne porte pas sur l’existence de l’objet mais sur sa
valeur. La perte en question est une déception narcissique.
Avant la crise, il existait une relation particulière à l’objet : relation immature de
besoin de dépendance absolument nécessaire du sujet et dont la rupture le met en danger
grave. Sous l’influence de cette déception apportée par l’objet, cette relation est ébranlée.
« L’objet perdu du mélancolique : le Moi lui-même » - FREUD Pourquoi ?… Du fait d’une régression libidinal au stade narcissique primaire où le Moi
Et l’objet d’amour ne font véritablement plus qu’un.
La mélancolie produit le même travail que le deuil ; mais, alors que le deuil doit
permettre au sujet de renoncer à l’objet perdu et donc de retrouver son propre investissement
narcissique et sa capacité à désirer à nouveau, la mélancolie en l’amenant à renoncer à … son
Moi, l’amène à une position de renoncement général, d’abandon, de démission désirante, qui
rend compte du terme de mélancolie : le passage à l’acte suicidaire.
Il est également précisé, dans l’ouvrage « psychanalyse » d’Alain DE MIJOLLA et
Sophie DE MIJOLLA , à propos de la mélancolie : « si, dans le deuil, le monde est pauvre et
vide, dans la mélancolie, c’est le Moi lui-même ». Un Moi dont les auto-accusations peuvent
être appliquées à une autre personne que le malade aime, a aimé ou devait aimer. Il y a une
identification narcissique à l’objet par le caractère particulièrement ambivalent de la relation à
ce dernier sur un mode oral, de son incorporation reportant sur le Moi toute sa part de
sadisme : « l’ombre de l’objet est tombé sur le Moi ».
Mais le Moi, apparaît ici, comme coupé en deux, une part identifiée à l’objet et l’autre
qui se déchaîne contre elle sauvagement, sans merci, révélant en fait la massivité de la haine à
l’égard de l’objet retourné désormais contre le sujet, incluse et signant le triomphe de l’objet.
C’est donc le Surmoi, porteur de ces investissements destructeurs, qui attaque le Moi ; comme
l’objet pouvait l’être par le ça.
Freud, néanmoins, attachait une grande importance à l’origine organique de la
mélancolie.
Selon Karl ABRAHAM (1924), la mélancolie dans « Psychiatrie et psychanalyse »
est déterminée par le renforcement successif des conditions suivantes :
- un facteur constitutionnel, le renforcement constitutionnel de l’érotisme oral
- la fixation privilégiée de la libido à l’étape orale, condition la plus importante pour la
constitution d’une dépression mélancolique
- une blessure grave du narcissisme infantile par déception amoureuse avant la maîtrise
des désirs oedipiens
- la répétition de la déception primaire portant la vie ultérieure.
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Selon Mélanie KLEIN (1934), le processus fondamental de la mélancolie est la perte
de l’objet aimé avec :
- l’anéantissement et l’expulsion de l’objet, caractéristique du stade anal marquant le
processus dépressif
- le Moi se sent contraint par son identification au Bon Objet à faire réparation pour
toutes les attaques qu’il a dirigées contre cet objet
- le Surmoi, qui est alors incapable, oblige le Moi à se plier aux requêtes des Bons
Objets
- une partie de la cruauté du Ca et des Mauvais Objets s’attachent au Bon Objet, ce qui
accroît la sévérité de leurs exigences.
Selon Sacha NACHT (1963), psychiatre et psychanalyste français qui appartient à la
deuxième génération de psychanalystes français comme Françoise DOLTO, Jacques
LACAN…, la perte d’objet est capitale dans la dépression ; la relation d’objet chez le
dépressif a des fonctions essentiellement narcissiques et elle est prégénitale.
L’identification réelle à l’objet est impossible au dépressif en raison de son narcissisme. Elle
est remplacée par une introjection qui renvoie à l’oralité. C’est une introjection agressive.
Le Surmoi de dépressif est à la fois tout puissant et écrasant.
Quant à la manie, elle repose sur la même structure profonde que la mélancolie,
structure marquée à la fois par la répression orale, par l’importance de la composante hostile,
par l’ambivalence et par l’implacabilité du Surmoi.
Elle constitue un noyau de défense contre la dépression, reposant sur la dénégation tant de la
réalité psychique que de la réalité extérieure.
Ce moyen de défense qu’est la manie vise à se libérer du Surmoi, de l’Objet ; mais ce
triomphe est artificiel, il ne dure pas et le maniaque est toujours guetté par la dépression.
B. Les facteurs génétiques
L’incidence des facteurs génétiques seraient moindres dans la maladie dépressive pure
à début tardif, touchant les hommes que dans la maladie dépressive à début précoce, touchant
les femmes ; dans ce cas, l’incidence familiale est élevée : dépression, alcoolisme…
C. Les facteurs biologiques
On peut retenir. Les anomalies des mono-amines cérébrales et les anomalies
endocriniennes.
5. LA CLINIQUE
L’accès mélancolique est un état dépressif franc avec une douleur morale intense et
une inhibition psychomotrice, forme aggravée de l’asthénie :
- les opérations mentales et motrices sont bloquées
- l’action intellectuelle et motrice demande un grand effort au mélancolique. Elle
apparaît sans signification
- le malade figé ne parle ni ne bouge
8
-
il y a prédominance matinale des troubles
les idées délirantes manquent rarement : idée de persécution, d’auto-accusation, de
culpabilité, de ruine, d’hypochondrie…
les idées de mort sont au centre de la mélancolie ; dans la mesure, où elles s’articulent
aux idées de dépréciation et apparaissent une solution d’apaisement à la douleur
morale… seule l’importance de l’inhibition retiennent certains.
L’accès est habituellement rapide, il est marqué par des troubles du sommeil, une
asthénie croissante et une tristesse s’aggravant.
Une circonstance déclenchante ou favorisante existe parfois, précédant cet accès : séparation,
deuil, vente ou construction d’une maison, maladie personnelle ou d’un proche, échec social
ou conflit personnel ou conjugal … Mais cela peut être aussi un événement dit « heureux » :
mariage, naissance, promotion …
Toutefois, souvent aucun élément de ce genre n’existe… Certains accès sont saisonniers...
Le premier accès mélancolique survient, en général, chez l’adulte jeune entre 18 et 40
ans. Un premier accès, après 50 ans, comporte des particularités dues à l’âge ; il présente
parfois avant, pendant des années, des traits névrotiques surtout obsessionnels…
L’accès peut rester unique mais dans 80 % des cas il se reproduit.
Les thérapeutiques modernes ont notoirement raccourcis la durée des accès maniaques
installés.
6. LE TRAITEMENT
Le traitement des accès mélancoliques francs relève d’une prise en soin par une
structure de soins et des antidépresseurs.
Le traitement des états dépressifs moindres ou installés, les plus nombreux, relève
d’un traitement médicamenteux mais aussi de la psychothérapie.
