UN MODE DE SCRUTIN

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PALIMA Hebdo
N° 24– Semaine du Samedi 22 septembre au samedi 29 septembre 2012
SOCOPMA : LA RONDE DES PREDATEURS…
Le Tribunal de Grande Instance a donc décidé, le mardi 18 Septembre, de renvoyer à janvier 2013 l’audience sur le plan
de continuation de la SOCOPMA qui avait été acté le 17 juillet dernier.
Chacun se souvient encore que, lors de sa plénière du 23 juin 2011, le Conseil Régional avait retenu d’accorder à cette
société coopérative un prêt remboursable d’un montant de 500 000 euros. Dans un article publié les jours suivants, nous
posions alors la question : « Et après ? »
Force est de constater que l’après semble inversement proportionnel aux espérances que l’on pouvait nourrir sur le
redressement de cette structure qui intervient dans un secteur clef de l’économie martiniquaise.
En effet, quinze mois plus tard, de nombreux producteurs ne sont toujours pas payés et ont perdu toute confiance ; la
SOCOPMA a été placée en redressement judiciaire le 28 février 2012 et 28 salariés (la moitié de l’effectif) ont été
licenciés fin juillet de la même année, conformément au plan de continuation du conseil d’administration, élaboré dans la
précipitation, incontestablement bâclé… Et soutenu par le président de région par courrier en date du 16 juillet 2012,
quelques heures seulement après la sollicitation du président de la SOCOPMA. Tous les records de « réactivité » ont
été pulvérisés à cette occasion !
SOUTIEN DE LA REGION AUX RESPONSABLES D’UNE GESTION CALAMITEUSE
Comment en est-on arrivé à une telle faillite ?
Dès la plénière du 23 juin 2011, nous contestions la thèse selon laquelle l’état de délabrement de l’entreprise serait dû
aux « effets désastreux de la conjoncture économique et sociale à laquelle s’ajoutent les aléas climatiques».
Sans nier le contexte difficile et les « aléas climatiques » (d’ailleurs caractéristiques de notre région), nous signalions,
comme « facteur essentiel » de cette crise, la mauvaise gestion du groupe SOCOPMA.
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Créé en 1981, celui-ci avait su, jusqu’en janvier 2008, maintenir un équilibre financier et poursuivre son
développement. Pour mémoire, de 1000 tonnes de fruits et légumes commercialisés en 1982, le groupe passait à
10.000 tonnes -commercialisés ou transformés- en 2007. Dans la même période, le nombre de producteurs membres
de la coopérative faisait un bond de 42 à 250, sans compter les 150 autres agriculteurs qui livraient directement leurs
produits à SOCOPMA Distribution ou à l’unité de transformation SOCOPGEL. Le nombre de salariés à temps plein qui
n’était que de 8 en 1982 s’élevait à 70 en 2007.
A partir de cette période-qui coïncide avec le départ de l’ancien directeur général en 2005 et la mainmise de plus en plus
importante du conseil d’administration sur la gestion de la structure- on observe une dégradation rapide des
performances de gestion et de la capacité d’anticipation stratégique de la structure. Cette évolution inquiétante conduisit
le comité d’entreprise et les salariés à déclencher, dès 2009, une procédure d’alerte et à mandater un expert comptable,
plaçant ainsi le conseil d’administration devant ses responsabilités.
Ainsi, entre 2008 et 2011, les pertes cumulées s’élèvent à environ 3 millions d’euros… L’activité a chuté entre 2007 et
2011 : -21% pour la SOCOPMA, -28% pour la SOCOPDIS, -32% pour la SOCOPGEL. Cette chute concerne aussi le
résultat d’exploitation et les capitaux propres qui, à la fin de l’année 2011, constituaient moins de 50% du capital social.
Au vu de la gestion peu exemplaire du conseil d’administration, on peut légitimement s’interroger sur les motifs de la
précipitation avec laquelle le président de région, sans en référer aux instances de l’assemblée, a décidé de soutenir le
plan de continuation de ceux-là mêmes qui ne sont pas vierges de toute responsabilité dans la faillite d’un outil qui
pouvait constituer un fleuron de l’économie agricole.
Quelle est donc la part des réseaux d’intérêts et « d’amitiés » (ou autres !) dans cette prise de décision ?
Pourquoi l’offre de reprise de la Société Coopérative d’Intérêt Collectif (composée d’acteurs expérimentés du secteur),
déposée dans les délais (le 5 juin 2012) et solidement conçue, n’a-t-elle pas eu droit à une analyse plus sérieuse et à un
traitement plus équitable ?
VENT DE PREDATION
Le groupe SOCOPMA aurait pu devenir un joyau du secteur agricole. Ses trois entités (l’Organisation des Producteurs
avec 250 adhérents, la filiale distribution et la SOCOPGEL spécialisée dans la surgélation des produits agricoles) offrent
un potentiel de développement incontestable.
En outre, le site de Place d’Armes (contigu à 8300 m² appartenant au Conseil Régional), propriété du Conseil Général,
sur lequel le groupe a édifié ses structures, est en mesure de manipuler jusqu’à 15 000 tonnes de fruits et légumes par
an, soit 25% de la consommation locale.
Une telle plate-forme ne saurait ne pas aiguiser l’esprit de convoitise de ceux qui préparent leur reconversion dans les
cultures maraîchères et vivrières, anticipant les incertitudes de la banane dite « européenne » de plus en plus
marginalisée, en Europe même, par la « banane dollar.
L’agonie lente de la SOCOPMA, depuis cinq ans, favorise en réalité une stratégie de récupération d’un patrimoine
logistique et matériel-bâti depuis trente ans par les petits producteurs martiniquais-au profit d’intérêts que nous ne
connaissons que trop bien.
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En définitive, « l’affaire de la SOCOPMA » ne se résume pas à une banale question de redressement judiciaire d’une
entité économique. Elle pose deux enjeux essentiels : La nécessité de maintenir entre les mains des petits producteurs
un patrimoine qu’ils ont mis trente ans à construire et l’urgence du développement du secteur agricole comme condition
du progrès vers de plus en plus de souveraineté alimentaire.
Au-delà, elle nous interpelle sur la logique agricole et le modèle économique que nous voulons pour le futur de notre
pays.
Ces enjeux et les réponses que nous y apporterons collectivement doivent absolument prévaloir sur les combinaisons
des réseaux « d’amitiés » et d’intérêts dont l’action prépare les grandes catastrophes de demain.
Francis CAROLE
Clément CHARPENTIER-TITY
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