1 Les nouvelles enclosures du capitalisme cognitif1 (version provisoire) Yann Moulier Boutang2 Préambule : la difficile transition au capitalisme cognitif Ce papier s'inscrit dans la continuité du papier présenté à la journée organisée l'an dernier sur ce même thème et du texte Mutation de l'économie politique tout court. Les références n'ont pas été insérées dans cette première version soumise à la discussion. Il s'agit de pousser l'hypothèse d'une mutation profonde du capitalisme que nous résumons par le terme de capitalisme cognitif (ou capitalisme immatériel, weightless selon l'expresssion de D. Quah). La "société de l'information", la net-economy, la "Nouvelle économie", la Knowledged-based Economy (OCDE), la révolution technologique des NTIC sont autant de façons de nommer cette transformation et d'en saisir certains aspects partiels. Notre thèse principale est que la nature même de la valeur, sa forme, le lieu et les modalités de son extraction sont re-modelées de fond en comble. Il s'agit pour nous de situer la transformation en amont d'un changement de régime de croissance ou d'un paradigme technique ou régime sociotechnique (Perrez, Freeman et Soete). Quelque part entre un changement de régime de l'accumulation capitaliste (école de la régulation) et un changement des rapports de production proprement dit c'est-à-dire de l'esquisse d'une transition à l'intérieur du capitalisme, comportant des mutations aussi radicale que celle qui ont marqué le passage du capitalisme marchand esclavagiste et absolutiste, au capitalisme industriel salarié et "démocratique". La division verticale du travail, le caractère presque universel de la loi des rendements décroissants, la séparation de la force de travail de la personne du travailleur, le paradigme de la valeur comme transformation et dépense d'énergie musculaire, la rareté des biens et services, la divisibilité des facteurs, le caractère subalterne ou marginal des externalités en particulier les exigences de les solder à un niveau systémique écologique, tous ces traits qui façonnaient l'horizon de Ce texte, sous une forme proche, a été présenté aux Journées d¹étude d’histoire économique « Transformations de la division du travail et nouvelles régulations », le 22 mars 2001, sous le titre "Capitalisme cognitif et revenu : réflexions sur un débat" 2 Professeur des Universités en sciences économiques, Isys-matisse Laboratoire Innovation, Systèmes, stratégie (ISYS), ISYS Matisse, CNRS - URM 85-95, Université de Paris ICNRS 1 769788028 16/04/17 - 07:51 2 l'économie politique classique et néo-classique, se trouvent aujourd'hui remis en cause. C'est cette question fondamentale qui court derrière le débat : y a-t-il des lois nouvelles pour la nouvelle économie ( en matière de cycle, de fondamentaux à respecter) ou les lois de la vieille économie valent-elles encore ? la microéconomie vaut-elle encore quelque chose ( question bien entendu concomitante de la remise en question de son enseignement (il y a quinze ou vingt ans, la nouvelle économie avait soulevé des questions analogue à l'encontre de la macro économique ) ? Naturellement l'effondrement boursier du Nasdaq et des valeurs de la e-economy font que ces questions reçoivent le plus souvent une réponse négative : finalement la nouvelle économie est critiquée du côté "radical"soit comme une opération libérale allant de pair avec la financiarisation, soit comme une "nouvelle ruée vers l'or", aussi éphémère que les précédentes et redistribuant finalement les droits de propriétés en faveur des investisseurs capitalistes au détriment des pigeons qui avaient caressé un moment le rêve de faire fortune vite. Des visions moins âprement critiques ( par exemple Pierre Noël Giraud, Le commerce des promesses, le Seuil 2001) notent l'extension de la sphère marchande aux diverses formes de transactions virtuelles ( les produits dérivés) destinées à résoudre le problème de l'incertitude et d'un risque proprement systémique. Je crois qu'il ne faut pas confondre le débat sur la nouvelle économie, l'expansion débridée de l'économie de l'information et du Net