Cette dernière permet d’agir sur la fréquence des accès et leur profondeur ainsi que sur la
prise en charge par le patient de ces accès.
L’outil VITTOZ est un outil assez opérant dans ce domaine…
Il permet également d’accompagner le patient pendant plusieurs années et de lui offrir
un champ d’expérimentation, de travail continu, souvent efficace.
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CHAPITRE II
LA PSYCHOSE MANIACO-DEPRESSIVE
OU MALADIE BIPOLAIRE
1.HISTORIQUE
La maladie Maniaco-dépressive a été isolée par KRAEPELIN à la fin du siècle dernier
sous le nom de « folie maniaco-dépressive » ou « folie intermittente ».
Puis, elle a été qualifiée de « psychose maniaco-dépressive ».
Le lien entre manie et mélancolie avait déjà été reconnu dans l’Antiquité.
On parle maintenant de « maladie bi-polaire » en raison de sa proximité avec les mécanismes
psychiques normaux.
2. DEFINITION
La maladie maniaco-dépressive est caractérisée par un trouble majeur de l’humeur et
l’alternance régulière d’états opposés d’excitations, de manies et de dépression.
La forme extrême qui s’exprime par une forte dépression s’appelle la Mélancolie (Cf. cours
précédent). L’hypomanie, elle, est la forme affaiblie de la manie (Jean MENECHAL).
La maladie maniaco-dépressive présente deux formes distinctes :
- la forme bipolaire, avec l’alternance des aspects maniaques et dépressifs.
- la forme unipolaire dont le seul aspect est presque toujours sur le pôle dépressif.
La maladie bipolaire est relativement fréquente (dans la population environ 45 %).
Elle présente le même risque chez l’homme et chez la femme.
La maladie unipolaire (dépressive) est plus fréquente chez la femme.
-
Indépendamment de la maladie maniaco-dépressive, on parle de personnalités :
dysthymiques, présentant un état dépressif de faible intensité
d’hyperthymiques marqués par l’hypomanie
de cyclothymiques qui concilient entre les deux.
La reconnaissance de la maladie maniaco-dépressive n’est pas toujours facile, en
raison de la difficulté à mettre une frontière entre « le normal » et « le pathologique ». Il est
normal de se sentir « déprimé » en cas de difficultés personnelles (maladies, deuil…) et de se
sentir euphoriques quand tout va bien !…
La pathologie se repère lorsque ces états n’ont pas de causes extérieures repérables, qu’ils
sont en contradiction avec la réalité extérieure ou qu’ils s’amplifient à l’excès ou se
chronicisent.
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A. La crise mélancolique
L’accès mélancolique est un état dépressif franc.
C’est un état de dépression intense, vécu avec un sentiment de douleur morale et de
dépréciation personnelle. La mélancolie est marquée par le ralentissement et l’inhibition des
fonctions psychiques et motrices. Il y a également une perturbation des fonctions biologiques,
en particulier du sommeil et de l’alimentation (insomnie et anorexie).
L’accès se déclare de façon progressive. Le facteur déclenchant est souvent lié à une
perte ou à un conflit.
Lors de l’accès mélancolique, le mélancolique est triste ; il parle peu ou pas du tout ; il
a des difficultés dans les actes de la vie courante comme l’habillement, la toilette ou
l’alimentation.
Il y a comme une paralysie psychique supprimant les associations, la volonté et les affects.
Il se sent coupable de cette situation et a des idées de mort qui sont d’abord des fantasmes
auxquels peuvent accéder certains puis à l’acceptation de la mort, avec anorexie, imprudence,
abandonnisme, désir actif de mourir puis enfin volonté délibérée de mourir.
Parfois l’importance de l’inhibition peut retenir.
Tous les mélancoliques ne font pas des tentatives de suicide mais cela demeure le risque le
plus important de cette affection.
a - L’évolution
Le premier accès survient, entre 18 et 40 ans, chez l’adulte ayant présenté,
Parfois durant les années précédentes, des traits de caractères névrotiques, en particulier
obsessionnels.
Il y a souvent des antécédents familiaux d’états dépressifs, d’alcoolisme ou de suicide tenté
ou réussi ; mais aussi avec des phases d’agitation maniaque.
L’accès mélancolique dure en moyenne sept mois avant l’apparition des thérapeutiques ; ils
pouvaient être plus courts ou durer des années.
La chronicité était rare, le plus souvent ils guérissent spontanément.
Les thérapeutiques actuelles raccourcissent la durée de ces accès.
Le premier accès mélancolique peut rester unique bien que le sujet reste très sensible sur le
plan émotionnel et thymique à tous les traumatisme psychiques.
Les accès peuvent se reproduire dans 80 % des cas..(Miche HANUS).
b - Les formes cliniques
-
On observe :
la dépression mélancolique simple avec des symptômes minorés au plan de la douleur
morale et qui présente un risque suicidaire plus élevé.
la dépression mélancolique aggravée avec la mélancolie stuporeuse : le sujet reste
dans un immobilisme, une immobilité totale comme frappé de stupeur
la mélancolie agitée, proche de l’état mixte
la mélancolie délirante, de nature psychotique avec délire d’interprétation.
B. La crise maniaque
Les crises de manie sont des accès d’excitation psychomotrice et une
surexcitation des fonctions psychiques.
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Elles sont marquées par une exaltation de l’humeur et un déchaînement instinctivo-affectif, en
particulier, des conduites d’hyperactivité, la fuite des idées et la perturbation de certaines
fonctions biologiques (sommeil) qui sont prépondérantes.
L’agitation n’est pas un simple excès d’actions et de mouvements, elle est une perturbation
des conduites caractérisées par l’excès d’activité à finalité subjective (il n’y a plus de relation
objectale vraie mais projection d’un Moi pathologique qui scotomise le réel) et sans efficacité
objective (sa seule utilité étant de décharger la tension du sujet).
L’agitation est donc un symptôme qui révèle :
- le morcellement de la conscience qui ne peut suivre un projet
- l’accélération des représentations mentales qui défilent.
Pendant la période de crise, la présentation du sujet est particulière sur le plan du
comportement : il est enjoué, rit, chante, parle sans arrêt (logorrhée) en mettant en cause un
interlocuteur ; il peut être agressif, caustique… Sa tenue peut être extravagante… Le contact
avec les autres est familier et discontinu, chaotique…
Au niveau intellectuel, le cours de la pensée est accéléré avec dispersion de l’attention et
accélération des représentations mentales ; l’imagination est exaltée et produit des chimères
auxquelles le sujet ne croit pas vraiment… Tout ceci traduit l’exaltation du Moi.
Au niveau de l’humeur, le sujet est euphorique, optimiste, se sent bien, infatigable… il croit
tout pouvoir entreprendre et réussir… il passe de la joie aux larmes, de l’euphorie à la colère.
Il ne peut pas ne pas bouger : son activité est désordonnée et inadaptée.
L’exaltation sexuelle est constante avec des propos érotiques.
