4. Les maladies de l'adulte
Dans ce chapitre, nous allons, en fait, décrire diverses maladies dont nous
n'avons pas encore parlé dans les trois chapitres précédents. Les maladies néonatales et
du jeune âge sont suffisamment importantes que pour être regroupées dans des chapitres
séparés.
La structure du chapitre consacré aux maladies de l'adulte est différente de celle
des précédents. Nous envisagerons les maladies système par système. Il est certain que
des répétitions seront présentes car certaines maladies entreprennent divers systèmes.
D'autre part, certaines des maladies du jeune âge seront à nouveau citées car elles
peuvent aussi apparaître chez les individus adultes. Ces répétitions permettront de
donner une espèce de tableau synoptique général des maladies de nos animaux
domestiques. Les espèces étudiées sont: les bovins, ovins, porcins, canins, félins et
équins. Les maladies des oiseaux, des lapins et des rongeurs de petit élevage font l'objet
d'un cours séparé en 3ème doctorat.
4.1. Les maladies du tube digestif
4.1.1. De la bouche
La flore bactérienne de la bouche est très variée. En fait, la bouche consiste en
une multitude de niches écologiques et les bactéries présentes dans un écouvillon
varient selon l'endroit de l'écouvillonnage.
Les maladies bactériennes de la cavité buccale peuvent être des stomatites, des
abcédations ou encore des affections débordant la localisation buccale mais pour
lesquelles les lésions buccales sont un élément clinique important.
Dans toutes les espèces animales, Fusobacterium necrophorum est une cause fréquente,
isolément ou en association avec d'autres bactéries, de stomatite spécifique. Citons la
nécrobacillose de la bouche des jeunes veaux (<3mois).
Chez les canivores domestiques, les gingivites et périodontites sont extrêmement
fréquentes. Sur le plan bactériologique, diverses espèces sont impliquées,
essentiellement des anaérobies strictes: Bacteroides spp, Fusobacterium spp,
Peptococcus spp et Peptostreptococcus spp. Par contre, les streptocoques, entérocoques
et staphylocoques sont moins fréquemment impliqués dans ces problèmes. Les
Pasteurella spp, et les groupes EF4a, EF4b et M-5 ne causent pas de problèmes buccaux
habituellement (voir plaies par morsure).
La pathogènie des affections buccales est simple. Soit les bactéries causent les
problèmes décrits suite à l'apparition d'abrasions mineures, soit il s'agit d'une
localisation postsepticémique.
Fusobacterium necrophorum est un exemple de bactérie qui profite de traumas locaux:
diphtérie du veau, abcès sous-linguaux etc... Un autre exemple est l'actinobacillose à
Actinobacillus lignieresii, que nous allons maintenant décrire.
4.1.1.1. Actinobacillose à Act. lignieresii
Cette affection fait partie des actinophytoses, des processus infectieux chroniques,
caractérisés par le développement, dans divers organes, de tuméfactions de nature
inflammatoire et suppurée.
Les bactéries impliquées dans ces actinophytoses sont, outre Act lignieresii qui envahit
primairement les tissus mous de la bouche, du pharynx et éventuellement des cavités
nasales, Actinomyces bovis (os, peau mamelle), Staph aureus (pyogène primaire ou
secondaire à hauteur de la mamelle) et Act pyogenes (pyogène primaire ou secondaire).
a) Etiologie
L'agent étiologique des actinophytoses des organes mous ou actinobacillose est
Actinobacillus lignieresii. D'autres bactéries pyogènes (Staph aureus, Act pyogenes
etc...) peuvent être cultivées à partir des lésions.
b) Incidence
L'actinobacillose apparaît sporadiquement aussi bien chez le bovin que chez le mouton,
bien que plusieurs cas apparaissent d'habitude dans la même ferme la même année. La
maladie est la plus fréquente chez les bovins entre 18 et 36 mois et chez les ovins
adultes (surtout les béliers, lors de combats). Elle existe, mais est rare, chez le porc, les
carnivores et l'homme.
c) Pathogénie
L'infection des tissus suit l'apparition de traumas qui permettent l'entrée des bactéries.
Act lignieresii est, en effet, un hôte normal de la bouche. La transmission peut se faire
par du pus contaminé aussi. Cette infection cause une réaction inflammatoire locale
aiguë avec le développement subséquent de lésions granulomateuses (les
"actinophytoses"). La nécrose du centre du granulome résulte en la formation de pus.
