4. Les maladies de l'adulte Dans ce chapitre, nous allons, en fait, décrire diverses maladies dont nous n'avons pas encore parlé dans les trois chapitres précédents. Les maladies néonatales et du jeune âge sont suffisamment importantes que pour être regroupées dans des chapitres séparés. La structure du chapitre consacré aux maladies de l'adulte est différente de celle des précédents. Nous envisagerons les maladies système par système. Il est certain que des répétitions seront présentes car certaines maladies entreprennent divers systèmes. D'autre part, certaines des maladies du jeune âge seront à nouveau citées car elles peuvent aussi apparaître chez les individus adultes. Ces répétitions permettront de donner une espèce de tableau synoptique général des maladies de nos animaux domestiques. Les espèces étudiées sont: les bovins, ovins, porcins, canins, félins et équins. Les maladies des oiseaux, des lapins et des rongeurs de petit élevage font l'objet d'un cours séparé en 3ème doctorat. 4.1. Les maladies du tube digestif 4.1.1. De la bouche La flore bactérienne de la bouche est très variée. En fait, la bouche consiste en une multitude de niches écologiques et les bactéries présentes dans un écouvillon varient selon l'endroit de l'écouvillonnage. Les maladies bactériennes de la cavité buccale peuvent être des stomatites, des abcédations ou encore des affections débordant la localisation buccale mais pour lesquelles les lésions buccales sont un élément clinique important. Dans toutes les espèces animales, Fusobacterium necrophorum est une cause fréquente, isolément ou en association avec d'autres bactéries, de stomatite spécifique. Citons la nécrobacillose de la bouche des jeunes veaux (<3mois). Chez les canivores domestiques, les gingivites et périodontites sont extrêmement fréquentes. Sur le plan bactériologique, diverses espèces sont impliquées, essentiellement des anaérobies strictes: Bacteroides spp, Fusobacterium spp, Peptococcus spp et Peptostreptococcus spp. Par contre, les streptocoques, entérocoques et staphylocoques sont moins fréquemment impliqués dans ces problèmes. Les Pasteurella spp, et les groupes EF4a, EF4b et M-5 ne causent pas de problèmes buccaux habituellement (voir plaies par morsure). La pathogènie des affections buccales est simple. Soit les bactéries causent les problèmes décrits suite à l'apparition d'abrasions mineures, soit il s'agit d'une localisation postsepticémique. Fusobacterium necrophorum est un exemple de bactérie qui profite de traumas locaux: diphtérie du veau, abcès sous-linguaux etc... Un autre exemple est l'actinobacillose à Actinobacillus lignieresii, que nous allons maintenant décrire. 4.1.1.1. Actinobacillose à Act. lignieresii Cette affection fait partie des actinophytoses, des processus infectieux chroniques, caractérisés par le développement, dans divers organes, de tuméfactions de nature inflammatoire et suppurée. Les bactéries impliquées dans ces actinophytoses sont, outre Act lignieresii qui envahit primairement les tissus mous de la bouche, du pharynx et éventuellement des cavités nasales, Actinomyces bovis (os, peau mamelle), Staph aureus (pyogène primaire ou secondaire à hauteur de la mamelle) et Act pyogenes (pyogène primaire ou secondaire). a) Etiologie L'agent étiologique des actinophytoses des organes mous ou actinobacillose est Actinobacillus lignieresii. D'autres bactéries pyogènes (Staph aureus, Act pyogenes etc...) peuvent être cultivées à partir des lésions. b) Incidence L'actinobacillose apparaît sporadiquement aussi bien chez le bovin que chez le mouton, bien que plusieurs cas apparaissent d'habitude dans la même ferme la même année. La maladie est la plus fréquente chez les bovins entre 18 et 36 mois et chez les ovins adultes (surtout les béliers, lors de combats). Elle existe, mais est rare, chez le porc, les carnivores et l'homme. c) Pathogénie L'infection des tissus suit l'apparition de traumas qui permettent l'entrée des bactéries. Act lignieresii est, en effet, un hôte normal de la bouche. La transmission peut se faire par du pus contaminé aussi. Cette infection cause une réaction inflammatoire locale aiguë avec le développement subséquent de lésions granulomateuses (les "actinophytoses"). La nécrose du centre du granulome résulte en la formation de pus. Ces granulomes purulents peuvent s'ouvrir en surface de l'organe et causer de la suppuration. L'extension aux ganglions régionaux est habituelle. Dans les cas chroniques, le pus disparaît et de la fibrose apparaît. La généralisation se fait par voie lymphatique (poumons, mamelle). d) Signes cliniques La localisation première chez le bovin est la langue, ce qui se traduit par l'apparition assez soudaine (<48 heures) de l'impossibilité de manger, de mastiquer et de déglutir. Du ptyalisme, de la mastication douce et de la douleur loccale sont apparentes. A l'examen buccal, la langue est hyptertrophiée et dure (= langue de bois). Des nodules qui se déchargent et des ulcères sont visibles sur les côtés de l'organe. Dans les cas chroniques, la langue est fibreuse, rétrécie et immobile. Des difficultés, voire l'impossibilité de préhension de la nourriture sont notées. L'actinobacillose peut être localisée dans d'autres organes: pharynx, cavités nasales, peau, voire viscères (poumon, rumen, par exemple). Les signes cliniques sont liés à l'organe atteint: difficultés de déglutition, difficultés respiratoires, nodules de la peau, douleurs abdominales. L'atteinte des ganglions rétropharyngés, sous-maxillaires et parotidaux, est fréquente et indépendante de l'atteinte de la langue. Les ganglions sont tuméfiés, deviennent purulents, se déchargent à l'extérieur et se fibrosent, pouvant provoquer certains problèmes de déglutition et de respiration. Chez les ovins, la langue n'est pas atteinte d'habitude. Les lésions principales se localisent sur les lèvres, les joues, la nuque et la base des cornes ou entre le menton et le sternum. Les ganglions régionaux sont fréquemment atteints et leur tuméfaction importante peut interférer avec la déglutition. Des mammites sont rapportées. Cet ensemble de problèmes interfère donc avec la nutrition de l'animal, l'amenant à des difficultés de préhension des aliments, de mastication, de déglutition. Le passage à la chronicité des lésions et leur fibrose ont, pour conséquence ultime, la mort de l'animal ou la décision d'abattage. Le pronostic est donc réservé en cas