MINISTERE DE L’AGRICULTURE -=-=-=-=INSTITUT D’ECONOMIE RURALE -=-=-=-=DIRECTION SCIENTIFIQUE -=-=-=-=- REPUBLIQUE DU MALI Un Peuple-Un But-Une Foi _________ Etude des pratiques de gestion de Echinochloa stagnina (burgu) dans le nord du Mali : Une ressource pastorale vitale du delta intérieur du Niger au Mali Amadou KODIO, Lassine DIARRA Aly KOURIBA 2008 1 Sigles et abréviations DIN : Delta intérieur du Niger au Mali UNSO: United Nations Sudano-Sahelian Office MS : Matière sèche CIPEA : Centre International Pour l’Elevage en Afrique ODEM : Opération pour le Développement de l’Elevage dans la région de Mopti HUICOMA : Huilerie Cotonnière du Mali IER : Institut d’Economie Rurale DNE : Direction Nationale de l’Elevage 1 2 INTRODUCTION Comprise entre 13°30 et 16°30 de latitude nord, le delta intérieur du Niger au Mali (DIN) est un écosystème original situé au cœur du Sahel malien. Il forme une vaste pénéplaine alluviale de près de 30.000 km2 inondable par les eaux de crue du fleuve Niger et de son principal affluent le Bani, ainsi que leurs nombreuses ramifications de chenaux qui alimentent par ailleurs de multiples mares et lacs. Dans les zones d’inondations s’étendent de vastes savanes ou prairies aquatiques constituées de graminées à tiges flottantes souvent dénommées bourgou ou bourgoutières, du nom peul pour désigner des pâturages inondés. Elles se rencontrent ailleurs au Zaïre, au Sénégal, au Niger, en Asie tropicale, à Madagascar, au Soudan, dans la cuvette du lac Tchad et dans celle de l’Okavango au Botwana, L’essentiel de cette zone se situe dans la 5e région administrative du Mali, la région de Mopti. Grâce à ses vastes prairies naturelles ou « bourgoutières » elle renferme à elle seule plus de 70 % du potentiel des terres irrigables du Mali (Sada Sy, 1995 cité par Michèle Adesir, 1999), et abrite environ 50 % du cheptel malien surtout pendant la longue période sèche qui s’étale sur plus de 8 mois au Sahel, et fait vivre plus de 300.000 personnes du secteur de la pêche. La diversité de ses ressources explique la diversité des populations, chacune avec sa spécialisation pour un mode d’exploitation ou l’un des trois systèmes de production (la pêche, l’agriculture et l’élevage). Traditionnellement chacun de ces systèmes est pris en charge par un groupe ethnique dominant (la pêche par le bozo, l’élevage par le peul et l’agriculture par le groupe rimaïbé-marka). Avant les sécheresses des dernières décennies, l’abondance des ressources avait favorisé la cohabitation harmonieuse de toutes les communautés socioprofessionnelles en présence. Depuis les épisodes de sécheresses persistantes, devant ressources de plus en plus limitées sous la péjoration climatique, chaque ethnie cherche à diversifier sa production au risque d’empiéter sur le voisin contrairement l’ordre ancien. Les règles de partage et d’exploitation des ressources clairement établies, suivant la trilogie hiérarchique élevage, pêche, agriculture, pendant la période de la Dina (1818-1842) ne sont plus respectées. Aujourd’hui, on assiste plutôt à la prédominance de l’agriculture. Les conflits fonciers entre les différents utilisateurs sont ainsi devenus fréquents, surtout entre les éleveurs transhumants à la recherche des fourrages et de l’eau et les agriculteurs occupant pâturages et quelque fois les pistes d’accès à ces ressources. 1. Potentialités fourragères des bourgoutières En considérant l’ensemble des associations végétales dans lesquelles le bourgou a le statut d’herbacée dominante ou codominante, il apparaît que les bourgoutières couvrent 240 000 hectares, soit 8,9 % de la superficie des communes qui les englobent (Jérôme. M, 2000).Ce sont les parcours les plus productifs du delta intérieur du Niger. Ils peuvent fournir une biomasse de 35 000 kg de matière sèche à l’hectare. La production médiane se situe autour de 20 000 kg, ce qui fait d’elles les pâturages les plus recherchés de l’Afrique de l’Ouest. Une bourgoutière totalise environ 6000 kg de repousses à l’hectare entre la fin de la pâture d’entrée (que l’on compte sur un mois) et le mois de juin, avec un taux de consommation de 70 %.