avec une transformation de longue durée pourtant apparue très rapidement : en fait la tentative capitaliste de subsumer réellement l'économie de l'immatériel et son potentiel gigantesque de coordination et d'interaction de l'action humaine à partir de la possibilité de digitaliser l'information et la connaissance, de la traiter, de profiter des capacités de stockage, de calcul combinées avec la révolution de l'acheminement quasi instantané des données et de la réduction quasiment à zéro du coût de la reproduction de produits de la connaissance. Autrement dit, la net economy comme entreprise pionnière, y compris dans ses bulles destinées à crever, arpente par l'échec du e-business , ou son caractère décevant sur le plan de la profitabilité, et le retrait consécutif d'une partie des capitaux en quête de valorisation rapide, les véritables obstacles que le capitalisme devra résoudre. Par exemple les règles de comptabilité des actifs, dont le classement des salaires dans le passif du bilan des entreprises n'a plus de sens dans une économie dominée d'une part par le capital humain immatériel (individuel, wetware, ou collectif netware) et des investissements matériels de réseau largement financé par l'intervention publique ou par des transferts. Elle fausse totalement l'appréciation de la valeur quand elle applique les critères de PER. L'échec de la net economy traduit à mon sens non pas l'absence de changement réel du capitalisme mais la difficulté que celui-ci éprouve à prendre réellement le contrôle de la sphère de l'information, de la connaissance avec les outils ont il dispose, et l'expérience pluri-séculaire qu'il a désormais de l'économie de rareté. 769788028 16/04/17 - 07:51 3 Cela peut paraître assez paradoxal étant donné la constitution de pôles monopolistes mondiaux dans le domaine des médias, des tubes et des réseaux qui acheminent l'information, et l'accroissement du rôle des laboratoires des grandes multinationales pharmaceutiques dans le domaine de la santé. Mais l'établissement de nouvelles règles à l'échelle mondiale, bref du "nouvel ordre économique mondial" sous hégémonie américaine, y compris dans le domaine des services, de la propriété intellectuelle et artistique soulèvent non seulement des oppositions considérables, mais aussi des problèmes théoriques de fond en raison de l'outillage de la discipline reine de la mondialisation, l'économie orthodoxe. L'agitation et la mobilisation en cours depuis une bonne quarantaine d'année dorénavant (Coase, Demsetz, Pozner comme points de départ, sans oublier Arrow, Becker et Stigler, puis Williamson, North), autour de l'économie de l'information imparfaite, des coûts de transaction etc.. désigne clairement le lieu de l'obstacle. C'est à mon sens celui de l'établissement des nouveaux droits de propriété permettant l'absorption non chaotique ou révolutionnaire sous la règle du marché, de l'activité cognitive humaine dans ce qu'elle a de libérateur. Les nouvelles "enclosures" du capitalisme cognitif Pour que les vagues de progrès technique (encore largement à venir) se consolident en un régime de croissance, il faudra une série de transformations institutionnelles et constitutionnelles majeures. Le capitalisme cognitif est dans sa phase d'accumulation primitive au sens où l'ensemble des droits de propriété mis en place entre le XVII° et le XIX° siècle à partir desquels a raisonné l'économie politique classique ( et qu'elle a, à son tour, contribué largement à perfectionner et à légitimer) constitue une limite infranchissable à l'inscription du potentiel de développement des forces productives de l'activité humaine dans une trajectoire de croissance régulière et dans un compromis institutionnel avec les forces de l'ancienne économie. Quand nous parlons des droits de propriété, cela vise en premier les droits de propriété conçus essentiellement comme le mouvement des clôtures, (l'appropriation-et expropriation), donc la délimitation stricte de ce dont l'usage (usus), la mise en valeur (le fructus ou revenu qu'on peut en tirer) et l'aliénation (l'abusus) peuvent être réunifiés et constituer