Association internationale des Conseils économiques et sociaux et Institutions similaires (AICESIS) CONTRIBUTION A LA CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL 2015 SUR LE THEME « LES PME ET LA CRÉATION D’EMPLOIS DÉCENTS ET PRODUCTIFS » » Rapporteur : CES du Luxembourg Avec les contributions du CNES d’Algérie, de l’OKE de Grèce et du CES de Bulgarie (en annexe) FR Le monde est confronté à de graves problèmes économiques caractérisés, malgré quelques signes positifs, par une lente sortie de la crise économique, une inégalité croissante, un manque flagrant de créations d’emplois, des taux de chômage élevés, notamment le chômage des jeunes, et des situations budgétaires désastreuses de nombreux Etats. Les politiques menées ne semblent en effet pas à même pour ramener l’économie sur le chemin de la croissance durable avec, à la clé, la création d’emplois décents en nombre suffisant. Alors que le discours politique prépondérant semble prôner des solutions à court terme, un véritable retour de la situation ne peut être atteint que si l’on s’oriente vers des politiques de moyen et de long terme visant, notamment, la création d’entreprises et la promotion de l’esprit d’entreprise avec, à la clé, une augmentation de la création d’emplois décents par et dans les PME. Les PME signifient emploi et croissance ! Il faut pour cela que les partenaires sociaux réunis au sein de l’AICESIS contribuent à donner aux décideurs politiques à travers le monde les orientations nécessaires pour assurer la croissance, la prospérité et la stabilité du secteur économique le plus important, les PME. Sans eux, il n’y aura pas de reprise ni de stabilité économique, sans eux, il n’y aura pas de création d’emplois productifs, sans même parler d’emplois décents. Le rôle des PME dans l’économie et la société On peut dire que 99,9% des entreprises sont des PME (2/3 des entreprises mondiales selon le rapport BIT 2013). Pourquoi alors se soucier autant des grandes entreprises ? En effet, presque toutes les législations tant économiques que sociales et ayant trait à la vie des entreprises prises à travers le monde semblent inspirées par le souci de vouloir réglementer des aspects de la vie des grandes entreprises (finances, gouvernance, fiscalité, droits sociaux…) alors que la logique voudrait qu’on traite d’abord le cas de la PME pour ensuite éventuellement rajouter des couches au niveau législatif concernant les seules grandes entreprises. En Europe, parmi les plus de 20 millions d’entreprises, il n’y a que 43 700 entreprises de plus de 250 employés. Par contre, plus de 19 millions d’entreprises occupent moins de 10 personnes (micro-entreprises). L’entreprise-type en Europe occupe 6 personnes, y compris le propriétaire-entrepreneur, les PME comptent pour 2/3 de l’emploi privé et environ 60% de la valeur ajoutée. 80% des emplois créés au cours des dix dernières années l’ont été dans les PME1. Ces chiffres sont même davantage en faveur des PME dans d’autres régions du monde. L’Europe politique se plaît à parler d’un « Small Business Act » ou encore du principe du « thinking small first » pour aussitôt oublier ces adages et retourner à la normale quand il s’agit de fixer un cadre normatif, législatif et réglementaire. Et ce malgré toutes les évidences quand il s’agit de promouvoir les PME avec leurs avantages quasi-naturels : esprit d’entreprise, proximité, création d’emplois, de valeurs et de richesses. Promouvoir la croissance économique et la création d’emplois décents à travers les PME équivaut tout d’abord à respecter certains principes législatifs : Penser petit d’abord ; 1 EC – Annual report on European SMEs Rien qu’une fois ; Proportionnalité ; Prise en compte des études d’impact. La récente crise économique a encore une fois démontré que les PME sont les stabilisateurs par excellence en cas de revers économique. Ce sont encore les PME qui jouent un rôle majeur dans la formation professionnelle initiale et continue, deux facteurs de grande importance pour assurer la transition de l’école vers l’emploi et pour assurer la qualification des travailleurs. Les PME assurent l’innovation, même en l’absence de programmes formels de R&D au sens classique. En effet, l’innovation dans les PME se met en place en coopération avec les salariés et les fournisseurs et les clients, sur le tas, et leur compétitivité dépend largement de leur faculté d’améliorer constamment leurs produits et services. La transition vers une économie durable, vers une économie « verte », sera assurée par les PME, grâce à l’intégration de stratégies d’efficience énergétique et le développement de produits et services répondant à des critères de durabilité. Les PME sont au cœur-même de la stabilité économique et sociale régionale et locale, avec une forte implication dans la vie