(Hiernaux et al 1983) Si 40 communes sur 51 possèdent une bourgoutière, la superficie occupée par les bourgoutières varie fortement d’une commune à l’autre. Quatre communes, à savoir 2 3 Deboye, Toguére Coumbe, Kewa et Youwarou cumulent 100 000 hectares. Par contre, les communes les moins pourvues, au nombre de quatorze, ne disposent que de 8 000 hectares. Les bourgoutières sont abondantes dans le nord, au niveau du lac Débo, mais aussi autour de Toguére Coumbe, Tenenkou, Mopti et dans la cuvette du Yongari. Elles dessinent une forme de fer à cheval autour du lac Débo (Jerome . M, 2000). Les données du projet UNSO à Tonka en 1989 indiquent des productions de l’ordre de 15 à 32 tonnes de MS à l’hectare obtenues dans des bourgoutières régénérées de 4 à 5 ans d’âge. Les relevés effectués en 1990 par Kodio et al ont indiqué des productivités primaires de l’ordre de 3 à 8 tonnes et ceux les plus récents effectués en 2005 (tableau 1) donnent des biomasses très variables selon les sites de 0.2 tonne à 20 tonnes de MS/hectare . Tableau I : Biomasse fourragère de 4 bourgoutières dans le DIN (2005) Nom site cercle Biomasse moyenne t.m.s. /ha Mopti 5.88 Tenenkou 4.86 Youwarou 15.03 Djenné 5.01 Koubaye Sévéri Walado Yongari Variabilité biomasse t.m.s. /ha mini médian maxi. 02 06 17 0.2 05 07 13 15 20 02 05 07 Les coordonnées géographiques de ces sites sont connues Cet inventaire mené à l‘échelle du DIN en 5e région montre une très grande variabilité quantitative du bourgou suivant les années et les sites. 2. Modélisation de la production du bourgou Sur la base d’une étude effectuée entre 1980 et 1983 par les chercheurs du CIPEA et de l’ODEM, intitulé « Recherche d’une solution aux problèmes de l'élevage dans le Delta intérieur du Niger au Mali (5 volumes, 54 cartes au 1/50 000) » et des simulations réalisées dans un système d’information géographique intitulé « DELMASIG : Homme, milieux, enjeux spatiaux et fonciers dans le delta intérieur du Niger (Mali) publié en 2000 par J. MARIE, les formations végétales du delta et leurs relations avec la crue ont pu être modélisées.. Pour la composition floristique, chaque formation valeurs de référence : - végétale est caractérisée par deux la valeur indicatrice des espèces, codée de 0 à +++, qui définit l’intensité de liaison entre l’espèce et la formation végétale ; l’abondance dominance des espèces. La première est indiquée par des seuils de probabilité de présence ou d’absence de l’espèce dans la formation végétale. La seconde est indiquée par la distinction de trois catégories d’espèces : les dominantes, les accompagnatrices et les occasionnelles, chacune représentant respectivement, 80, 15 et 5 % de la biomasse végétale. (Tableaux II, III et IV.). Le suivi de l’évolution de ces valeurs de référence peut servir d’indicateur de la dynamique de la flore de la formation végétale considérée. 3 4 Tableau II : Code représentant l’intensité des liaisons espèces/profil floristique ou profil/état des variables. Code Signification statistique +++ L’espèce est significativement sensible à l’état de la variable au seuil de 1 0/00 ++ L’espèce est significativement sensible à l’état de la variable au seuil de 1% + L’espèce est significativement sensible à l’état de la variable au seuil de 5 % . L’espèce n’est pas significativement sensible à l’état de la variable au seuil de 5% 0 Echantillon trop faible pour conclure ou absence de données Source : Jerome Marie. (2000) Tableau III : Le statut des espèces végétales en termes d’abondance – dominance dans les formations végétales. Code Statut en terme d’abondance – dominance HD Herbacées dominantes HO Herbacées occasionnelles HA Herbacées accompagnatrices LD Ligneux dominants LO Ligneux occasionnels LA Ligneux accompagnateurs Source : Jérôme Marie (2000) Tableau IV: Exemple d’une bourgoutière à Echinochloa stagnina Espèces dominantes ou codominantes Echinochloa stagnina +++ ++ Voscia cuspidate Espèces accompagnatrices Ipomea