Ces granulomes purulents peuvent s'ouvrir en surface de l'organe et causer de la
suppuration. L'extension aux ganglions régionaux est habituelle. Dans les cas
chroniques, le pus disparaît et de la fibrose apparaît. La généralisation se fait par voie
lymphatique (poumons, mamelle).
d) Signes cliniques
La localisation première chez le bovin est la langue, ce qui se traduit par l'apparition
assez soudaine (<48 heures) de l'impossibilité de manger, de mastiquer et de déglutir.
Du ptyalisme, de la mastication douce et de la douleur loccale sont apparentes. A
l'examen buccal, la langue est hyptertrophiée et dure (= langue de bois). Des nodules
qui se déchargent et des ulcères sont visibles sur les côtés de l'organe. Dans les cas
chroniques, la langue est fibreuse, rétrécie et immobile. Des difficultés, voire
l'impossibilité de préhension de la nourriture sont notées.
L'actinobacillose peut être localisée dans d'autres organes: pharynx, cavités nasales,
peau, voire viscères (poumon, rumen, par exemple). Les signes cliniques sont liés à
l'organe atteint: difficultés de déglutition, difficultés respiratoires, nodules de la peau,
douleurs abdominales.
L'atteinte des ganglions rétropharyngés, sous-maxillaires et parotidaux, est fréquente et
indépendante de l'atteinte de la langue. Les ganglions sont tuméfiés, deviennent
purulents, se déchargent à l'extérieur et se fibrosent, pouvant provoquer certains
problèmes de déglutition et de respiration.
Chez les ovins, la langue n'est pas atteinte d'habitude. Les lésions principales se
localisent sur les lèvres, les joues, la nuque et la base des cornes ou entre le menton et le
sternum. Les ganglions régionaux sont fréquemment atteints et leur tuméfaction
importante peut interférer avec la déglutition. Des mammites sont rapportées.
Cet ensemble de problèmes interfère donc avec la nutrition de l'animal, l'amenant à des
difficultés de préhension des aliments, de mastication, de déglutition. Le passage à la
chronicité des lésions et leur fibrose ont, pour conséquence ultime, la mort de l'animal
ou la décision d'abattage. Le pronostic est donc réservé en cas d'actinobacillose buccale.
e) Lésions
Les lésions macroscopiques sont des nodules et ulcères localisés dans les organes mous
avec, parfois, suppurations locales. Ces nodules sont fermes ou contiennent du pus
jaunâtre. Dans ce pus jaunâtre, des granules jaunâtres (<1 mm) sont remarqués
(=granules sulfurés). Ces granules contiennent des colonies de bactéries Gram négatives
visibles au microscope optique. Trois zones sont décrites: centrale (colonie bactérienne
entourée d'éléments éosinophiliques en forme de massue), moyenne (tissu de
granulation riche en macrophages, plasmocytes, lymphocytes et cellules géantes),
périphérique (capsule conjonctivale réactionnelle). Ces nodules peuvent devenir
coalescents et atteindre plus d'un cm de dimension. Les abcès peuvent devenir froids. La
fibrose s'installe progressivement dans les lésions.
f) Diagnostic
Les signes cliniques observés ne sont en rien pathognomoniques: autres infections
purulentes, rage, corps étranger dans la bouche, etc... L'atteinte de la langue oriente
mieux le diagnostic. Le diagnostic différentiel des atteintes ganglionnaires comporte
aussi les néoplasmes et la tuberculose. Chez le mouton, l'atteinte des cavités nasales
ressemble quelque peu à la mélioïdose.
La confirmation du diagnostic vient de l'examen histopathologique et, accessoirement,
bactériologique. Cependant, l'existence de massues est aussi rapportée dans les
infections à Act. bovis. De plus, elles sont plus fréquentes dans l'actinobacillose bovine
qu'ovine et surtout que celles des carnivores.
La culture bactériologique (sur gélose au sang en atmosphère enrichie en CO2) peut
permettre l'isolement des colonies d'Act lignieresii, mais quasi jamais en culture pure.
De plus, si l'animal a déjà été traité, d'autres bactéries peuvent avoir colonisé les lésions
(Proteus spp, Pseudomonas aeruginosa).
