D’après le livre cité d’Olivier Duhamel, professeur des Universités de Droit Constitutionnel et de Sciences Politiques à Paris I et à l’IEP de Paris. Ancien député européen, étiquette du parti socialiste. Support du cours du Premier Semestre de la Première Année à Sciences PO Paris – d’octobre 2005 à février 2006. Complément dans la conférence de Monsieur Bruno Rémond. DROIT CONSTITUTIONNEL Tome 2 : Les démocraties PARTIE UNE : LA DEMOCRATIE Chapitre 1 : La démocratie : un pouvoir constitué. I) L’institutionnalisation d’un pouvoir consenti • L’institutionnalisation du pouvoir Etat différent du seul mode d’existence du pouvoir. • L’apparition de l’Etat Homme > famille > société > village > Etat Action sur la collectivité d’un des membres. Besoin d’un ordre minimal = apparaît le pouvoir politique Pouvoir est organisé, certes, mais précaire car il appartient à une seule personne. • La définition de l’Etat L’Etat est constitué de trois éléments constitutifs : territoire, population et pouvoir de contrainte (Weber = monopole de la violence légitime) Etat = pouvoir normatif et coercitif. Etat différent de nation une nation peut préexister à l’Etat (Allemagne) ou un Etat peut préexister à une nation (France). Une même nation peut être divisée en Etat : 1990 : l’Allemagne, ou Corée maintenant. II) L’organisation du pouvoir par le peuple • Le peuple et la constitution du pouvoir. • La notion de Constitution La Constitution recouvre l’ensemble des règles relatives à l’attribution et à l’exercice du pouvoir politique. Le texte constitutionnel a une valeur supérieure aux textes législatifs ou réglementaires. A la suite des droits de l’homme de 1789, la Constitution ne peut être que démocratique et libérale : démocratique car elle admet et consacre nécessairement que le pouvoir ne peut venir que du peuple et libérale car elle organise nécessairement le pouvoir et la protection des droits. • La révision, condition du contrôle de constitutionnalité. Idée de Vedel, juriste : si la révision est impossible, le contrôle de constitutionnalité peut devenir illégitime. Chapitre 2 : La démocratie gouvernante : un pouvoir majoritaire • Avant-propos : Mythe de la démocratie absolue et limite du régime représentatif. « Démocratie gouvernante » selon Duhamel résulte de l’impossibilité de la démocratie directe absolue voulue par Rousseau et de la nécessaire représentation des citoyens → exercice permanent du pouvoir par le peuple impossible. Il va même de l’intérêt général qu’il y ait représentation dans la démocratie. En est naît la démocratie représentative, qui a peut-être l’inconvénient de réduire le pouvoir des gouvernés mais l’avantage surtout de borner celui des gouvernants. Elle est devenue la forme exclusive de la démocratie moderne, où le pluralisme est la condition de sa mise en œuvre. • Nombreuses variantes de la démocratie représentative : - partitocratisme italien, - présidentialisme français, - consociationnisme suisse ou néerlandais, - majoritarisme anglais, - traditionalisme japonais, - égalitarisme américain… • Mais deux exigences à conserver dans au moment de l’établissement d’un régime démocratique : - l’exigence gouvernante qui suppose un pouvoir attribué, effectif, durable, dirigé - l’exigence délibérante qui suppose un pouvoir contrôlé, contesté, limité, précaire. La démocratie gouvernante ne se réalise que dans un système politique majoritaire où un gouvernement majoritaire est choisi par le peuple. Cela donne à la démocratie une légitimité et une force. 1. L’exigence majoritaire • Le pouvoir vient du peuple • La décision par les gouvernés. Quelques soient les modalités électorales ou institutionnelles, le principe du système politique majoritaire se résume dans la désignation de la majorité gouvernante par le peuple. → l’électorat choisit lui-même un parti ou une coalition formée avant l’élection, il choisit luimême un homme ou une femme selon les élections, le projet politique qu’il soutient… Ce système politique majoritaire laisse ainsi au peuple le double choix des orientations politiques et de la personne qui la mettra en œuvre. A cela, le système majoritaire offre un autre avantage à la démocratie : la possibilité d’une alternative politique. Les partis sont amenés à se regrouper pour gagner → d’où naissance du bipartisme : création de deux groupes car si l’un est assemblé et l’autre divisé, ce ne pourrait être que le premier qui gagne. La bipolarisation, sinon le bipartisme est la loi du système politique majoritaire. Inconvénients de ce système à