Version pour publication : <[email protected]> 1 Université de Compiègne Séminaire "Changement organisationnel, Gestion des Ressources Humaines, Communautés de Pratiques", l sous-thème de la journée du jeudi 23 janvier Réseau, Connaissance, Communauté : que reste-t-il de la firme ?" Document 1 Mon intervention portera sur « Externalités, réseau, et coopération, quelle théorie de la firme ? » Elle suppose en cadrage initial le texte suivant ainsi que quelques tableaux annexes sur les externalités, sur la typologie des firmes qui sont adjointe (document 2). « Capitalisme cognitif et nouvelles formes de codification du rapport salarial »1 Yann Moulier Boutang Professeur des Universités en sciences économiques2 Isys-matisse Ce papier a été présenté aux Journées d’études d’histoire économique : « Transformations de la division du travail et nouvelles régulations » organisée par l ’équipe Innovation, Systèmes, stratégie ISYS Matisse URM 85-95 Université de Paris I-CNRS. Une version raccourcie va paraître dans l’ouvrage collectif ( Direction de Carlo Vercellone Sommes-nous sorti du capitalisme industriel, La Dispute, Paris, Janvier 2003) 1 Université de Vannes et IEP de Paris, Directeur du LEGETE (Laboratoire d’économie et de gestion des entreprises et des territoires en Europe) 2 Version pour publication : <[email protected]> 2 La crise de la régulation du rapport salarial se traduit par une remise en cause du modèle canonique du salariat (le contrat à durée déterminée) à travers l’incidence des formes particulières d’emploi d’une part, et d’une réduction sensible du montant et de la qualité des formes de protection sociale en amont et en aval de l’entreprise. L’érosion du statut du salariat canonique qui définissait les emplois expose près du quart (22% exactement) de la population active employée à une incertitude systématique. Parallèlement, un autre quart du salariat qui bénéficie lui d’un régime de salariat atténué ou affaibli (statut de la fonction publique, quasi garantie d’emploi à vie, régime plus favorable des retraites), voit sa situation se dégrader à son tour3. Le système de protection sociale a été conçu dans ses mécanismes institutionnels après la seconde guerre mondiale pour un régime de plein 3 Sous différentes formes (privatisation du secteur public en France, réduction significative du volume de la population bénéficiant de l'"emploi à vie" dans le secteur privé au Japon. Last but not least, la fin du "salariat affaibli" ( W. Andreff) dans les anciens pays socialistes avec la transition à l'économie de marché. Quelques contre tendances remarquables apparaissent aux Etats-Unis avec l'introduction de l'emploi à vie dans l'industrie automobile désirant fixer sa main d'œuvre tandis que les formes d'intéressement substantiel des salariés au profit et à la valeur boursière des entreprises innovent par rapport à l'histoire du capitalisme non tant par la méthode que par le nombre de personnes concernées et l'étrange para-démocratie qui devient envisageable pour un socialisme rawlsien et Giddensien. Version pour publication : <[email protected]> 3 emploi, d’une population active jeune et abondante, d’une salarisation à temps plein croissante. Il perd à la fois son caractère automatique et universel, ainsi que sa légitimité car il cesse de couvrir toutes les formes de travail4, en particulier les plus défavorisées, donc celles qui attendent protection de la loi plutôt que de la négociation d'un contrat. Dans un contexte de retour à une croissance plus forte, des voix s’élèvent pour réclamer une régulation plus ferme de la part des pouvoirs publics du travail intérimaire, des CDD, des formes d’emploi des jeunes afin que soit mis fin à un contournement du code du travail. Ce papier se propose de montrer que la transformation des relations de travail, et plus particulièrement du salariat n’est pas simplement à un contournement conjoncturel du code du travail auquel la reprise de la croissance pourrait mettre fin aisément. Cette transformation est étroitement liée à une modification radicale du capitalisme dont le débat sur la fin du travail constitue un symptôme et non l’ultima ratio. Cette nouvelle "Grande Transformation" marque le passage à un nouveau régime de capitalisme que nous appelons le "capitalisme cognitif"5Pour mesurer l’ampleur des mutations intervenues depuis les années 1970, on citera l'un de ses aspects le plus important, le passage spectaculaire d’une interpénétration « des relations de services » et des services informationnels et relationnels immatériels, avec la production matérielle. 6 La thèse défendue ici est que la transformation qui touche l’économie capitaliste et la production de la valeur est globale et marque la sortie du capitalisme industriel né avec la grande fabrique manchestérienne qui reposait essentiellement sur le travail matériel ouvrier de transformation de ressources matérielles. Pas plus que le capitalisme industriel n’avait rompu avec la substance du capitalisme marchand esclavagiste, le capitalisme « cognitif » qui s'annonce et qui produit et domestique le vivant à une échelle jamais vue, n’évacue le monde de la production industrielle matérielle : il le ré-agence, le réorganise, en modifie les centres nerveux. Il ne s’agit donc pas d'entonner vingt ans après Daniel Bell, l’éloge de l’ère post-industrielle ni de proclamer avec les chantres de la New Economy l'avènement d'une société pacifiée et sans crise7, 4 Voir A. Supiot (1999) Voir sur ce point C. Azaïs, A. Corsani et P. Dieuaide (Eds.) (2001) et Corsani A., Dieuaide, P., M. Lazzarato, M., Monnier, J.-M., Moulier Boutang, Y., Paulré, B. & Vercellone, C. (2001), 6 Voir C. du Tertre (1999) 7 Voir la contribution de B. Paulré à ce volume ainsi que B. Paulré (2000)° 5 Version pour publication : <[email protected]> 4 mais de lister les principales transformations stratégiques qui sont déjà considérables séparément et qui surtout font système. Le passage du capitalisme marchand esclavagiste agricole de l’économie monde (déjà largement industriel dans l’économie de plantation8 à une transformation effective (subsomption formelle puis réelle) de son centre, a été déterminant pour l’interrogation des physiocrates sur le Tableau global de l’économie, puis des théoriciens de la valeur travail de Smith à Marx. Aujourd’hui ne vivrait-on pas un passage de même ampleur ? et ne doit-on pas reconstruire le tableau de la production, de la création de valeur, les principes de la division du travail, les limites mêmes de l’entreprise, la définition de l’activité humaine pour comprendre les mutations du salariat en cours ? On développera trois points, moins destinés à livrer des résultats que des questions et des pistes d’un programme de recherche. I) Les caractéristiques de ce qu’on appellera par raccourci une « économie cognitive » ou le nouveau capitalisme. II) Nous revisiterons les types de production à travers un schéma input output plus analytique qu’opérationnel à partir d'une hétérogénéité irréductible de quatre types de biens et services qui apparaissent dans l'économie de l'information et qui restructurent l'ensemble de la production de valeur. III) Nous essaierons pour conclure de repérer les corollaires de ces transformations qui s'amorcent à la fois du côté du contrat de travail, du statut du salariat. Il va de soi qu'une telle nouvelle "grande transformation" (Polanyi), possède aussi de fortes implications dans la sphère financière et dans celle de la monnaie. Nous les laisserons de côté ici. Caractéristiques de l’économie de production de valeur aujourd’hui. Résumons à l'extrême ces éléments qui ont été largement explorés mais beaucoup plus rarement rapprochés les uns des autres. - L'économie se caractérise aujourd'hui par une virtualisation croissante et par la montée irrésistible du rôle de l'information9. L'immatériel a dépassé vers 1995, l'économie matérielle dans le montant de la 8 9 Voir Y. Moulier Boutang (1998A et C) Voir M. Porath(1976), G. Dang Nguyen, P. Petit & D. Phan D., (1997), C.Goldfinger (1994), P. Chapignac (1996), J. Gadrey (1996) Rapport Henri Guillaume au Premier Ministre, M. Castells (1996), J. Beale (1995), P. Petit, (Ed.), (1998), M. Catinat (1999), Volle (199), D.T. Quah (2000), Version pour publication : <[email protected]> 5 formation de capital10. Le caractère dominant dorénavant des services n'est que la manifestation du déplacement du centre de la valorisation vers les processus cognitifs. - Le rôle désormais fondamental de la saisie de l'information, de son traitement, de son stockage sous forme numérisée dans la production de connaissance et dans la production tout court à partir de petits ordinateurs décentralisés (1986) de plus en plus puissants reliés entre eux par l'Internet (1995) et la Toile. Il s'agit de la révolution des NTIC, nouvelles technologies de l'information et de la communication. 