aquatica Nymphea lotus Espèces occasionnelles + ++ Melochia corchorifolia + Utricularia inflexa + Nymphea maculata Polygonum spp + + Vetiveria nigritiana + La production fourragère herbacée est modélisée en formulant des hypothèses tenant compte de la hauteur de crue. Elle est représentée par trois valeurs : le maximum qui correspond à des valeurs de pointe mesurées sur le terrain. la valeur médiane qui correspond en moyenne à la production escomptée lors d’une bonne crue ; la valeur minima qui est celle obtenue lors d’une mauvaise année. La production de repousse de saison sèche est décrite aussi par trois valeurs standard : minima, médiane et maximale. La connaissance des caractères de l’inondation permet donc à partir du modèle DelmaSIG, de caractériser la production fourragère de l’ensemble du delta à partir des valeurs des formations végétales individuelles. Quelques valeurs de production sont données au tableau V Tableau V : Production standard de quelques formations végétales du delta 4 5 Formations Production annuelle en kg/hectare Production de repousses en végétale kg/hectare (Déc à juin) minimum médiane maximum minimum Médiane maximum AC 3000 5000 8000 300 600 1200 B 15000 20000 30000 3000 6000 10000 O 5000 8000 15000 400 800 1200 AC = Eragrostaie haute à Eragrostis barteri et Andropogon canaliculatus B = Bourgoutière à Echinochloa stagnina O = Orizaie haute à Oriza longistaminata et Setaria anceps 3. Gestion des bourgoutières Les exploitations des bourgoutières sont de plusieurs types en fonction des périodes. Le respect de ces périodes est indispensable à la préservation des prairies à bourgou. Ces exploitations sont aussi, fondamentalement liées à la quantité des pluies et aux niveaux des crues, donc au cycle biologique de la plante. Les dates des rentrées et des sorties des troupeaux doivent être suivies et respectées. Il en est de même des périodes de fauches, de récoltes des semences, d’entretien des parcelles régénérées etc. Il s’agit en définitive d’appliquer une bonne gestion en vue d’une exploitation durable de la ressource. Elle peut être individuelle ou collective et concerne des espaces régénérés et naturels. La régénération d’une bourgoutière nécessite des investissements estimés en zone lacustre par le projet UNSO (1989) à Tonka de 7000 F.CFA à 33.650 F.CFA en fonction des modes d’implantation et des travaux effectués. A la Station de Recherche et d’Essai Fourragers de l’IER situé à Mopti, l’implantation d’un ha (1996) est revenue à 51.000 FCFA. Afin de valoriser ces investissements, il est nécessaire d’appliquer une gestion qui doit assurer une durabilité des ressources régénérées. Cette gestion doit comporter l’exploitation rationnelle, les entretiens et les amendements indispensables en cas d’utilisation prolongée et intensive. En effet, il est recommandé un apport de fumure de maintien après chaque exploitation des fourrages. Traditionnellement, la gestion des bourgoutières était collective. Elle était généralement confiée à des groupes ethniques appelés les « dioros ». L’avantage était accordé aux laitières, aux veaux et animaux malades dans certaines bourgoutières dites « Harimas ». Le gros du bétail allait dans les grandes bourgoutières. Cette gestion basée sur les lois islamiques, c’est à dire les principes du coran, appelée la « DINA » a été instituée en 1918 par un conquérant peul du nom de Sékou Amadou. La gestion était approximative mais réglementée et satisfaisante jusqu’aux dates récentes des années 1960 où l’Etat omnipotent sur toutes les ressources, était le seul propriétaire. Les sécheresses successives et les lois dites modernes introduites dans le système ancien créant la confusion, ont eu pour conséquence la désorganisation dans l’exploitation des bourgoutières. Les faibles pluviométries et faibles crues presque endémiques de près de 3 décennies ; les exploitations anarchiques et abusives ainsi que les rizicultures itinérantes ont vite entraîné des dégradations des bourgoutières. A partir des expériences de l’ODEM de 1978, plusieurs bourgoutières ont été régénérées. A ce niveau la gestion est soit individuelle soit familiale. Le but visé par ces types de gestions est le même, à savoir l’utilisation rationnelle et harmonisée des ressources du milieu. 