sociale, en fournissant les produits et services journaliers et en assurant une présence au cœur des villes et villages tout comme dans les régions rurales. Avec leurs salariés, les propriétaires-entrepreneurs ont des visions stratégiques et entrepreneuriales de long terme en ce qui concerne le développement de leur entreprise au niveau local et régional là où actionnaires et managers ne verront que profits à court terme et parts de marché. PME, création d’entreprises et emploi décent Les PME ont le potentiel de sortir l’économie de la crise et de contribuer au développement de l’emploi à travers le monde. Mais elles ne peuvent pas accomplir tout cela toutes seules, la politique doit les accompagner et mettre en place le cadre économique et social favorisant l’éclosion de l’esprit d’entreprise, la création d’entreprises et le développement de l’emploi décent et productif. Formalisation des structures et gouvernance Les entrepreneurs ont besoin de structures bien établies telles que les organisations d’employeurs ou encore les chambres professionnelles. Cette formalisation des structures des entreprises est essentielle, car favorisant la gouvernance des Etats, des communautés et des PME et contribuant notamment à la mise en place de programmes communs par exemple dans le domaine de la formation professionnelle initiale et continue. Les organisations d’employeurs constituent le pendant naturel des organisations des travailleurs, ensemble ils constituent les deux faces d’une même médaille. Les Etats devront donc veiller à garantir la liberté d’association et à favoriser la mise en place de ces structures des partenaires sociaux. Limitation du secteur informel Pour les PME, à côté de l’aide pratique que peuvent offrir ces structures, elles sont indispensables pour limiter la concurrence du secteur non formel. Le travail illégal, illicite, le travail noir, l’économie « grise » constituent autant de facteurs empêchant la mise en place ordonnée d’entreprises et ce a fortiori dans des économies émergentes ou en développement. Le secteur informel, en empêchant la prise de bénéfices, rend illusoire les investissements et les gains de productivité qui y sont liés, empêche la mise en place de relations de travail stables et de systèmes de formation professionnelle qualifiante. Le secteur informel va même jusqu’à asphyxier toute fiscalité juste, pourtant à la base des Etats. D’où l’intérêt vital que devraient avoir les Etats à éviter tant que faire se peut l’éclosion d’un secteur informel rendant impossible les progrès économiques et sociaux en provenance des PME. Formation professionnelle Les économies les plus performantes à travers le monde se caractérisent notamment par un système de formation en alternance, par le concours de l’entreprise et de l’école. Ces systèmes dits de formation duale sont idéalement encadrés par des organisations bien établies des partenaires sociaux dans un souci de qualité, de reconnaissance des certificats et d’adaptation continue. Cette formation duale peut jouer un rôle moteur dans la formation à l’entrepreneuriat, comme le démontre l’exemple de la formation duale allemande et a fortiori celle du « Handwerk » - artisanat – où le triptyque « Geselle (compagnon) – Meister (maître) – Niederlassung (établissement) » peuvent servir d’exemple à travers le monde. En effet, le système, par la forte implication des entrepreneurs directement intéressés à former leurs collaborateurs ainsi que, le cas échéant, leur propre successeur potentiel peut être cité comme exemple du genre. Par ailleurs, la forte décentralisation du système par la formation en entreprise permet aux états la mise en place d’un système performant de formation professionnelle ayant des incidences financières relativement limitées par rapport à d’autres systèmes éducatifs. Les partenaires sociaux sont encore les mieux placés pour mettre en place de systèmes de formation professionnelle continue grâce à leur implication dans les entreprises. Grâce à ces structures, les partenaires sociaux peuvent effectivement promouvoir la productivité des entreprises, créant par-là également les bases pour l’amélioration soutenable des conditions de travail. Accès au financement Tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement les PME éprouvent des difficultés en relation avec l’accès au financement de leurs investissements. Pour promouvoir le développement des PME il est ainsi primordial de soutenir le secteur bancaire avec un accent particulier sur le développement d’initiatives bancaires régionales et locales. A côté des instruments bancaires traditionnels tels les prêts les états et les institutions internationales devraient promouvoir la mise en place de systèmes de capitalrisque ou de cautionnement et de garanties (société coopératives ou