d'actinobacillose buccale. e) Lésions Les lésions macroscopiques sont des nodules et ulcères localisés dans les organes mous avec, parfois, suppurations locales. Ces nodules sont fermes ou contiennent du pus jaunâtre. Dans ce pus jaunâtre, des granules jaunâtres (<1 mm) sont remarqués (=granules sulfurés). Ces granules contiennent des colonies de bactéries Gram négatives visibles au microscope optique. Trois zones sont décrites: centrale (colonie bactérienne entourée d'éléments éosinophiliques en forme de massue), moyenne (tissu de granulation riche en macrophages, plasmocytes, lymphocytes et cellules géantes), périphérique (capsule conjonctivale réactionnelle). Ces nodules peuvent devenir coalescents et atteindre plus d'un cm de dimension. Les abcès peuvent devenir froids. La fibrose s'installe progressivement dans les lésions. f) Diagnostic Les signes cliniques observés ne sont en rien pathognomoniques: autres infections purulentes, rage, corps étranger dans la bouche, etc... L'atteinte de la langue oriente mieux le diagnostic. Le diagnostic différentiel des atteintes ganglionnaires comporte aussi les néoplasmes et la tuberculose. Chez le mouton, l'atteinte des cavités nasales ressemble quelque peu à la mélioïdose. La confirmation du diagnostic vient de l'examen histopathologique et, accessoirement, bactériologique. Cependant, l'existence de massues est aussi rapportée dans les infections à Act. bovis. De plus, elles sont plus fréquentes dans l'actinobacillose bovine qu'ovine et surtout que celles des carnivores. La culture bactériologique (sur gélose au sang en atmosphère enrichie en CO2) peut permettre l'isolement des colonies d'Act lignieresii, mais quasi jamais en culture pure. De plus, si l'animal a déjà été traité, d'autres bactéries peuvent avoir colonisé les lésions (Proteus spp, Pseudomonas aeruginosa). Le sérodiagnostic est possible, mais des anticorps existent chez des animaux normaux (le sérum des sujets positifs agglutine avec un titre de 1/60 au minimum). Mais l'essentiel de l'immunité est à médiation cellulaire. g) Traitement L'iodure de potassium jouit de propriétés résolutives qui s'exercent particulièrement sur la localisation linguale: per os 6 à 12 g pendant 2 à 3 semaines. L'iodure de sodium est administré en IV en solution à 10%: 4 g / 100 kg, une fois par semaine. Etant donné le peu d'activité antibactérienne de ces iodures sur Act lignieresii in vitro, on suppose qu'ils agissent par réduction de la réponse fibreuse. Il faut noter qu'ils ne sont pas très efficaces dans les actinomycoses (pas plus que les autres traitements)! Les iodures présentent certains dangers lors de gestations avancées, ainsi que certains dangers d'iodisme. L'animal peut donc être traité aux antibiotiques: de la streptomycine en IM une fois par jour pendant 5 jours semble être le meilleur traitement. Les sulfamidés, les tétracyclines, le chloramphénicol et l'érythromycine sont aussi actifs in vitro. h) Prophylaxie Elle est basée sur l'hygiène pour éviter l'infection et la contagion. Attention aux aliments durs et blessants. L'isolement et le traitement précoce des animaux atteints (dans n'importe quel organe) est primordial. Sur le plan de la prophylaxie, il faut penser à la tuberculose dans le cas d'atteinte ganglionnaire. 4.1.2. Du pharynx Les pharyngites proviennent de la localisation d'une autre affection primaire le plus souvent: gourme (cheval), charbon (porc, cheval), nécrobacillose buccale (veau,...), granulomes dans l'actinobacillose (bovins, ovins). L'atteinte des ganglions régionaux apparaît aussi dans diverses infections (actinobacillose, tuberculose). Des problèmes de déglutition repésentent le signe clinique numéro 1 (il faut aussi penser au botulisme). 4.1.3. De l'oesophage On ne décrit pas d'oesophagite d'origine bactérienne. Certains problèmes surviennent lors de l'hypertrophie des ganglions cervicaux (actinobacillose du mouton). Les oesophagites sont le plus souvent dues à des irritants physiques et chimiques. 4.1.4. De l'estomac Les bactéries ne sont pas primairement responsables de gastrites. Cependant, des gastrites sont observées dans des affections généralisées telles que la salmonellose, la dysenterie du porc, la colibacillose néonatale etc.. Des ulcères peuvent aussi être observés dans la caillette: par exemple, lors de salmonellose essentiellement mais aussi d'infections à Clostridium perfringens type A. L'association d'une bactérie, Helicobacter pylori au développpement des ulcères gastriques chez l'homme, n'a pu être faite encore chez le porc, bien que des anticorps dirigés contre cette bactérie aient été détectés dans cette espèce animale. 4.1.4.1. " Braxy" Le " braxy" est une abomasite aiguë du mouton avec toxémie et forte mortalité. a) Etiologie Clostridium septicum, également impliqué dans le charbon parasymptomatique et les gangrènes gazeuses, est tenu pour le responsable du "braxy". b) Incidence La maladie a été décrite en Europe et en Australie surtout. Elle est cependant relativement rare. Elle est associée à des froids intenses et à l'apparition de la neige. Elle est surtout décrite chez les jeunes de l'année et les brebis. Le taux de mortalité est de 50%. c) Pathogénie Cl. septicum habite normalement les sols et, très probablement, le tube digestif des moutons. L'abomasite se développe probablement suite à l'ingestion de nourriture gelée et permet l'invasion et la multiplication de Cl. septicum. Une exotoxine est produite et résorbée. La mort survient par toxémie. d) Signes cliniques et lésions Le signe clinique usuel est la mort subite. Si l'animal est observé malade (rare vu la saison et la rapidité d'évolution), il est isolé du troupeau, apathique, anorexique. La fièvre est élevée (41 à 42 °C) et des douleurs abdominales sont évidentes. Ensuite, les signes de toxémie prédominent: décubitus, chute de la température corporelle et mort. Les lésions générales sont celles d'une toxémie. Les lésions locales sont celles d'une abomasite aiguë avec de la congestion, des hémorragies voire des ulcères. Un oedème sérosanguinolent est présent dans la muqueuse et la sous-muqueuse de la paroi. e) Diagnostic. Il est difficile car l'animal est le plus souvent trouvé mort. L'autopsie ne révélera pas toujours des lésions caractéristiques car elle aura lieu trop longtemps après la mort (putréfaction avancée). Pour la même raison, la culture ne sera pas concluante (envahissement par les germes de la putréfaction). f) Traitement et contrôle Le traitement est nul dans la majorité des cas mais la pénicilline peut être tentée. La vaccination est possible (cf entérotoxémie). 