Les conduites orales et alimentaires sont exagérées.
Les troubles de l’activité se présentent également avec des achats inconsidérés, des dépenses
compulsives.
a - L’évolution
Comme pour la Mélancolie, le premier accès survient en moyenne vers 30 ans.
La durée spontanée de l’accès est de six à huit mois en moyenne. Il guérit spontanément
même en l’absence de traitement mais la structure psychologique sous-jacente demeure.
Le premier accès maniaque peut rester unique toutefois, le plus souvent (80 % des cas), il
rechute sous forme maniaque ou mélancolique dans un temps variable.
Les thérapeutiques actuelles permettent d’obtenir une guérison rapide ; en contre partie, elles
semblent, dans certains cas, accélérer le rythme de la périodicité.
« Les accès guérissent mais ils ont tendance à se rapprocher » - Michel HANUS -
b - Les formes cliniques
-
On observe :
l’accès hypomaniaque où le sujet est surmené, sur-occupé, désordonné bien que
spirituel et même brillant
la crise grave de manie qui peut conduire au délire et à l’hallucination
les états mixtes qui associent simultanément des symptômes maniaques et des
symptômes mélancoliques.
Il existe des états maniaques consécutifs à :
- des traumatismes crâniens
- des syndromes endocriniens (hyperthyroïdie)
- l’absorption d’alcool, d’amphétamines, de corticoïdes, de L-dopa, de cocaïne…
12
-
certaines tumeurs cérébrales surtout au niveau du diencéphale.
Il peut y avoir quelques ressemblances avec des agitations telles que :
- le délirium
- les agitations épileptiques
- les agitations schizophréniques
- les agitations psycho-pathiques comme dans certaines hystéries, bouffées délirantes ou
crises aiguës d’angoisse.
Dans ces cas, ce sont les traits caractéristiques de ces affections qui permettent de les
reconnaître. Par exemple :
- la discordance dans la schizophrénie
- la théatralisation, dans l’hystérie
- l’angoisse dominante dans les crises aiguës d’angoisse.
c - Les causes
La recherche a permis de mettre en évidence plusieurs facteurs :
-
-
-
un facteur génétique. La prédisposition d’une vulnérabilité pathologique est établie. Ce
risque est plus fort pour la forme bipolaire. Il serait moindre dans la forme unipolaire ;
la maladie dépressive pure à début tardif touchant les hommes et la forme à début
précoce touchant les femmes
un facteur biologique. On observe des anomalies des mono-amines cérébrales. Les
antidépresseurs agissent sur le métabolisme synaptique des neurotransmetteurs monoaminergiques : sérotonine, noradrénaline, dopamine par inhibition du recaptage, par
inhibition de la dégradation I.M.O. ou action sur les récepteurs.
Ces diverses anomalies sont retrouvées chez les déprimés : baisse du métabolisme, de
la sérotonine, baisse de la captation de la sérotonine dans les plaquettes sanguines.
Dans les anomalies endocriniennes on trouve :
o une hypersécrétion de Cortisol dans 50 % des cas de dépressions endogènes
o la fréquence des anomalies thyroïdiennes au cours des troubles de l’humeur.
un facteur psycho-dynamique. La mélancolie, comme le deuil, se caractérise par une
perte d’objet. Le texte de FREUD « Deuil et Mélancolie » (1915) permet de mieux
comprendre les mécanismes de la dépression. Au lieu de désinvestir l’objet et de
reconnaître sa perte effective (ce que l’on opère dans le travail du deuil), le
mélancolique ramène au sein de son Moi l’objet d’amour dont l’ombre envahit le Moi,
qui avait été investi de façon narcissique.
Michel HANUS précise : « Alors que la perte d’objet est connue dans le deuil normal
ou compliqué, dans la mélancolie, elle demeure inconsciente. La perte ne porte pas sur
l’existence de l’objet mais sur sa valeur. La perte en question est une déception
narcissique »… et il dit aussi : « Avant la crise, existait une relation immature de besoin à
l’objet, de dépendance absolument nécessaire à l’équilibre du sujet dont la rupture le met en
danger grave ».
Jean MENECHAL reprend FREUD et explique que : « La haine qui ne peut plus
s’exprimer pour l’objet disparu, va se manifester de manière ambivalente dans
l’identification narcissique en tirant de cette souffrance une satisfaction sadique »… et que :
« FREUD tente de rendre compte de la transformation cyclique de la dépression en manie,
dans la maladie maniaco-dépressive, et il rappelle que la maladie mélancolique correspond à
ce mouvement régressif passant de l’investissement de l’objet à la phase orale de la libido
alors que la manie serait un contre-investissement très élevé venant compenser la régression
13
libidinale. Pour ce faire, le Moi a construit en son sein un Idéal du Moi grandiose et sa
coexistence avec le Moi plus modeste n’a pas résisté » … et encore que : « La fusion de ces
deux instances (Idéal du Moi grandiose et Moi plus modeste) conduit à la manie tandis que
leur scission tranchée permet l’expression de la mélancolie ».
FREUD attachait néanmoins une grande importance à l’origine organique de la
maladie. Il était médecin et au tout début de son activité il a fait des recherches neurologiques.
d - Le traitement
Sur le plan médicamenteux, les sels de lithium et/ou la carbamazépine
permettent le plus souvent d’assurer une prophylaxie satisfaisante des rechutes avec accès
moins fréquents ou moins persistants ou alors apparition de crises dans la maladie sous des
formes mineures.
Les psychotropes (antidépresseurs et neuroleptiques) régulent l’humeur.
« Ces derniers posent des problèmes psychopathologiques et éthiques » - Jean MENECHAL Les travaux les plus récents montrent que la combinaison de la chimiothérapie et de la
psychothérapie restent efficaces.
14
CHAPITRE III
LA SCHIZOPHRENIE
1. GENERALITES (Synthèse d’une émission radiophonique)
Emission radiophonique de septembre 2006 : « La schizophrénie est une maladie
psychique qui concerne 1% de la population ; 600 000 personnes sont atteintes de cette
maladie en France et on déclare 20 000 nouveaux cas chaque année. »
Comment comprendre ce qu’est la schizophrénie ?
L’idée générale est que la schizophrénie, décrite depuis le 19ème siècle, est une maladie sur
laquelle la position des spécialistes a beaucoup évolué : Est-ce une maladie existentielle ?…
une maladie communautaire et environnementale ?… une maladie génétique ?… une maladie
neurobiologique ?…
La tendance actuelle va dans le sens d’une maladie neurobiologique.
C’est une maladie relativement répandue et c’est toujours un mot terrifiant.
La schizophrénie est une position, une existence au monde…Tous les schizophrènes ne sont
pas médicalisés ou hospitalisés… L’intégration communautaire par rapport à cette maladie
serait plus importante qu’on ne l’imagine mais la stigmatisation du mot l’amoindrit
C’est une maladie du lien, une maladie de la réalité, de l’intégrité de la personne.