mutualités), et ce notamment par la couverture de risques financiers plus importants. Dans cet ordre d’idées la simplification des règlementations ayant trait à la bourse constituerait certainement un moyen pour les PME dans de nombreux pays de faciliter l’accès aux investissements. Dans les pays en voie de développement avant tout, l’accès à la micro-finance peut constituer un élémentclé de développement des PME. « Si les établissements bancaires apparaissent comme les interlocuteurs naturels des entreprises, il est impératif d’élaborer de nouvelles pistes de réflexion et de trouver des mécanismes innovants pour renforcer leurs fonds propres. Le système bancaire doit davantage être mis au service du développement des entreprises petites et moyennes, la fiscalité doit être utilisée à l’accroissement des fonds propres des PME et le droit des successions permette le développement des PME sur plusieurs générations. Concernant le financement de l’industrie, dans le cadre d’une stratégie industrielle, l’ensemble des structures qui concourent au financement des actions de façon dispersée doivent coordonner leurs interventions sous la responsabilité du ministère en charge de l’Industrie. 2» Idées-clés : Simplification de la fiscalité à l’égard des PME, remise à plat du droit des successions, création de nouveaux mécanismes de renforcement des fonds propres des PME, coordination du financement des actions des PME. Accès aux marchés Garantir l’accès des PME aux marchés est primordial pour assurer leur développement. Plusieurs points se doivent d’être adressés dans ce contexte : Simplification administrative ; Coûts des licences et des droits liés à la propriété intellectuelle ; Service public de qualité ; Marchés publics et soumissions ; Réciprocité en matière d’accès aux marchés de fournitures ; Crime organisé (contrefaçon, pratiques de dumping social...) Internationalisation des activités des PME. Les Etats peuvent ainsi contribuer dans une large mesure au développement des PME en assurant une prise en compte suffisante de ces aspects substantiels pour les PME. Les marchés publics revêtent une importance particulière dans ce contexte. En effet, les Etats peuvent organiser les marchés publics de façon à soutenir activement le développement des PME en instaurant et en respectant effectivement certains principes comme la séparation en lots pour l’achat de produits ou encore la soumission par corps de métiers séparés en matière de services. La prise en considération de critères de durabilité (apprentissage, formation continue, respect de certaines normes sociales, aspects écologiques, bilan CO2…) à côté des seuls aspects financiers peut permettre de favoriser l’accès aux marchés publics des PME et, partant, la création d’emplois décents et productifs dans ces entreprises. Énergie Un dernier point particulièrement important pour permettre le développement des PME et la création d’emplois décents et productifs est celui de l’accès à l’énergie, et plus particulièrement à l’énergie électrique. Ce point peut paraître dérisoire pour les pays développés – bien que le problème de l’accès équitable à l’énergie reste posé eu égard aux distorsions de concurrence qui peuvent y être liés – il se pose pourtant avec d’autant plus d’acuité dans les pays en voie de développement où l’énergie électrique est soit totalement absente, soit soumise à des fournitures irrégulières et erratiques ne permettant pas son utilisation rationnelle dans un processus de production. Il est ainsi primordial pour les Etats et les institutions internationales de développer l’accès à des réseaux d’énergie (électrique) pour permettre justement aux entreprises de fonctionner efficacement et de promouvoir ainsi le développement sociétal. Cela va de pair avec un contrôle pour ne pas dire une mainmise des Etats (à bonne gouvernance) sinon des institutions sur les réseaux pour garantir une énergie propre, écologiquement soutenable, un service universel et des prix abordables pour l’ensemble des populations et des PME. 2 Extraits de l’avis du CESE de France, « Gagner la bataille de l’exportation avec les PME » (février 2012). Relations avec les grands groupes « En France, les PME n’ont que 21 % de chance d’avoir une durée d’activité de six ans ou plus, alors que cette probabilité atteint 51 % pour les grands groupes, ce qui souligne leur fragilité. D’où l’importance de la notion de « réseau » pour les PME car c’est un moyen de remédier aux inconvénients liés à leur taille trop restreinte. Dans cette perspective, les dispositifs d’accompagnement et de portage visant à faire bénéficier les PME de l’expérience et des réseaux à l’international des grands groupes, sous réserve qu’ils soient réalisés en dehors de toute ingérence managériale, méritent d’être développés. Il est de la plus