4.1.5. Des intestins De nombreuses entérites spécifiques d'origine bactérienne sont décrites chez les animaux de tous âges. La plupart de celles que nous allons citer ont déjà été décrites dans les chapitres précédents ou le seront dans le chapitre sur la fertilité et les avortements. A - Chez les bovins et les ovins, les entérites sont dues à: - Escherichia coli entérotoxinogènes chez les nouveau-nés (diarrhée aqueuse) et effaçants chez les jeunes (diarrhée subaiguë à hémorragique) - Salmonella enterica sérovars Typhimurium et Dublin chez les jeunes et les adultes. Ces bactéries sont responsables de l'apparition de diarrhée aiguë, de dysenterie, de chute de la production de lait, de fièvre (40 - 41,5°C) et de fortes mortalités (75% , 4 à 7 jours après les premiers signes cliniques). Une état septicémique peut aussi se développer. Des avortements sont souvent observés. Avec le sérovar Dublin, cela peut être le seul signe clinique. Chez le mouton, le sérotype Abortusovis est un sérotype spécifique d'avortements. Le traitement aux antibiotiques réduit fortement la mortalité (10%). Chez les jeunes agneaux (<10 jours) des dysenteries à Clostridium perfringens toxinotype B sont rapportées en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud. Chez les agneaux plus âgés, des cas d'entérotoxémie à Cl. perfringens toxinotype D sont rapportés ("Pulpy Kidney Disease"). Chez les veaux à l'engrais, des cas d'entérotoxémie où Clostridium perfringens toxinotype A non entérotoxinogène et Clostridium sordellii semblent jouer un rôle important, sont décrits surtout dans les races viandeuses (dont le BBB). Chez le mouton adulte, un syndrome causé par Clostridium perfringens type C est décrit sous le nom de "Struck", mais ce syndrome est limité à la Grande-Bretagne. Il existe aussi des diarrhées non spécifiques chez de jeunes animaux. Ces diarrhées peuvent être causées par certaines bactéries multirésistantes (Proteus spp, Pseudomonas aeruginosa). Ces animaux ont été traités pendant un certain temps aux antibiotiques (parfois pour une diarrhée néonatale), auxquels les souches des espèces précitées sont résistantes (Proteus est résistant à la colistine par exemple). Ces nouvelles souches colonisent alors l'intestin sans rencontrer aucune opposition puisque la flore normale a été éliminée. Elle causent l'entretien d'une diarrhée subaiguë à chronique, récidivante et ne cédant pas aux traitement classiques. Il nous reste donc à décrire deux types d'entérites chez ces deux espèces: l'entérite paratuberculeuse à Mycobacterium paratuberculosis et l'entérotoxémie à Clostridium perfringens toxinotype C chez le mouton. 4.1.5.1. Entérite paratuberculeuse L'entérite paratuberculeuse ou maladie de Johne est une entérite spécifique des bovins, ovins et caprins (et ruminants sauvages) dont les trois éléments clés sont: diarrhée profuse chronique, émaciation et épaississement de la paroi de l'intestin grêle. a) Etiologie La bactérie responsable est Mycobacterium paratuberculosis (anciennement dénommé Myc johnei). Trois types de souches sont décrites: les souches bovines classiques, les souches ovines non pigmentées et les souches ovines pigmentées en jaune que l'on retrouve surtout en Ecosse. Il faut noter que dans un cas, une souche pigmentée a été décrite chez le veau. b) Incidence. La prévalence exacte de la maladie n'est pas connue. Il faut faire la distinction entre les animaux infectés (+- 10%) et les animaux malades (<1%, 5% dans un troupeau). Les porteurs sains excrétant la bactérie peuvent donc être 20 fois plus nombreux que les cas cliniques. Il s'agit d'une maladie sporadique: un troupeau affecté perd, en effet, une à deux bêtes par an. Economiquement, les pertes proviennent de la perte d'animaux ainsi que de la longue période de maladie pendant laquelle l'animal malade perd peu à peu de sa valeur et de la diminution du taux de fertilité et du rendement laitier dans les troupeaux infectés. La paratuberculose bovine est répandue en Europe et s'est transmise à l'ensemble des pays, suite à des exportations d'animaux infectés non malades cliniquement. Chez les moutons, la maladie est particulièrement présente en Islande et en Ecosse. Des porcs et de chevaux peuvent s'infecter expérimentalement par contact avec du bétail. Ils développent de l'hypertrophie des ganglions mésentériques (DD: tuberculose) et parfois une entérite granulomateuse. c) Pathogénie Mycobacterium paratuberculosis survit pendant de longues périodes (jusque une année) dans les pâtures qui restent, de la sorte, une source d'infection. La sécheresse, la lumière solaire, un pH alcalin, une haute teneur en calcium, les contacts avec des urines réduisent sa survie. L'infection se contracte par voie orale, suite à l'ingestion de nourriture et/ou d'eau contaminées par des matières fécales d'un animal malade. Mycobacterium paratuberculosis a aussi été isolé de sperme de taureaux infectés causant des infections intrautérines dont l'importance n'est cependant pas connue avec exactitude. De plus, la bactérie peut se retrouver dans le lait d'animaux cliniquement malades. En règle générale, les jeunes animaux sont susceptibles, mais la période d'incubation est très longue et l'animal infecté peut excréter l'organisme dans les matières fécales jusqu'à un an et demi avant de montrer des signes cliniques. En conséquence, les animaux malades cliniquement ont plus de 18 mois. Toutefois, il n'est pas impossible que des animaux adultes qui sont restés indemnes de tout contact avec Myc paratuberculosis soient encore susceptibles. Enfin, il arrive que, exceptionnellement, un animal montre des signes cliniques avant l'âge de 18 mois. Après l'infection, certains veaux se stérilisent spontanément en quelques mois. Les autres vont devenir des porteurs de Myc paratuberculosis qui persiste dans la paroi de l'intestin grêle, son site de prédilection. Les bactéries sont localisées dans les macrophages de la sous-muqueuse de la région iléo-caecale. Elles s'y multiplient sans problème. De là, elles vont s'étendre sur l'ensemble de l'intestin jusqu'au rectum, vers les ganglions mésentériques et accessoirement vers les ganglions du pharynx et les amygdales où elles résident également dans les macrophages. Cette