La personne est éclatée entre plusieurs façons de voir le monde, en permanence parasitée par
des représentations psychiques qui l’éloignent de la relation.
Oui c’est une relation complexe, difficile, perturbée et perturbante pour l’entourage… Tout
cela modifie le lien et la relation.
La communication de la personne schizophrène avec le monde est éminemment troublée … et
par conséquence avec les proches…
Elle est imbriquée dans un système de communication pathologique et perturbé : « à côté de
la plaque ».
De nos jours, l’idée que la cause (cause linéaire) vienne de la mère ou des parents est
inadéquate ; même si cette idée a traversé beaucoup de nos contemporains psychiatres à un
moment donné.
La schizophrénie est une machine à déconstruire le réel, à déconstruire la relation… et,
à partir du moment où l’on est plongé dans cette difficulté, il va falloir s’adapter à cette
communication que l’on peut décrire comme « paradoxale ».
C’est une communication dans laquelle on s’enferme et dans laquelle on ne peut pas évoluer.
Donc, on peut entendre qu’il peut y avoir un « cercle psychopathogène » autour de la
personne. Chacun a une forme de rôle dans cette maladie : les parents, les frères et les sœurs,
l’entourage… tout ce qui entoure le schizophrène.
Il y a une forme de repli du patient et parfois des épisodes délirants.
La schizophrénie est un diagnostic qui nécessite une certaine évolution, un certain de recul :
on ne peut pas dire qu’il y a schizophrénie dès la première fois où il y a un épisode délirant ou
chaque fois qu’il y a un retrait…
Il existe deux pôles qui sont très importants :
15
-
le retrait : les premiers signes vont apparaître chez un jeune, à partir de la fin de
l’adolescence (entre 18 et 25 ans) : signes de retrait, de bizarrerie ou de difficultés
relationnelles et sociales importantes.
- le mode délirant, surtout aigu, est un mode plus explosif.
Mais ce n’est pas l’un ou l’autre qui fait le diagnostic.
LES TRAITEMENTS :
Jusqu’aux années 50, c’était l’enfermement.
Puis, en 1952, il y a eu l’apparition du « Largaltil », ce qui va changer le pronostic de la
maladie.
Avant la personne était « mise sur la touche », isolée de la société.
L’apparition des premiers neuroleptiques a permis l’ouverture des « asiles » et les nouveaux
neuroleptiques ou « antipsychotiques atypiques » ont continué à modifier le pronostic de la
maladie.
Les symptômes, les délires, toute la dimension productive de la maladie, toutes les
imaginations ou les éléments déficitaires sont relativement cadrés pour la plupart par ces
nouvelles molécules.
Cela a permis la dés-hospitalisation et la fermeture de ces lits… L’alliance thérapeutique et le
suivi médicamenteux est entièrement communautaire et social.
Cette nouvelle perspective ouvre même des portes sur l’insertion professionnelle.
La schizophrénie par rapport à l’entourage, c’est une question de malentendu… Quand
quelqu’un souffre de délire, pour la famille, pour l’entourage cela dégage une notion de
handicap. Ainsi, quand le schizophrène a passé un stage en hospitalisation, qu’il est stabilisé,
cette notion de handicap est transférée, lui se sent handicapé en sortant de l’hôpital.
Il est nécessaire de travailler cette notion avec lui… d’autant que les neuroleptiques donnent
des effets secondaires et que dans le cadre de la réinsertion professionnelle, ces traitements
renforçaient cette notion de handicap et d’impossibilité à suivre un travail…
Aujourd’hui, on essaie de traiter la notion de maladie psychique au niveau de la réinsertion en
tant que symptômes handicapants… Cette ouverture permet d’approcher le monde du travail,
de prouver que toute personne souffrant de maladie psychique, et qui a stabilisé ses troubles,
peut trouver un contexte de travail et s’intégrer dans une notion de production.
Il y a également eu un basculement de ces patients de l’hôpital vers la famille qui doit
alors les prendre en charge (Association UNAFAM).
La période la plus délicate pour la famille est le début de la maladie : « Comment amener vers
les soins mon fils, mon proche ?… » alors que justement dans ces pathologies le refus des
soins fait partie du problème… La plus grande question pour les familles est « Comment
amener vers les soins ?… ».
Il faut amener le malade à l’idée que le suivi du traitement est une priorité et qu’il doit être
particulièrement rigoureux…
Le problème numéro UN est l’alliance thérapeutique : le déni, la dénégation des
troubles fait partie de la maladie et cela peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années,
avant que la personne accepte l’idée de cette alliance thérapeutique. C’est le plus difficile et
le plus douloureux pour l’entourage et pour la famille.
Et puis, le diagnostic étant posé, il y a un grand travail sur l’évaluation de ce qu’il est
possible de faire à nouveau et sur ce que l’on est plus capable de faire… C’est dans cette
évaluation, qui est souvent très douloureuse, et dans l’alliance thérapeutique que l’on peut
avoir de très bons résultats.
16
Le chemin passe par un véritable « travail de deuil », pour la personne elle-même : ce
qu’on aurait aimé être, ce qu’on aurait aimé faire et ce qu’on n’est plus ou pas capable de
faire… et pour les proches : l’enfant qu’on aurait aimé avoir et l’adulte qu’il aurait du
devenir… C’est un travail à faire avec la personne concernée et sa famille…
La famille peut aider le malade à aller vers une reconnaissance de sa maladie… C’est
d’ailleurs essentiel que la famille puisse s’engager dans ce travail.
Ces malades ne demandent rien au niveau de leurs droits, de leur existence sociale ni de leurs
revenus… et là, une aide est nécessaire et essentielle.
Il est important de travailler avec eux dans un parcours tant pour le travail que pour
l’obtention d’allocations…
Pour ces patients, le travail participe particulièrement aux soins ; c’est un facteur qui peut
équilibrer, à condition que celui-ci ne soit pas « un enfer pavé de bons sentiments » mais un
travail avec des aménagements de rythmes adaptés… Il est souvent souhaitable et nécessaire
pour que le patient puisse retrouver l’habileté sociale qu’il a perdue.
Il n’y a pas de corrélation entre la gravité des troubles et la qualité de la réinsertion
sociale. Toutefois, il y a toujours beaucoup de fantasmes face à la maladie psychique…
Cependant, il est important de se rappeler que la maladie, certes, ce sont des symptômes mais
qu’il reste aussi des capacités à valoriser, des potentiels à aménager et parfois des talents à
observer… Oui, il y a des incapacités, c’est une pathologie… Avec cette la maladie et les
neuroleptiques, les personnes ont des troubles de l’idéation : capacité moindre, par exemple, à
conceptualiser un nombre de mots à la minute par rapport à la « normale »… il faut avec les
employeurs reformuler les consignes de travail et cela suppose aussi un réel travail
d’ergonomie à l’intérieur de l’entreprise…
Quand les familles découvrent cette maladie, le trouble psychotique happe le malade
et happe tout le monde… C’est toute la famille qui est prise dans une espèce d’étrangeté.