11 Cette révolution a été comparée à la révolution des chemins de fer12; elle est en fait plus profonde. L'innovation commencée par les NTIC qui couple la démocratisation très rapide des ordinateurs personnels (PC) à l'utilisation de moyens de transmission de l'information révolutionnaire dans leur débit dans leur coût ainsi qu'à leur mise en réseau mondiale est loin d'être épuisée.13 La mutation des NTIC n'est ni celle de Gutenberg ni celle des chemins de fer. L'utilisation des supports biologiques plutôt qu'électroniques repoussera dans la décennie qui vient les limites des mémoires et leur coût tandis que l'utilisation de nouveaux conducteurs comme l'électricité permettra à l'information d'emprunter des réseaux déjà existants et donc d'abaisser leur coût davantage encore. Les innovations en matière de biotechnologie, de science de la vie (inventaire du génome) sont relancées par les NTIC et les relancent à leur tour. C'est un phénomène qu'on n'a pas observé durant la première révolution industrielle, mais plutôt au moment de la Renaissance et de la révolution copernicienne. En ce sens on doit parler d'un nouveau paradigme ou modèle socio-technique. 14 - Les perspectives de croissance des économies développées, mais également des pays émergents sont étroitement liées à une réorganisation de la production. La production de marchandises, matérielles au moyen d'autres marchandises matérielles, perd son caractère central et cède la place à la production de connaissance au moyen de connaissance. 15 - Dans la croissance, l'innovation continuelle revêt un rôle fondamental et endogène. 16Cette innovation prend sa source privilégiée dans les 10 Sur le travail immatériel, voir M. Lazzarato (1992, 1997) D. Sichel (1997), R.E. Litan & w.A. Niskanen (1998). 12 Voir P. Drucker (2000). 13 Voir Greewood J. (1997), J. Lojkine (1997) 14 Voir C. Freeman et C. Perez (1983). 11 15 16 Voir la contribution d'A. Corsani dans ce volume. Voir les contributions de C.Vercellone et de R. Herrera dans le présent volume. Version pour publication : <[email protected]> 6 processus cognitifs interactifs de coopération sociale, de codification à travers la numérisation des savoirs jusque-là tacites (Nonaka)17 et leur captation aussi bien par l'entreprise, que par le marché et la puissance publique. Le progrès technique n'est plus une caractéristique exogène, il prend la forme d'un "système sociotechnique" (C. Freeman et C. Perez) caractérisé par les N.T.I.C. (nouvelles technologies de l'information et de la communication). 18 La connaissance et la science qui avait été incorporées dans la valorisation du capital industriel mais en demeurant distinctes deviennent le lieu hégémonique, la leading part du système19. C'est ce qui est nommé par le terme de Knowledge based economy, (économie reposant sur la connaissance). 20 - Le modèle smithien de division du travail qui s'était imposé avec le modèle de la manufacture d'épingles et qui avait été perfectionné par le taylorisme est invalidé sur trois plans. Sur celui de la spécialisation de l'activité : la réduction du travail complexe au travail simple ainsi que la division de l'exécution manuelle d'avec la conception intellectuelle conçue pour diminuer le temps d'apprentissage ne sont plus les facteurs déterminants de l'augmentation de la productivité. La taille du marché perd également de sa pertinence dans un univers de production de petite série et une "économie de variété" (R. Boyer) soumise à une forte incertitude de la demande. L'innovation enfin, lorsqu'il s'agit de la coordination de processus complexes, est freinée par la division taylorienne et smithienne du travail ; les gains de productivité ne résultent plus d'économies d'échelle pour pallier la loi des rendements marginaux décroissants. 21 Ces derniers ne constituent plus la loi d'airain de l'économie. a) Dans les formes de division du travail post-smithienne, que certaines recherches récentes nomment une nouvelle division cognitive du travail, on observe le rôle dominant des économies d'apprentissage dans les phénomènes de différenciation des marchés et de 17 Voir C. Freeman & L. Soete(1997). 18 L'endogénéisation du progrès tecnique dans les modèles de croissance endogène, ainsi que les théories évolutionnistes de la firme enregistrent chacun à leur niveau (macro et micro) cette transformation. Sur la croisance endogène et une réévaluation sérieuse du progrès technique et de ses modalités voir B. Amable & D. Guellec, 1992 ; B. Amable B. & B. Verspagen (1995) ; B. Amable & P. Petit (1997) ; D. Archibugi & J. Michie, (1997). 19 Voir E. Rullani et L. Romano(1998) et E. Rullani (2000) 20 Voir P. Petit (1999b), OCDE, (, 1992, 1996a), OECD (1998), OECD (1999) et surtout Foray D. Lundvall B.A. eds. (1996), G. Dosi (1996), J. Fagerberg (1996), J. Fagerberg, Guerrieri &Verspagen (2000) 21 Voir B. Arthur (1989), Lundvall (1988), J.B. Delong & A.M. Froomkin A. 2000 Version pour publication : <[email protected]> 7 concurrence inter-capitalistique. 22 Les valeurs d'autonomie, d'intelligence (définie comme la faculté de donner une réponse satisfaisante à une modification de l'environnement ou du contexte non prévue ou programmée) deviennent les sources majeures de la valeur puisque l'incertitude, bien plus que le risque calculable, s'impose comme partie intégrante de la complexité. b) Dans l'économie politique du deuxième capitalisme ou capitalisme industriel, l'usine et la production représentaient le coeur du système auquel étaient assujettis les autres moments (la circulation, la consommation, la redistribution et la reproduction). La valorisation de l'argent comme capital était subordonnée au passage par la forme marchande M, représentée par l'échange monétaire de biens manufacturés chez Smith ou Ricardo, à la consommation productive de la force de travail dans le schéma marxien. Le capital financier luimême demeurait soumis à la sphère industrielle, toutes ses tentatives de s'en affranchir débouchant sur la spéculation ou la crise (qu'elle soit fonctionnelle ou systémique). L'indépendentisation croissante de la sphère financière depuis la fin des trente glorieuses a été largement analysée23 et caractérisée comme un "régime d'accumulation à dominante financière ou patrimoniale". Deux idées nous semblent essentielles pour notre objet : d'une part, la valeur semble désormais capable d'émerger de la sphère de la circulation monétaire, d'autre part la sphère de la production industrielle et l'entreprise au sens traditionnel du terme perdent le monopole de la création de valeur. La distinction du travail directement et indirectement productif perd de son pouvoir analytique. c) Cet élargissement de la notion de production de valeur était déjà présent dans l'apparition des fonctions financières au coeur du fordisme qui seules sont capables de traiter l'incertitude et le risque, mais avec l'avènement de l'information numérisée et la capacité de traitement des NTIC, le bouleversement des séquences productives touche aussi bien l'amont que l'aval du moment de la production. La consommation devient une coproduction dans la production en flux tendus puisqu'elle permet de ne produire que ce que l'on a déjà vendu. Le marché précède la production qui doit s'y intégrer de plus en plus étroitement24. La consommation par le public et les usagers produit l'information nécessaire à la régulation en temps réels de la 22 Voir P. Petit ( 1998 A et B), P. Moatti & E.M. Mouhoud (1992) ainsique E. M. Mouhoud dans le présent volume. 23 Voir M. Aglietta (1998), F. Chesnais (1999) et A. Orléan (2001) et C. Marazzi (1999). 