Académie de Rouen

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Académie de Rouen
Préparation à l’agrégation interne d’histoire–géographie
Concours blanc du 10 octobre 2011 — Histoire médiévale
Commentaire, analyse scientifique, utilisation pédagogique de documents
Le roi en France, Bourgogne et Germanie
de la fin du IXe au début du XIIe siècle
Les documents sont donnés dans un ordre aléatoire. Le candidat les organisera librement, en
fonction de la problématique qu’il choisira.
Doc. 1. – WIPO, Vie de Conrad II, 3 (trad. dans C. GIRAUD, B.-M. TOCK (dir.), Rois, reines et évêques :
l'Allemagne aux Xe et XIe siècles. Recueil de textes traduits, Turnhout, 2009, p. 219-221) :
« Une fois l’élection achevée, tous se dépêchèrent de suivre le roi en toute hâte à Mayence afin
qu’il reçoive la très sainte onction. Ils allaient réjouis, chacun selon son style, les clercs récitant
des psaumes, les laïcs chantant. Je n’avais jamais vu Dieu recevoir autant de louanges des
hommes en un seul jour et en un seul lieu. Si Charlemagne nous était alors apparu, en vie, le
sceptre à la main, le peuple n’aurait pas été plus joyeux […] Le jour de la naissance de sainte
Marie [8 septembre], durant l’office sacré de l’onction royale, l’archevêque tint ce discours au roi :
“[…] Il est écrit : ‘Toute puissance procède de Dieu’. Quand ce roi des rois tout-puissant,
créateur et principe de tout honneur, fait aux princes terrestres la grâce de quelque dignité, elle est
tout aussi pure et nette du fait de la nature de sa source. Mais si cette dignité parvenait à des rois
qui l’occuperaient indignement et la souilleraient par leur orgueil, leur jalousie, leur luxure, leur
avarice, leur colère, leur impatience, leur cruauté, ils offriraient alors à boire à leurs sujets comme
à eux-mêmes la coupe dangereuse du péché […] Tu as atteint la dignité suprême, tu es vicaire du
Christ. Il n’est de véritable souverain que celui qui l’imite […] Et bien que Dieu exige beaucoup
de toi, ce qu’il désirera par dessus tout, c’est que tu rendes le jugement et la justice, que tu
maintiennes la paix pour ta patrie qui toujours se tourne vers toi, que tu sois le défenseur des
églises et des clercs, le tuteur des veuves et des orphelins […] Et maintenant, seigneur roi, toute la
sainte Église te demande, avec nous, grâce pour ceux qui jusqu’à présent t’ont fait défaut et ont
perdu ta grâce par quelque offense […]”
« À ces mots, le roi saisi de compassion gémit et fondit en larmes au-delà de ce qu’on pouvait
imaginer [et] il pardonna à tous pour ce qu’ils avaient entrepris contre lui […]
« Une fois les offices divins et la consécration royale achevés, le roi s’avança. Et comme on le lit à
propos du roi Saül, il marchait comme s’il était plus haut que les autres à partir de l’épaule et ainsi
dans une attitude qu’on ne lui connaissait pas auparavant, métamorphosé par le sacre, le visage
alerte parmi ce cortège, il retourna à sa chambre d’un pas plein d’honneur. »
Doc. 2. – HELGAUD, Vie de Robert le Pieux (trad. R.-H. BAUTIER, G. LABORY, Paris, 1965).
