Numéro : JC909D1_2 Date : 1990.09.13 Numéro de rôle : 8533 LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 13 mai 1987 sous le numéro RF 5453/87 par la cour d'appel de Liège; Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 97 de la Constitution et 584, alinéa 1er, du Code judiciaire, en ce que l'arrêt déclare commune et opposable aux demandeurs la décision par laquelle, modifiant l'ordonnance entreprise, il ordonne le séquestre en mains de la dernière défenderesse des fractions du prélèvement supplémentaire, destiné au premier demandeur et imposé par l'Etat belge en exécution de l'article 5quater du règlement C.E.E., n° 804/68 du 27 juin 1968, qui restaient à opérer après la citation du 12 septembre 1986 - soit les fractions relatives au périodes de douze mois s'étendant du 1er avril 1986 au 31 mars 1989 - sur le prix de la vente, par les défendeurs sub 1 à 4, des quantités de lait excédant la quantité annuelle de référence fixée en exécution des règlements C.E.E., aux motifs que : "dans la mesure où peut surgir, en dehors de l'examen décisif du fond d'un procès, une situation dans laquelle un droit évident - à savoir le droit des (défendeurs) d'exercer leur industrie - semble mis en péril par un pouvoir qu'on tend à lui opposer, alors que ce pouvoir apparaît à lui opposer, alors que ce pouvoir apparaît sérieusement contestable, la nécessité d'écarter ce qui peut être une voie de fait s'avère urgente et justifie la compétence du juge des référés à l'effet d'établir la protection du droit menacé dans des conditions où les intérêts du pouvoir ne risquent pas d'être eux-mêmes irrémédiablement compromis", et que : " la contestation sérieuse du prélèvement supplémentaire fait de l'objet sur lequel il porte "une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes" (article 1961, 2°, du Code civil), en sorte que c'est le séquestre des fractions de ce prélèvement (...) qui (...) doit constituer la mesure provisoire nécessaire, unique et adéquate de sauvegarde des divers intérêts en cause", alors que l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose que le président du tribunal de première instance statue au provisoire dans tous les cas dont il reconnaît l'urgence; qu'il y a urgence, au sens de cette disposition légale, lorsque le moindre retard peut causer un préjudice irréparable ou tout au moins lorsque la crainte d'un préjudice d'une certaine gravité, voire d'inconvénients sérieux, rend une décision immédiate souhaitable et lorsque la procédure ordinaire serait impuissante à résoudre le différend en temps voulu; que les considérations générales de l'arrêt relatives, d'une part, à l'urgence d'écarter ce qui pouvait être une voie de fait et d'établir la protection du droit menacé des défendeurs sub 1 à 4 d'exercer leur industrie et, d'autre part, à l'applicabilité de l'article 1961, 2°, du Code civil ne constituent pas la constatation que, dans les circonstances de la cause, une mesure urgente de séquestre, et elle seule, était de nature à protéger le droit des défendeurs sub 1 à 4 d'exercer leur industrie de producteurs de lait et à leur éviter le préjudice po uvant résulter des prélèvements litigieux; que, par aucune autre considération, l'arrêt ne constate que la mesure de séquestre des prélèvements s'imposerait pour protéger les droits de ces défendeurs et revêtirait par conséquent un caractère urgent; qu'en tout cas, ni les considérations générales susvisées ni aucun autre motif de l'arrêt ne constituent une réponse aux conclusions circonstanciées des demandeurs qui contestaient l'urgence de toute mesure faisant obstacle tant à la transmission au premier demandeur des prélèvements effectués qu'aux prélèvements eux-mêmes; que les demandeurs soutenaient, d'une part, que le premier prélèvement à effectuer, soit le prélèvement relatif à la période du 1er avril 1986 au 31 mars 1987, n'étant à opérer que pour la fin du mois de juin 1987, les défendeurs sub 1 à 4 pouvaient obtenir une décision dans le cadre de leur procédure au fond, engagée au début du mois d'octobre 1986; qu'ils soutenaient, d'autre part, que non seulement les prélèvements ne risquaient pas de mettre en péril les exploitations des défendeurs sub 1 à 4, mais qu'ils ne pouvait y avoir urgence à faire obstacle au transfert des prélèvements par les laiteries au premier demandeur puisque les défendeurs sub 1 à 4 ne profiteraient pas des sommes prélevées si elles restaient en possession des laiteries et que le risque d'insolvabilité du premier demandeur étant inexistant; d'où il suit qu'à défaut de constater qu'en l'espèce, la protection des droits des défendeurs sub 1 à 4 serait assurée par une mesure immédiate de séquestre et ne pourrait l'être que par elle, le juge des référés n'a pas reconnu légalement le caractère urgent de sa décision et a par conséquent excédé les limites de sa compétence (violation de l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire); qu'en outre, en n'indiquant pas les raisons pour lesquelles, dans les circonstances de la cause, la mesure ordonnée étant de nature à protéger les droits des défendeurs sub 1 à 4 et était seule de nature à le faire et en ne répondant pas à la défense circonstanciée des demandes à cet égard, le juge des référés n'a pas motivé régulièrement sa décision (violation de l'article 97 de la Constitution): En tant que le moyen est pris de la violation de l'article 97 de la Constitution : Attendu que, après avoir décrit l'objet de l'action des quatre premiers défendeus qui postulaient que fût fait défense à la société défenderesse d'opérer le prélèvement supplémentaire imposé par l'Etat belge et destiné à l'Office national du lait et de ses dérivés en exécution de dispositions réglementaires prises par référence au règlement CEE n° 804/68 du 27 juin 1968, l'arrêt relève que la légalité de ces dispositions de droit interne ainsi que de l'article 5quater de ce règlement du Conseil des