extension est lente et progressive. Myc paratuberculosis stimule une réaction d'hypersensibilité de type IV à médiation cellulaire. Cette réaction provoque le développement des lésions microscopiques caractéristiques (voir ci-dessous) avec épaississement de la paroi intestinale suite à l'infiltration massive, dans la sous-muqueuse, de macrophages, plasmocytes, neutrophiles et cellules géantes. Les villosités intestinales disparaissent. Les résultats cliniques sont: malabsorption, diarrhée chronique, émaciation, déshydratation et mort. Les lésions micro- et macroscopiques s'accompagnent de pertes de protéines et d'une malabsorption des protéines. Des mécanismes d'origine hépatique compensent ces pertes et les signes cliniques n'apparaissent que lorsque ces mécanismes sont débordés. Néanmoins, une perte de poids peut être notée assez rapidement, suite au prélèvement de protéines dans les muscles squelettiques, notamment. d) Signes cliniques Les signes cliniques apparaissent à l'âge adulte. Le signe clinique n°1 et dominant est la perte de poids progressive qui aboutit à l'émaciation de l'animal. Chez le mouton, la perte de laine est parallèle. Chez le bétail le signe clinique N°2 (mais en général celui qui attire le plus l'attention) est la diarrhée. Dans les premiers temps, il s'agit d'une diarrhée intermittente accompagnée d'une légère chute de la production laitière, consécutive, le plus souvent, à un stress (pic de lactation, vêlage). De l'oedème sous-maxillaire peut aussi être observé à ce moment, puis il disparaît. A cette période les matières fécales sont homogènes, inodores, non sanguinolentes, sans mucus ni débris. Par la suite (la période de temps varie selon l'animal), la diarrhée devient persistante, la lactation chute spectaculairement et l'émaciation apparaît (surtout à hauteur des quartiers arrières). La condition de l'animal se dégrade progressivement. L'appétit diminue mais la soif est intense, augmentée. Dans la phase terminale l'animal est déprimé, faible, très émacié, déshydraté et bradycarde. La diarrhée est toujours aussi forte. Chez le mouton (et la chèvre) la diarrhée n'est jamais aussi importante que chez le bétail. Les matières fécales peuvent ne plus être en pellets, mais être un peu molles, sans plus. L'état de l'animal reste bon jusqu'à la phase terminale, mis à part les pertes en poids et en laine. En phase terminale, on note de la dépression et de la dyspnée chez la chèvre surtout. Dans un troupeau, seuls quelques animaux sont malades cliniquement (sauf forte pression d'infection). e) Lésions Le cadavre est sale et émacié. A l'autopsie de bovins et de chèvres les lésions sont confinées à la partie postérieure de l'intestin (ileum, caecum, colon) et aux ganglions associés. Dans les cas très avancés le duodénum et le rectum sont aussi entrepris. La paroi intestinale est épaissie, granuleuse et montre des plissements très marqués. Ces modifications sont moins spectaculaires chez les moutons dont l'intestin peut être pigmenté en jaune (souches pigmentées). Histologiquement les lésions sont constituées d'une infiltration de la sous-muqueuse et de la lamina propria par des macrophages, lymphocytes, plasmocytes et cellules géantes. Ce granulome typique est révélé par un coloration à l'hématoxyline éosine. Une coloration de Ziehl-Neelsen révèle la présence d'organismes acido-résistants dans les macrophages et les cellules géantes. Des granulomes similaires sont présents dans les ganglions régionaux. f) Diagnostic Le diagnostic de paratuberculose peut être porté sur le plan clinique, à l'autopsie, par l'histopathologie, la bactériologie, la sérologie ou l'immunologie. Cliniquement, une diarrhée profuse rebelle au traitement chez un ou deux animaux qui maigrissent, sans atteinte des jeunes doit faire penser à la paratuberculose. Salmonelloses, coccidioses et parasitismes sont d'allure aiguë et atteignent aussi des jeunes. A l'autopsie, l'existence de lésions confinées au tube digestif avec épaississement de la paroi sont caractéristiques. Les lésions observées à l'histopathologie, en liaison avec la clinique et/ou l'autopsie, le sont aussi. La bactériologie, la sérologie et l'immunologie confirment le diagnostic: - mise en évidence de bactéries acido-résistantes dans les macrophages sur coupe; - mise en évidence de bactéries en amas caractéristiques sur frottis de matières fécales (25% seulement des animaux malades sont détectés), de contenu intestinal ou de raclage de muqueuse. Les amas sont dus à l'accumulation de bacilles dans les macrophages, et sont libérés lors de la lyse cellulaire avec, pour conséquence, la formation de microcolonies. Des frottis réalisés à partir de ganglions mésentériques donneront le même résultat; - la culture bactérienne reste la méthode la plus fiable mais la croissance de Myc paratuberculosis est lente et délicate. L'incubation prend jusqu'à 3 mois. Elle est utile chez des animaux indemnes à condition de répéter les prélèvements (< 100 bacilles par gramme de fèces) bien que certaines techniques permettent de détecter 1 organisme par gramme; - les tests sérologiques: parmi les tests sérologiques classiques, la fixation du complément peut être utilisée. Les anticorps ne sont cependant détectables qu'après l'établissement de l'infection. Les animaux en-dessous de 18 mois sont négatifs. Ce test est sûr à 90% pour détecter les animaux malades, mais seulement à 25% pour détecter les infectés parmi les animaux non malades cliniquement. De nombreux faux positifs sont dus à l'infection par Cor renale. Le test d'immunofluorescence permet de distinguer entre les anticorps contre Myc paratuberculosis et Cor renale mais n'est pas tellement plus sûr. Les meilleurs tests sont l'immunodiffusion en gel d'agarose (surtout chez le mouton) et un test ELISA plus récemment développé. Ce test ELISA semble détecter les animaux infectés plus tôt que les autres tests. Cependant, un manque de spécificité existe encore; - le test d'hypersensibilité retardée: ce test est basé sur l'injection intradermique ou intraveineuse de johnine ou d'extraits de culture. Dans le cas d'injection ID une réaction locale avec épaississement de la peau apparaît chez un animal sensibilisé. La lecture se fait à 48 heures. Ce test détecte les infectés non malades efficacement amis de nombreux faux positifs existent malheureusement (50%). Il n'a pas d'utilité pratique chez les infectés malades. Le test