5 6 Des années 1818 à 1945, ces espaces étaient gérés selon le code de la DINA de Sékou Amadou, un souverain Peulh qui avait organisé toutes les structures sociales dans le delta. Son code responsabilisait et faisait respecter par les cohabitants la trilogie suivante : - L’élevage plus important exploitait les herbes dont la responsabilité était confiée à des « Dioros » ; - Ensuite venait la pêche qui était l’apanage des Bozos responsables des eaux. Ils étaient ambulants mais campaient sur terres fermes au niveau des « Dagas » qui sont des villages temporaires ; - Enfin une petite agriculture de subsistance était pratiquée par des « Rimaïbés » esclaves des Peulhs. A partir des années 1960, donc à l’indépendance, la non concordance entre les us et coutumes et les lois dites modernes ont entraîné une certaine confusion dans la gestion, des ressources En conséquence, toutes les hiérarchies sont aujourd’hui bouleversées. Ainsi le delta connaît une très profonde mutation car on y rencontre des « Dioros » transformés en propriétaires terriens et agriculteurs ; des Bozos riziculteurs et même des Peulhs cultivateurs. La tendance actuelle est la prédominance de l’agriculture itinérante sur les activités d’élevage et de pêche. Dans un tel état conflictuel, l’organisation des populations devient prépondérante parmi toutes les activités afin d’éviter les dégradations des écosystèmes deltaïques. Afin de sauver le milieu, il faut absolument établir un nouvel ordre de vie ; des nouvelles structures socio-organisationnelles. Par ailleurs une place importance sinon capitale doit être réservée aux questions de résilience des ressources en exploitation. 4. Impact Socio-économique Très vite, le bourgou est devenu une spéculation de rente. Des tonnes de bottes séchées sont vendues dans tous les centres urbains. Cette activité commerciale fait vivre plusieurs personnes : agro-éleveurs, agriculteurs et intermédiaires. Les bottes stockées à la période d’abondance assurent l’entretien des élevages périurbains. Elles favorisent la production de lait pendant la période sèche. Elles sont utilisées dans presque toutes les concessions des centres importants dans les 5 ème et 6ème régions pour nourrir les petits ruminants de case, dans les marchés à bétail et même pour l’embouche. Elles permettent ainsi d’assurer une bonne commercialisation du bétail et du lait. Ces produits, à savoir la viande et le lait améliorent les conditions nutritionnelles des populations dans ces régions et le revenu des producteurs et intermédiaires. Par ailleurs grâce aux bourgoutières régénérées davantage d’animaux sont maintenus sur place et ne font plus la grande transhumance. Les habitants se procurent assez de lait et même peuvent assurer le conditionnement des bœufs de labour grâce auxquels ils pratiquent maintenant les labours de décrues. Plusieurs associations se créent pour exploiter et gérer en commun des espaces régénérés et de plus en plus les pâturages naturels. D’un point de vue monétaire, le fourrage récolté procure des revenus très substantiels à l’hectare. Selon les estimations de l’UNSO à Tonka dans la région de Tombouctou, en 6 7 zones lacustres, pour un prix moyen de 40 F.CFA la botte de 1,5 à 3 kg on peut obtenir un bénéfice de 227.235 F.CFA/ha en 3ème année d’âge de régénération, pour une biomasse donnant 7.500 bottes soit environ 23 t/ha de fourrage. Quelques fois les bottes sont vendues à 300FCFA à l’approche des saisons de pluies. En pâturage direct par des laitières supplémentées par l’aliment HUICOMA, l’UNSO rapporte un bénéfice bien meilleur, de 341.320 F.CFA/ha. A Korientzé, où les mesures de protection et d’entretien ne sont pas requises, les bourgoutières régénérées procurent de bénéfices relativement bas, de l’ordre de 31.750 à 75.000 F.CFA/ha Ces différents bénéfices montrent tout l’intérêt porté à la bourgouculture par rapport au riz par certains habitants du delta. La principale contrainte qui empêche le développement rapide de cette activité est le problème foncier. 