24 Voir par exemple les analyses du toyotisme ou ohnisme par B. Coriat (1991) ; sur les analyses du cycle court voir Corsani, A., Lazzarato, M., Negri A. & Moulier Boutang, Y. 1996 Version pour publication : <[email protected]> 8 production matérielle. Ceux que la vieille économie politique nommait des outputs deviennent des inputs déterminants pour la réduction du risque de non-réalisation de la marchandise et la multiplication des boucles de feed backs généralise les phénomènes de réversibilité (production flexible), d'indivisibilités mais également d'instabilité des combinaisons . d) Le déclin des concepts de travail directement productif s'accompagne de la perte de pertinence des concepts de performance individuelle au sein de l'entreprise de l’entreprise, de la performance factorielle (problème de l’indicateur de productivité) et, partant d'une, globalisation de la performance étendue au territoire productif25, à l'ensemble de l'économie d'un pays donné26. La détermination des éléments d'efficace dans la performance d'une économie aussi bien à l'échelle microéconomique que macroéconomique, semble d'autant plus difficile que l'homogénéité des inputs n'est plus donnée. Il ne s'agit pas seulement de la question traditionnelle de l'irréductibilité du travail complexe au travail simple, mais de la pluralité irréductible de l'ensemble des inputs et de la dissolution des lignes de partages traditionnelles entre capital et travail. Ainsi R. Nelson et P. Romer sont-ils conduits à généraliser la distinction ternaire entre le hardware (matériel-machine), le software (logiciel) et le wetware27 (activité du cerveau) au lieu de la distinction binaire capital/travail. Cette distinction doit d'ailleurs être complétée par une quatrième dimension qui s'est imposée partout, celle des réseaux comme modèle productif. On rapprochera ce wetware de l’économie politique académique, de ce que j’avais essayé de définir28 ; L’idée essentielle est que la séparation entre les deux principaux inputs de toute production (si l’on accepte de ranger ensemble machines, matières premières comme de l’argent qui fait face au travail vivant, en suivant le Marx, des Grundrisse) n’est pas satisfaisante dans l’absolu et plus spécialement dans le capitalisme développé. Au stade de la subsomption réelle du travail sous le capital, l’activité du travail vivant figure-t-elle seulement l’énergie musculaire, la dépense de transformation matérielle (le travail simple) ? Cela paraît peu satisfaisant, car le travail abstrait marxien n’est pas un invariant biologique. Mais d’un autre côté, s’il est complexe le travail vivant ne devient-il pas réductible à des machines 25 Voir sur le sujet est P. Veltz (1994), voir aussi B. Pecqueur (1996) et A. Corsani (1999). Voir le Rapport publié sous la direction de J. Barraux (1997), pour les débats sur le surplus de productivité globale et la compétitivité hors coûts des économies B. Coriat & D.Taddei (1993) et les interrogations sur le vieillissement des catégories de la comptabilité nationale très marquée par l'atmosphère de la reconstruction d'après la 2° guerre mondiale (J. Gadrey). 27 R. Nelson & P. Romer (1998) 28 Voir Y. Moulier Boutang, (2001A , 2001 B). 26 Version pour publication : <[email protected]> 9 sophistiquées et à la science objectivée comme procès de travail ? La solution que je propose pour sortir de cette aporie (qui au passage commande l’explication de la genèse de la production de survaleur, malgré la dimension croissante de travail mort, c’est-à-dire de capital accumulé) est de scinder en deux le travail vivant et de supposer qu’à côté du travail vivant comme dépense énergétique qui sera partiellement consommée et cristallisée dans un nouveau machinisme dans le cycle suivant, il subsiste du travail vivant comme moyen de production tout au long du cycle ; autrement dit, il n’est pas détruit comme une consommation intermédiaire ; s'il est usé comme énergie, il se développe comme moyen de production de travail vivant comme travail vivant. Il se construit comme compétence, savoir qui résiste à sa réduction à du pur capital humain objectivable. On peut rapprocher cette idée de celle des savoirs idiosyncrasiques ou des savoirs implicites29 contextuels et non réductibles à des données binaires intervenant comme des intrants substituables . e) C’est ce que l’on retrouve dans les travaux tentant de construire un concept de valeur ajoutée directe où l’on distingue les consommations incorporées dans le flux de richesses et détruites comme moyen de production survivant à un cycle donné, des consommations non incorporées qui deviennent le capital vivant de l’entreprise (Barraux, 1997, p. 98), mais cette notion doit être étendue à d’autres grandes organisations (administrations publiques) mais aussi à un tissu industriel (districts) voir plus généralement à un territoire donné (en particulier l’urbain comme producteur d’externalités technopolitaines)30. f) Si l'on devait résumer le trait distinctif par excellence du troisième capitalisme, on devrait mettre au premier plan la montée irrésistible dans les modèles de coopération sociale et productive d'une quatrième composante, le netware ou réseau 31qui s'impose comme un tertium quid entre le marché et la hiérarchie. La société de réseau est rendue possible par l'informatique (la numérisation, la programmation, par la diffusion de l'ordinateur personnel et par la constitution de l'Internet). Elle bouleverse les conditions de l'échange de connaissance, de la production de l'innovation et partant les possibilités même de captation de valeur par les firmes. g) La quadruple combinaison du hardware, du software, du wetware et du netware, inputs absolument nécessaires pour la production de biens-connaissance implique un rôle central du travail comme activité 29 Voir les travaux de Nonaka sur l'entreprise apprenante. Voir E. Decoster (1996) 31 Voir P. Veltz (2000) et le travail le plus complet à ce jour de Manuel Castells (1996), voir aussi P. Levy (1994) 30 Version pour publication : <[email protected]> 10 vivante non consommée et non réduite à du travail mort dans le machinisme32 ainsi que l'importance des savoirs implicites ou contextuels irréductibles à du machinisme, à du capital humain standardisé et à la science objective comme expression du niveau de développement des forces productives de la société. Si la marchandise matérielle est remplacée de plus en plus par un bien information dont le référant est le langage et la production de signe33, le paradigme énergétique et entropique qui avait servi à qualifier la force de travail dans le capitalisme industriel comme un quantum d'énergie consommé et à reconstituer est de moins en moins apte à qualifier la nature de l'activité humaine mobilisée ainsi que celle de la coopération indispensable34. Si c'est l'activité vivante du cerveau et l'interconnexion des cerveaux qui s'avère la source majeure de valorisation, la séparation canonique de la force de travail d'avec la personne du travail et ses affects devient une fiction de moins en moins opérationnelle35, tout comme la séparation de la formation de l'apprentissage d'avec la consommation productive de l'activité36. En ce sens, le déclin des formes canoniques d'emploi salarié, ne relèvent pas des ajustements conjoncturels aux fluctuations de la croissance ou d'une simple adaptation structurelle à la production flexible, mais à une crise constitutionnelle du salariat. h) D'un point de vue macro-économique, l'âge du capitalisme cognitif se caractérise par une crise des instruments de comptabilité nationale, par une remise en cause de ce que la doctrine économique avait érigé en lois immuables. La généralisation des phénomènes d'indivisibilité, d'interaction ne permet plus à l'analyse économique de rejeter les externalités dans les marges du système capitaliste. Les externalités positives comme négatives constituent les conditions générales de fonctionnement de la croissance, de l'investissement, de la distribution des revenus37. L'exaspération de la "norme marchande" se produit dans une situation paradoxale : les prix de transferts sont incommensurables avec les prix de marché38 et les coûts de transactions sont infinis. La multiplicité et la complexité des 32 Voir Y. Mouler Boutang (2001A.) Pour la description, voir les travaux de J. Rivkin (1995) de R. Reich (1991) S. Lash & J. Urry (1994); pour une interprétation d'ensemble, C. Marazzi (1997) et M. Lazzarato (1992, 2000) 34 Voir M. Dantas (1996 et 2001) 35 Voir A. Supiot (1994 et 1999), Y. Moulier Boutang (2001A). 36 Voir F. Favennec-Héry1996, M. Lazzarato (2002) 37 Pour une reconnaissance du rôle croissant des externalités ou effets externes voir évidemment Kenneth Arrow (1962), mais aussi M. Aglietta (1997) et Y. Moulier Boutang (1997 et 2001B). 