A) Portrait de Robert (§2-3, p. 59-61) :
« Au temps où le Seigneur jeta ses regards sur les enfants des hommes pour voir s’il s’en trouvait
un qui eût l’intelligence de Dieu ou qui la recherchât, il y avait le roi des Francs Robert, de la
naissance la plus noble tant par son père l’illustre Hugues que par sa mère Adélaïde […] De taille
élevée, il avait les cheveux parfaitement plats et bien tirés, les yeux humbles, un grand nez droit,
la bouche suave et douce pour donner le baiser de la sainte paix, la barbe assez bien fournie, les
épaules hautes, la couronne bien placée sur sa tête montrait bien qu’il était de souche royale par
ses grands-parents et arrière-grands-parents […] Il priait Dieu d’une prière continuelle et
ininterrompue et il est vrai que ses génuflexions ne se comptaient pas […] Quand il siégeait au
conseil, il déclarait très volontiers qu’il était là pour servir. Jamais l’injustice par lui éprouvée ne le
poussait à se venger ; il aimait la simplicité : il se livrait aux conversations, aux repas et aux
promenades de tous. Il avait tant de goût pour la poésie sacrée qu’il ne passait pas de jour sans
qu’il lût le psautier et priât avec le saint David le Dieu très haut. Il se montra doux, agréable, de
caractère affable et plaisant, plus obligeant que flatteur. Ce fut un roi savant dans les lettres […]
En effet, remis par madame sa très pieuse mère à l’école de Reims, il y fut confié à l’enseignement
de monseigneur Gerbert […] »
B) Les unions du roi Robert (§17, p. 93) :
« Il est vrai qu’à notre récit s’oppose la malveillance de certaines personnes […] : “Non, disentelles, ces bonnes œuvres qu’on rapporte à son sujet ne profiteront pas au salut de son âme, car il
n’a pas eu horreur de commettre le crime de l’union illégitime, au point de prendre pour épouse
sa commère qui, de plus, lui était aussi attachée par les liens du sang.” »
Doc. 3. – FLODOARD DE REIMS, Chronique (trad. M. GUIZOT, Paris, 1824, p. 110-113, modifiée).
A) Les rois francs en 939-940 :
« [939.] Le roi Louis entra en Lotharingie et épousa Gerberge, sœur du roi Otton […] Le roi
Otton revint en Lotharingie et força presque tous les habitants à revenir à lui […]
[940.] Le roi Louis alla au-devant de Guillaume, prince des Normands, qui se rendait dans la ville
d’Amiens et se soumit à lui. Le roi lui donna les terres que son père Charles avait accordées aux
Normands. Ensuite il alla trouver Hugues, mais celui-ci refusa de se le rencontrer et le roi rentra à
Laon. Le roi donna à l’archevêque Arthaud et par lui à l’église de Reims, par charte royale, le droit
de posséder toujours la monnaie de la ville et il accorda à la même église tout le comté de Reims
[…] Le prince Hugues, fils de Robert, s’étant joint quelques évêques, tant de Francie que de
Bourgogne, assiégea la ville de Reims avec le comte Herbert et Guillaume, prince des Normands.
Le sixième jour du siège, presque toute l’armée de l’évêque Arthaud l’abandonna et passa à
Herbert qui entra ainsi dans la ville […] [Hugues et Herbert assiégèrent ensuite Laon, mais, en apprenant le
retour du roi Louis], ils allèrent au-devant du roi Otton, le rejoignirent, le conduisirent à Attigny et
là se donnèrent à lui […] Le roi Otton donna le royaume de Lotharingie à son frère Henri ;
ensuite il suivit Louis en Bourgogne, avec la multitude de peuples divers qu’il avait amenés avec
lui. Il y avait aussi Conrad, fils de Rodolphe, roi de Bourgogne, qu’il avait autrefois pris par ruse.
Otton installa son camp sur la Seine [puis] retourna dans son royaume. Hugues, fils d’Herbert, fut
sacré évêque de Reims par Guy, évêque de Soissons. Ensuite le roi Louis revint à Laon. »
B) La succession royale de 954 :
« Louis, fils du roi, mourut à Laon. Le roi Louis, sorti de Laon, regagna Reims comme pour s’y
établir. Mais avant de parvenir sur l’Aisne, il aperçut devant lui un loup, le poursuivit de toute la
vitesse de son cheval, tomba et fut rapporté à Reims, grièvement blessé. Il se mit au lit, [mourut] et
fut enterré à Saint-Rémi. La reine Gerberge fit demander à Hugues conseil et secours. Il l’invita à
le venir trouver, la reçut honorablement, la consola et lui promit que son fils entrerait en
possession du royaume […] Lothaire, fils de Louis, fut sacré roi à Saint-Rémi, par l’archevêque
Arthaud et par l’aide du prince Hugues, de l’archevêque Brunon et des autres évêques et grands
de France, de Bourgogne et d’Aquitaine. Ce même roi donna à Hugues la Bourgogne et
l’Aquitaine ».
Doc. 4. – Annales de Metz, achevées en 903 (trad. M. GUIZOT, Paris, 1824, p. 324-328, modifiée) :
« L’empereur […] au mois de novembre […] vint à Tribur où il convoqua une assemblée
générale. Cependant les grands du royaume, s’apercevant que non seulement les forces de son
corps mais les facultés de l’esprit l’abandonnent, appellent d’eux-mêmes à la royauté Arnulf, fils
de Carloman […] Arnulf lui accorda en Alémanie quelques terres du fisc pour qu’il en tirât sa
subsistance ; puis, ayant heureusement rétabli la paix en Francie, il retourna en Bavière.