le préalable indispensable d'un recours aux mécanismes de marché et de prix. L'accumulation primitive est avant toute une accumulation de nouveaux droits, souvent durement inculqués aux couches populaires récalcitrantes et aux couches sociales dominantes menacées elles-aussi d'expropriation ou de dévaluation de leurs titres. Disons pour faire vite, c'est la grande tradition bourgeoise et libérale de l'économie constitutionnelle réelle de l'individualisme possessif (avant de retomber dans la vulgarisation médiocre de l'individualisme méthodologique), bref la tradition qui va de Locke à Hayek. Dans ce cas, propriété, liberté, individu se génèrent les uns à partir des autres de façon structurale et débouchent sur un contrat, ou des conglomérats de contrats à tous les niveaux (de la firme noeud de contrats, au calcul du consensus de l'école des choix publics) dont la 769788028 16/04/17 - 07:51 4 cohérence générale est le marché généralisé, depuis la main invisible jusqu'aux raffinements de l'équilibre général : marché des biens, des services, mais aussi des hommes (esclavage, salariat) , et surtout marché des droits (dont celui des libertés politiques), et aujourd'hui marché des promesses, des risques (la finance), marché des nouveaux droits de propriété émettables sur l'environnement, le vivant etc) Mais il faut aussi inclure deux autres traditions : la première, bien repéré par l'institutionnalisme américain est surtout juridique (et très absente de l'économie politique classique entre Cantillon et Keynes sauf à titre minoritaire dans l'école historique allemande), celle de la propriété publique qui intervient à la fois comme instrument de limitation du contrat (droit d'expropriation des propriétaires d'esclaves par exemple, des propriétaires terriens etc..) mais surtout l'émergence du droit social, du droit du travail, du droit public économique qui encastrent ( Polanyi), "régulent" le marché, l'individu, l'exercice de la liberté et le jouissance de la propriété, dans l'Etat, par la loi d'un côté et par des compromis institutionnels (conventions collectives ) qui construisent entre la totalité sociale ( le holos étatique) et les individus qui sont à la fois des propriétaires libres (et donc par complément des exclus de la propriété et ou de la liberté), et les citoyens égaux, des statuts conciliateurs, hybrides, mixtes, (marchands et non marchands qu'ils soient pensés comme des conditions indispensables du marché ou des compromis). On aura reconnu dans ces deux premiers filons, le face à face classique du contrat face à la loi, du marché face à l'Etat, de l'individu propriétaire et bourgeois ou marchand face aux groupes sociaux sans propriété ni qualité, les pauvres ou prolétaires, possesseurs seulement de leur travail puis d'un statut de salarié (R. Castel). Mais en fait il manque une troisième tradition qui complique un peu ce schéma et qui est particulièrement d'actualité dans les périodes de redéfinition des clôtures, des barrières. Nous voulons parler des figures hybrides, insaisissables, fuyantes à tous les sens du terme qui précèdent la mise en forme des relations marchandes, et celles de rapports de production. L'esclave détenteur de pécule, le demi-prolétaire, le serf détenteur d'un titre d'occupation ou d'un bail verbal, le squatter rural ou urbain, le bourgeois dans une ville libre au Moyen-Age. Bref toutes les formes de détention de droit sur un bien, sur un service, dont j'ai essayé de montrer ailleurs qu'elles avaient inventé quelques uns des traits les plus essentiels du marché. Bref les formes constitutives et constituantes du marché de la liberté, bien avant que ne s'installe l'ordre de la liberté du marché. J'ai essayé de suivre cet étrange processus de constitution dans le cas du travail salarié, et du type de contrat parfaitement singulier que représente le contrat à durée indéterminée. Ces hybrides ou formes mixtes généralement plus complexes que la forme marchande simple (qui elle réunit sur le même titulaire de la propriété, les trois principales fonctions), sont inventées par des agents économiques qui cherchent