Communautés européennes est contestée au motif que ces textes ne seraient pas conformes au Traité de Rome, que dans la mesure où le droit des quatres premiers défendeurs serait mis en péril par les disposiitons qu'on leur oppose et qui paraissent sérieusement contestables, "la nécessité d'écarter ce qui peut être une voie de fait s'avère urgente et justifie la compétence du juge des référés", qu'en l'espèce, les dispositions réglementaires qui sont opposées au droit des quatre premiers défendeurs ne paraissent pas conformes à l'article 40.3, alinéa 2, du Traité instituant la Communauté économique européenne qui interdit toute discrimination entre producteurs de la Communauté, qu'en effet, à s'en tenir au seul examen des deux systèmes de prélèvement supplémentaire instaurés par l'article 5quater du règlement CEE n° 804/68, il apparaît que, par suite du choix du système A exercé par l'Etat belge ainsi qu'il ressort des arrêtés royaux successifs des 29 juin 1984, 21 février 1986 et 20 janvier 1987, les producteurs (ici les quatre premiers défendeurs) subissent un prélèvement plus lourd que ceux à l'égard desquels, dans d'autres pays, il a été décidé d'appliquer plutôt le système B, que n'échappe pas non plus à une critique sérieuse le fait que l'Etat belge a considéré, comme l'ont fait les mêmes arrêtés royaux, l'ensemble du Royaume comme une seule et même région, ce qui n'est apparemment pas conforme aux intérêts desdits défendeurs dans la mesure où, dans la région où ils exercent leur industrie, la production de lait constitute un facteur essentiel, sinon vital, de leur substance, ce qui n'est pas nécessairement le cas d'autres régions, que l'article 39.2, a, du Traité de Rome prévoit que dans l'élaboration de la politique agricole commune, il doit être tenu compte du caractère particulier de l'activité agricole découlant de la structure sociale de l'agriculture mais aussi des disparités structurelles et naturelles entre les diverses régions, que, de même, l'article 1er, 2, du règlement CEE n° 857/84 définit la région comme "tout ou une partie du territoire d'un Etat membre qui présente une unité géographique et dans laquelle les conditions naturelles, les structures de production et le rendement moyen du cheptel sont comparables"; Attendu que l'arrêt en déduit qu'il y a lieu de protéger les intérêts des quatre premiers défendeurs et qu'à cet effet, le séquestre des fractions du prélèvement supplémentaire, restant à opérer au jour de la citation, constitue "la mesure provisoire, nécessaire, unique et adéquate de sauvegarde (de ces) intérêts"; Attendu qu'ainsi, constatant, d'une part, pour les motifs qu'elle indique, que l'urgence était en l'espèce démontrée, et, d'autre part, que cette mesure de séquestre répondait à la sauvegarde nécessaire des intérêts des quatre premiers défendeurs, la cour d'appel a répondu aux conclusions des demandeurs qui contestaient l'urgence au sens de l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire et a régulièrement motivé sa décision; Qu'elle n'était pas tenue de répondre plus amplement à ces conclusions dans la mesure où elles soutenaient que l'urgence n'imposait pas de faire obstacle au transfert des prélèvements par les laiteries à l'Office demandeur et que le risque d'insolvabilité de cet Office était inexista nt; que, dans cette mesure, ces conclusions faisaient valoir, non point des moyens distincts, mais des arguments à l'appui de la défense des demandeurs contestant l'urgence; Qu'à cet égard, le moyen ne peut être accueilli; En tant que le moyen est pris de la violation de l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire : Attendu qu'il y a urgence, au sens de l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire, dès que la crainte d'un préjudice d'une certaine gravité, voire d'inconvénients sérieux, rend une décision immédiate souhaitable; qu'on peut, dès lors, recourir au référé lorsque la procédure ordinaire serait impuissante à résoudre le différend en temps voulu, ce qui laisse au juge des référés un large pouvoir d'appréciation en fait et, dans une juste mesure, la plus grande liberté; Attendu que, ainsi qu'il se déduit de ses énonciations reproduites ci-avant, l'arrêt constate que le droit des quatre premiers défendeurs paraît bien être mis en péril par les dispositions réglementaires qu'on leur oppose et qui semblent sérieusement contestables pour n'être pas conformes, au moins apparemment, d'une part, à l'article 40.3, alinéa 2, du Traité insitutant la Communauté économique européenne, qui interdit toute discrimination entre les producteurs de la Communauté, et, d'autre part, à l'article 39.2, a, du même traité qui impose de tenir compte notamment des disparités structurelles et naturelles entre les diverses régions agricoles; qu'il décide que "en dehors de l'examen décisif du fond ...", le péril au moins apparent auquel se trouve exposé le droit de ces défendeurs constitue une voie de fait qu'il échet d'écarter, que cette nécessité s'avère urgente et qu'à cet effet, le séquestre qu'il ordonne sera "la mesure provisoire, nécessaire, unique et adéquate de sauvegarde des divers intérêts en cause"; Attendu qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu la notion d'urgence au sens de l'article 584, alinéa 1er, précité; que si on la rapproche des énonciations précédentes de l'arrêt, la considération que le séquestre judiciaire aux mains de la société défenderesse, faisant que le prélèvement continuera d'être réalisé, constitue la mesure provisoire, nécessaire, unique et adéquate de sauvegarde des divers intérêts en cause indique que, à l'appréciation de la cour d'appel, cette mesure se justifiait par l'urgence et qu'elle était de nature à écarter l'atteinte portée au droit des défendeurs d'exercer leur industrie; Que, dans cette mesure, le moyen ne peut davantage être accueilli; Par ces moitfs, rejette le pourvoi; condamne les demandeurs aux dépens.