5. Impact Environnemental Depuis les premiers essais effectués par l’ODEM à nos jours, il est très difficile de quantifier toutes les superficies régénérées en bourgou. En effet, des organismes de développement, des ONG, de façon privée ou encadrée, ont régénéré de grands espaces à travers tout le Delta. Des poches de régénération s’étendent tout le long du fleuve Niger depuis Ségou (4e région) jusqu’à Gao (6e région). Cependant on peut avancer ces quelques superficies réalisées par l’encadrement ODEM et UNSO : - 4050 ha dans les zones lacustres - Plus de 10000 ha à Korientzé - 600 à 1000 ha à Sendegué - 100 à 250 ha à Youwarou. Ces programmes de régénération s’accompagnent très souvent d’un volet organisation des populations et d’un volet gestion des ressources. Cette gestion est un élément important dans la durabilité du couvert végétal en général et des bourgoutières en particulier. Par extension, la régénération et la gestion concernent de plus en plus l’ensemble des ressources naturelles, pastorales, agricoles et forestières. 6. Perception des populations sur les changements pastoraux Un guide élaboré à cet effet était adressé à toutes les catégories socioprofessionnelles (éleveurs, agriculteurs, pêcheurs, dioros, chefs de villages et personnes ressources). Les deux tiers des populations échantillons interviewées étaient des éleveurs. Un total de 60 personnes ont fait l’objet d’interview sur l’évolution des espèces d’avant les années 1960 à nos jours. Cette collecte d’informations a concerné seulement les adultes et sur 4 sites du delta central du fleuve Niger. L’enquête a porté sur le bourgou mais aussi les principales espèces qui l’accompagnent dans le delta et qui constituent ensemble une masse importante de fourrage aquatique. Toutes les personnes interviewées ont reconnu que des changements importants sont intervenus dans les pâturages du delta. Les résultats obtenus sur les principales espèces ayant disparues, régressées, accrues ou apparues sont indiqués dans le tableau VI. 7 8 Tableau VI : Changements observés par les utilisateurs directs de ressources sur les espèces herbacées du Delta. Période avant 1960 à 1970 Période de 1970 à nos jours Espèces appétées abondantes Echinochloa stagnina (Bourgou) Panicum subalbidum(Pacri) Brachiaria mutica(Bougnari) Vetiveria nigritiana Andropogon gayanus Eragrotis barteri Espèces peu abondantes Voscia cuspidata (didèrè) Oryza bartii(séko) Sorghum trichopis Oryza glaberrima(farafin malo) Apparition de mauvaises espèces Mimosa pigra Typha elephantina Melochia corchorifolia Espèces en accroissement Voscia cuspidata Oryza longistaminata (Baw, diga) Cynedon dactylon (Koyobon = kesu = gazon) Oryza bartii Oryza glaberrima Espèces en regression Echinochloa stagnina (Bourgou) Vetiveria nigritiana (Babin) Andropogon gayanus(saran) Sesbania rostata ( Porompoli) Espèces disparues (Karso)*, (Wadio)* (Koumba kofol)* Andropogon spp (Djiguinèbin) NB: Entre les parenthèses sont indiques les noms en langues locales * Espèces non identifiées car les descriptions locales n’ont pas encore permis de les reconnaître Par rapport aux conséquences de ces changements sur les animaux la plupart des personnes interrogées disent que l’accroissement de l’espèce Voscia cuspidata est à l’origine de la maladie de foie des animaux. En termes d’abondance, 100 % disent que plus de 50 % des bourgoutières ont disparu et les espèces qui remplacent le bourgou sont moins productives. Les données secondaires sur la zone permettent d’étayer ces constats des éleveurs et autres utilisateurs des ressources de l’hydro- système deltaïque. Le tableau VII permet de se faire une idée sur l’importance des dégradations survenues dans quelques espaces pastoraux évalués entre les années 1976 et 1991 par l’ODEM. Ces dégradations sont consécutives aux baisses des crues qui favorisent l’installation