à échapper aux servitudes ou aux contraintes d'un ordre juridique qui entrave leur mobilité, leur possibilité d'action ( on dirait de façon spinoziste qui diminue leur conatus ou leur puissance d'agir) ou leurs droits déjà constitués. C'est l'analyse que l'on peut faire du système juridique de licence GPL ou 769788028 16/04/17 - 07:51 5 copyleft pour les logiciels mis en place par la fondation pour le Freesoftware et pas simplement l'open source de Richard Stallman. Mais on peut faire la même analyse pour le rapport juridique qui s'établit entre l'usage et l'échange en général en particulier l'affranchissement du droit d'aliénation (acheter, vendre, transmettre) vis-à-vis de la réalité matérielle de l'actif concerné par la transaction aussi bien dans sa dimension d'usage, de reproduction (fructus) que dans son image virtuelle. Quel est le problème central de l'échange marchand dans l'économie du capitalisme cognitif ? Elle tient à notre sens au poids croissant des externalités positives ( plus qu'à celui des externalités négatives qui poussent, elles, au contraire pour leur compensation, à une endogénéisation marchande ( voir la question d'émission des permis de polluer) et aux nouvelles conditions d'exercice de la coordination en univers incertain dans un contexte d'interactions multiples, qui rend les coûts de transaction quasiment infinis (recours au mécanismes des prix). Cela se traduit par le fait que les biens et services présentent de moins en moins les conditions canoniques d'une appropriabilité privative et d'une monétisation marchande sauf dans un système de prix en réalité administrés dès que l'on prend en compte l'importance des transferts incorporés en amont et en aval de leur production.` Les biens savoir et information ne présentent plus les caractères d'exclusivité, de rivalité, de divisibilité, de difficulté de reproduction et de rareté qui permettaient de marchandiser leur usage, leur fruit et leur reproduction. ( cf Brad DeLong et Fromkin). Par un paradoxe étrange, au moment où le marché semble avoir conforté son assise, éliminant historiquement le socialisme comme alternative à la production de biens matériels hors le marché, un nombre croissant de biens information et de savoirs présentent toutes les caractéristiques des biens collectifs. Sans approriation privative possible techniquement, aucun agent économique ne voudra les produire pour et sur le marché car les solutions de compromis établies sous le capitalisme industriel pour les inventions, les biens artistiques et intellectuels (le système des brevets et des licences) entre la propriété privative pour un temps donné (de 15 à 95 ans) ( références ici) et le besoin collectif de leur difffusion gratuite, source indispensable d'externalités positives, se trouvent menacées par la nature du bien savoir ( partagé entre l'idiosyncrasie de la contextualisation, et le caractère public des données digitalisées, (cf Rullani et Corsani) qui ne sont plus protégeables par une difficulté de reproduction ou par le coût de cette opération de duplication. Cette situation va s'amplifier avec l'introduction imminente après les format NP3 de compression musicale ( Naptser), de nouveaux logiciels de compression des images et surtout du freeNet qui en en finissant avec la centralisation de la transmission d'information, et en instaurant des procédures de collecte de l'information peer to peer, rendra impossible la traçabilité des opérateurs ( réduisant à néant les efforts de censure déployés par les Etats, ou les règles de dépôts des clés de cryptage et surtout rendant impossible la répression de la copie, du piratage). 