Association internationale des Conseils économiques et sociaux
et Institutions similaires
(AICESIS)
CONTRIBUTION
A LA CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL 2015
SUR LE THEME
« LES PME ET LA CRÉATION D’EMPLOIS DÉCENTS ET
PRODUCTIFS »
»
Rapporteur : CES du Luxembourg
Avec les contributions du CNES d’Algérie, de l’OKE de Grèce et du CES de Bulgarie
(en annexe)
FR
Le monde est confronté à de graves problèmes économiques caractérisés, malgré quelques
signes positifs, par une lente sortie de la crise économique, une inégalité croissante, un
manque flagrant de créations d’emplois, des taux de chômage élevés, notamment le chômage
des jeunes, et des situations budgétaires désastreuses de nombreux Etats. Les politiques
menées ne semblent en effet pas à même pour ramener l’économie sur le chemin de la
croissance durable avec, à la clé, la création d’emplois décents en nombre suffisant.
Alors que le discours politique prépondérant semble prôner des solutions à court terme, un
véritable retour de la situation ne peut être atteint que si l’on s’oriente vers des politiques de
moyen et de long terme visant, notamment, la création d’entreprises et la promotion de
l’esprit d’entreprise avec, à la clé, une augmentation de la création d’emplois décents par et
dans les PME.
Les PME signifient emploi et croissance !
Il faut pour cela que les partenaires sociaux réunis au sein de l’AICESIS contribuent à donner
aux décideurs politiques à travers le monde les orientations nécessaires pour assurer la
croissance, la prospérité et la stabilité du secteur économique le plus important, les PME.
Sans eux, il n’y aura pas de reprise ni de stabilité économique, sans eux, il n’y aura pas de
création d’emplois productifs, sans même parler d’emplois décents.
Le rôle des PME dans l’économie et la société
On peut dire que 99,9% des entreprises sont des PME (2/3 des entreprises mondiales selon le
rapport BIT 2013). Pourquoi alors se soucier autant des grandes entreprises ? En effet,
presque toutes les législations tant économiques que sociales et ayant trait à la vie des
entreprises prises à travers le monde semblent inspirées par le souci de vouloir réglementer
des aspects de la vie des grandes entreprises (finances, gouvernance, fiscalité, droits
sociaux…) alors que la logique voudrait qu’on traite d’abord le cas de la PME pour ensuite
éventuellement rajouter des couches au niveau gislatif concernant les seules grandes
entreprises.
En Europe, parmi les plus de 20 millions d’entreprises, il n’y a que 43 700 entreprises de plus
de 250 employés. Par contre, plus de 19 millions d’entreprises occupent moins de 10
personnes (micro-entreprises). L’entreprise-type en Europe occupe 6 personnes, y compris le
propriétaire-entrepreneur, les PME comptent pour 2/3 de l’emploi privé et environ 60% de la
valeur ajoutée. 80% des emplois créés au cours des dix dernières années l’ont été dans les
PME
1
. Ces chiffres sont même davantage en faveur des PME dans d’autres gions du
monde.
L’Europe politique se plaît à parler d’un « Small Business Act » ou encore du principe du
« thinking small first » pour aussitôt oublier ces adages et retourner à la normale quand il
s’agit de fixer un cadre normatif, législatif et réglementaire. Et ce malgré toutes les évidences
quand il s’agit de promouvoir les PME avec leurs avantages quasi-naturels : esprit
d’entreprise, proximité, création d’emplois, de valeurs et de richesses.
Promouvoir la croissance économique et la création d’emplois décents à travers les PME
équivaut tout d’abord à respecter certains principes législatifs :
Penser petit d’abord ;
1
EC Annual report on European SMEs
Rien qu’une fois ;
Proportionnalité ;
Prise en compte des études d’impact.
La récente crise économique a encore une fois démontré que les PME sont les stabilisateurs
par excellence en cas de revers économique. Ce sont encore les PME qui jouent un rôle
majeur dans la formation professionnelle initiale et continue, deux facteurs de grande
importance pour assurer la transition de l’école vers l’emploi et pour assurer la qualification
des travailleurs. Les PME assurent l’innovation, même en l’absence de programmes formels
de R&D au sens classique. En effet, l’innovation dans les PME se met en place en
coopération avec les salariés et les fournisseurs et les clients, sur le tas, et leur compétitivité
dépend largement de leur faculté d’améliorer constamment leurs produits et services. La
transition vers une économie durable, vers une économie « verte », sera assurée par les PME,
grâce à l’intégration de stratégies d’efficience énergétique et le développement de produits et
services répondant à des critères de durabilité.