« [888.] L’empereur Charles, troisième du nom et de sa dignité, mourut la veille des ides de janvier
et fut enseveli au monastère de Reichenau […] Après sa mort fut dissoute, faute d’héritier
légitime, l’union des royaumes qui avaient obéi à sa domination et, chacun d’eux ne pouvant
attendre un maître naturel, voulut se donner à soi-même un roi tiré de son sein, ce qui éleva de
grandes agitations de guerre […] car la Francie avait donné le jour à beaucoup de princes dignes
de manier le gouvernail de l’empire […]
« Sur ces entrefaites, les peuples de la Gaule réunis d’un conseil et d’une volonté commune élirent
pour leur roi, avec le consentement d’Arnulf, le duc Eudes, fils de Robert […], homme vaillant et
habile, qui surpassait tous les autres par la beauté de sa figure, la hauteur de sa taille, la grandeur
de sa force et de sa sagesse. Il gouverna vigoureusement la chose publique et combattit sans se
lasser les continuelles attaques des Normands.
« En ce temps Rodolphe, fils de Conrad, neveu de l’abbé Hugues […] occupa la province située
entre le Jura et les Alpes et, ayant attiré à lui quelques grands et plusieurs prêtres, prit la couronne
au monastère Saint-Maurice et ordonna qu’on l’appelle roi. Après cela, il fit parcourir à ses
envoyés toute la Lotharingie et par persuasion et par promesses, disposa en sa faveur les esprits
des évêques et des seigneurs. Arnulf l’apprenant, tomba incontinent sur lui avec une armée, mais
il s’échappa par la fuite […] Durant tous les jours de leur vie, Arnulf et Zwentibold son fils
poursuivirent ce même Rodolphe sans pouvoir jamais lui causer aucun mal, parce que [ce] pays
inaccessible, n’offrant en maints endroits de passage qu’aux seuls hiboux, [bloquait] les rangs
serrés de ceux qui le poursuivaient […] »
Doc. 5. – RAOUL GLABER, Histoires, III, 8 (trad. M. ARNOUX, Turnhout, 1996, p. 157-159) :
« [Robert le Pieux] fut en paix avec les souverains des royaumes voisins, en particulier avec
l’empereur Henri, déjà cité. À l’occasion de l’une de leurs rencontres sur la Meuse, fleuve qui
forme la limite des deux royaumes, de chaque côté beaucoup murmuraient, indignés que des
souverains si importants s’abaissent à traverser le fleuve, comme pour rendre service, quand il
aurait été bien plus convenable qu’ils se fissent porter sur un bateau placé au milieu du fleuve
pour s’y entretenir. Tous deux cependant, hommes de grand savoir, se rappelaient bien la parole :
“Plus grand tu es, plus humble tu seras en toute chose [Si 3, 20].” Réveillé aux premières heures
du matin, l’empereur traversa avec quelques hommes et se rendit auprès du roi des Francs [à
Ivois]. Ils s’embrassèrent fortement et échangèrent des baisers, puis assistèrent à la messe
solennellement célébrée par les évêques, et décidèrent enfin de manger ensemble. À la fin du
repas, le roi Robert fit à Henri cadeau d’immenses quantités d’or, d’argent et de pierres
précieuses, ainsi que cent chevaux somptueusement parés, chacun avec sa cuirasse et son
heaume, disant que tout ce qu’il lui laisserait diminuerait d’autant leur amitié. Henri, attentif à la
générosité de son ami, ne prit qu’un évangéliaire orné d’or et de pierres précieuses et un reliquaire
semblable contenant une dent de saint Vincent diacre et martyr. Puis il partit, laissant en signe de
gratitude tous les autres cadeaux. Le lendemain [11 août 1023], le roi Robert traversa la rivière et
se rendit à la tente de l’empereur [à Mouzon]. Celui-ci l’accueillit avec magnificence et, à la fin du
repas, lui offrit de même cent livres d’or pur. Le roi, à son tour, se contenta de deux encensoirs
d’or et tous deux, ayant conclu un pacte d’amitié, retournèrent dans leurs pays. D’autres rois
traitèrent toujours Robert avec amitié, comme Æthelred, roi des Angles, Rodolphe, roi des
Austrasiens [Bourgogne], ainsi que Sanche, roi de Navarre en Espagne. Ils lui envoyaient des
présents et recherchaient son aide. »