Il faut aider chacun à sortir de cette étrangeté et à retrouver sa place ; c’est un véritable travail
avec des professionnels… Il y a des choses très éprouvantes pour tout le monde : pour le
malade d’abord ; mais aussi, pour l’entourage qui assiste à un épisode délirant (c’est très
éprouvant)… qui vit avec une personne qui inverse le jour et la nuit… ou qui mange
différemment… car, il y a un tas de déclinaisons qui rentrent dans la vie quotidienne et qui
mettent chacun dans une espèce d’étrangeté qu’on finit en général par accepter… mais parfois
on finit par s’y perdre…
LES PERSPECTIVES DE RECHERCHE ET DE PRISE EN CHARGE :
De plus en plus, les recherches montrent que, dans cette maladie, les mécanismes
neurobiologiques sont en jeu. C’est un éclairage et un espoir pour de nouveaux traitements
peut-être…
Autre espoir : que la loi sur le handicap soit entièrement appliquée et, à ce niveau, pour ces
patients, il faut vraiment lutter.
L’idée de la citoyenneté qu’on soit schizophrène ou pas reste une idée importante…
17
2. HISTORIQUE ET DEFINITION
Selon Jean LAPLANCHE et PONTALIS, dans « le vocabulaire de la psychanalyse »,
le mot « schizophrénie », terme créé par BLEULER en 1911, désigne un groupe de psychoses
dont KRAEPELIN avait déjà montré l’unité en les classant sous le chef de « la démence
précoce » et en y distinguant les trois formes restées classiques :
- La forme hébéphrénique
- La forme catatonique
- La forme paranoïde.
En introduisant le terme « schizophrénie » (du grec « fendre », « cliver » et « esprit »),
BLEURLER entend mettre en évidence ce qui constitue pour lui le symptôme fondamental
de ces psychoses : « la paltung » ou dissociation.
Le terme s’est imposé en psychiatrie et en psychanalyse et au-delà des divergences des
différents auteurs un consensus existe sur ce qui assure à la schizophrénie sa spécificité.
Cliniquement, la schizophrénie se différencie en des formes apparemment très
dissemblables d’où l’on dégage actuellement les caractères suivants :
- l’incohérence de la pensée, de l’action et de l’affectivité désignée par les termes
classiques de « discordance » ou « dissociation » ou « désagrégation ».
- Le détachement à l’endroit de la réalité avec repli sur soi et prédominance d’une vie
intérieure livrée aux productions fantasmatiques.
- Activité délirante plus ou moins marquée toujours mal systématisée.
- Le caractère chronique de la maladie qui évolue selon les rythmes les plus divers dans
le sens d’une « détérioration » intellectuelle et affective aboutissant à des états
d’allures démentielles…
Dans l’ouvrage « la psychiatrie de l’étudiant », Michel HANUS indique que la
schizophrénie est un des diagnostics les plus difficiles à poser même pour un spécialiste.
Dans certains cas, surtout pour les adolescents et pour les jeunes, il faut suspendre son
jugement et attendre l’évolution en surveillant le malade.
Aucun des signes ou des syndromes d’entrée dans la schizophrénie : épisode aigu, bouffée
délirante, état dépressif, état d’excitation, état confusionnel, troubles du comportement avec
chez l’adolescent fugues et tentatives de suicide… au début incidieux , avec baisse de
l’activité, troubles de l’affectivité et du caractère, manifestations pseudo-névrotiques, idées
délirantes, conduites toxicomaniaques… ne sont spécifiques à la schizophrénie débutante.
Michel HANUS précise que le diagnostic ne peut se faire que sur des entretiens
psychiatriques répétés, des examens psychologiques et surtout sur l’évolution.
Par ailleurs à l’adolescence, période du passage de l’enfance à la vie adulte, on parle,
maintenant, de passage « schizoïde » de l’adolescent. En effet, l’adolescence représente la
seconde grande crise de personnalité après la première la « crise du non » à l’âge de trois ans.
Fanchette LEFEBRE dans son ouvrage « le dessin de l’enfant » indique à ce propos :
« pour être « lui », l’adolescent ne doit plus être « les autres »… Il lui faut donc se séparer des
autres »… Schizoà veut dire séparation, se couper d’eux… ceci doit se réaliser sans que cette
rupture totale d’avec ses éléments habituels de sécurité n’aboutissent à une exclusion du
monde réel.
18
Là, se situe le point crucial : car, en même temps que l’adolescent se détache, il lui faut « se
trouver », se reconstruire petit à petit une individualité qui l’aidera à résister aux pressions du
monde extérieur et à s’adapter à lui…
Mais schizophrénie signifie aussi : étrangeté, étrange et étranger.
En sociologie, nous considérons également la situation de l’étranger en période d’intégration
dans un pays, donc en situation de double culture, comme une phase d’adaptation semblable à
celle de l’adolescence.
Pour le schizophrène, il en est ainsi : il est en situation « d’étranger » par rapport à la réalité
extérieure, comme « d’un autre monde » car, pour lui, la réalité est « un autre monde »…
auquel il lui est difficile de s’adapter… c’est une culture à laquelle il a du mal à avoir accès…
3. LES MECANISMES DE DEFENSE
On distingue le clivage de l’Objet et le clivage du Moi.
Selon la définition de LAPLACHE et PONTALIS, le clivage de l’objet est le mécanisme décrit
par Mélanie KLEIN et est considéré par cette dernière comme la défense la plus primitive
contre l’angoisse. L’Objet visé par les pulsions érotiques et destructrices est scindé en « un
Bon Objet » et un « Mauvais Objet ». Ces derniers auront des destins relativement
indépendants dans le jeu des introjections et dans les projections.
Le clivage de l’Objet, particulièrement à l’œuvre dans la position schizo-paranoïde, porte sur
les objets partiels. Il se retrouve aussi dans la position dépressive où il porte alors sur l’objet
total.
Le clivage des Objets s’accompagne d’un clivage corrélatif du Moi en « Bon Moi » et
« Mauvais Moi ».
Le Moi étant, pour l’école kleinienne, essentiellement constitué par l’introjection des objets.
Le clivage du Moi, terme employé par FREUD qui voit à l’œuvre dans le fétichisme et la
psychose, la coexistence au sein du Moi de deux attitudes psychiques à l’endroit de la réalité
extérieure en tant que celle-ci vient contrarier l’exigence pulsionnelle :
- l’une tient compte de la réalité
- l’autre dénie la réalité en cause et met à sa place des productions du désir.
Deux attitudes persistent côte à côte sans s’influencer réciproquement.
FREUD précise : « le problème de la psychose serait simple et clair si le Moi pouvait se
détacher totalement de la réalité, mais c’est là une chose qui se produit rarement et peut-être
jamais ».