38 Voir Y. Moulier Boutang (1997) 33 Version pour publication : <[email protected]> 11 interactions de chaque opération ayant des implications économiques génère des ondes d'effets positifs ou négatifs qui défient les systèmes de mesure marchands (que ces derniers reposent sur un temps de travail de plus en plus incohérent, sur l'utilité marginale, sur la rareté ou le besoin éprouvé par un individu isolé). L'évaluation des externalités devient à la fois indispensable pour une vision de l'économie réelle, mais en même temps, elle soulève des difficultés de plus en plus grandes dans le cadre de l'allocation marchande des biens et des services car le coût de transaction cognitif devient infini. Il y a donc deux motifs à une globalisation du calcul économique : l'extrême complexité des opérations et le coût prohibitif d'attribution d'un prix via les mécanismes du marché. Cette transformation explique que l'hypothèse des rendements croissants ou constants s'avère davantage plausible que celle des rendements décroissants pour rendre compte de l'innovation dans les firmes39, de l'appropriation innovante des nouvelles technologies40, des économies externes de réseau. i) La spécificité du bien information quant à son usage, son amortissement, son enrichissement, son caractère non exclusif soulève deux types de problèmes redoutables pour le paradigme actuel de l'économie politique qu'elle soit d'obédience néo-classique ou d'obédience critique. Le premier type de problème déjà discuté à propos de la "new economy" américaine41 est celui de la pertinence des lois globales de la théorie des prix s'agissant de biens connaissance dont la rareté n'est plus la caractéristique fondamentale et dont la nature se rapproche des biens publics42.Certaines caractéristiques des marchés de la net economy (en particulier le stockage d'information sur le consommateur à travers les cookies, le coût marginal quasiment nul de reproduction des biens connaissance et des biens informations) remettent en cause le principe de l'unicité des prix et du même coup les caractéristiques rééqulibrantes du marché. j) Le deuxième type de problème est lié à la nature et à la spécification des actifs susceptibles d'entrer dans l'échange marchand. La nature de plus en plus publique des biens connaissance remet en question 39 Sur la littérature évolutionniste de la firme voir G. Dosi (1996) et l'état des lieux dressé par B. Paulré (1997) 40 Voir A.-B. Lundwall (1985 et 1988), B. Artur (1989), P. Jollivet (2000 et 2001) 41 Voir B. Paulré (2000) 42 Voir J.B. DeLong (1997) et Delong, J. B. & Froomkin A. Michael, 2000, A. Kirman (1998); plus polémique voir Kelly, K., 1998 ou plus orthodoxe voir Shapiro, Carl & Varian Hal, 1998. Version pour publication : <[email protected]> 12 leur possibilité d'être produit à travers le système marchand. D'autre part, la nature même, des innovations mises en œuvre par les nouvelles technologies de l'information et de la communication (comme la levée des obstacles à une reproduction et à stockage presque infinis des biens immatériels), rend très problématique la création même de droits de propriété exerçables sur les nouveaux biens. L'exécution des droits de propriété privée se heurte à des difficultés croissantes. C'est le problème des nouvelles clôtures illustré par les procès autour des droits d'auteurs sur les morceaux de musique téléchargés à partir de l'Internet43. La question de la brevétabilité des logiciels est un second exemple. La question de la marchandisation des biotechnologies un troisième. Ainsi le double paradigme du marché et de la hiérarchie s'avère de plus en plus étroit pour penser la coordination des agents dans des systèmes complexes et vivant. Ce "basculement du monde", pour reprendre l'expression heureuse de Michel Beaud, comprend trois piliers essentiels : le pilier des NTIC, celui des biens connaissances, mais il faut y ajouter un troisième, celui de la production du vivant au moyen du vivant. 44 II Éléments préliminaires à un tableau économique de la production sous le capitalisme cognitif Comment peut-on représenter la production dans un régime de capitalisme cognitif ? Il y a plusieurs conditions. Nous n'explorons ici que les conditions préliminaires à la constitution d'une maquette et d'un modèle sans entrer dans les problèmes de la formalisation qu'entraîne ce type d'économie. A. Sur les inputs ou entrants de la production. 1°) Il y a quatre types d'intrants distincts dans la production et liés. La production sera toujours une production liée faite à partir de machines d'un type particulier (ordinateurs), fonctionnant avec des logiciels et traitant avec d'autres logiciels des données préalablement numérisées, le tout sous l'impulsion et le pilotage d'un cerveau et d'un réseau de cerveaux eux-mêmes rassemblant ordinateurs, logiciels, données numérisées et connaissances. 43 Voir Y. Moulier Boutang (2001C). Voir pour cette irruption du paradigme écologique, l'ouvrage fondamental de R. Passet (1996). 44 Version pour publication : <[email protected]> 13 2°) Ces quatre inputs doivent être présents simultanément. Cette coprésence est toutefois assez différente selon le type d'input dont il s'agit ; 3°) La présence de l'équipement en machines (hardware) est nécessaire au moins sous la forme de veille (c'est-à-dire la mise sous tension) même si la machine ne tourne pas, mais cette condition ne suffit pas. Il faut que la machine soit activée par une opération à effectuer avec l'aide des logiciels, soit par intervention humaine directe en temps réels soit par une commande humaine programmée dans son intervention temporelle qui est alors ramenée à un schéma de mise sous tension et d'action/réaction de la machine avec le logiciel de programmation. 4°) La présence des logiciels est à la fois nécessaire et suffisante pour réaliser toute opération de production, mais à la différence des machines mécaniques d'avant les commandes numériques, où le plan définit à l'avance et une fois pour toutes le potentiel de fonctionnalités, et toutes les opérations réalisables, le nombre de logiciels de configuration de la machine ainsi que celui des applications permettant de traiter les données numérisées ne sont pas limités et peuvent varier en cours de période. 5°) L'activité du wetware (dorénavant nous dirons l'activité cérébrale) doit être présente réellement tout au long de la période productive même si on peut introduire une usure ou baisse d'intensité. Le terme courant qui la désigne dans l'opération de l'individu travaillant devant l'ordinateur est l'attention ; du point de vue classique de l'économie taylorienne ou smithienne l'attention est la clé de l'opérationnalité du travail immatériel ; du point de vue de la création ou de la production de connaissance, ce critère de l'attention est trompeur. Il faudrait plutôt elle parler d'une activation des connexions neuronales au niveau cortex cérébral, car la production de nouvelles associations ne peut s'opérer le plus souvent qu'avec le relâchement de la tension consciente (voir les phases de sommeil paradoxal dans les rêves). 4°) L'activité du réseau cognitif (netware) nécessaire à l'exercice de l'attention cérébrale doit être disponible ou activable à tout moment, c'est-à-dire virtuellement présente. Cette présence virtuelle n'est pas possible sans les trois composantes précédentes Une analyse relativement précise des quadruples composants des inputs ou extrants remet en question la représentation même du modèle input/output. Pour que l'on puisse discuter de l'efficacité d'une combinaison productive (donc non pas simplement de la production d'un certain quantum d'output homogène, mais de la qualité de l'output, de son caractère nouveau), il faut que soient remplies plusieurs conditions : la première est celle de l'homogénéité des inputs. S'agissant des inputs traditionnels des opérations de productions (le capital, le travail) la Version pour publication : <[email protected]> 14 question se trouvait résolue à un double niveau : le travail est supposé le plus souvent homogène (simple) ou s'il est divisé en deux (travail Tableau 1 : la modification du modèle productif input/output. Modèle input/ouput de production de biens matériels Modèle productif de biens connaissance Transformation de la matière à partir d'une dépense d'énergie Dans un univers entropique Combinatoire de relations, manipulation de symboles modèle linguistique et informationnel Inputs en nombre fini et délimiltés (rares ou coûteux) Monde de la rareté Inputs en nombre infini non délimitables Monde de l'abondance et de la redondance Maintien de la complexité, préservation de la variété (qualité d'évolution dynamique d'un système complexe) Gâchis d'inputs à des fins créatrices Principe d'économie des moyens et recherche de la solution unique (optimisation et équlibre) Monde simple et moniste, solidarité mécanique, linéarité, découpage de séquences - Monde de la discernabilité certaine : - Rationalité illimitée des agents - Coût nul de la recherche d'information Coût nul de la connaissance (donnée comme externalité positive) - Coût de la mise en œuvre Monde complexe, solidarité organique et chaos - Monde de prévision incertaine. Rationalité limitée et procédurale des agents Coût élevé du tri de l'information pertinente Coût elevé de la production de connaissance nouvelle - Coût nul de sa reproduction Homogénéité des inputs Hétérogénéité des inputs Ou homogénéisation monétaire de façon dominante par le marché Monde des relations monétaires Homogénéisation monétaire par les mécanismes mixtes de