peintre est censé utiliser des realia mais les détourne pour une véritable mise en scène. Le
travail de l’interprète réside dans l’appréciation de la nuance (Gherchanoc, Huet, 2007).
Ainsi, que penser des métiers à tisser représentés sur les vases, bien plus petits que ceux
utilisés en réalité pour la confection des tissus ? La raison semble en être d’ordre pratique et
esthétique : la surface du vase n’est pas assez grande pour respecter les proportions et c’est
bien entendu l’équilibre de la composition qui prime. Le métier à tisser préféré par les
peintres, tenu à la main et horizontal, ressemble alors à une lyre, belle occasion de souligner la
métaphore poétique du tissage comme chant (Lewis, 2002, p. 65 note 15). De même, alors
que les grands métiers verticaux effectivement utilisés produisaient de larges pièces textiles,
les femmes travailleuses dépeintes sur les vases s’affairent autour de petites pièces de tissus.
On en déduit que la question de la production intéresse moins l’artiste que la valeur
symbolique du travail de la laine.
Ces remarques de méthode sont bien connues (Lissarrague, 1991 ; Frontisi-Ducroux,
Lissarrague, 2004). Dans un récent numéro de la revue Mètis François Lissarrague rappelle à
quel point les représentations sur vases sont travaillées par la phantasia notamment
lorsqu’elles tentent de représenter l’invisible, tel l’effroi produit par des figures comme les
Érinyes (Lissarrague, 2006). Comment démêler alors ce qui relève du quotidien des artistes,
de celui des utilisateurs des vases aux VIe et Ve siècles, et ce qui relève de l’imaginaire, celui
d’un monde peuplé de héros, de dieux et de monstres ? Est-il productif de chercher à repérer
des éléments de réel et ne risque-t-on pas toujours de se faire piéger par le détournement
effectué par les peintres ? Comment savoir par exemple si la femme au parasol poursuivi par
un satyre couronné sur le skyphos de Berlin (fig.1), est bien l’épouse de l’archonte-roi
d’Athènes représentée lors du rituel du hiéros gamos des Anthestéries, le mariage avec
Dionysos ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’une scène totalement imaginaire relevant d’un
fantasme masculin : se transformer en satyre pour s’attaquer à une jolie dame (Lewis, 2002,