IV qui a pour conséquence une augmentation de la température de 1,5°C est plus intéressant chez les infectés malades dont il détecte 80%; - les tests in vitro (migration des leucocytes, transformation lymphocytaire) ne sont positifs que lorsque la maladie est bien développée et n'ont pas d'utilité pratique. En résumé, le test d'hypersensibilité à la johnine en ID est applicable dans les stades non cliniques de l'infection (attention aux nombreux faux positifs). La combinaison avec le test sérologique de fixation du complément est à recommander. Il faut aussi recommander de répéter ce test à 2 ou 3 semaines d'intervalle pour observer l'augmentation du titre. Le test ELISA remplace avantageusement le test de fixation du complément aujourd'hui. La culture à partir des matières fécales est une autre manière de vérifier le résultat du test ID. Dans les cas cliniques, les tests utilisables sont la johnine en IV, le frottis coloré sur matières fécales et la culture. Les tests de fixation du complément et ELISA renforce la valeur du diagnostic. g) Traitement Aucun traitement n'est effectif in vivo, bien que Myc paratuberculosis soit sensible in vitro à certains antibiotiques. Il s'agit, cependant, d'une bactérie très résistante à divers agents antibactériens physiques, chimiques et biologiques. Il est cependant possible de prendre des mesures qui permettront de contrôler la maladie et l'infection dans un troupeau. Cependant, il est clair que tant que des tests adéquats sensibles et spécifiques n'auront pas été développés, l'éradication dans un troupeau n'est possible que par une technique de all-out all-in. Le contrôle dans un troupeau est basé sur l'élimination des animaux malades, la détection des infectés non malades et la restriction par l'hygiène de la contagion. Les animaux sont testés régulièrement (tous les 6 mois), selon les méthodes décrites dans le diagnostic. La culture à partir de matières fécales est la méthode la plus sûre. L'injection ID doit être confirmée (50% de faux positifs). Les animaux positifs peuvent être engraissés avant d'être malades et abattus. Leurs veaux doivent être isolés à la naissance afin d'éviter l'infection. L'hygiène permet de restreindre l'extension de la maladie en évitant les contacts des jeunes avec les matières fécales d'adultes: isoler les veaux, ne pas pâturer une prairie potentiellement contaminée pendant 3 ans, nettoyer et désinfecter de manière adéquate (dérivés du crésol et de l'orthophényl). Dans les élevages de moutons, tout animal maigre doit être abattu. Les tests sérologiques et d'hypersensibilité n'ont pas été testés chez le mouton et la chèvre. h) Prophylaxie En dehors des mesures d'hygiène qui ont aussi une valeur prophylactique, la vaccination est envisageable. Celle-ci réduit les cas de maladies cliniques dans un troupeau infecté ainsi que l'excrétion des bactéries mais n'élimine pas l'infection du troupeau. Le gros problème est cependant la réactivité aux tuberculines et johnine des animaux vaccinés. La réaction à la tuberculine pour Myc tuberculosis et bovis est moindre cependant que celle à Myc avium. Un vaccin vivant non pathogène et un vaccin tué existent. Les veaux de moins de un mois sont à vacciner une seule fois en SC et un nodule se développe à l'endroit de l'injection (sinon l'animal est à revacciner). Les animaux infectés ne tirent aucun bénéfice de la vaccination. 4.1.5.2. Le "Struck" du mouton Clostridium perfringens toxinotype B ("lamb dysentery") et D ("Pulpy Kidney Disease") sont responsables de problèmes d'entérotoxémie et de diarrhée chez des agneaux nouveau-nés et à la mamelle respectivement. Un troisième toxinotype de cette même espèce bactérienne est responsable de problèmes d'entérotoxémie chez des animaux plus âgés. a) Etiologie. Clostridium perfringens toxinotype C est l'agent étiologique de cette entérotoxémie que l'on dénomme "Struck". Les souches de ce toxinotype produisent la toxine alpha et la toxine bêta. b) Incidence. Cette affection est observée chez des moutons d'un peu plus d'une année d'âge, broutant des pâtures de bonne qualité en fin d'hiver, ou au début du printemps Elle est limitée aux îles britanniques. c) Pathogénie. Comparable aux autres entérotoxémies à Clostridium perfringens. Prolifération de la bactérie dans l'intestin, suivie d'une forte production de toxines et de leur résorption. d) Signes cliniques. Quasi absents car la mort subite est le signe clinique le plus fréquent. e) Lésions. Entérite hémorragique, fluide jaunâtre dans la cavité péritonéale et engorgement des vaisseaux sanguins de la cavité abdominale. f) Diagnostic. Isolement en culture abondante de Clostridium perfringens du toxinotype C. Recherche de la toxine bêta dans le contenu intestinal. g) Traitement. Nul. h) Prophylaxie. Cfr les autres problèmes à Clostridium perfringens dont la vaccination. B - Les causes bactériennes de diarrhée chez le porc ont déjà été décrites: E coli entérotoxinogènes (nouveau-né, postsevrage), Clostridium perfringens toxinotypes A et C (nouveau-nés, jeunes porcelets, postsevrage), Campylobacter coli (nouveau-né, jeunes porcelets), Salmonella enterica multiples sérovars (surtout Typhimurium) (entérites et septicémies), Serpula hyodysenteriae (colite dysentérique chez des porcelets à l'engrais). La dysenterie à Serpula hyodysenteriae est probablement la cause bactérienne la plus fréquente de diarrhée chez des porcs adultes suivie par la salmonellose. Un syndrome intestinal particulier est aussi décrit chez le porc adulte: celui de l'iléite terminale qui consiste en une hypertrophie de la paroi de l'ileum. Cette iléite régionale a été décrite dans le chapitre du complexe d'adénomatose proliférative. Elle est assocée à la présence de certaines espèces bactériennes intracellulaires: Campylobacter sputorum subsp mucosalis et Camp hyointestinalis. Remarquons pour terminer qu'un syndrome similaire à celui de l'iléite régionale du porcelet est décrit chez le mouton et le cheval. C - Diverses espèces bactériennes causent de la diarrhée chez le chien, à côté des virus (parvo, corona, Carré, rota, adéno etc...). Escherichia coli est une cause de diarrhée chez le chiot et probablement aussi chez l'adulte. Il n'est pas certain qu'il s'agisse d'une cause primaire. Les souches ETEC sont rares et limitées au chiot nouveau-né, les souches AEEC sont plus fréquentes qu'on ne le décrit habituellement et les souches CNF1 bêta-hémolytiques