Le sérodiagnostic est possible, mais des anticorps existent chez des animaux normaux
(le sérum des sujets positifs agglutine avec un titre de 1/60 au minimum). Mais
l'essentiel de l'immunité est à médiation cellulaire.
g) Traitement
L'iodure de potassium jouit de propriétés résolutives qui s'exercent particulièrement sur
la localisation linguale: per os 6 à 12 g pendant 2 à 3 semaines. L'iodure de sodium est
administré en IV en solution à 10%: 4 g / 100 kg, une fois par semaine. Etant donné le
peu d'activité antibactérienne de ces iodures sur Act lignieresii in vitro, on suppose
qu'ils agissent par réduction de la réponse fibreuse. Il faut noter qu'ils ne sont pas très
efficaces dans les actinomycoses (pas plus que les autres traitements)!
Les iodures présentent certains dangers lors de gestations avancées, ainsi que certains
dangers d'iodisme. L'animal peut donc être traité aux antibiotiques: de la streptomycine
en IM une fois par jour pendant 5 jours semble être le meilleur traitement. Les
sulfamidés, les tétracyclines, le chloramphénicol et l'érythromycine sont aussi actifs in
vitro.
h) Prophylaxie
Elle est basée sur l'hygiène pour éviter l'infection et la contagion. Attention aux aliments
durs et blessants. L'isolement et le traitement précoce des animaux atteints (dans
n'importe quel organe) est primordial. Sur le plan de la prophylaxie, il faut penser à la
tuberculose dans le cas d'atteinte ganglionnaire.
4.1.2. Du pharynx
Les pharyngites proviennent de la localisation d'une autre affection primaire le plus
souvent: gourme (cheval), charbon (porc, cheval), nécrobacillose buccale (veau,...),
granulomes dans l'actinobacillose (bovins, ovins). L'atteinte des ganglions régionaux
apparaît aussi dans diverses infections (actinobacillose, tuberculose). Des problèmes de
déglutition repésentent le signe clinique numéro 1 (il faut aussi penser au botulisme).
4.1.3. De l'oesophage
On ne décrit pas d'oesophagite d'origine bactérienne. Certains problèmes surviennent
lors de l'hypertrophie des ganglions cervicaux (actinobacillose du mouton).
Les oesophagites sont le plus souvent dues à des irritants physiques et chimiques.
4.1.4. De l'estomac
Les bactéries ne sont pas primairement responsables de gastrites. Cependant, des
gastrites sont observées dans des affections généralisées telles que la salmonellose, la
dysenterie du porc, la colibacillose néonatale etc.. Des ulcères peuvent aussi être
observés dans la caillette: par exemple, lors de salmonellose essentiellement mais aussi
d'infections à Clostridium perfringens type A. L'association d'une bactérie, Helicobacter
pylori au développpement des ulcères gastriques chez l'homme, n'a pu être faite encore
chez le porc, bien que des anticorps dirigés contre cette bactérie aient été détectés dans
cette espèce animale.
4.1.4.1. " Braxy"
Le " braxy" est une abomasite aiguë du mouton avec toxémie et forte mortalité.
a) Etiologie
Clostridium septicum, également impliqué dans le charbon parasymptomatique et les
gangrènes gazeuses, est tenu pour le responsable du "braxy".
b) Incidence
La maladie a été décrite en Europe et en Australie surtout. Elle est cependant
relativement rare. Elle est associée à des froids intenses et à l'apparition de la neige. Elle
est surtout décrite chez les jeunes de l'année et les brebis. Le taux de mortalité est de
50%.
c) Pathogénie
Cl. septicum habite normalement les sols et, très probablement, le tube digestif des
moutons. L'abomasite se développe probablement suite à l'ingestion de nourriture gelée
et permet l'invasion et la multiplication de Cl. septicum. Une exotoxine est produite et
résorbée. La mort survient par toxémie.
d) Signes cliniques et lésions
Le signe clinique usuel est la mort subite. Si l'animal est observé malade (rare vu la
saison et la rapidité d'évolution), il est isolé du troupeau, apathique, anorexique.
La fièvre est élevée (41 à 42 °C) et des douleurs abdominales sont évidentes. Ensuite,
les signes de toxémie prédominent: décubitus, chute de la température corporelle et
mort.