création de biens publics et de biens marchands. Rassemblement de ces ressources de façon exogène par la hiérarchie ou par le marché Monde de pouvoir sur la division du travail à partir de l'opposabilité de droits de propriété. Coproduction de ces ressources de façon endogène par réseau Monde de pouvoir d'accès à la coopération des cerveaux qualifié/non qualifié) c'est la commensurabilité des deux types d'activité par un prix qui permet de compter par exemple le travail qualifié comme un multiplicande non pas du travail non qualifié, mais du prix qui lui est Version pour publication : <[email protected]> 15 attribué soit de façon administrée par l'État, par l'Entrepris soit par le marché, soit par un système mixte. Ici, lorsque tout bien est produit à partir de quatre intrants différents. La deuxième condition est que la quantité d'inputs nécessaire et suffisante à la production d'une quantité d'output déterminé soit donnée et ne varie pas en cours de période. Pour que le raisonnement économique de base d'un modèle de production efficace, c'est-à-dire la maximisation de l'out put et la minimisation des intrants ou du prix des ceux-ci, il faut que l'on soit dans un modèle de type transformation de matière en énergie ou d'énergie en matière avec une déperdition entropique qui est le principal coût de transaction direct. À première vue, il ne reste pas grand-chose, dans la deuxième colonne du tableau, du modèle optimisateur. Est-ce à dire que la complexification du modèle productif nous empêche de nous représenter le bloc productif ? Nous ne le pensons pas. Le tableau 2 se propose de classer la nature du type de biens selon la part dominante d'intrants qui concourt à leur production. Il se propose aussi de leur faire correspondre un type d'externalités positives qui explique l'origine de leur valeur et également les situations différentes de chacun de ces inputs par rapport à la loi des rendements décroissants. À notre avis, seul le capital physique (qui inclut dans cette optique à la fois les machines et la partie du travail vivant qui relève du machinique vivant, c’est-à-dire qui s’use, se remplace partiellement) est soumis à la "malédiction" des rendements décroissants. Dans le tableau suivant, on a classé le capital humain cristallisé dans des produits ou software dans les rentes au sens où ils peuvent être sources de revenus sans même avoir à tirer leur origine des profits de la production matérielle. Peut-on faire, sur eux, l'hypothèse qu’ils ont des rendements décroissants ? Cela paraît difficile. Nous penchons pour l'hypothèse de rendements constants en l'absence d'usage innovant liés à leur appropriation par l'activité cérébrale de leur utilisateur45. Cela reste encore à discuter fortement. Une chose est sûre : contrairement à une mythologie chosiste du progrès technique et de l’économie de l’information, une information (comme somme de données numérisées, objectivées et d’un usage universel), pour échapper à l’entropie et à l’usure par son usage, est néanmoins neutre : elle n’est pas le facteur à l’origine des rendements croissants, c’est l’application du travail vivant 45 Sur les rendements croissants d'usage innovant voir P. Jollivet (2000 et 2001). Version pour publication : <[email protected]> 16 comme travail vivant ( id. est du wetware et du netware combinés) qui génère le surplus de sens, de valeur, de réorganisation de l’information. Tableau 2 : Types de biens, rétribution, externalités et type de rendements dans une économie de capitalisme cognitif Nature de Type de biens l'intrant dominant Description Forme de la rétribution du facteur Externalités positives dominantes Bien matériel Ordinateurs Hardware Capital physique Rente de situation Externalités Décroissants d'indivisibilités Bien information Capital humain Rente de Réseau Externalités d'apprentissa ge Constants Bien vivant Attention et Bien activité connaissanc cérébrale e Wetware Travail vivant individuel Profit de situation Externalités d'apprentissa ge Constants ou croissants Bien collectif Réseau Bien Netware connaissanc e Division cognitive et coopérative Travail vivant collectif Profit de réseau Externalités de réseau Croissants Logiciels Software Rendements Dans une économie cognitive hégémonique ou dominante, la forme moderne que revêt le profit, ce sont les externalités positives de situation, d'apprentissage et de réseau tandis que ce qui se présente comme profit comptable dans l’entreprise est une rente territoriale et correspond à une prédation des externalités au sein de l’entreprise et hors de l’entreprise sur le territoire productif)46. L’irréductibilité de ces quatre types d’inputs explique : a) l’importance des externalités générées ; b) le rôle dévolu au marché. Ce denier à une fonction régulatrice et allocatrice bien connue, mais il en possède une autre, complémentaire des précédentes, qui est de repérer ces 46 Voir Y. Moulier Boutang (1993 et 1997) voir aussi traduit dans un vocabulaire différent X. Greffe (1998 er R. Salais (1998) . X. Greffe parle du territoire innovant comme un véritablke facteur de production pour l'entreprise. Version pour publication : <[email protected]> 17 externalités. La carte de ces externalités est un préalable à toute tentative de les endogénéiser dans le calcul économique. Toutefois si dans le cas des externalités négatives, leur croissance devient un facteur de pression à leur inclusion dans le calcul économique du fait de la tendance des agents lésés à exercer sur les pouvoirs publics afin qu'ils les compensent, dans le cas des externalités positives la situation est plus complexe. Leur endogénéisation dans l'économie monétaire et dans le marché rencontre plusieurs obstacles puissants. Leur monétisation peut ne pas être souhaitée par un grand nombre d'agents économiques : par exemple la brevétisation d'une invention qui doit s'accompagner de sa publication va à l'encontre des firmes qui peuvent en profiter sans payer si les techniques de reproduction permettent d'accéder facilement aux connaissances et aux processus de fabrication qui leur sont liés. L'endogénéisation dans le marché d'un certain nombre de formes de coopération sociale qui se créent spontanément et de façon particulièrement efficace peut conduire à une moindre efficacité ou carrément à des coûts de transaction infinis et donc impossible à assumer par un agent économique privé47. Les externalités positives sont la base de la rente schumpetérienne de progrès technique, des rendements historiquement croissants. Le soldage intégral de toutes les externalités dans une économie donnée à un instant t, aboutit à geler complètement les dynamiques de différenciation en cours. Dans un capitalisme cognitif où l'essentiel de la valeur formée repose sur des biens connaissances incorporant des externalités en nombre croissant, la marchandisation ou brevétisation des inventions ou innovations a de plus en plus de mal à se faire sur la base de la séparation tranchée qui existait au temps de Schumpeter entre le fond illimité des inventions et connaissances extérieures à la sphère économique (essentiellement confondues avec le secteur privé) donc génératrice d'externalités positives et l'innovation industrielle purement économique. Aujourd'hui la production de la connaissance est une sphère majeure du capitalisme et la frontière entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée devient fictive. Grande est alors la tentation d'endogénéiser complètement la connaissance aux mécanismes du marché en en faisant un bien comme un autre, et donc de permettre l'émission de droits sur elle, par exemple sur les algorithmes, sur les formules chimiques des molécules, sur les génomes du vivant, sur les logiciels etc. une telle opération peut créer un obstacle majeur à l'invention d'un côté, et à l'innovation d'un autre côté si les entreprises se trouvent exclues pour des raisons pécuniaires de l'accès 47 C'eest l'argumentation de R. Coase sur le choix entre allocation par le marché ou hors marché ( chez Coase l'entreprise et la hiérarchohie) qui peut être appliqué au choix entre le marché et le public non marchand. Version pour publication : <[email protected]> 18 à ce qui était autrefois pour elle, et pour l'ensemble de la collectivité des biens collectifs appropriables par chacun. B. Transformation des chaînes de production dans une économie cognitive Le schéma de production dans une économie où la production matérielle est hégémonique est le suivant : Schéma 1 Production dans une économie matérielle (fordisme) Production 1 Sous-traitance A Marché 1 Production 2 Sous-traitance B Marché 2 Production 3 Marché 3 Consommation finale À chaque étape de la production, l'entreprise se trouve devant le choix d'intégrer (make, faire) ou de re courir à la sous-traitance en passant par le marché (buy, faire faire). Dans une économie cognitive, il se complique de la façon suivante : on a un dédoublement tout au long du cycle. Version pour publication : <[email protected]> 19 Schéma 2 Production et rétroaction de la consommation productive d'information dans une économie de capitalisme cognitif Informations (1,2,3... n) Production 1 Sous-Traitance A Marché 1 Consommation 1 Production 2 Sous-traitance B Marché 2 Consommation 2 Production 3 Marché 3 Consommation finale 3 Dans le schéma suivant on a représenté les relations de la façon suivante. La consommation finale indiquée par les flèches pleines p produit une série d'informations (structure de la demande) ; les externalisations entre les phases de productions intermédiaires co-produisent à leur tour des informations qui décrivent le processus à l’envers figuré par la flèche pleine verticale qui collecte une somme d'informations. Ces informations rétroagissent en temps réel grâce à l'informatique (par exemple les cookies dans le commerce électronique48, mais le relevé détaillé des cartes de crédit permet également ce type d'opération). 