Dans toute psychose, fut-elle profonde, on peut trouver l’existence de deux attitudes
psychiques :
- l’une qui tient compte de la réalité l’attitude normale
- l’autre sous l’influence des pulsions qui détache le Moi de la réalité…
Toutefois, le clivage du Moi n’est pas précisément un mécanisme de défense mais plutôt une
façon de faire coexister deux processus de défense : l’un tourné vers la réalité : le déni et
l’autre tourné vers la pulsion ; ce dernier pouvant aboutir à la formation de symptômes
névrotiques phobiques, par exemple.
19
4. LES CAUSES DE LA SCHIZOPHRENIE
Jusqu’au siècle dernier (Cf. Travaux de BLEULER, 1911), on attribuait à a
schizophrénie des causes organiques.
Pour les théories organistes : le facteur génétique de certaines schizophrénies semblent
démontrer par les statistiques familiales.
Les recherches actuelles s’orientent plutôt vers une transmission portant sur plusieurs
gènes. Le facteur neurobiologique, biochimique, semble également concerné… notamment, le
système dopaminergique insuffisamment inhibé ainsi que d’autres médiateurs qui semblent
également être en cause comme : la noradrénaline, la sérotonine, les endorphines.
Les causes neurologiques se retrouvent fréquemment dans les études de tomodensitométrie :
une atrophie cortico-soucorticale, une réduction du flux sanguin cérébral frontal qui témoigne
d’une baisse de l’activité de cette région susceptible être responsable de négativisme et des
anomalies histologiques.
L’approche environnementale, culturelle ou psychosociale : Cela met l’accent sur
l’extrême diversité de la schizophrénie selon les cultures et sa sensibilité à la rupture des
relations sociales traditionnelles avec l’urbanisation et le développement des techniques…
Le rôle de la famille : Identifié par BLEULER, il sera systématisé grâce à la théorie de la
communication établie aux Etats-Unis dans les années 50 par l’école de PALO ALTO autour
de BATESON qui s’intéresse aux messages contradictoires transmis au schizophrène : la
« double contrainte » (Double Mind).
Ces contradictions apportées à des contradictions vitales peuvent former le noyau de
l’ambivalence…
L’approche psychanalytique : Non séparable des théories culturelles.
Si FREUD reste silencieux sur la schizophrénie, les travaux de Mélanie KLEIN,
psychanalyste hongroise installée en Angleterre ainsi que ceux de ces successeurs : BION,
BALINT et WINNICOTT s’y réfèrent.
Mélanie KLEIN s’intéresse aux deux positions précoces de l’enfant :
- la position schizo-paranoïde
- la position dépressive.
Dans la position schizo-paranoïde, le nourrisson en avalant le Bon Objet apprend
l’introjection et en recrachant le Mauvais Objet apprend la projection.
Dans la position dépressive, le nourrisson va tenter d’associer ces deux Objets dans un Objet
unique.
L’angoisse de la position schizo-paranoïde, avec crainte de l’envahissement ou
l’effondrement de l’Objet, devient alors l’angoisse de perte ou de destruction de l’Objet avec
comme défense : les tentatives de réparation.
Le facteur psychodynamique : Il peut y avoir un terrain, une fragilité congénitale ou
acquise joint à des manques affectifs pendant l’enfance entraînant une anxiété majeure
pouvant être réactivée ultérieurement lorsque les conditions environnementales deviennent
difficiles…
Le professeur de psychiatrie Henri BARUK dans son article « la bataille de la schizophrénie »
(paru dans le bulletin de l’académie nationale de médecine 1994 N° 174) indique : « Pendant
plus d’un demi siècle, nous avons étudié cette maladie notamment la catatonie et nous avons
vu que cette maladie n’est pas incurable ; elle est due à diverses intoxications. Au début, nous
avons pu, avec DE JONG d’Amsterdam, reproduire cette maladie chez les animaux par la
20
bulbocaptnine et ultérieurement par d’autres toxines notamment la toxine de colibacille et
guérir des malades par le traitement étiologique.
Nos recherches ont abouti à la mise en doute de la schizophrénie-maladie et à considérer le
syndrome dissociatif comme le résultat de nombreuses causes depuis les traumatismes
obstétricaux jusqu’aux intoxications et infections les plus diverses… Ces découvertes
reviennent en partie à la conception de MOREAU (Tours) qui considérait le délire comme un
rêve et souvent comme un rêve toxique, comme on les retrouve dans les délires provoqués
par les drogues dures ».
Le professeur BARUK pense que le vrai processus schizophrénique réside dans la baisse du
sentiment de juste et d’injuste, de charité et de justice qui représentent le caractère spécifique
de l’humanité, qui peut être menacé lors des périodes de crises morales.
Il pense aussi que le délire de persécution est du au refoulement de la conscience morale.
5. LES ASPECTS DE LA SCHIZOPHRENIE
A. La discordance
La schizophrénie se repère à la discordance qui s’exprime selon 4 caractéristiques :
- la bizarrerie
- l’ambivalence
- l’impénétrabilité
- le détachement
et se centre autour de deux syndromes, l’un systématique : la dissociation et l’autre fréquent
dans l’évolution : le délire paranoïde.
La bizarrerie. La discordance de cette maladie s’exprime par une bizarrerie qui peut
s’exprimer dans les propos, la conduite, l’expression des pensées, la relation, la
présentation…
« C’est l’inadéquation entre l’attitude et la situation, l’affect et son expression, le début de la
phrase et la fin… Tout cela témoigne de la discordance. » - Jean MENECHAL Cette discordance s’apprécie en fonction de la « normalité »…
L’ambivalence. Selon BLEULER, la tendance de l’esprit schizophrénique est de considérer
dans le même temps, sous leurs deux aspects, négatifs et positifs, les divers actes… Il peut y
avoir deux désirs contradictoires : par exemple, manger et ne pas manger…
L’impénétrabilité. Entre le schizophrène et autrui, il y a une épaisseur d’indéchiffrable, une
opacité de relation, une grande difficulté de compréhension.
Il ne peut pas se mettre à la place de l’autre. Il y a un véritable défaut d’intentionnalité.
Le détachement. Le schizophrène est dans son monde intérieur. Il est dans une incapacité
d’investir sa libido dans d’autres Objets d’amour que lui-même. Il est essentiellement dans le
narcissisme primaire : l’amour de soi d’où l’absence de Désir ; alors que le narcissisme
secondaire implique l’amour de l’autre.
21
B. Le syndrome dissociatif et le clivage
Les activités cognitives. Les
opérations intellectuelles sont mal utilisées ; il y a des troubles des
associations qui sont fortuites et conduisent à l’incohérence. Elles ne sont pas logiques, la
motivation n’est pas compréhensible.
Les troubles du cours de la pensée. La pensée apparaît désordonnée, tantôt ralentie tantôt
précipitée ; elle est chaotique avec des barrages, des arrêts sans que la personne s’en
aperçoive, elle repart sur un autre sujet. La pensée du schizophrène est généralement
incohérente.