Les lésions générales sont celles d'une toxémie. Les lésions locales sont celles d'une
abomasite aiguë avec de la congestion, des hémorragies voire des ulcères. Un oedème
sérosanguinolent est présent dans la muqueuse et la sous-muqueuse de la paroi.
e) Diagnostic.
Il est difficile car l'animal est le plus souvent trouvé mort. L'autopsie ne révélera pas
toujours des lésions caractéristiques car elle aura lieu trop longtemps après la mort
(putréfaction avancée). Pour la même raison, la culture ne sera pas concluante
(envahissement par les germes de la putréfaction).
f) Traitement et contrôle
Le traitement est nul dans la majorité des cas mais la pénicilline peut être tentée.
La vaccination est possible (cf entérotoxémie).
4.1.5. Des intestins
De nombreuses entérites spécifiques d'origine bactérienne sont décrites chez les
animaux de tous âges. La plupart de celles que nous allons citer ont déjà été décrites
dans les chapitres précédents ou le seront dans le chapitre sur la fertilité et les
avortements.
A - Chez les bovins et les ovins, les entérites sont dues à:
- Escherichia coli entérotoxinogènes chez les nouveau-nés (diarrhée aqueuse) et
effaçants chez les jeunes (diarrhée subaiguë à hémorragique)
- Salmonella enterica sérovars Typhimurium et Dublin chez les jeunes et les adultes.
Ces bactéries sont responsables de l'apparition de diarrhée aiguë, de dysenterie, de chute
de la production de lait, de fièvre (40 - 41,5°C) et de fortes mortalités (75% , 4 à 7 jours
après les premiers signes cliniques). Une état septicémique peut aussi se développer.
Des avortements sont souvent observés. Avec le sérovar Dublin, cela peut être le seul
signe clinique. Chez le mouton, le sérotype Abortusovis est un sérotype spécifique
d'avortements.
Le traitement aux antibiotiques réduit fortement la mortalité (10%). Chez les jeunes
agneaux (<10 jours) des dysenteries à Clostridium perfringens toxinotype B sont
rapportées en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud. Chez les agneaux plus âgés, des
cas d'entérotoxémie à Cl. perfringens toxinotype D sont rapportés ("Pulpy Kidney
Disease"). Chez les veaux à l'engrais, des cas d'entérotoxémie où Clostridium
perfringens toxinotype A non entérotoxinogène et Clostridium sordellii semblent jouer
un rôle important, sont décrits surtout dans les races viandeuses (dont le BBB).
Chez le mouton adulte, un syndrome causé par Clostridium perfringens type C est décrit
sous le nom de "Struck", mais ce syndrome est limité à la Grande-Bretagne.
Il existe aussi des diarrhées non spécifiques chez de jeunes animaux. Ces diarrhées
peuvent être causées par certaines bactéries multirésistantes (Proteus spp, Pseudomonas
aeruginosa). Ces animaux ont été traités pendant un certain temps aux antibiotiques
(parfois pour une diarrhée néonatale), auxquels les souches des espèces précitées sont
résistantes (Proteus est résistant à la colistine par exemple). Ces nouvelles souches
colonisent alors l'intestin sans rencontrer aucune opposition puisque la flore normale a
été éliminée. Elle causent l'entretien d'une diarrhée subaiguë à chronique, récidivante et
ne cédant pas aux traitement classiques.
Il nous reste donc à décrire deux types d'entérites chez ces deux espèces: l'entérite
paratuberculeuse à Mycobacterium paratuberculosis et l'entérotoxémie à Clostridium
perfringens toxinotype C chez le mouton.
4.1.5.1. Entérite paratuberculeuse
L'entérite paratuberculeuse ou maladie de Johne est une entérite spécifique des bovins,
ovins et caprins (et ruminants sauvages) dont les trois éléments clés sont: diarrhée
profuse chronique, émaciation et épaississement de la paroi de l'intestin grêle.
a) Etiologie
La bactérie responsable est Mycobacterium paratuberculosis (anciennement dénommé
Myc johnei). Trois types de souches sont décrites: les souches bovines classiques, les
souches ovines non pigmentées et les souches ovines pigmentées en jaune que l'on
retrouve surtout en Ecosse. Il faut noter que dans un cas, une souche pigmentée a été
décrite chez le veau.
b) Incidence.
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