haute importance, en effet, que les grands groupes, qui possèdent de nombreux brevets et disposent d’un réseau de distribution important, prennent sous leur aile certaines PME qui, seules, n’ont pas les moyens d’accéder au marché mondial. Les clusters, les réseaux d’entreprises et les consortiums d’exportation peuvent leur apporter une aide précieuse, en leur permettant d’accéder plus facilement aux chaînes de valeurs mondiales ».3 Idées-clés : Coopération Grands groupes/PME, Partage de l’expertise internationale, des brevets et des réseaux de distribution, Développement des clusters d’entreprises. Tout est question de gouvernance Les PME constituent la colonne vertébrale de toute économie, indépendamment de son état d’avancement. Les Etats doivent partant veiller à garantir un environnement favorable à l’éclosion d’entreprises en assurant avant tout leur légitimation démocratique et les droits de l’homme tout comme une bonne gouvernance du fonctionnement étatique. Infrastructures, éducation, énergie constituent autant de préalables au bon fonctionnement de la société et de l’économie, tout comme à la création d’entreprises. Les entrepreneurs doivent eux-aussi veiller à leur propre gouvernance et assumer leurs responsabilités. On ne peut pas jouer sur tous les tableaux, mêlant à sa guise statut d’entrepreneur, économie informelle et népotisme dans le seul but d’enrichissement personnel et éviter toute contribution à la société, fût-ce sous forme d’impôts ou de création d’emplois. Les entreprises sont à la base de la création de richesses, mais elles doivent accepter le partage de ces richesses dans un souci de durabilité. La mise en place d’organisations d’employeurs peut dans ce contexte constituer un moyen efficace pour garantir cette structuration. Ensemble avec les organisations des travailleurs, ils sont les mieux placés pour mettre en place les institutions et programmes nécessaires au bon fonctionnement des relations de travail. L’implication de la société civile dans les processus démocratiques constitue enfin le dernier maillon pour assurer une bonne gouvernance politique et économique. Dans un tel environnement propice à la création d’entreprises les PME pourront alors prospérer et se développer librement, créer des richesses et des emplois durables et de qualité. 3 Extraits de l’avis du CESE de France, « Gagner la bataille de l’exportation avec les PME » (février 2012) CONSEIL NATIONAL ECONOMIQUE ET SOCIAL D’ALGERIE 1. La situation des PME est hétérogène à travers le monde, ce qui pose la nécessaire stratification des stratégies visant leur développement La note préliminaire, intitulée « Les PME et la création d’emplois décents et productifs », soumise à l’appréciation des membres de l’AICESIS, est fort pertinente, dans la mesure où elle met en avant la problématique du potentiel des PME en matière de création d’emplois productifs, décents et durables, au moment ou les dispositifs d’incitation à l’investissement et la création d’entreprises ciblent généralement les grandes entreprises, qui représentent moins de 0.1% de l’ensemble des entreprises dans le monde. Les auteurs de la note incitent les membres de l’AICESIS à suggérer aux décideurs politiques (Policy Makers) des recommandations dans le sens d’une politique favorisant, à moyen et long terme, la création, le développement et la pérennisation des PME, seules à même d’assurer la croissance, la prospérité et la stabilité des économies des pays, notamment ceux en développement . A cet effet, après avoir mis en évidence la place et le rôle des PME dans l’économie et la société en les étayant par des statistiques qui ne laissent point de place au doute, les auteurs ont énoncé plusieurs préconisations dont le respect de certains principes législatifs , tels que le «Thinking Small», la proportionnalité ou encore l’étude d’impact. Ces recommandations et/ou suggestions visent essentiellement à favoriser la création de PME, leur développement et leur pérennité, en vue de permettre la création des emplois productifs, décents et durables voulus, elles portent notamment sur : - La nécessité pour les PME de se formaliser en organisations professionnelles ou en chambres de métiers, en vue de faciliter leur gouvernance et de pouvoir influer sur la gouvernance économique du pays. - La réduction du secteur informel qui demeure être un facteur bloquant aussi bien à la création qu’au développement des PME. - L’implication des PME dans la formation professionnelle notamment à travers la formule de formation en alternance, dans la mesure où ces dernières sont les détentrices des savoir-faire des métiers. Elles se devraient d’être des pôles de formation dans les différents métiers, entièrement intégrées au dispositif de la formation professionnelle. - La facilitation de l’accès