48 Rappelons que les cookies permettent de mémoriser les achats ou les sites visités par le consommateur ou le simple visiteur en ligne. Le producteur est ainsi en mesure de dresser directement et gratuitement (il n'a pas besoin de payer des enquêtes de marketing a postériori) un portrait précis en temps réel du consommateur. Comme la mémoriisation de Version pour publication : <[email protected]> 20 Il ne s’agit plus seulement du phénomène décrit par B. Coriat dans Penser à l’envers à propos du renversement de séquence de la chaîne productive, qui s'observait à l'intérieur d'un cycle productif donné (par exemple le fonctionnement d'une chaîne de montage de Toyota) mais d’un système plus général où le consommateur coproduit dans la mesure où il fournit une information indispensable à l'ajustement de la production flexible. Si à chaque étape de la chaîne productive, il faut associer des coûts de transaction (croissants, décroissants ou constants selon les cas), il faut associer à la contre chaîne de ce que j’appellerai la consommation productive de la procédure productive, un véritable méta niveau de la production, une réduction des coûts de transaction (en particulier au sens d’une définition plus rapide de l’information pertinente, d’un réaction quasi instantané cf. ce que nous avons établi à propos du cycle court du Sentier49, Dernière remarque, ce mécanisme n'est pas seulement à l'œuvre dans les relations de marché, mais dans toute celle d'un échange ou d'une consommation de biens non marchand par exemple. C. Une matrice de la production avec quatre type d'intrants On peut envisager une matrice input- ouput théorique construite à partir des 4 types d’inputs HW (hardware), SW (software), WW (wetware) et NW (netware) chacun des 4 types d’outputs étant à son tour subdivisé en quatre colonnes et quatre lignes. Le tout produisant un tableau de 16 colonnes et de 16 lignes. Tableau 3. Matrice de production à quatre intrants liés HardWare HW1 SW1 WW1 NW1 H W SoftWare HW2 SW2 WW2 NW2 WetWare HW3 SW3 WW3 NetWare NW3 HW4 SW4 WW4 HW1 SW1 ces données est devenue très facile, il devient possible de proposer des produits ciblés et surtout de faire des prix à la tête du client, 49 Voir M. Lazzarato, Y. Moulier Boutang, A. Negri et G. Santini, (1993) NW4 Version pour publication : <[email protected]> 21 WW1 NW1 S W HW2 SW2 WW1 NW2 W W HW3 SW3 WW3 NW3 N W HW4 SW4 WW4 NW4 Il s’agit d’une matrice non empirique puisque la description de la production réelle implique la prise en compte des externalités par définition non marchandisées et que si le hardware total d’une telle économie cognitive peut-être évalué, le software soulève des problèmes analogues aux vieux débats autour du capital humain, l’évaluation du wetware et du netware est nécessairement fictive. Mais en attendant qu'un nouveau système de comptabilité les prenne en compte, on peut en donner deux approximations grossières. Si le wetware est assimilé à l'attention (ce qui est incomplet mais partiellement exact et que l'on admet donc qu'elle prend une valeur dichotomique : attention pleine et attention nulle puisque sans attention cérébrale la production de connaissance ne peut fonctionner, l'ordinateur, les logiciels et la connexion avec un réseau demeurant inactifs) la valeur apportée par le wetware et sera du même ordre que l'efficience x d'Harvey Leibenstein. Si d'autre part, on admet que le fonctionnement en réseau captant l'information et la faisant remonter le long de la chaîne productive à contre courant, permet à la production de s'ajuster en temps quasiment réel et d'échapper aux stocks, la valeur apportée par le réseau, peut être approchée par les immobilisations financières évitées par la réduction maximale des stocks, diminuées du montant d'installation et de fonctionnement de ce réseau de captage de l'information décrit plus haut. Une telle matrice peut servir à représenter selon le schéma suivant le début d’un cycle de production. Schéma 3 : Début du cycle de production Version pour publication : IMPUT.1 HW.1 SW.1 WW.1 NW.1 <[email protected]> BLOC PRODUCTIF. 1 Matrice 1 16 X 16 22 OUTPUT.1 HW1 SW1 WW1 NW1 D. Types de division du travail et de production Dans une économie de capitalisme cognitif, la division du travail ne joue plus le même rôle que dans une économie de type fordiste ou plus généralement de type industriel. L’homogénéité du travail dans l'analyse néo-classique, son caractère simple dans l'analyse classique et marxiste ne constituent pas simplement des conditions pour définir l’équilibre dans le premier cas, une mesure de la valeur dans l’autre. Plus radicalement, ces caractéristiques servent à mettre en place le concept de division du travail et la loi des rendements décroissants. Les économies d’échelle à un pôle et les coûts croissants à l’autre, ne fonctionnent que dans ce cadre. Si le travail n'est pas homogène ou simple, la spécialisation des tâches n'est plus possible au sens ou Adam Smith l'a présentée dans le premier chapitre de la richesse des Nations. L'innovation technique qui permet le recours au travail simplifié et qui dans un deuxième temps permet également de le réduire, n'y provient pas du nombre d'opérations effectuées (liées à la taille du marché). Ce dernier point soulève en effet des problèmes d’organisation et des coûts de transaction sur lesquels A. Smith reste muet. L'innovation provient de l’invention d’un gamin qui, pour flâner et jouer, se débarrasse de son travail. Il s'aperçoit en effet qu'en « mettant un cordon au manche de la soupape qui ouvrait [la] communication [entre la chaudière et le cylindre des premières machines à feu] et en attachant ce cordon à une autre partie de la machine, cette soupape s’ouvrirait et se fermerait sans lui et qu’il aurait la liberté de jouer tout à son aise »50. Sans travail vivant, counter-planing, savoir tacite, il n’y a pas d’invention et les coûts de transaction ne décroissent pas avec la taille ; ils augmentent plutôt. Il faut plutôt dire que la taille que permet l’homogénéité du produit (standardisation, normes homogènes), se heurtant à des problèmes nouveaux de contrôle et de gouvernance de la relation de travail, attise davantage la résistance ouvrière qui invente des chemins nouveaux de productivité pour conquérir ou reconquérir des espaces d’autonomie. 50 A. Smith, Trad fr. Livre I, chap. I, G.Flammarion, (1991), p. 76-77 Version pour publication : <[email protected]> 23 En fait la connaissance joue un rôle crucial dans la division du travail comme processus dynamique ; elle lui préexiste au lieu d'en découler mécaniquement. 