Version pour publication : <Yann.M.Boutang@wanadoo.fr>
emploi, d’une population active jeune et abondante, d’une salarisation à
temps plein croissante. Il perd à la fois son caractère automatique et
universel, ainsi que sa légitimité car il cesse de couvrir toutes les formes
de travail
, en particulier les plus défavorisées, donc celles qui attendent
protection de la loi plutôt que de la négociation d'un contrat.
Dans un contexte de retour à une croissance plus forte, des voix
s’élèvent pour réclamer une régulation plus ferme de la part des pouvoirs
publics du travail intérimaire, des CDD, des formes d’emploi des jeunes
afin que soit mis fin à un contournement du code du travail.
Ce papier se propose de montrer que la transformation des relations de
travail, et plus particulièrement du salariat n’est pas simplement à un
contournement conjoncturel du code du travail auquel la reprise de la
croissance pourrait mettre fin aisément. Cette transformation est
étroitement liée à une modification radicale du capitalisme dont le débat
sur la fin du travail constitue un symptôme et non l’ultima ratio. Cette
nouvelle "Grande Transformation" marque le passage à un nouveau
régime de capitalisme que nous appelons le "capitalisme cognitif"
Pour
mesurer l’ampleur des mutations intervenues depuis les années 1970,
on citera l'un de ses aspects le plus important, le passage spectaculaire
d’une interpénétration « des relations de services » et des services
informationnels et relationnels immatériels, avec la production
matérielle.
La thèse défendue ici est que la transformation qui touche l’économie
capitaliste et la production de la valeur est globale et marque la sortie du
capitalisme industriel né avec la grande fabrique manchestérienne qui
reposait essentiellement sur le travail matériel ouvrier de transformation
de ressources matérielles. Pas plus que le capitalisme industriel n’avait
rompu avec la substance du capitalisme marchand esclavagiste, le
capitalisme « cognitif » qui s'annonce et qui produit et domestique le
vivant à une échelle jamais vue, n’évacue le monde de la production
industrielle matérielle : il le ré-agence, le réorganise, en modifie les
centres nerveux. Il ne s’agit donc pas d'entonner vingt ans après Daniel
Bell, l’éloge de l’ère post-industrielle ni de proclamer avec les chantres
de la New Economy l'avènement d'une société pacifiée et sans crise
,
Voir A. Supiot (1999)
Voir sur ce point C. Azaïs, A. Corsani et P. Dieuaide (Eds.) (2001) et Corsani A., Dieuaide,
P., M. Lazzarato, M., Monnier, J.-M., Moulier Boutang, Y., Paulré, B. & Vercellone, C.
(2001),
Voir C. du Tertre (1999)
Voir la contribution de B. Paulré à ce volume ainsi que B. Paulré (2000)°