des PME au financement à travers des dispositifs offrants des mécanismes qui dispensent les PME de la conditionnalité de garantie, s’orientant plus vers des systèmes solidaires de cautionnement et de garantie et/ou de partage de risque (Capital-Risk). Il est par ailleurs, préconisé la simplification des procédures d’accès des PME à la bourse. Pour ce qui est des pays en développement, l’accent est mis sur le renforcement des dispositifs de microcrédits. - La facilitation de l’accès aux marchés, pour permettre aux PME de passer sans encombre la phase de lancement de la PME qui se caractérise par un risque élevé de mortalité. Plusieurs recommandations sont faites, en insistant sur la facilitation pour l’accès des PME aux marchés publics, qui demeurent être un levier exceptionnel pour le développement de celles-ci, à travers la séparation des lots ; notamment. - Enfin et comme l’énergie est à la base de tous les processus, l’accès à celle-ci est un élément particulièrement important pour le développement des PME, en particulier l’énergie électrique. L’auteur termine en mettant l’accent sur la bonne gouvernance comme préalable à tout processus de développement des PME, sachant que ces dernières se doivent de s’organiser afin de contribuer à la gouvernance de la société en général et à celle de l’économie en particulier. Il demeure évident que les PME jouent un rôle essentiel dans la création d’emplois et dans la stabilité de l’économie d’un pays, toutefois, il y a peut être lieu de signaler que l’essentiel des recommandations et préconisations semble destinées aux pays développés ou émergeants, alors que les pays en développement rencontrent des obstacles et des contraintes de natures significativement différentes, qui seront illustrés à travers le cas de l’Algérie. 2. Cas des PME algériennes : Introduction L’Algérie présente un tissu de micros entreprises familiales quasi-informelles, indépendantes et déconnectées les unes des autres, cohabitant avec de plus grandes entreprises, tout aussi familiales, mais à la configuration et à l’organisation beaucoup mieux formalisées, plus modernes et fortement liées aux institutions locales et nationales [1]. Le tissu Algérien de PME se caractérise par densité en deçà de la densité moyenne dans les pays développés, puisqu’elle ne compte que près de 20 entreprises par 1000 Habitants, contre 45 entreprises par 1000 habitants, dans les pays de l’OCDE. Ceci étant, l’ouverture de l’économie algérienne et l’instauration progressive de l’économie de marché a permis une augmentation sensible du nombre de PME durant les dernières années avec un taux de création de l’ordre de 6.5% en 2011 pour un taux de mortalité de 3.3%. Il est important de signaler que la culture dominante du «salariat » constitue un sérieux handicap au développement de la PME en Algérie. Elle doit être, progressivement, combattue et remplacée par la culture de l’entreprenariat, notamment, à travers les cursus universitaires et la formation professionnelle en alternance. 2.1- Potentialités En termes de taille, le tissu économique algérien demeure, à l’image de beaucoup de pays, dominé par la TPE (très petite entreprise), qui représente plus de 97% des entreprises, avec un effectif oscillant entre 0 et 9 salariés. Certaines sources statistiques avancent 03 comme nombre moyen de personnes employées par entreprise ce qui explique la grande présence des très petites entreprises dans le parc des PME privées en Algérie. Cependant, les TPE dans les pays développés affichent un niveau élevé de maitrise de la haute technologie et des techniques modernes de management, leur permettant d’être très compétitives sur les marchés domestiques et internationaux, ce qui est loin d’être le cas des TPE Algériennes [2]. Le Recensement Economique de 2011 a révélé un nombre d’entités industrielles recensées de 97.202 unités sur les 959 718 entités économiques recensées4, soit un taux de 10%, dominées 4 Le RGE a ciblé tous les établissements économiques, hors agriculture, relevant des secteurs privé et public et qui a également concerné tous les établissements administratifs. par la branche de l’industrie agroalimentaire (23,4%), la fabrication de produits métalliques (22,7%), l’habillement (10,5%), le travail de bois (2,1%), les machines et équipements (1,6%), le textile et cuir (1,3% ) [3]. La comparaison de cette configuration avec celle prévalent dans les années 70 [4] permet d’en dégager les tendances lourdes tout en ayant en arrière plan le passage de l’Algérie d’une économie administrée et planifiée (jusqu’aux années 80) à une économie plus ouverte sur le marché (depuis les années 90). En effet, le nombre d’entités économiques a été multiplié par 4.2 depuis 1977 et c’est le nombre de personnes morales (entreprises) qui a connu la plus forte