51 On examinera ici deux modèles dans le cas le plus "matériel" celui de la production de machine au moyen de machine (du hardware 1 au hardware 2). L’application de la science ou du savoir à la production ne date pas d’aujourd’hui. Il y a beaucoup de connaissances appliquées dans l’organisation des plantations sucrières entre le XVI et le XVII siècle quand les Hollandais inventent à la Barbade et au Brésil l’industrialisation de l’agriculture. Autrement dit, il y a déjà un cycle particulier du travail vivant comme travail vivant (il y a déjà du wetware, des savoirs implicites collectifs).Dirais-je qu’il y avait beaucoup de savoirs implicites chez ces salariés non libres qu’étaient les esclaves, tout comme il y a beaucoup de consommation dans l’autoconsommation. Braudel a raison de rappeler qu’il y a une connaissance très développée du marché (celui-là même que Schumpeter, suivi par M. Blaug se plaint de ne pas trouver chez Smith) bien avant le capitalisme industriel, et en dehors du capital marchand. L’économie de production matérielle : les deux mondes juxtaposés On note : [P*] pour la production comme combinaison ou association obligée pour une composante forte (un input déterminant) pour une composante faible (un input subalterne) [C] pour connaissance, consommation, service interactif pour une composante principale et une interactivité forte 51 Cette idée a été particulièrement développée par M. Lazzarato ainsi que par e Carlo Vercellone, Antonella Corsani . Version pour publication : <[email protected]> 24 pour une composante secondaire et une interactivité faible Schéma 4 La production matérielle de machine au moyen de machines HW.1 HW.1 [P*] SW.1 SW.1 [P*} WW.1. WW.1. [P*]} [C] [C] HW.2 [C] } WW.2 compétence NW.1 NW1 [P*] Réseau de production implicite NW.2 Counter-planing L’économie de production immatérielle : les deux mondes intégrés On note : [ACC*] pour la production comme activité coopérative cognitive. pour une composante principale et une interactivité faible pour une composante principale et une interactivité forte Version pour publication : <[email protected]> 25 pour une composante secondaire et une interactivité faible pour une composante secondaire et une interactivité forte La partie répétitive, sérialisée du travail est désormais confiée à la machine et de moins en moins au travail banal. Ce sont ainsi les données, les informations, les connaissances numérisées qui s'agglomèrent de façon objective au hardware et aux logiciels. La connaissance, le service, la consommation interactive se concentrent sur l’activité de création, d’invention. Schéma 5 La production intégrée dans un capitalisme cognitif HW.1 HW.1 SW.1 SW.1 WW.1 WW.1 NW.1 NW.1 [ACC] [ACC] [ACC] [ACC] [ACC] [ACC] [ACC] [ACC] HW.2 HW.2 SW.2 SW.2 WW.2 WW.2 NW.2 NW.2 Autant la loi smithienne traditionnelle de la division du travail joue encore sur la partie objectivable, numérisable des savoirs (voir la taylorisation de la saisie et du traitement des données), autant elle s’avère un obstacle à l’innovation organisationnelle, à l’invention cognitive et aux apprentissages intelligents. Disons, pour faire image, que la division du travail cognitive demeure limitée à la mise en ordre (jugement analytique) tandis que la composition de l’activité cognitive transgresse les règles classiques de l’axiomatique et introduit du nouveau (jugement synthétique).Les flux productifs et de consommations productives Version pour publication : <[email protected]> 26 deviennent réversibles, réagençables. C’est un des avantages des modes virtuels. Les deux opérations P* et C* du schéma précédent sont intégrées dans une seule opération ACC (Activité coopérative cognitive) Les liens unilatéraux sont remplacés par des liens interactifs. Cette séquence ne produit pas HW.2 contrairement à la première. Le circuit particulier P* a disparu. Il est absorbé dans les relations interactives. WW1 (le wetware ou travail vivant joue toujours un rôle fondamental) mais NW.1 également, tandis que la contribution de HW.1 et SW.1 devient moins importante (interaction faible) Examinons désormais comment la relation salariale canonique est transformée52. III Les transformations de la codification salariale dans le capitalisme cognitif Il faut d'abord remarquer que l’échange argent/travail ou activité a revêtu différentes formes historiquement : - Le pécule comme prix du produit ou du travail fourni forfaitairement ou par unité de temps (heure, journée, mois, année) ; - Le salaire comme prix de la force de travail, comme reconstitution du potentiel d’énergie corporelle dissipée dans sa consommation productive ; - Le salaire comme rémunération de la productivité marginale individuelle ; - Le salaire comme prix administré d’achat dans l’entreprise (prime) ou par les règles sociales de la coopération collective ; - Le revenu et le statut du salarié (CDI, protection sociale étendue au conjoint et enfants) comme garantie de régularité de la transaction : Quelle est l'évolution qui est prévisible d'après ce que nous venons d'explorer de façon encore très grossière ? La structure formelle du travail dépendant et plus spécifiquement du salariat libre déborde largement la rémunération du produit (voir les fulminations de Marx contre le salaire comme prix du travail), mais aussi celle de la force de travail. Le corrélat de l’impossibilité de déterminer une productivité du travail (productivité apparente) et une productivité individuelle du travail est déjà présent dans la structure du salaire moderne (voir par exemple le SMIC indexé sur la productivité globale de 52 Sur la transformation en cours du salariat on consultera Salais & Storper (1994), Boissonnat (1995) , Zarifian( 1995), S. Bologna (1997), Bonomi (1997) A. Gorz (1997 et 1998), P. Rolle (1997), Boltanski & Thevenot (1991) , Boltanski & Chiapello (1999), R. Castel (1995 & 1996), A. Supiot (1996 & 1999) , Castells & Aoyama (1994), Greenan (199) Version pour publication : <[email protected]> 27 l’économie). Plus radicalement encore, que vaut la notion de productivité sectorielle (celle de l’industrie par exemple) indépendamment des autres secteurs, mais aussi et surtout indépendamment des dépenses publiques ? Nous sommes de plus en plus dans des prix de transfert et le marché quand il se donne comme vérité auto-génératrice bien plus qu’autorégulateur dissimule la part croissante de redistribution intimement liée à la production. La reconnaissance à travers le droit social et le droit du travail d’un statut du salariat et d’un revenu corrélatif redistribué par la puissance publique ou les partenaires sociaux sous la tutelle publique, doit être considéré comme la rémunération complète (le salaire social et collectif) de l’activité. La forme particulière (historiquement spécifiée) du salariat n’est pas la rémunération seulement du travail, comme facteur de production isolé du capital, mais celle des quatre composantes hardware, software, wetware et netware qui constituent les intrants de tout bien et service, y compris dans les économies de production matérielle. Naturellement dans les économies de production immatérielles et cognitives ( qui demeurent puissamment industrielles), cet aspect revêt une importance de plus en plus cruciale. On peut dresser un premier tableau des logiques de rétribution des différents types d’inputs. Tableau 4. Revenu et rétribution des quatre composantes des biens et services dans les économies industrielles et les économies cognitives Type de Revenu Économie de production matérielle Économie cognitive de production immatérielle Production de capital fixe au moyen de travail vivant Le salaire individuel au produit ou à la productivité marginale Salaire de coopération et entretien du capital fixe SW Production de travail fixe au moyen de travail vivant et de capital fixe Le salaire de reproduction de la force de travail (revenus du travail + transferts) Entretien du travail fixe (information) Type d’input HW WW Production de travail Revenu du progrès vivant au moyen de technique travail vivant Brevets et droits d’auteurs Rémunération ou financement du vivant et de l’innovation des apprentissages Version pour publication : <[email protected]> NW Production de coopération vivante au moyen de capital fixe, de travail fixe et de travail vivant 28 Financement des coûts de transaction des organisations par subventions Rémunération ou financement de l’interactivité et de la coordination globale HW, SW, WW Salariat régulé par le statut collectif et lié à l’emploi Revenu régulé par un statut et lié à l’appartenance à un territoire Formule synthétique Évoquons pour finir une série de problème que nous avions déjà posé dans notre analyse de la grande transformation du salariat non libre en salariat libre53. La formule salariale (mais on voit qu’il faut peut-être parler d’une véritable dissolution du salaire dans une structure plus large dans laquelle il subsiste, mais se trouve articulé différemment et surtout joue un rôle différent) dépend largement au cours de l’histoire du capitalisme dans ses différentes formes : a) de la nature des actifs qui sont à l’œuvre dans la transaction argent/activité dépendante. b) de la nature des actifs qui sont reconnus et inclus dans la transaction argent/activité dépendante. b) des normes négociées ou administrées qui s’instaurent sur les procédures de détermination de a) et de b)54. Retenons à titre heuristique, la suggestion de Williamson et de Coase étendue cette fois-ci à l’ensemble de l’économie et non plus seulement à la corporate governance, que les procédures (contrats, structures d’organisation, droits de propriété) qui