Les PME sont au cœur-même de la stabilité économique et sociale régionale et locale, avec
une forte implication dans la vie sociale, en fournissant les produits et services journaliers et
en assurant une présence au cœur des villes et villages tout comme dans les régions rurales.
Avec leurs salariés, les propriétaires-entrepreneurs ont des visions stratégiques et
entrepreneuriales de long terme en ce qui concerne le développement de leur entreprise au
niveau local et régional actionnaires et managers ne verront que profits à court terme et
parts de marché.
PME, création dentreprises et emploi décent
Les PME ont le potentiel de sortir l’économie de la crise et de contribuer au veloppement
de l’emploi à travers le monde. Mais elles ne peuvent pas accomplir tout cela toutes seules, la
politique doit les accompagner et mettre en place le cadre économique et social favorisant
l’éclosion de l’esprit d’entreprise, la création d’entreprises et le développement de l’emploi
décent et productif.
Formalisation des structures et gouvernance
Les entrepreneurs ont besoin de structures bien établies telles que les organisations
d’employeurs ou encore les chambres professionnelles. Cette formalisation des structures
des entreprises est essentielle, car favorisant la gouvernance des Etats, des communautés et
des PME et contribuant notamment à la mise en place de programmes communs par exemple
dans le domaine de la formation professionnelle initiale et continue. Les organisations
d’employeurs constituent le pendant naturel des organisations des travailleurs, ensemble ils
constituent les deux faces d’une même médaille. Les Etats devront donc veiller à garantir la
liberté d’association et à favoriser la mise en place de ces structures des partenaires sociaux.
Limitation du secteur informel
Pour les PME, à côté de l’aide pratique que peuvent offrir ces structures, elles sont
indispensables pour limiter la concurrence du secteur non formel. Le travail illégal, illicite,
le travail noir, l’économie « grise » constituent autant de facteurs empêchant la mise en place
ordonnée d’entreprises et ce a fortiori dans des économies émergentes ou en développement.
Le secteur informel, en empêchant la prise de bénéfices, rend illusoire les investissements et
les gains de productivité qui y sont liés, empêche la mise en place de relations de travail
stables et de systèmes de formation professionnelle qualifiante. Le secteur informel va même
jusqu’à asphyxier toute fiscalité juste, pourtant à la base des Etats. D’où l’intérêt vital que
devraient avoir les Etats à éviter tant que faire se peut l’éclosion dun secteur informel
rendant impossible les progrès économiques et sociaux en provenance des PME.
Formation professionnelle
Les économies les plus performantes à travers le monde se caractérisent notamment par un
système de formation en alternance, par le concours de l’entreprise et de l’école. Ces
systèmes dits de formation duale sont idéalement encadrés par des organisations bien établies
des partenaires sociaux dans un souci de qualité, de reconnaissance des certificats et
d’adaptation continue. Cette formation duale peut jouer un rôle moteur dans la formation à
l’entrepreneuriat, comme le démontre l’exemple de la formation duale allemande et a fortiori
celle du « Handwerk » - artisanat le triptyque « Geselle (compagnon) Meister (maître)
Niederlassung (établissement) » peuvent servir d’exemple à travers le monde. En effet, le
système, par la forte implication des entrepreneurs directement intéressés à former leurs
collaborateurs ainsi que, le cas échéant, leur propre successeur potentiel peut être cité comme
exemple du genre. Par ailleurs, la forte centralisation du système par la formation en
entreprise permet aux états la mise en place d’un système performant de formation
professionnelle ayant des incidences financières relativement limitées par rapport à d’autres
systèmes éducatifs.
Les partenaires sociaux sont encore les mieux placés pour mettre en place de systèmes de
formation professionnelle continue grâce à leur implication dans les entreprises. Grâce à ces
structures, les partenaires sociaux peuvent effectivement promouvoir la productivité des
entreprises, créant par-là également les bases pour l’amélioration soutenable des
conditions de travail.