sont présentes dans des cas de diarrhée chronique récidivante. Ces diarrhées sont, au départ, causées probablement par une dérive de flore due, par exemple, à un traitement aux antibiotiques, à un changement de régime alimentaire. Les souches précitées d'E coli entretiendraient cet état de déséquilibre. Salmonella enterica (sérovars Typhimurium, Dublin, Enteritidis, Anotum, Virchow) est une cause sinon fréquente, du moins à ne pas négliger (quelques %) aussi bien dans les cas de diarrhées aiguës avec un état septicémique que dans les cas de diarrhées chroniques chez l'adulte. La mortalité n'est pas fréquente chez l'adulte par rapport à celle du jeune. Chez le chien, l'origine de l'infection est souvent alimentaire mais il existe des porteurs sains excréteurs. Les signes cliniques et les lésions sont classiques: entérite, diarrhée, état septicémique, avortement, fièvre. Le traitement aux antibiotiques est indispensable aussi bien dans les cas aigus que chroniques. D'autres causes à connaître sont Campylobacter jejuni et coli. Bien que membres de la flore commensale, ces bactéries sont associées à des problèmes aigus et chroniques d'entérites. D'autres bactéries associées à des diarrhées chroniques récidivantes, rebelles au traitement, sont des spirochètes, Anaerobiospirillum spp, Proteus spp et Pseudomonas spp. Ces deux dernières bactéries sont présentes chez des animaux traités depuis longtemps aux antibiotiques et possèdent les gènes pour de nombreuses antibiorésistances. Cet ensemble de bactéries est donc associé avec ou est responsable des problèmes aigus (E coli, Salmonella, Campylobacter) ou chroniques (E coli ß-hémolytique, Salmonella enterica, Campylobacter spp, spirochètes, Anaerobiospirillum, Proteus spp, Pseudomonas spp). Les seuls signes cliniques sont la consistance des matières fécales et leur odeur. Les propriétés de récidive et de résistance au traitement sont importantes. Seul l'examen bactériologique aide au diagnostic et permet de réorienter le traitement: - E coli, Salmonella, Proteus, Pseudomonas: sur base de l'antibiogramme pratique après isolement; - Campylobacter, spirochètes, Anaerobiospirillum: métronidazole. Trois autres causes de diarrhée chronique sont des levures, des protozoaires (Giardia) et des algues (Prothothecosis). Le chien héberge (comme nombre d'autres espèces animales) Yersinia enterocolitica dans son intestin. Cette espèce bactérienne n'est pas une cause fréquente d'entérite. Quand elle l'est, le signe clinique est une diarrhée chronique non hémorragique avec tuméfaction des ganglions mésentériques et entérite localisée dans l'intestin grêle. Le chien comme source d'infection pour l'homme, notamment les bébés, est un débat encore controversé. Enfin, diverses espèces de Clostridium (Clostridium perfringens, sordellii, difficile et autres) sont isolées en grand nombre d'intestins de chiens avec une entérite sévère, nécrotique ou hémorragique. Ils peuvent en être la cause primaire ou secondaire. Il s'agit d'isolements effectués après autopsies car les animaux meurent rapidement. Cependant, ces espèces de clostridies peuvent être associées à des problèmes de diarrhée chronique par dérive de flore. Le traitement consiste en pénicillines et en métronidazole. Comme il a déjà été dit, seul un examen de laboratoire aide à préciser l'agent pathogène (virus, bactéries, parasites). Il donnera cependant des résultats non définitifs puisque, à part Salmonella enterica, les autres espèces bactériennes sont présentes chez l'animal en bonne santé. Il faut aussi rappeler que Camp jejuni et Yersinia enterocolitica causent des diarrhées chez les humains. D - Dans l'espèce féline, la cause première de diarrhée est le régime alimentaire. Suivent les virus et toxoplasmes. Les causes de diarrhée d'origine bactérienne sont semblables à celles du chien à quelques différences près: par exemple les souches ETEC n'ont jamais été rapportées. De plus, le chat adulte paraît être assez résistant à l'infection par Salmonella. Le développement de la maladie est lié à un stress au sens large. Chez les jeunes elle est très sévère et le taux de mortalité atteint 50%. Les signes cliniques sont classiques: anorexie, faiblesse, fièvre, diarrhée, vomissements, dysenterie et mucus dans les fèces. L'excrétion fécale de salmonelles va durer de 10 à 30 jours après la guérison. Les lésions, à l'autopsie, sont celles d'une septicémie plus ou moins hémorragique. E - Chez le cheval, des entérites se développent suite à des infections par Salmonella enterica sérovars Typhimurium, Anatum, Newport, Hadar et quelques autres. La salmonellose du jeune a déjà été décrite. Celle de l'adulte est souvent consécutive à un stress, une chirurgie par exemple. N'oublions pas que de nombreux adultes (de toutes les espèces d'ailleurs) sont porteurs de salmonelles dans les ganglions mésentériques, le foie et la rate. La maladie peut prendre trois formes cliniques: la septicémie, l'entérite aiguë, l'entérite chronique. Ces deux dernières formes sont les plus fréquentes chez l'adulte. Les matières fécales sont malodorantes et liquides. Le pronostic est très réservé chez le cheval. Des arthrites , ostéomyélites, jaunisses, et signes nerveux ont aussi été décrits en relation avec une atteinte de salmonellose. D'autres bactéries causent des entérites chez le nouveau-né (Act equuli) ou le jeune avec problèmes respiratoires (Rhod equi). Des entérites aiguës à Campylobacter spp sont aussi décrites. Un aute type d'entérite est dû à la proliférationn de Clostridium spp (notamment Cl perfringens toxinotype A). Il s'agit de la fameuse colite X consécutive à des traitements aux antibiotiques, mais aussi à divers types de stress. Les éléments du diagnostic sont difficiles à rassembler même avec l'aide du laboratoire de bactériologie. La colite X est foudroyante et les animaux meurent en 24 heures. 4.1.6. Des glandes anales Des infections avec abcédation des glandes anales sont plus fréquentes chez le chien que chez le chat. Une population mixte de bactéries aéro-anaérobies et anaérobies strictes d'origine fécale et cutanée est la cause de ces abcès. Il est difficile d'en déterminer le responsable bactérien premier. L'antibiothérapie locale doit donc tenir compte de cette mixité bactérienne. 