des cultures et l’apparition des mauvaises espèces. Le phénomène le plus remarquable est l’extension des surfaces cultivées en riz au dépens des bourgoutières et leur remplacement dans les zones dégradées à submersion occasionnelle par des espèces moins intéressantes par rapport à Echinochloa stagnina (bourgou en peul) tel que le Mimosa pigra, Cyperus spp. Donc, même si les bourgoutières sont les pâturages les plus productifs du delta, il faut signaler que leur existence est fortement menacée dans certaines zones. En effet, à cause de la sécheresse et de la faiblesse de l’inondation, des superficies importantes sont défrichées et transformées en rizières. Ce phénomène a des conséquences importantes sur l’élevage car elle diminue fortement la capacité de charge. 8 9 Tableau VII: Superficie de bourgoutières occupée par l’agriculture (DNE, 1991) et Mimosa pigra. Source Kodio Amadou et Sékou Traoré, 2002. Cercle de Djenné Tenenkou Mopti Localités Zones pastorales Pondori, Yongari, Mangari Kotia, Diondiori, Diafarabé Superficie (ha) Superficie dégradée (ha) 58.800 29.400 246.400 122.800 Kotia, Sendengué, Pondori, Dialloubé, Sébéna 175.000 50.000 30.000* * superficie occupée par Mimosa pigra Le tableau VII montre que près de 50% des bourgoutières ont été occupées par les cultures et colonisées par Mimosa pigra à Mopti. Dans la zone diffuse les superficies rizicoles ont passé de 14.140 ha en 1984 à 45.000 ha en 1990 (Sidibé Y.; 1993). Plus récemment, Zwarts et Diallo en 2003, donne pour l’ensemble du Delta intérieur près de 1040 km2 de surface cultivées en riz autant que celle occupée par le mélange bourgou et Voscia cuspidata (didèrè en langue peule) et plus du double de celle de la formation spécifiquement bourgou. Il faut ajouter également les espaces occupés par les cultures sèches de mil, sorgho. En plus des cultures de céréales, le maraîchage s’est aussi accru dans le cadre des programmes divers d’amélioration des revenus des femmes rurales dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Toutes ces exploitations agricoles s’étendent sur les pâtures et bouchent souvent les pistes de transhumance. Aussi, de l’exploitation anarchique de ces ressources pastorales de plus en plus limitées, il en résulte de nombreux conflits, souvent sanglants. Cent pour cent des populations interviewées atteste cette progression des surfaces cultivées et la multiplication des conflits liés à l’utilisation des ressources naturelles. Pour s’adapter à ces situations nouvelles les populations ainsi que l’Etat malien ont développé un certain nombre de stratégies : Autre fois, la notion d’appropriation de l’espace par des individus ou des groupes était moins marquée. Concernant les pâturages exondés, elle se limitait au droit sur les points d’eau construits. Dans le Delta, chaque pâturage ou portion était exploitée selon le principe défini par la communauté qui consistait entre autre au respect de préséances des troupeaux selon les appartenances et les types, le paiement d’une redevance ou « tolo » en langue locale peule, sur les troupeaux des bergers étrangers qui pénètrent dans le delta. Les règles d’exploitation étaient claires pour chaque groupe socioprofessionnel. Chaque portion identifiée en consensus, était reconnue comme pâturage, zone de pêche ou zone de culture par l’ensemble des différents groupes de producteurs (éleveurs, agriculteurs et pêcheurs). Des repères naturels suffisaient pour apprécier les limites d’une communauté ou d’un groupe de communautés. A cette époque, dans les pâturages exondés comme dans les bourgoutières du delta les systèmes fonciers étaient surtout basés sur l’obtention du droit d’usufruit, de contrôle et de gestion; les ressources pastorales étant très abondantes. Les aménagements pastoraux se limitaient à des creusements de puits, de mares et de balisage des pistes de 9 10 transhumance ou d’accès des animaux aux pâturages et aux points d’eau. Le tout parcours était sous la responsabilité des « Dioros » qui le géraient au nom de la collectivité. A partir