COLLOQUE RINOS (Réseau Intégration Nord Sud)
Montréal , 2-3 Juin 2005
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La compétitivité des secteurs des fruits et légumes et de la pêche
des pays du Maghreb à la lumière du Diamont de Porter
Dr Ali ABIDAR
Ecole Nationale d’Agriculture, BP S/40 Meknès – Maroc-
e-mail : aabidar@enameknes.ac.ma
1. Présentation du travail
Au cours des vingt dernières années, la notion de compétitivité a envahi
progressivement la scène scientifique ainsi que l’analyse des relations commerciales
internationales. Ce souci grandissant de la compétitivité peut être expliquée selon Jacquemin
et al (1997) par deux tendances manifestes dans l’économie mondiale depuis les années
1970 : - un ralentissement des performances de la croissance de la productivité des pays
industrialisés par rapport à «l’âge d’or» qui a suivi la deuxième guerre mondiale (1950-1973),
- la présence de plus en plus forte des pays en développement sur le marché des
exportations de produits manufacturés. Cette croissance a été accompagnée par un
redéploiement des capacités de production à l’extérieur des pays industrialisés.
A ces deux tendances, Petit et Gnaegy (1995) ajoutent la croissance des groupements
régionaux dans le monde. Ces groupements facilitent de plus en plus le commerce mondial.
Dans les pays développés, l’étude de la compétitivité moyennant le module de Porter a fait
l’objet d’une multitude de travaux de recherche. Ces travaux ont touché tous les secteurs et
des études comparatives très élargies ont été réalisés.
Au niveau des pays en voie de développement très peu de travaux existent (Neven, D et al,
2001)
1
.
Ce travail est une contribution pour combler ce déficit, il constitue une continuité de notre
travail empirique sur la compétitivité au Maghreb ( Abidar 2003)
2
. Ce dernier travail a révélé
que les secteurs les plus compétitifs pour les pays du Maghreb sont : le secteur des fruits et
légumes et celui de la pêche.
Le présent travail tente d’appliquer l’approche du ‘Diamant de Porter’ pour expliquer
pourquoi ces pays sont compétitifs dans ces deux secteurs.
Une synthèse quantitative de l’impact des éléments de Porter sur les deux secteurs est
présentée sous forme d’un tableau. Dans ce tableau, la position compétitive du Maroc
(principal producteur et exportateur au Maghreb) est comparée à celle de l’Espagne,
considérée comme son principal rival dans le marché de l’UE.
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Selon cet auteur, l’application du Model de Porter dans l’étude de la compétitivité a été oubliée.
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Ce travail original a mis au point une nouvelle méthode empirique de l’analyse de la compétitivité.
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2. Méthodologie
D’après Pitts et al (1998), il existe plusieurs approches dans lesquelles le processus du
développement industriel et le potentiel de la compétitivité sont étudiés. Ils citent l’approche
du réseau industriel (Hakansson, 1992), le complexe agribusness développé par Viaene
(1994), l’approche filière (Soufflet, 1990, 1994), l’approche de district industriel (Becattini,
1987).Toutefois, l’approche qui a été largement utilisée ces dernières années et qui a connu un
grand succès est le ‘Diamant de Porter’. On cite entre autres, les applications suivantes : les
produits laitiers en Irlande (O’Cornneli et al, 1998) ; l’horticulture au Royaume Unis (Traill,
1998) ; l’industrie de pâtes en Italie (Venturini et al, 1998) ; le secteur laitier au Pays-Bas
(Kamann et al, 1995); l’agriculture écologique en Suède (Lagnevik et al, 1998).
Le Diamant de Porter (1990) est dérivé des gains de la théorie existante, spécialement
la nouvelle théorie du commerce. Il tire aussi ses origines des études menées par Porter, à
travers une approche pragmatique pour l’étude de la compétitivité d’un grand nombre
d’industries dans dix pays : Danemark, Italie, Japon, Corée, Singapour, Suède, Suisse, Grande
Bretagne et les USA.
Selon Porter, l’environnement de l’entreprise se révèle plus ou moins favorable à l’éclosion
d’avantages concurrentiels selon six facteurs (figure 1). Ces facteurs inter-réagissent pour
déterminer la force de la compétitivité. Les pays pourront réussir dans l’industrie quand ce
diamant est le plus favorable. Ce Diamant est devenu la clé de l’analyse de la compétitivité
malgré plusieurs critiques. Ce Diamant est appliqué pour la 1ère fois aux secteurs des fruits et
légumes et la pêche des pays du Maghreb.
Figure 1. Le Diamant de Porter.