progression puisqu’il a été multiplié par 9.5, contre 4 pour les personnes physiques, et ce malgré la disparition d’un grand nombre d’entités économiques relevant du secteur public et la persistance de l’économie informelle. Une analyse succincte des données de ce recensement [3] montre que l’activité économique présente une inégalité avérée en matière de répartition des PME dans les différentes régions du pays, avec 60% de l’activité économique concentrée dans le nord, dont plus 33% pour la capitale. Cette disparité semble s’accentuer par la mise en service de l’autoroute Est-Ouest. Ce même recensement [3] laisse apparaitre, en termes de secteur d’activité, un schéma économique à prédominance commerciale. En effet, le secteur du commerce, essentiellement aux mains de très petites entreprises familiales TPE, est dominant. Avec ses 853 800 entités, le secteur tertiaire représente en effet pas moins de 90% des entreprises en activité dans le pays. Les commerces de détail et de gros, au nombre de 528 328 (soit 62% du tertiaire), sont les créneaux de prédilection de l’écrasante majorité d’entre elles. Le secteur des services vient en seconde position avec 325 442 entités (38%). La gamme des activités relevant des services est très large. Dans la large panoplie d’activités intégrées dans le secteur des services, il est relevé une nette prédominance des sociétés de transport qui occupent environ 26% du total des entités exerçant dans ce secteur. Loin derrière, arrivent les entités activant dans la restauration (18,7 %), dans les services personnels (15,2%), les télécommunications (10,2%), les activités juridiques et comptables (5,4%), les activités de santé (5,3%) et autres activités de service. Au titre des avantages dont pourrait profiter la PME algérienne, il semble pertinent de signaler la disponibilité et le faible coût de l’énergie en Algérie, ce qui offre, d’emblée, un avantage comparatif à celle-ci. Il ya lieu de relever, également, la disponibilité de la main d’œuvre à un coût attractif, favorisant la compétitivité. 2.2- Contraintes et enjeux L’accès des PME au crédit, tant pour le financement, dans le court terme, de fonds de roulement que pour le financement des investissements, est difficile, notamment pour les TPE. Les conditions d’octroi et les garanties demandées à ces dernières excluent de facto la majorité d’entre elles du marché du crédit. Il y a lieu de noter que pour plus de 70% des créations d’entreprises le financement se fait sur fonds propres ou sur emprunts auprès des proches (la famille et les amis). La majorité des griefs nourris par les entreprises, et en particulier les TPE, envers le système bancaire porte sur les dysfonctionnements et les lourdeurs, voire la frilosité des banques et de son impact négatif sur l’activité réelle. On note que les délais de traitement des dossiers de crédit sont trop longs, notamment les opérations du commerce extérieur, les taux d’intérêt restent trop élevés, l’ingénierie financière est insuffisante au niveau des banques et les dispositifs de financement, mis en place, manquent d’efficacité. L’autre problème récurent qu’il y a lieu de soulever, est celui de l’accès au foncier, qui souvent amène les néo-entrepreneurs à se réviser, voire, même abandonner leur projet de création, d’une part et qui décourage toute volonté de développement et de croissance chez les chefs d’entreprises installés, d’autre part. Le foncier fait l’objet de spéculations qui demeurent favorisées par l’importance, voire la croissance continue, du secteur informel, dont les effets sont dévastateurs sur la création, le développement et la pérennité des PME. Concernant la problématique particulière relative à la création d’emplois productifs et décents par les PME algériennes, il y a lieu de relever que ces dernières contribuent à moins de 20% de l’emploi total, l’Etat demeurant le premier employeur. Cette situation tient au fait que le secteur privé local concentre l’essentiel de ses investissements autour de secteurs à faibles intensité de main-d’œuvre et taux de croissance de l’emploi, tels que le commerce et les services, au dépends d’autres secteurs, à forte propension de création d’emplois tels que le tourisme, l’agriculture et l’industrie. Par ailleurs, les secteurs privilégiés se caractérisent par la faiblesse de leurs composantes technique et/ou technologique, d’une part et le profil techniquement et académiquement limité des créateurs de ces PME, d’autre part, induisant souvent une faiblesse en matière de compétitivité et une absence de stratégie de croissance et de développement [2]. Aussi, la faible taille des TPE affecte considérablement leur capacité de création d’emplois. Compte tenu de sa structure démographique, l’Algérie dispose d‘un potentiel de capital humain considérable, qui