Les altérations du système logique. La pensé du schizophrène est une pensée prélogique,
magique, marquée par la toute puissance du désir.
Les troubles de l’affectivité. L’affectivité est le plus souvent non pas affaiblie mais perturbée et
pervertie, détruisant tout lien stable avec l’entourage.
« Il y a souvent chez le schizophrène de la froideur et de la distance entrecoupées d’irruption
subite d’expressions de grande crudité de ton, notamment d’évocations sexuelles ». - Jean
MENECHAL Les troubles psychomoteurs. Il peut y avoir des impulsions brusques avec passage à l’acte :
crime ou négativisme.
Le délire paranoïde. Il y a des différences entre le délire paranoïde et le délire paranoïaque.:
Délire paranoïde
-
-
Délire paranoïaque
Clivage, autoérotisme
- Projection
Pas d’étayage sur le monde extérieur
- Narcissisme primaire
Monde extérieur flou sans thème précis
Cf. cours suivant
Dispersé
Sentiment d’étrangeté avec angoisse portant
sur le monde intérieur et extérieur
Il est induit par le monde intérieur et il peut
conduire à une expérience de dépersonnalisation
précédée de préoccupations hypochondriaques
Quand il est induit par le monde extérieur, il
peut y avoir aussi un sentiment d’influence par des
fluides ou des appareils électriques accompagnés
d’hallucinations.
La dépersonnalisation. Elle peut conduire au délire de métamorphose, de dénégation
d’organes, de possession diabolique, de zoopathie.
L’idée d’influence.
Elle peut déboucher sur des thèmes de suggestion ou des thèmes persécutifs
de complot.
22
C. L’organisation des symptômes
Sous la forme vue précédemment avec délire paranoïde, nous parlerons de schizophrénie
paranoïde.
Les formes mineures sont le fait de personnalité dite « schizoïde » : ce sont des personnes qui
ont de fortes tendances à l’isolement et au repli sur elles…
Dans les schizophréniques hébéphréniques, il y a absence du désir et prédominance du
syndrome dissociatif…
L’hébéphrénie se rattache à la forme catatonique qui, elle, est associée à des troubles moteurs
graves.
Dans les schizophrénie dysthimiques, il y a discordance des troubles de l’humeur qui peuvent
rappeler au minimum les troubles maniaco-dépressifs.
6. LE TRAITEMENT
D’après Michel HANUS, l’indication d’une psychothérapie chez un schizophrène ne peut
être portée que par un spécialiste entraîné à ce genre de travail et elle ne peut être entreprise
qu’à la demande du médecin traitant.
Elle est effectuée par un psychothérapeute spécialisé, différent du psychiatre traitant.
Il peut y avoir selon les cas, la nécessité d’une psychothérapie de soutien d’inspiration
psychanalytique…
Une expérience particulière envers les psychotiques semble indispensable pour prendre en
charge ces patients en toute compétence et sécurité.
En ce qui concerne la psychothérapie, il faut reste TRES PRUDENT dans la prise en
charge éventuelle de ces patients :
- La réceptivité, donc ouverture sur le monde extérieur, peut apporter beaucoup
d’angoisse si elle est mal gérée
- La concentration et toutes les opérations mentales peuvent renforcer le repli sur
soi et la dépersonnalisation.
Dans mon expérience, juste le travail sur le corps et l’écoute du patient m’ont semblé
de bonnes indications.
Par contre, la thérapie VITTOZ comme AIDE et SOUTIEN pour l’entourage est une
excellente indication.
23
CHAPITRE IV
LA PARANOÏA
C’est le dernier cours sur la psychose…
1. QUELQUES RAPPELS SUR LES PSYCHOSES
La personnalité psychotique est à la fois fragile car elle supporte mal les frustrations,
a des difficultés à obtenir des satisfactions gratifiantes et a aussi de la difficulté à diversifier
ses investissements et à la fois rigide car elle a, entre autre, peur de la nouveauté en raison de
son ambivalence.
Les fixations primordiales du psychotique sont massivement prégénitales, elles se
situent dans la période orale, au temps de l’auto-érotisme primitif et du narcissisme.
Ces fixations, très précoces, sont bien antérieures à celles des névroses.
En présence d’un conflit, le psychotique régresse plus qu’un autre jusqu’à ses points de
fixations précoces… Les mécanismes de défense sont corrélatifs à l’évolution et donc aux
fixations…
Le trouble du psychotique est d’utiliser de manière excessive, sous la pression du
conflit anxiogène, des mécanismes de défense comme : la projection, l’identification
projective, le clivage, la dénégation… et des défenses de type névrotique.
Ces mécanismes deviennent pathologiques lorsqu’ils sont utilisés en excès et de façon
abusive. Tous ces moyens de défense ont pour but de tenir à distance les idées pénibles,
sources d’émotions insupportables soit en les refoulant soit en les projetant sur l’extérieur.
« Les psychoses se caractérisent par une transformation radicale du rapport du sujet à la
réalité » - Jean MENECHAL Au sujet des mécanismes de défense, il faut préciser que nous avons tous, à certains
moments, ces mécanismes de défense tant d’ordre psychotique que d’ordre névrotique… Ils
sont nécessaires au psychisme dans certaines situations, notamment les situations de stress.
Ces défenses sont normales et elles ont une fonction de protection de l’appareil psychique.
2. LES DIFFERENTS ASPECTS DE LA PARANOÏA
A. Du point de vue psychanalitique
P. DUBOR, dans « l’abrégé de psychologie pathologique » de J. BERGERET, l’a décrite
ainsi : « L’organisation dite paranoïaque de la personnalité se caractérise par une
surestimation de soi-même et le mépris des autres. Le Moi est apparemment constitué comme
existant et ne peut admettre l’existence Objectale (lui séparé de sa mère) que dans la mesure
24
où l’Objet (l’autre) lui permet d’assumer la toute puissance de son contrôle sur lui. S’il ne
peut être partout, au moins faut-il qu’il soit le centre, l’agent déterminant et créateur.
L’Objet (l’autre) n’est pas considéré pour lui-même, il n’est qu’un instrument ».
Le paranoïaque ne peut s’ériger en entité séparée qu’à la condition d’être, la meilleure partie
du système. Il est le sujet parfait (le Bon Objet alors que l’autre est l’Objet Poubelle).
Jacques LACAN dit du paranoïaque qu’il a quasiment pour devise : « Tous castrés sauf
Moi ».
Le paranoïaque qui apparaît comme tout récemment séparé de son Objet primaire (la mère)
doit éviter à tout prix la rencontre affective et engloutissante avec cette dernière qu’il juge
trop dangereuse parce que trop importante.
Il maintient donc son statut de Beau Sujet protégé des attaques de la mauvaise mère Objet.
Il ne peut fonctionner qu’à la condition de se sentir possesseur de tout ce qui est Bon.