4.1.7. Des estomac des ruminants Il n'y a pas grand'chose à dire sur les ruménites et réticulites d'origine bactérienne. Disons que des abcès peuvent être observés dans le rumen à l'autopsie. Parfois, une culture pure d'une bactérie anaérobie stricte peut être obtenue (Fusobacterium spp, par exemple), parfois l'agent étiologique sera perdu au milieu d'autres bactéries. Des nodules et ulcères d'actinobacillose peuvent aussi être présents. Un autre problème est la réticulite d'origine traumatique qui va causer des infections à nombre d'autres organes: péritoine, rate, foie, reins, diaphragme, plèvre, poumon, endocarde, ... 4.1.8. Du foie Le foie peut héberger des Clostridium et/ou des Bacteroides d'origine intestinale. Les problèmes hépatiques primaires d'origine bactérienne sont rares chez les animaux. Chez les animaux nouveau-nés, le développement d'abcès hépatiques à Fusobacterium necrophorum et/ou à Actinomyces pyogenes sont décrits. Ces bactéries entrent par la plaie ombilicale. Les mêmes bactéries provoquent la nécrobacillose du foie chez les jeunes agnaux ( <2 semaines) ( voir 1.2.4.). Des hépatites se développent bien sûr lors de septicémies à E coli, à Salmonella enterica, mais aussi lors de septicémies à Listeria monocytogenes et lors de leptospirose à Leptospira interrogans sérovar Icterohaemorragiae. Dans les deux premières étiologies, il y aura souvent absence de signes cliniques spécifiques. La listériose sera décrite dans les maladies du système nerveux et la leptospirose dans le maladies rénales. Il reste à décrire deux infections spécifiques du foie: la maladie de Tyzzer à Bacillus piliformis et l'hépatite nécrosante à Clostridium norge ou "Back disease". 4.1.8.1. Entérohépatite à Bacillus piliformis ou maladie de Tyzzer a) Etiologie L'agent étiologique est Bacillus piliformis, un pathogène intracellulaire obligé. La forme végétative est très sensible aux conditions extérieures, même en congélation ou en lyophylisation. Par contre, les spores survivent à un chauffage modéré, à la congélation, à la décongélation et à certains désinfectants classiques. b) Incidence Cette hépatite nécrotique focale est décrite dans diverses espèces animales, essentiellement les rongeurs, mais aussi le chat, le chien, le poulain de 3 à 5 semaines et les singes rhésus, mais pas chez l'homme. La morbidité est élevée dans les élevages ainsi que le taux de mortalité qui varie entre 50 et 100%. Chez le chat, le chien et le poulain, les cas sont sporadiques et atteignent les jeunes animaux (nouveau-nés, sevrés) ou les immunodéficients. c) Pathogénie L'organisme vit probablement dans l'intestin des rongeurs. Lors de stress, de manipulations, de traitement à la cortisone, d'immunodéficience, d'autres maladies (chiens, chats, poulains), il se développe et gagne le foie par les voies lymphatiques et sanguines. Il peut aussi gagner le myocarde. Bacillus piliformis parasite les entérocytes, les hépatocytes et les cellules du myocarde. La plupart des infections sont endogènes, mais des transmission ano-orale et transplacentaire sont décrites. La litère contaminée reste infectante pendant des mois. d) Signes cliniques. L'entérite provoque un syndrome dysentérique. Les autres signes cliniques sont liés à l'hépatite et, si elle se développe, à la myocardite. Il s'agit, cependant, d'une maladie à évolution aiguë inférieure à 3 jours. La mort peut donc être le premier signe clinique observé. Chez le poulain, l'affection se développe rapidement à l'âge de 3 à 5 semaines et est marquée par de la fièvre élevée, du coma, de la diarrhée et/ou de l'ictère. Chez le chien et le chat, il y a apparition brutale de léthargie, dépression, anorexie, douleurs abdominales, hyper- puis hypothermie, coma et mort en 24 heures. La diarrhée est rare, mais l'ictère est fréquent. e) Lésions Des foci de nécrose coagulative périportale sont observés: foyers nécrotiques gris pâle. Chez le poulain, de la lymphadénite des ganglions hépatiques est aussi présente. Chez le poulain de l'iléite nécrosante et de l'hépatite multifocale sont observées. f) Diagnostic L'autopsie n'apporte qu'une suspicion qui doit être confirmée au laboratoire. Bacillus piliformis n'a jamais pu être cultivé sur les milieux artificiels (uniquement dans les oeufs embryonnés et sur des hépatocytes de souris en culture). L'examen direct des foyers nécrotiques au microscope après coloration de Giemsa met en évidence de longs et fins bâtonnets dans le cytoplasme des hépatocytes. L'aspect en perles des filaments est caractéristique. L'utilisation d'anticorps fluorescents aide au diagnostic. Un test de fixation du complément existe aussi. Il utilise des extraits de foies infectés de souris comme antigène. Le diagnostic différentiel chez le poulain comprend des affections à adénovirus et des myopathies. g) Traitement Bien qu'en général inefficace, le traitement comprend des antibiotiques à large spectre ou actifs contre les bactéries Gram positives (tétracyclines, érythromycine). h) Prophylaxie Avant tout, éviter les stress qui permettent à la bactérie de se développer. Une antibiothérapie prophylactique est possible. Le meilleur moyen de contrôle dans les élevages de rongeurs est, cependant, le développement de colonies-free de Bacillus piliformis. 4.1.8.2. Hépatite nécrosante ou "Black disease" L'hépatite nécrosante est une toxémie d'origine infectieuse du mouton surtout mais aussi du bétail, et parfois du porc, associée à des infestations par la douve du foie. a) Etiologie La bactérie responsable de cette hépatite nécrosante est Clostridium novyi toxinotype B. Ces souches produisent différentes toxines dont l'alpha qui est létale et nécrosante. Cependant, la présence de spores de Clostridium novyi dans le foie est tout à fait classique et sans danger, si des conditions favorables à leur germination n'étaient amenées par l'infection à Fasciola hepatica. b) Incidence Comme nous l'avons dit, l'incidence de l'hépatite nécrosante est parallèle à celle de la douve du foie. Elle existe donc dans toutes les régions à fasciolose et aux mêmes époques. Elles atteint les animaux adultes, bien nourris, en été et à l'automne. Lorsque le problème apparaît dans une ferme, il reviendra régulièrement chaque année. c) Pathogénie Les spores de Cl novyi type B, présentes dans l'intestin, atteignent le foie où elles restent en dormance dans les cellules de Kupffer. Suite aux dommages causés au tissu hépatique par la migration des parasites, des conditions anaérobies favorables à la germination des spores apparaissent. Lors de la multiplication des cellules