Accès au financement
Tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement les PME
éprouvent des difficultés en relation avec l’accès au financement de leurs investissements.
Pour promouvoir le développement des PME il est ainsi primordial de soutenir le secteur
bancaire avec un accent particulier sur le développement d’initiatives bancaires régionales
et locales. A côté des instruments bancaires traditionnels tels les prêts les états et les
institutions internationales devraient promouvoir la mise en place de systèmes de capital-
risque ou de cautionnement et de garanties (société coopératives ou mutualités), et ce
notamment par la couverture de risques financiers plus importants. Dans cet ordre d’idées la
simplification des règlementations ayant trait à la bourse constituerait certainement un moyen
pour les PME dans de nombreux pays de faciliter l’accès aux investissements. Dans les pays
en voie de développement avant tout, l’accès à la micro-finance peut constituer un élément-
clé de développement des PME.
« Si les établissements bancaires apparaissent comme les interlocuteurs naturels des
entreprises, il est impératif d’élaborer de nouvelles pistes de réflexion et de trouver des
mécanismes innovants pour renforcer leurs fonds propres. Le système bancaire doit
davantage être mis au service du développement des entreprises petites et moyennes, la
fiscalité doit être utilisée à l’accroissement des fonds propres des PME et le droit des
successions permette le développement des PME sur plusieurs générations. Concernant le
financement de l’industrie, dans le cadre d’une stratégie industrielle, l’ensemble des
structures qui concourent au financement des actions de façon dispersée doivent coordonner
leurs interventions sous la responsabilité du ministère en charge de l’Industrie.
2
»
Idées-clés : Simplification de la fiscalité à l’égard des PME, remise à plat du droit des
successions, création de nouveaux mécanismes de renforcement des fonds propres des PME,
coordination du financement des actions des PME.
Accès aux marchés
Garantir l’accès des PME aux marchés est primordial pour assurer leur développement.
Plusieurs points se doivent d’être adressés dans ce contexte :
Simplification administrative ;
Coûts des licences et des droits liés à la propriété intellectuelle ;
Service public de qualité ;
Marchés publics et soumissions ;
Réciprocité en matière d’accès aux marchés de fournitures ;
Crime organisé (contrefaçon, pratiques de dumping social...)
Internationalisation des activités des PME.
Les Etats peuvent ainsi contribuer dans une large mesure au développement des PME en
assurant une prise en compte suffisante de ces aspects substantiels pour les PME. Les
marchés publics revêtent une importance particulière dans ce contexte. En effet, les Etats
peuvent organiser les marchés publics de façon à soutenir activement le développement des
PME en instaurant et en respectant effectivement certains principes comme la séparation en
lots pour l’achat de produits ou encore la soumission par corps de métiers séparés en matière
de services. La prise en considération de critères de durabilité (apprentissage, formation
continue, respect de certaines normes sociales, aspects écologiques, bilan CO2…) à côté des
seuls aspects financiers peut permettre de favoriser l’accès aux marchés publics des PME et,
partant, la création d’emplois décents et productifs dans ces entreprises.
Énergie
Un dernier point particulièrement important pour permettre le développement des PME et la
création d’emplois décents et productifs est celui de l’accès à l’énergie, et plus
particulièrement à l’énergie électrique. Ce point peut paraître dérisoire pour les pays
développés bien que le problème de l’accès équitable à l’énergie reste posé eu égard aux
distorsions de concurrence qui peuvent y être liés il se pose pourtant avec d’autant plus
d’acuité dans les pays en voie de développement l’énergie électrique est soit totalement
absente, soit soumise à des fournitures irrégulières et erratiques ne permettant pas son
utilisation rationnelle dans un processus de production. Il est ainsi primordial pour les Etats et
les institutions internationales de développer l’accès à des réseaux d’énergie (électrique)
pour permettre justement aux entreprises de fonctionner efficacement et de promouvoir ainsi
le développement sociétal. Cela va de pair avec un contrôle pour ne pas dire une mainmise
des Etats bonne gouvernance) sinon des institutions sur les réseaux pour garantir une
énergie propre, écologiquement soutenable, un service universel et des prix abordables
pour l’ensemble des populations et des PME.
2
Extraits de l’avis du CESE de France, « Gagner la bataille de l’exportation avec les PME » (février
2012).
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