souffre cependant d‘une insuffisance de mise en valeur. La faiblesse du système éducatif pèse sur l’ensemble de l‘économie et se traduit par un faible taux de productivité du travail. Cette même faiblesse est à l’origine des problèmes d’organisation que rencontrent les entreprises, en interne et des difficultés qu’elles ont à s’organiser entre elles pour défendre leurs intérêts, par ailleurs. Les PME qui ont besoin de salariés bien formés sont même davantage pénalisées dans la mesure où, normalement, les grandes entreprises peuvent attirer plus facilement les candidats mieux formés grâce à des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail. Cette situation, conjuguée à la faiblesse de la capacité financière des PME, se traduit, in fine, par une capacité extrêmement limitée d’innovation, avérée par le très faible nombre de brevets déposés. 2.3- La gouvernance des entreprises L’ouverture économique de l’Algérie amorcée en 1989 a entraîné le développement du parc des entreprises privées, accompagnée par l’adoption d’un nouveau code des investissements en 1993, qui a accordé des avantages substantiels pour les investisseurs, suivi par la promulgation de la loi d’orientation sur la PME en 2001. Les mesures prises dans le cadre de cette loi se sont traduites par une baisse significative des taxes, des redevances fiscales et des charges sociales, ainsi que d’un assouplissement des procédures administratives en matière de création d’entreprises. Ces mesures, qui appellent encore à être consolidées, ont tout de même permis une avancée notable puisque le nombre de PME a connu une croissance en ce sens que près de 75% des PME recensées en 2005 ont été créées après ces dispositifs, et que plus de 35% ont été créées durant les années 2000-2005. Par ailleurs, l’entreprise est souvent perçue comme un lieu de reproduction des fonctionnements familiaux, dont la raison d’existence est corrélée à l’objectif de consolider la cohésion au sein de la famille, ce qui conduit parfois à des comportements économiquement irrationnels. Leur management est souvent caractérisé par des rapports hiérarchiques de soumission au tuteur (souvent le père) qui dispose sans partage d’un pouvoir stratégique. Le recrutement, par exemple, se fait en fonction du lien de parenté ou de la proximité familiale, au détriment de la compétence et du savoir-faire. De plus, le capital de l’entreprise, souvent constitué de fonds propres et de prêts informels au sein de la famille est considéré comme incessible, et indivisible, induisant d’énormes problèmes de succession en cas de disparition du propriétaire, se traduisant souvent par la disparition de la PME [1]. Conclusion Le cas de la PME en Algérie a été présenté pour illustrer la situation des PME dans les pays en développement, qui comme il a été mis en évidence, diffère significativement de celles-ci dans les pays développés, d’où la nécessité d’une approche stratifiée, basée sur un diagnostic approfondi, afin de déceler le mal dont souffrent les PME de ces pays et de prodiguer les recommandations adaptées à leur propre situation, tenant compte des spécificités, des avantages comparatifs et des contraintes de ces pays. En effet, bien que les recommandations faites par l’auteur demeurent valables en tant qu’axes d’interventions, elles se doivent d’être formalisées spécifiquement pour ces pays ou blocs de pays, selon un prisme différent de celui utilisé pour les pays développés. Références consultées - [1] « A la découverte de la PME en Algérie », BOURI Sarah, MAHIDA Hanane et : SELHAMI Samia de l’université Abou Bekr BELKAID, Tlemcen. Actes du colloque portant Etat et perspectives du système comptable et financier des PME en Algérie, El Oued le 05 et 6 Mai 2013. - [2] « Relation Entre PME et Emploi en Algérie : Quelle Réalité ? », KADI Mohamed, Centre de Recherche en Économie Appliquée pour le Développement (CREAD), Bouzaréah, Alger, Algérie. Actes du colloque international portant évaluation des effets des programmes d’investissements 2001-2014 et leurs retombées l’emploi, l’investissement et sur la croissance économique. Sétif, le 11 et 12 Mars 2013. - [3] Premier Recensement Economique-2011- Résultats définitifs de la première, Editions ONS, Collections Statistiques N° 172/2012, Série E : Statistiques Economiques N° 69. - [4] Ahmed Bouyacoub « Quel développement économique depuis 50 ans ? » : In Confluences Méditerranée, 2012/2 n°81. CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL DE GRECE 1. Page 1, 4th paragraph the phrase “without them, there would be … decent employment” is overreaching as it may be interpreted as undermining the contribution the large firms can make to productive employment and decent employment. Our aim is to underline the role of the SMEs but not to alienate the big firms. So, the sentence should be rephrased so as to talk about the large contribution that SMEs can make to productive and decent employment. 