sont sélectionnées ou qui s’imposent sont celles qui minimisent les coûts de transaction et de coordination des inputs productifs sous les contraintes a) de spécificité des actifs (ici les quatre types d’intrants productifs pour la production de connaissance et la production de biens et services au moyen de la connaissance), b) de rationalité procédurale et limitée des agents ; c) de leur opportunisme ex post. 53 Voir Y. Moulier Boutang (1998 B) Voir H. Simon (1951), O. Williamson (1985) , B. Reynaud (1988 et 1992) et notre analyse du salariat (1998 A et B), AV (1997) 54 Version pour publication : <[email protected]> 29 Reprenons nos quatre type d’intrants HW, SW, WW et NW et croisons les avec les variables : type de contrat, de statut de l’échange argent/activité dépendante. Nous obtenons le tableau 5 suivant. Tableau 5 : Composantes du salaire dans le capitalisme cognitif en fonction du type d'intrants dominant et des variables de transaction. spécificité de l’actif rationalité limitée: type de contrat opportunisme ex post des agents : objectif de l’incitation et forme de rémunération Temporalité HW usure, entropie présence continuité CDD, FPE contrat de travail maximisation de l’output rendement d’entreprise salaire Temps de production sous repères objectifs Temps affecté SW universalité instabilité déclassement contrat commercial marché Mise à niveau primes de résultat Temps de performance Temps de constitution latent WW singularité, contextualisation Disponibilité irrégularité CDI ou travail indépendant Révélation des savoirs tacites et production de connaissance Rémunération de projet, patrimonialisation du revenu Temps de vie, temps de participation (affects généraux et non plus seulement temps de travail) Intensification des transactions captation des économies de réseaux Temps de présence virtuelle Contrat incomplet gouvernance NW interactivité contrat non exclusif On peut imaginer que dans une économie cognitive, c’est-à-dire dans le capitalisme qui se prépare, le revenu global d’un individu ou d’un groupe d’individus sera fonction du nombre de ces actifs présents dans Version pour publication : <[email protected]> 30 la transaction argent/travail dépendant, et de leur pondération respective. On peut même se demander si ce n’est pas déjà ce qui est en train de se produire avec les formes de rémunération du Tiers Secteur, de l’économie sociale à un pôle et les revendications qui apparaissent désormais ouvertement d’un revenu d’existence détachée non pas simplement de la productivité individuelle, mais de l’emploi d’entreprise55. Terminons par une ultime remarque : Si la structure du salaire peut être traduite en fonction de ces quatre composantes de la production de valeur, son niveau et sa substance sont forcément fonction d’une évaluation du poids des externalités positives par rapport à l’économie marchande et prise en compte dans la comptabilité nationale. Quelle devrait être alors la mesure de la productivité réelle d’une économie cognitive ? À notre avis, deux critères : a) le contenu en externalités positives absorbées comme input ; b) le rendement en externalités positives d’un système de production. Un système productif cognitif sera plus efficace qu’un autre s’il restitue à la sortie plus d’externalités positives qu’il n’en a consommées et monétisées. Un système productif qui, tout en dégageant un profit marchand, génère moins d’externalités positives qu’il n’en a consommées, ou bien génère plus d’externalités négatives que de positives, devrait être taxé. Les taxes écologiques sont un cas particulier d’un système général (en l’occurrence celui qui ne s’attache qu’à la compensation des externalités négatives). C'est évidemment dans ce sens qu'il faut interpréter les transformations en cours du droit du travail. 56 Références A.V (Alain Caillé, Claus Offe, David Purdy, Philippe Van Parijs, Andrea Fumagalli, Marco Bascetta, Giuseppe Bronzini) 1997 La democrazia del reddito universale, Manifestolibri, Rome. 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Schéma 1 : Droits de propriété dans le capitalisme industriel HIÉRARCHIE DIVISION DU TRAVAIL Séparation conception/exécution Modèle input/output ÉTAT Version pour publication : Absence d’externalités Organisation de la rareté <[email protected]> SÉPARABILITÉ EXCLUSIVITE` ET RIVALITE Possibilité d’exécuter des droits de propriété privatifs Reproductibilité difficile ou coûteuse techniquement Répression TRAçABILITÉ 37 Définition des droits de propriété Exécution des droits de propriété (enforcement) des fraudeurs Économie de MARCHÉ SYSTÈME DE DROIT DE PROPRIÉTÉ ILLIMITÉE USUS ET FRUCTUS SUBORDONNÉS À L’ABUSUS ( aliénabilité) ACCÈS LIMITÉ Schéma 2 : Problèmes d’exécution des droits de propriété dans le capitalisme cognitif ÉTAT DIVISION COGNITIVE DU TRAVAIL PRODUCTION DE CONNAISSANCES AU MOYEN DE CONNAISSANCES COOP ÉRATION Version pour publication : <[email protected]> 38 DES CERVEAUX EN RÉSEAU INDIVISIBILITÉ Multiples Effets externes BIENS PUBLICS NON EXCLUSIVITE` NON RIVALITÉ Impossibilité d’exécuter des droits de propriété privatifs Répression des fraudeurs impossible Économie de RÉSEAU Numérisation Mémoire illimitée Reproductibilité Transport à coût nul umérisation INTRAçABILITÉ Enrichissement par usage Economies de réseau NTIC Internet` Wireless Freenet cryptage PROPRIÉTÉ LIMITÉE À L’USAGE FRUCTUS CONDITIONNEL INALIENABILITE OU CESSION CONDITIONNELLE ACCÈS ILLIMITÉ ET GARANTI REVENU d’EXISTENCE ? Tableau Annexe : Le schéma 1 présente l’articulation de la division du travail, l’intervention de l’État dans l’établissement des droits de propriété dans le fonctionnement du marché dans le capitalisme industriel. Le schéma 2 qui doit être mis face à face résume les transformations qui se produisent dans le capitalisme « cognitif ». Les nouvelles technologies de l’information et de la communication en rendant tout bien connaissance ( langage, image, son) réductible à une suite de chiffres binaires stockables et traitables par l’informatique grâce au développement de la capacité des mémoire, aux logiciels de compression , de cryptage, lève l’obstacle technique qui Version pour publication : <[email protected]> 39 protégeait l’exécution des droits de propriété privatif . L’ensemble du système de la propriété intellectuelle ( brevets industriels, droits d’auteurs, marques) se trouve remis en cause. Il n’est pas jusqu’au séquençage du vivant qui ne se trouve ainsi rendu accessible. La bataille juridique et stratégique qui oppose les pays du Sud qui se sont spécialisés dans les médicaments génériques ( l’Inde, le Brésil) à propos du traitement du Sida en Afrique du Sud aux grandes multinationales pharmaceutiques européennes et américaines illustre à quel point il s’agit d’un enjeu capital pour les biotechnologies. Sur le front de la consommation mercantile d’images ou de musique, le procès Napster montre également que les consommateurs sans pouvoir d’achet ( insolvable de fait) peuvent tirer partie des nouvelles technologies pour contourner l’exclusion marchande. Enfin la bataille des logiciels libres ( Linux) contre le modèle marchand Microsoft montre également que dans le secteur crucial pour le capitalisme cognitif du software se trouve pour la première fois confronté à un véritable modèle productif et coopératif qui n’obéit plus à la division smithienne du travail. Ce qui est remarquable, c’est que la technologie en tant qu’elle correspond à une diffusion massive des savoirs informatiques et à une décentralisation des connaissances parvient à faire mieux que la coordination par le marché ou par la hiérarchie d’entreprise. Les tentatives de reprises en main de l’Internet par les États, comme l’essai de soumettre aux règles de l’économie marchande la production de connaissances rencontrent des difficultés structurelles internes : sous peine de perdre son caractère productif la coopération par l’Internet ne peut pas s’accommoder des limitations d’accès : la gratuité ou quasi-gratuité fait partie du modèle. C’est pourquoi l’échec de la e-economy loin de refléter une normalisation rapide, une adaptation des droits de propriété à des services un peu particuliers mais réductibles aux lois du marché traduit ce hiatus. Réciproquement, les tentatives de s’installer dans un régime de capitalisme cognitif, suppose résolus des problèmes de garanti de revenu des producteurs de connaissance autrement que par les brevets et les droits d’auteurs et probablement une refonte totale du système du salariat qui s’était consolidé au cours du capitalisme industriel. Il paraît ainsi difficile de faire l’économie d’une réflexion nouvelle sur le système de protection sociale qui a été couplé au salariat jusqu’à présent.