769788028 16/04/17 - 07:51 6 Pour nous, le krack de l'e-business est directement lié à cet échec prévisible désormais de la première tentative sérieuse de plier le WEB aux nouvelles clôtures des nouveaux droits de propriété. Cet échec a été accompagné simultanément de l'échec de l'AMI, de l'arrêt provisoire ( ?) du projet Terminator qui visait en manipulant la propriété reproductive ( le privilège des agriculteurs, cf Berlan) à rendre impossible aux paysans de fuir le marché des semences (le renouvellement annuel de leur semences sur dses plants hybrides ou génétiquement modifiés; citons aussi le recul des deux pays les plus "libéraux" sur le brevetabilité du génome humain ( et pas sur les OGM jusqu'à présent) Ce que la bourse a parfaitement compris c'est que la clôture était une passoire et surtout qu'aucune relation répressive ( comme on temps ou la soldatesque britannique occupait militairement le Pale irlandais, détruisait les maisons des tenanciers catholiques) ne pourrait en venir à bout. Bien creusé, petite souris (et non plus vieille taupe!) . Mais le débat juridique autour de Napster au moins aussi fondamental que celui qui oppose l'Etat fédéral américain à Microsoft depuis la sentence du juge Jackson ordonnant en première instance le démantèlement de la firme de Richmond) fait apparaître un point très intéressant qui fera l'objet de notre dernière remarque : la question du revenu des auteurs. Droit d'auteur, revenu et capitalisme cognitif Je laisse de côté ici le problème de la nature des auteurs. L'application du droit de propriété individuel est largement remise en Cause par le rôle innovant du recepteur de texte qui collabore à sa mise au point en renvoyant à l'emetteur initial des modifications ( cf JL Weissberg) Le salarié qui n'est pas rétribué par le fruit de son produit (dont il a cédé la propriété à l'employeur, comme le commandement sur lui-même en acceptant la relation de subordination dans l'exercice de son activité) mais par la cession de l'usage de son service dont il abandonne la maîtrise, et par la rétribution forfaitaire qu'il reçoit en échange de la location de ses bras, il est légalement acquis pour le travailleur dépendant libre ( le salarié par opposition à l'esclave) qu'il ne peut transmettre ou vendre ce service ou le fruit de ce service ( délit d'esclavage ou délit de marchandage). L'artiste, l'auteur, le créateur eux, lorsqu'ils vivent uniquement de leur art, sont rétribués par la vente du produit (du fruit) de leur activité dont ils restent maîtres. Mais à la différence des artisans leur revenu ne s'éteint pas dans la vente du produit de leur activité (la toile originale, ou le manuscrit livré à l'éditeur, le film livré au producteur) ils ont des droits sur toutes des formes de reproductions qui sont tirées de leur "oeuvres". Ils conservent également un autre droit (le droit moral) qui leur permet de s'opposer à des adaptations, à des formes de reproductions qui dénatureraient le produit de leur art ou de leur intelligence. A la différence du brevet industriel qui marchandise simplement la reproduction 769788028 16/04/17 - 07:51 7 des procédés de fabrication ou des processus originaux des inventeurs, le droit moral concédé aux créateurs leur laisse un droit de suite indéfini de leur vivant ( c'est-à-dire sans terme de chute dans le domaine public). Mais avec les NTIC et la diffusion des savoirs, des textes, des images, des vidéos, des partitions musicales, des morceaux de musique sur le réseau du WEB, ce compromis qui visait à rémunérer le créateur, l'inventeur se trouve lui aussi remis en question. Et cet argument a été utilisé par les multinationales de la pharmacie pour s'opposer devant l'OMC à la fabrication de médicaments génériques contre le Sida au Brésil et à leur commercialisation en Afrique du Sud Il existe plusieurs solutions à ce problème de la rémunération de l'activité de l'artiste ou du créateur en tant qu'il est producteur d'un bien de plus en plus collectif ( non pas tant d'ailleurs de par la nature intrinsèque du produit lui-même que par le mécanisme technologique de numérisation sous forme de données de ces différents produits). Le premier est la salarisation ou forfaitisation des artistes, écrivains, chercheurs pris en charge par les galeries, les éditeurs, les producteurs, les firmes ou l'Etat qui en échange d'un droit exclusif sur une oeuvre à venir, ou sur une suite d'oeuvres versent une revenu fixe ( qui peut être concue comme un à valoir sur des droits marchands ou bien comme une véritable salarisation ). La deuxième est l'émargement de