Stratégie de la
firme, structure et
rivalité :
Le contexte formant
l’investissement, les types
de stratégies utilisées et
l’intensité locale de la
rivalité
Etat de la demande :
La sophistication de la
demande locale et la pression
des acheteurs locaux pour
l’amélioration
Etats des facteurs :
- Ressources naturelles
- Ressources humaines
- Le capital
- Infrastructure physique
- infrastructure administrative
- infrastructure d’information
- infrastructure technologique
et scientifique
Industrie apparentée et
de soutien :
La disponibilité et la qualité de
l’industrie apparentée
Chance
Gouvernement
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3. Résultats
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L’application du ‘Diamant de Porter’ aux secteurs des fruits et gumes et à celui de la pêche
a permis de mettre en évidence les points faibles et les points forts des deux secteurs. Les
points forts du secteur des fruits et gumes maghrébins sont, d’une part, une main d’œuvre
‘bon marché’ et d’autre part un climat méditerranéen idéal pour de telles cultures. Les autres
éléments du ‘Diamant de Porter’ ne sont pas en faveur des pays de l’UMA pour rendre les
deux secteurs compétitifs.
Dans le secteur de la pêche, on signale surtout comme point fort, l’abondance des
ressources halieutiques dans les côtes maghrébines. Les autres éléments du Diamant de Porter
ne sont pas en faveur de la croissance de la compétitivité de ce secteur.
La compétitivité des deux secteurs a eu les mêmes origines : alimenter le marché
européen en produits frais (fruits et légumes) et faire exploiter le secteur de la pêche par les
opérateurs étrangers. Ce qui revient à dire que la compétitivité des deux secteurs,
contrairement à l’approche de Porter, ne revient pas à la demande nationale, qui, selon Porter
conditionne la compétitivité d’un secteur. Les industries de transformation des deux secteurs
sont minimes et elles sont concentrées sur quelques produits dont l’écoulement est facilité par
le marché de l’UE. A part les industries des olives, des tomates, des jus, des sardines et
quelques autres espèces de poisson, l’exportation des produits frais représente la majorité des
exportations.
Au Maghreb, on ne peut proprement évoquer une rivalité intérieure, car d’une part, les
exportateurs des fruits et légumes, surtout marocains, partagent un quota ‘rente’ vers l’UE.
L’essentiel de leur travail est de défendre ce quota ainsi que le partage des parts des
exportations. Cette pratique n’a pas favorisé la naissance d’une rivalité dans le secteur.
Le secteur de la che connaît à son tour une grande pression; des joint-ventures, des
sociétés mixtes (entre société maghrébine et européenne) pour que les sociétés maghrébines
capitalisent l’effet des expériences. Mais le poids des sociétés nationales est faible. Comme
dans le secteur des fruits et légumes, la plupart des exportations se font à l’état frais.
Le dernier constat qui va dans le sens de Porter est que la coopération dans le secteur
des pêches a déréglementé la compétitivité locale. Les sociétés mixtes et les joints-ventures,
avec un pouvoir minime des opérateurs locaux ont joué en défaveur de ces derniers.
Probablement que c’est la raison principale de la faiblesse de l’industrie locale dans le secteur
des pêches.
En effet, La comparaison de la position compétitive du Maroc (principal producteur et
exportateur au Maghreb) et celle de l’Espagne, considérée comme son principal rival a révélé
les tendances lourdes du risque d’un désaccord politique entre ces deux pays si un accord
portant sur l’ouverture du marché de l’UE pour les fruits et légumes du Maroc d’une part et
l’ouverture de l’espace maritime du Maroc pour la flotte espagnol d’autre part n‘est pas
trouvé (Abidar, 2000). N’ayant pas trouvé cet accord, ces deux pays sont rentrés dans une
crise politique jusqu’au nouveau changement du gouvernement en Espagne.
4. Conclusions
Comme les intérêts à la fois économiques et sociales de l’Europe (surtout l’Espagne)
dans les eaux territoriales du Maroc sont gigantesques, et d’autre part l’importance du marché
de l’UE pour le Maroc ; le troc politique ‘Fruits et légumes contre poisson’ ne peut continuer
que sous d’autres formes. Les prochaines négociations entre les deux parties doivent
déboucher sur un compromis. Ce compromis doit tenir en compte deux éléments principaux :
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On précise que les résultats de ce travail datent de 2000, avant la crise politique vécu entre le Maroc et
l’Espagne. Le scénario de la crise a été prévu par cette étude.
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le maintien des intérêts du Maroc en fruits et légumes sur le marché de l’UE (part raisonnable
du marché de l’UE) et la préservation des intérêts de l’Espagne et du Portugal dans les eaux
territoriales du Maroc (exploitation rationnelle d’une partie des ressources halieutiques
marocaines).
Bibliography
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Application d’une nouvelle approche empirique pour les pays de l’Union Européenne
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Abidar, A (2000). 'Compétitivité et intégration de marchés agricoles entre les pays de l'union
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