B. Du point de vue psychopathologique
Michel HANUS retient la définition suivante : « La paranoïa appartient à la fois à la
psychologie et à la psychopathologie. Elle appartient à la psychologie en ce sens q’elle est
d’abord et fondamentalement un caractère (le caractère paranoïaque est très répandu dans le
sexe masculin) et qu’elle peut rester dans les limites de la tolérance sociale. Et le caractère
paranoïaque rentre dans la pathologie soit par le comportement qu’il détermine, soit par un
type spécial de délire chronique ».
Le délire paranoïaque est le plus logique, le plus construit, le plus solide et le plus riche.
La paranoïa est la pathologie de l’affectivité qui entraîne peu à peu dans l’erreur une
intelligence assez riche…
C. Le caractère paranoïaque
Il se reconnaît à plusieurs traits de caractère :
- La méfiance, avec une attitude permanente de suspicion
- La crainte exagérée de l’agressivité d’autrui
- La mise à distance de l’interlocuteur par une politesse excessive voire réticente ou une
agressivité ouverte ou déguisée
- La rigidité, avec de l’autoritarisme et une incapacité à remettre en cause son système
de valeurs
- L’hypertrophie du Moi avec un égocentrisme et un amour de soi exagérés…un orgueil
pouvant atteindre la mégalomanie, l’intolérance et le mépris d’autrui voire pouvant
conduire au fanatisme et au despotisme
- La fausseté du jugement : la logique du paranoïaque est faussée par la passion qui lui
interdit une conception exacte du monde et de lui-même. Il ne connaît ni le doute ni
l’autocritique : il a toujours raison.
En fait il est si fragile que la moindre critique risquerait de le ruiner.
Ses idées sont orientées par une croyance à priori dictée par une nature hyperaffective. Il raisonne juste sur des idées fausses.
Il est toujours à côté des vrais problèmes, à côté des réalités et il est étanche à
l’opinion d’autrui.
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Lorsque ces différents traits de caractère sont suffisamment marqués jusqu’aux troubles de
comportement, le sujet arrive à l’inadaptation sociale, aux échecs répétés, à l’isolement et à la
solitude…
D. Les mécanismes de défenses
Michel HANUS cite les deux mécanismes de défenses de la paranoïa :
- le déni : le paranoïaque est aveuglé par son affectivité ; il ne voit pas tout un plan de la
réalité ; il la nie ; il se trompe ainsi sur lui-même et sur le monde.
- la projection : toutes les difficultés, tous les échecs du paranoïaque sont portés au
crédit d’autrui ; il ne se met pas en cause. S’il échoue, c’est que le monde est mal fait
ou qu’on lui veut du mal.
E. Le délire paranoïaque
Selon Jean MENECHAL, le délire paranoïaque est marqué par le mécanisme de la projection,
par la force de la relation à une homosexualité réprimée et par la fixation narcissique : il est
ordonné, cohérent et clair.
Il débute progressivement sur un terrain caractériel à l’occasion d’un conflit.
Tout est interprété, le délire est logique car il part du réel. Les interprétations ont un caractère
vraisemblables et le délire peut être parfois partagé par l’entourage.
Il est systématisé, stable, ne varie pas et il est habituellement concentré sur un groupe social,
une personne. Il n’y a pas de troubles cognitifs dans les domaines non touchés par le désir.
Le paranoïaque reste critique sauf sur lui-même.
F. Les différents délires paranoïques
On observe :
- Les délires passionnels : Ils reposent sur une passion pathologique caractérisée par
l’exaltation
- Les délires de revendication : Ils peuvent se situer au niveau de la loi (Par exemple, une
personne qui se ruine en procès)
- Les délires métaphysiques : Les fanatismes religieux ou politiques ou du savoir
(inventeurs délirants)
- Les délires éréto-maniaques : Exceptionnels… Délires par lesquels le patient a le
sentiment d’être aimé par une personne de rang plus élevé que le sien : il passe de
l’espoir au dépit, à la haine et peut devenir dangereux
- Les délires de jalousie : Dans le couple, le tiers est un rival… tout tiers d’ailleurs (ami,
enfants…)
- Les délires de relation des sensitifs : Ils sont sujets au doute et à l’aboulie et se croient
l’objet d’une attention malveillante des autres. Il y a une évolution rapide vers la
dépression voire les conduites suicidaires.
- Les délires d’interprétation : Ils reposent sur les besoins de tout expliquer, de tout
interpréter et, en raison d’un état sous-jacent de persécution, les thèmes sont
essentiellement persécutifs.
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G. Le diagnostic différentiel
Il faut éliminer :
- Les réactions transitoires, c’est-à-dire les bouffées délirantes sans lendemain… On les
rencontre surtout chez les alcooliques chroniques, les névroses en décompensation et
dans certains cas de traumatismes crâniens, dans les toxicomanies aux amphétamines
- Les autres délires tels que les hallucinations auditives et l’automatisme mental
- Les délires imaginatifs et fantastiques
- Les délires paranoïdes qui sont flous, mal construits, mal systématisés, illogiques et
pauvres.
3. CONCLUSION
En principe, les personnalités paranoïaques ne demandent pas d’aides ni de thérapies
car elles se veulent parfaites. Elles peuvent être amenées à consulter sous la pression de
l’entourage : par exemple, lorsque le conjoint le menace de le quitter ou sur le plan
professionnel s’il y a risque de licenciement…
On peut voir par ailleurs des personnalités qui présentent quelques aspects du
paranoïaque avec plus ou moins de rigidité plus ou moins d’agressivité.
Le plus souvent nous rencontrons les victimes : conjoint, enfants, employés.
Celles-ci se sentent plus ou moins dépressives et fragilisées par la relation.
Pour ces dernières, la thérapie VITTOZ est un outil qui peut leur permettre de
retrouver l’estime d’elle-même, la confiance dans une relation humaine et d’apprécier à
nouveau la réalité sans peur ni angoisse.
Ce sont souvent des personnes très « déconstruites » et tous les exercices autour de
l’unité de la personne tant dans sa relation à elle-même que dans sa relation à l’autre,
aux autres, sont essentiels…
Il est également primordial pour ces personnes de trouver un thérapeute bienveillant qui
les accompagne sur un chemin de reconstruction souvent lent afin de retrouver la joie de
vivre…
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BIBLIOGRAPHIE
-
BERGERET Jean, Abrégé de psychopathologie
-
BERGERET Jean, Psychologie pathologie, théorie et clinique, Editions Masson,
Paris, 1998
-
FREUD Sigmund, Psychopathologie de la vie quotidienne, 1ère édition 1923,
Petite Bibliothèque Payot, 1995
-
HANUS Michel, Psychiatrie de l’étudiant
-
MENECHAL Jean, Introduction à la psychopathologie
-
MENECHAL Jean, Qu’est-ce que la psychose?, Editions Dunod
-
MENECHAL Jean, Qu’est-ce que la névrose?, Editions Dunod
-
J. LAPLANCHE – J.B. PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse
- Collectif sous la direction de René ROUSSILLON, Psychopathologie et psychologie
clinique.
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