2. Page 2, 1st line: a reference to a recent study which deals with the role of the SMEs in the economic crisis would be helpful. 3. Page 2, 4th paragraph, 7th line: after the phrase “encourage the establishment” the phrase “and unhindered operation” should be added. 4. Page 3, last paragraph: some clarification is needed on the issue of inheritance rights. To which direction should the change in inheritance law should aim? 5. Page 4, the unit “access to markets”: At some point a reference must be made that “competition law” should be respected, because the proposals contained in this unit may cause friction with competition law. CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL DE BULGARIE The Economic and Social Council of the Republic of Bulgaria (ESC) congratulates Mr. Romain Schmitt and the Economic and Social Council of Luxembourg for the efforts in preparing the report. Considering the importance of small and medium-sized enterprises (SMEs) for the recovery of the slow economic growth after the crisis, the ESC declares its support to the AICESIS positions set in the report. In its acts the ESC of Bulgaria considers SMEs as key drivers of economic growth and sources of innovation and entrepreneurial skills, new jobs, income and self-employment5. Having in hand the above mentioned, the ESC of Bulgaria proposes the following notes and recommendations to the AICESIS report: 1. Focus on micro- and small enterprises. It is extremely positive that the reports starts with emphasize on the specifics of the SMEs and especially on micro enterprises regarding legislation, innovation, education, finance, energy, etc. However at the end of the report this focus decreases. For example, in the last paragraphs of the report it is noted that “businesses are at the base of the creation of wealth but they must accept the sharing of this wealth, with a view to sustainability” 6 but The ESC of Bulgaria believes that it is more correctly to speak about "fairness in the distributing the economic goods"7. 2. Insufficient attention is given to the second part of the topic - a "decent and productive employment" It is necessary to give the position of the civil society on decent jobs. However, the goal of entrepreneurs, including SMEs, is not creating employment, but rather making a profit. The civil society should manage to lead governments to policies and measures that contribute to improving the business environment, and at the same time indicating the benefits from the positive attitude towards employees and following with the occupational safety and health. 3. Special attention, according to the ESC should be given to SMEs' access to inexpensive financing. The Economic and Social Council of Bulgaria considers that SMEs are particularly vulnerable to the need of financing, especially in the initial stages of the business cycle. The ESC recommendation is to create financial instruments that provide loans enabling SMEs to have easy access to financing without excessive collateral. Guarantees on these financial instruments could be taken by the governments8. ESC of the Republic of Bulgaria. Resolution: “Communication from the Commission - the Annual Growth Survey for 2015“, 2015. 6 “SMEs and the Creation of Decent and Productive Employment”. Second note, p. 6. 7 ESC of the Republic of Bulgaria. Opinion: “Income Policy as а Main Platform for Improving Quality of Life and а Factor for Reducing Poverty in Bulgaria”, 2006. 8 ESC of the Republic of Bulgaria. Resolution: “Single Market Act II – Together for new growth”, 2013. 5 4. Possible measures for countries to improve the business environment for SMEs In addition to providing easier access to finance, the ESC believes that countries can also contribute to improving the business environment for SMEs with the creation of tax relief opportunities. In the current global economy the need of modernizing the legislation on insolvency procedures and provisioning of a second chance to entrepreneurs is increasing. A positive contribution in this respect would be a change in the public attitude towards SMEs. 5. Sustainable Small and Medium Enterprises The ESC of Bulgaria expresses its support for the concept of "sustainability criteria" implied in the report9. Introduction of such method could direct certain incentives to the most deprived SMEs in areas such as agriculture, light industry or information and communication technologies. The possibility of granting tax reliefs for SMEs that achieve a high degree of stability and operate in prioritizing areas of the economy would be motivating. 9 “SMEs and the Creation of Decent and Productive Employment”. Second note, p. 2.