Doc. 6. – WIDUKIND DE CORVEY, Histoire des Saxons, 46-49 (trad. GIRAUD & TOCK, p. 65-67) :
« Le roi, lorsqu’il vit qu’approchait tout le poids du combat, adressa à ses hommes des paroles
d’encouragement : “[…] Jusqu’à ce jour, en effet, utilisant avec gloire vos bras infatigables et vos
armes toujours invaincues, je fus vainqueur en tous lieux hors de mon empire. Devrais-je
aujourd’hui prendre la fuite sur ma propre terre et en mon royaume ? Je sais que nous sommes
dominés par le nombre, mais non par la valeur et non par les armes. Nous savons fort bien, en
effet, qu’ils sont pour la plupart dépourvus d’armes et, ce qui est nous est d’un très grand
réconfort, de l’aide de Dieu. Il serait honteux que les maîtres de presque toute l’Europe cèdent à
leurs ennemis […]” Après avoir ainsi parlé, prenant son bouclier et la sainte lance, il tourna le
premier son cheval contre les ennemis, accomplissant son rôle de très courageux combattant et
d’excellent commandant. Les plus audacieux des ennemis résistèrent d’abord, puis, lorsqu’ils
virent que leurs alliés prenaient la fuite, furent paralysés et écrasés par les nôtres auxquels ils
étaient mêlés […]
« Couvert de gloire par son fameux triomphe [du Lechfeld], le roi fut appelé par l’armée “père de la
patrie et empereur”. Il fit célébrer de dignes louanges à la divinité suprême dans toutes les églises
et annoncer la victoire à sa sainte mère par des messagers. Revenu vainqueur en Saxe au milieu de
la joie et d’une allégresse extrême, il fut reçu par son peuple avec grand empressement. En effet,
depuis deux cents ans, aucun roi avant lui n’avait joui d’une telle victoire. »
Doc. 7. – Lettre d’Eudes, comte de Blois, au roi Robert rédigée par FULBERT DE CHARTRES
vers 1023-1024 (citée par MAZEL, p. 66) :
« Je m’étonne que, de ton côté, avec une pareille précipitation, sans que la cause ait été discutée,
tu me juges indigne de ton fief. Car, si l’on considère la nature du fief que tu m’as donné, il est
certain qu’il fait partie non de ton fisc, mais des biens qui, avec ta faveur, me viennent de mes
ancêtres par droit héréditaire ; si l’on considère la valeur du service, tu sais comment, tant que
j’eus ta faveur, je t’ai servi à la cour, à l’ost et à l’étranger. Et si, depuis que tu as détourné de moi
ta faveur et que tu as tenté de m’enlever le fief que tu m’avais donné, j’ai commis à ton égard, en
me défendant et en défendant mon fief, des actes de nature à te déplaire, je l’ai fait harcelé
d’injures et sous l’empire de la nécessité. […] Cette querelle qui nous divise, en même temps
qu’elle m’est pénible, t’enlève à toi-même, seigneur, ce qui constitue la racine et le fruit de ton
office, je veux dire la justice et la paix. »
Doc. 8. – Anonyme [disciple d’Yves de Chartres, 1111/1112], Défense du pape Pascal II (trad.
Augustin FLICHE, La querelle des investitures, Paris, 1946, p. 178) :
« Celui qui entre dans la maison de Dieu par la main du roi et se trouve ainsi chargé d’administrer
une église est entraîné par là dans l’hérésie. Nous lisons que le Fils de Dieu, maître de la Vérité, a
dit et proclamé : “Je suis la porte” [Jean, 10, 9]. Aussi celui qui n’entre pas dans la maison de Dieu
par le Christ y pénètre-t-il, au su de tout le monde, comme un voleur et un larron. En
conséquence, la main du roi n’est pas la concession de la loi. On lit dans les lois divines et
humaines que le pouvoir d’investir des évêchés ou de disposer de quelque chose dans l’Église
n’est accordé ni aux empereurs, ni aux rois, ni à aucun prince. »
Doc. 9 – Évangéliaire d’Otton III, copié et enluminé à l’abbaye de Reichenau, v. 998–1001
(Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 4453, folios 23v–24r) :
À voir par exemple à l’adresse suivante :
http://librairies.slu.edu/archives/digcoll/manuscripta08/socialorder.html01
Inscriptions au-dessus des quatre figures féminines : Sclavinia, Germania, Gallia, Roma (pays des
Slaves, Germanie, Gaule, Rome).
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