l'artiste, du créateur ou inventeur à une pension, ou une bourse qui doit subvenir à ses besoins pour services rendus ou à rendre. Le problème qui se trouve posé aujourd'hui ; c'est que la première de ces solutions ne constituait que le minimum vital ou le revenu de base auquel vient s'ajouter les revenus de l'oeuvre conçue à long terme comme un patrimoine qui produit une rente. L'autre solution très répandue est le double métier : le créateur ou l'artiste est par ailleurs un fonctionnaire, ou occupe un emploi salarié dansle secteur privé qui lui garanti un e régularité de revenu, améliorée par la vente de ses produits. Mais à partir du moment où le modèle du travail cognitif comprend de plus en plus des éléments créatifs, des innovations ( cf Lazzarato sur Tarde), mais que d'autre part, les modèles du droit d'auteur, du copyright quelles que soient les différences entre ces deux formes juridiques, ainsi que les brevets, ne se trouvent plus applicables, plus effectif, (l'anglais, bien plus précis car il contient l'idée de contrainte légale parle d'enforcement ), comment déterminer le revenu de cette activité ? Le droit d'auteur dans le capitalisme cognitif se transforme en droit au revenu garanti en échange de l'activité humaine et non plus en droit au fruit de son produit. Il s'agit d'une activité humaine qui fournit non plus un bien ou un service vendable sur le marché et consommable, mais un bien ou un service collectif. Comment cette reconnaissance du caractère collectif d'un service ou d'un bien donné peut-elle se faire ? Il semble qu'il existe deux modèles ( la question demeure ouverte de savoir s'ils sont alternatifs ou complémentaires ? ) : Le premier est la reconnaissance par le système des prix et par le marché qui permettra de relayer les formes de revenus substitutifs jusqu'au point 769788028 16/04/17 - 07:51 8 où l'artiste et le créateur vivent de leur "industrie" comme un artisan, ou un industriel. Le second est la reconnaissance par la gloire ou la renommée ( validée par un prix, une distinction) qui peut générer une rente, ou des occasions de gains marchands. En fait contrairement à ce que prétendent les défenseurs du système du marché des savoirs, le premier ne conduit pas au second mais c'est plutôt le second qui offre une sélection gratuite et non risquée aux investisseurs dans l'art, la création, ou les savoirs. Le web a créé un marché non marchand de la connaissance et de la reconnaissance, ainsi que de l'interaction mondialisée. Là encore et toujours, la coopération, la coordination humaine se trouvent convoitées par la valorisation marchande. Le web offre un modèle de confrontation d'une offre et d'une demande de connaissances et d'informations en temps réels. La partie non marchande de ce marché ( au sens d'un échange) très particulier de la liberté, du jeu, du savoir est largement dominante. Et à la différence des programmes de radio ou de télévision, cet échange ne réclame pas d'être financé par des revenus ( de subvention ou de publicité). Les portails et divers moteurs de recherche ont été mis sur pieds pour récupérer une information et un savoir produit par une multitude d'agents coopérant sans manufactures, entreprises, contremaîtres, ou employeurs. Ce savoir est le véritable carburant du capitalisme cognitif, il est une source de valeur sans commune mesure avec les profits de plus en plus durement extorqués au travail humain subordonné. Si Adam Smith revisitait la société capitaliste actuelle, nul doute la richesse nouvelle des nations et leur nouvelle manufacture d'épingle se nommerait la toile immatérielle. Les ouvriers qui y travaillent n'ont plus besoin de surveillants, et pourvu qu'ils disposent d'un revenu moins compliqué et moins onéreux que les stock options, les primes à la productivité au demeurant incalculables, ils sont capables de travailler des nuits entières pour chercher. Yann Moulier Boutang <[email protected] portable : 0033(0)6 86 86 75 91 bureau : ISYS-Matisse CNRS-Paris 1 <[email protected] lundi et mardi :LEGETE ( Université de Vannes) et <[email protected] 769788028 16/04/17 - 07:51