La connaissance des maladies et leur mise en relation avec les syndromes peut être un apport précieux,
mais cet apport, dans le meilleur des cas, ne peut être que la cerise sur le gâteau et non le gâteau lui-
même: le seul gâteau possible en Médecine Traditionnelle Chinoise, c'est le syndrome! Perdre cette
approche par syndrome, c'est tout simplement perdre l'essence même de la Médecine Traditionnelle
Chinoise. Et ce n'est parce que beaucoup de Chinois eux-mêmes font aussi cette erreur qu'il faut leur
emboiter le pas sous prétexte qu'ils sont chinois. Comme je l'ai déjà écrit dans mon précédent article, tout
ce qui vient de Chine n'est pas d'or!
Il existe un deuxième gros problème concernant cette approche qui consiste à donner une liste de
syndromes par maladie; c'est que d'un ouvrage à l'autre, la liste des syndromes possibles pour une maladie
n'est pas la même! Il n'y a aucune normalisation dans ce domaine ! Remarquez, il n'y a guère plus de
normalisation dans le domaine du diagnostic en général; différents ouvrages de diagnostic vont donner
des listes de syndromes différentes, même s'ils se recoupent sur l'essentiel.
De plus, lorsque les Occidentaux lisent ces listes de syndromes par maladie, ils ont tendance à prendre
les choses au pied de la lettre et à penser que ces syndromes surviennent ainsi dans la réalité, de manière
isolée et indépendante des autres; or, ce ne pas du tout le cas! Bien au contraire, ces syndromes coexistent
souvent et se "mélangent" pour former justement ce qu'on appelle des syndromes complexes; du coup,
les prescriptions associées doivent elles aussi être mélangées. En fait, lorsqu'un chinois lit une telle liste
de syndromes, il est évident pour lui que ces syndromes ne sont pas indépendants; la compartimention
n'est qu'une apparence et correspond seulement à une manière de présenter les choses, pas à une réalité
clinique. Mais un chinois, de par son mode de pensée, a l'habitude de voir les relations de complémentarité
et d'engendrement qui existent entre des choses différentes; il ne lui viendrait jamais à l'idée
d'appréhender tous ces syndromes de manière séparée, dans des petites cases. Seul l'occidental sépare,
isole et pense que le ssyndromrs de la liste se présentent de manière exclusive dans la réalité clinique. En
fait, ces ouvrages ont à l'origine été écrit par des chinois pour des chinois, et les chinois ne se sont pas
doutés une seconde que les Occidentaux allaient prendre ainsi les choses au pied de la lettre, et
compartimenter au lieu de réunir.
A l'époque où j'étais jeune et fou (maintenant, je suis seulement moins jeune!), je croyais naïvement que
plus on connaissait de syndromes, mieux c'était...jusqu'à ce que je trouve un livre chinois avec plus de
700 syndromes ! Ca, ça calme, non ? D'autres disent qu'il y a 108 syndromes qui englobent la totalité des
possibles. Ce que j'en pense? Je ne sais pas, car je ne les ai jamais comptés, mais cela me semble à priori
un peu figé. Comment alors aborder les choses, me direz-vous ?
Des syndromes élémentaires aux syndromes complexes
En fait, tout syndrome, si complexe soit-il, est forcément composé de syndromes élémentaires qui
s'emboitent les uns les autres. Or, il existe un nombre fini de syndromes élémentaires; il suffit donc de
savoir identifier chacun de ces syndromes élémentaires et de comprendre comment ces syndromes
élémentaires peuvent se combiner et s'engendrer les uns les autres, ce qui est le sujet de l'étiopathologie.
A partir de là, on peut diagnostiquer n'importe quel syndrome complexe, sans avoir à se soucier à priori
de combien on peut en avoir. Si on voulait vraiment les chiffrer, il faudrait faire un savant calcul de
mathématique combinatoire à partir du nombre de syndromes élémentaires et de leurs règles de
combinaison. Mais quel est l'intérêt de connaître un tel nombre? Faire impression dans des discussions
de salon? Le problème, si on part d'une liste prédéfinie de syndromes, c'est que cela conduit à prédéfinir
les patients! On essaie toujours de caser les patients dans des boîtes pour pouvoir déterminer un traitement
approprié, au lieu de partir du patient, de diagnostiquer son syndrome spécifique et de construire un
traitement sur mesure.