des années 1970, l’Etat afin de minimiser les conflits nombreux dans l’exploitation des ressources de plus en plus limitées et de promouvoir un élevage décimé par la sécheresse, a entrepris d’organiser l’exploitation des ressources pastorales et les pasteurs à travers des opérations de développement de l’élevage. Les solutions étaient le plus souvent parachutées et les pasteurs avaient du mal à s’adapter. La gestion rendue confuse car retirée aux propriétaires, a été attribuée aux agents de l’Etat tout en reconnaissant les us et coutumes. De cette gestion « bâtarde » sont nés de multiples conflits. Le transfert actuel des ressources pastorales aux collectivités locales avec l’avènement de la décentralisation à partir des années 1995, constitue certes une avancée dans la responsabilisation effective des populations locales malgré les insuffisances constatées. Depuis ces cinq dernières années, des populations flottantes constituées uniquement de peuls s’installent avec les laitières dans les périphéries des centres urbains pour vendre le lait. Le berger conduit le reste du troupeau constitué des vaches vides et des mâles dans les bourgoutières. Cette nouvelle forme de vie permet de préserver le peu de récolte dans les villages pour le retour de la famille dans les zones exondées. Elle permet de bien alimenter tous les membres de la famille mais aussi de sauver de la famine les vaches allaitantes qui sont supplémentées par des aliments industriels à base de tourteaux de coton. Certains éleveurs disent grâce à cette nouvelle forme de vie, pouvoir faire des économies qui sont réinvesties dans le cheptel. Les interviews ont montré qu’ils n’investissent pas dans l’amélioration des pâturages. 7. Conclusion La régénération ainsi que la gestion des bourgoutières sont liées à l’existence d’une bonne organisation des populations. Cette organisation ne peut se faire qu’autour d’un centre d’intérêt. L’exploitation organisée des espaces pastoraux ou culturaux n’est pas aisée tant que les problèmes fonciers et socio-organisationnels ne sont pas réglés. Il s’avère dès lors indispensable de bien connaître le milieu. Le diagnostic constitue le point de départ de toute action de régénération dont la réussite est liée à l’adhésion des populations, à l’entente entre exploitants. Enfin, la sauvegarde de l’extraordinaire richesse que constituent les bourgoutières ou prairies à Echinochloa stagnina, il faut une exploitation concertée et rationnelle des ressources potentielles des écosystèmes du Delta Central du fleuve Niger. Des études d’envergure sont aujourd’hui nécessaires afin de redéfinir les potentialités des bourgoutières et avec les changements et attitudes ou comportementales intervenus au sein des différents utilisateurs de la ressource bourgou. L’étude la plus récente qui couvre tout le delta est celle réalisée par le CIPEA en 1986 dans le cadre du projet de développement de l’élevage en 5 ème région ; toutes les autres étant le plus souvent trop sectorielles. Beaucoup de données ont besoin d’être actualisées. 10 11 Références bibliographiques Didier Orange (IRD), 1999 : Document de projet, identification et cadrage : Etude Intégrée de la Dynamique des Processus Eco biophysiques et Socio-économiques d’une Zone Humide Tropicale : Le Delta Intérieure du Niger (EIDES-DIN) par le groupe de réflexion pluridisciplinaire malien pour la gestion intégrée des ressources naturelles dans le Delta Intérieur du Niger (CERDIN). Jérome Marie, 2000. DELMASIG : Homme, milieux, enjeux spatiaux et fonciers dans le delta intérieur du Niger (Mali) Kodio A. et Sékou Traoré, 2002 : Communalité et Inter-communalité dans l’Identification, l’Aménagement et la Gestion des Parcours du Bétail dans le Delta. Forum régional sur la gestion des ressources pastorales en 5ème région, Mopti 12-14 novembre2002. Bp 205 Mopti, Mali ; [email protected]. Kodio A., 1994 : Echinochloa stagnina, ou « bourgou » : Exploitation et gestion des bourgoutières du delta Intérieur du Mali. 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