végétatives, les toxines (surtout a), produites localement, passent dans la circulation sanguine et causent la mort de l'individu. d) Signes cliniques Les signes cliniques sont vagues et ceux d'une toxémie: dépression, anorexie, hypothermie et mort. Celle-ci peut être subite ou dans les 48 heures de l'arrivée des signes cliniques. Chez le bétail, l'affection dure plus longtemps. Chez le porc, la mort subite est souvent le seul signe observé. e) Lésions La lésion primaire est l'hépatite nécrosante focale (+- 2 cm de diamètre). Le foie montre aussi de la congestion et des hémorragies. La carcasse est oedémateuse et le dessous de la peau est noirâtre suite à la congestion veineuse intense, d'où le nom de "Black disease". Cet oedème est stérile, contrairement aux foyers de nécrose. f) Diagnostic Le diagnostic différentiel essentiel est celui de la fasciolose aiguë, qui ne provoque pas de mortalité subite normalement. Les lésions d'oedème sont localisées dans l'abdomen et le foie ne présente pas les foyers nécrotiques caractéristiques. Les morts subites à autres Clostridium sp donnent d'autres types de lésions (voir ces affections). Néanmoins, la confirmation doit être apportée par le laboratoire à partir des lésions hépatiques qui renferment les clostridies. Un sérum fluorescent anti-Cl novyi existe sur le marché. La culture de Cl novyi type B est fastidieuse et difficile. D'autre part, l'examen doit être fait rapidement car Cl novyi est présent dans le foie des ruminants quelques heures seulement après la mort d'un individu. La démonstration de toxines dans les liquides d'effusion des séreuses n'est possible que par des tests sur animaux de laboratoire. g) Traitement Il n'existe aucun traitement efficace chez le mouton. Peut-être l'utilisation de pénicilline serait-elle possible chez le bétail où l'affection dure plus longtemps. h) Prophylaxie La prophylaxie hygiénique repose sur le contrôle de la douve du foie. La vaccination avec un toxoïde a est efficace (deux injections à un mois d'intervalle) en prophylaxie et lors d'une épidémie pour arrêter les mortalités dans la quinzaine. 4.1.8.3. L'hémoglobinurie bacillaire: "Redwater" a) Etiologie Clostridium haemolyticum (ex-novyi type D) produit la même toxine ß que Cl.novyi type B (une lécithinase) mais en plus grandes quantités. Cette bactérie vit dans les sols et le tractus digestif des ruminants. b) Incidence L'hémoglobinurie bacillaire est une maladie du bétail et du mouton dans diverses régions du monde, surtout aux Amériques (Nord et Sud), mais aussi en Europe, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Cette maladie est rare, mais peut provoquer de 5 à 25% de pertes dans une ferme donnée. Elle apparaît surtout en été et en automne, en pâtures humides ou suite à l'ingestion de foin contaminé. Les spores peuvent survivre dans les carcasses et les sols pendant au moins une année. Son incidence est aussi partiellement liée à celle de la douve du foie. Les animaux les mieux conformés sont les premiers atteints. c) Pathogénie Voir l'hépatite nécrosante à Cl. novyi type B. La toxine ß, produite en grandes quantités par Cl. haemolyticum, possède une activité hémolytique qui va résulter en une hémolyse importante avec anémie, hémoglobinurie et ictère. La bactériémie se développe dans les stades terminaux de la maladie et résulte en dommages aux endothéliums vasculaires avec hémorragies et épanchements cavitaires sanguinolents. d) Signes cliniques La maladie débute environ une semaine après le contact avec les conditions favorisantes, soit par des morts subites, soit par des signes généraux aigus: arrêt total de la rumination, de la lactation, coliques, dos arqué, polypnée, hyperthermie rapidement suivie d'hypothermie. Les signes spécifiques sont des urines rouge foncé (hémoglobine libre) et un état de subictère. L'avortement se produit fréquemment. La mort suit dans les 12 à 96 heures. e) Lésions La lésion primaire est constituée d'infarcissements à hauteur du foie (5 à 20 cms) entourés d'une zone d'hyperhémie. La carcasse est ictérique à subictérique et le périnée est souillé d'urine rouge. Des hémorragies et des épanchements cavitaires sanguinolents sont présents ainsi que de l'oedème gélatineux sous-cutané quelques heures après la mort. f) Diagnostic Le diagnostic clinique différentiel est celui des hémoglobinuries et hématuries: leptospirose aiguë, empoisonnements, anaplasmose, babésiose, pyélonéphrites et cystites hémorragiques; ainsi que celui de mortalités subites (dont les charbons bactéridien, bactérien et parabactérien). L'hépatite nécrosante, comme les charbons, ne montre d'hémoglobinurie qu'en phase terminale. Elle touche plus rarement les moutons que le bétail. Le laboratoire confirmera le diagnostic clinique et nécropsique en isolant Cl. haemolyticum du sang du coeur, des foyers d'infarcissements hépatiques à partir d'une carcasse fraîche (attention à l'envahissement post-mortem) ou grâce à une réaction d'immunofluorescence sur ces tissus. g) Traitement Des pénicillines ou tétracyclines à fortes doses et des sérums antitoxiques (500 à 1000 ml) sont à utiliser, sans oublier les traitements de support. A condition d'être administrés très tôt, les traitements semblent assez efficaces. h) Prophylaxie Voir hépatite nécrosante. La prophylaxie médicale repose sur l'anatoxine ß présente dans certains vaccins. 4.1.9. Du pancréas Il n'existe pas de pancréatite infectieuse primaire d'origine bactérienne décrite dans la littérature. 4.1.10. Du péritoine Les péritonites proviennent d'une perforation de l'intestin ou bien d'une perforation de la paroi abdominale. Dans le premier cas, surtout, il s'agit d'une infection mixte causée par la flore intestinale. Les bactéries prédominantes sont des anaérobies strictes: Bacteroides spp, Clostridium spp, Fusobacterium spp, Peptococcus spp, Peptostreptococcus spp. D'autres bactéries coliformes (Eubacterium spp, Lactobacillus spp) sont présentes surtout dans la phase aiguë, mais deviennent beaucoup plus rares par la suite. Dans le cas de perforation de la sangle abdominale, les bactéries responsables proviennent de la peau (coques Gram +) et du milieu extérieur, (n'importe quoi et tout à la fois). Le prélèvement doit être fait dans des conditions optimales (ponction, nettoyage de la plaie) afin d'éviter de compliquer outre mesure la tâche du bactériologiste qui, dans de tels problèmes est déjà difficile au départ.