deux faces : accepter ou refuser tout d’un bloc. • La vertu de l’alternance. Tout système politique connaît l’alternance ou tout du moins sa possibilité. L’opposition d’aujourd’hui est la majorité de demain, l’unique incertitude posant sur la date du demain. → L’alternance permet de renouveler les élites, réveille la volonté politique, stimule les administrations, suscite de nouveaux chantiers, régénère le débat public. (Le pouvoir use, le pouvoir abuse). • L’admission des conflits. Bipolarisation et alternance simplifient la vie politique en même temps qu’elles l’enrichissent. Elles schématisent le conflit, mais elles l’entretiennent. • L’expression des conflits. La concurrence entre les principaux partis politiques fait échos aux clivages dans la société. → clivages sociaux, divisions, idéologiques,. Que les différentes forces sociales se sentent représentées dans le débat politique renforce l’intégration de celles-ci. • La résolution des conflits. Chaque camp est tenu d’adopter une identité plutôt modérée mais déterminée pour séduire le plus largement possible l’électorat dans le but de gouverner. Par la suite, il s’avère que les politiques publiques sont moins engagées que ne l’étaient les programmes initiaux. 2. Les voies de la démocratie parlementaire. Les formes constitutionnelles de la démocratie majoritaire varient. Elles possèdent toutes, peu ou prou, un point commun : le choix du peuple de son chef. • Une constante, l’élection du chef • L’élection présidentielle La démocratie majoritaire suppose l’élection du chef souverain par le peuple tout entier dans la seule circonscription : celle de l’Etat. (→ France : 1962 : suffrage universel majoritaire à deux tours. → Etats-Unis : élection par les grands électeurs, préalablement élus par le peuple.) • Les équivalents fonctionnels. Certains pays élisent non pas le chef en droit mais le chef en fait. (dans les pays de tradition parlementaire). Ex : régime parlementaire au scrutin majoritaire à un tour au Royaume-Uni. Chapitre 3 : La démocratie délibérante : des contre-pouvoirs. Le principe démocratie exige de justifier avant d’adopter et de se conformer. 1. Le partage du pouvoir entre les gouvernants. « C’est par une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites […]. Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » (Montesquieu, in L’Esprit des Lois.) Séparation organique du pouvoir entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. 2. Les vices et vertus d’une démocratie médiatisée. La décision gouvernementale doit être pensée sous deux visions désormais : - sa rationalité intrinsèque - sa perception médiatique (et les moyens de remédier à son éventuelle déformation). → la volonté politique est désormais tenue de s’accorder à la volonté médiatique. ( !!) Par la télévision, tout le monde, qui qu’il soit, apprend la même chose et sait la même chose… et donc se pose les même questions, s’attend à la même chose. Cependant, l’image télévisée permet de révéler les personnalités, démasque les mensonges ou la mauvaise foi, ruine la langue de bois, valorise l’authenticité. Elle diffuse ce qui a besoin de l’être, permet de garder des traces audiovisuelles. 3. La démocratie émeutière et sondagière. Les partis politiques connaissent une désaffection importante à cause de l’effondrement de la grade religion idéologique que fut le collectivisme et la contre réforme anticommunisme qu’elle entretient. Les partis de masse tendent à se transformer en partis d’élus, en machines électorales essentiellement consacrées à la sélection des candidats et à la mobilisation des électeurs. Distanciation entre représentants et représentés. Les relations de proximité disparaissent dans les mégalopoles anonymes. L’éloignement est accentué par la complexité nouvelle de la politique. La prolifération des niveaux de décision (communaux, intercommunaux, départementaux, régionaux, interrégionaux, ministériels, interministériels, gouvernementaux, européens, internationaux..), l’enchevêtrement des compétences et des financements entre ces différents niveaux rend la politique incompréhensible, le décideur invisible, la décision illisible. → l’individu prend le pas sur le citoyen car il préfère s’occuper de ses affaires propres plutôt que de celle de société. C’est ainsi que les sondages apparaissent comme des moyens de communiquer entre les instances politiques et les masses, par moyens interposés. Reconquérir la parole et réinventer la collégialité est au sein du gouvernement un objectif constitutionnel. L’aversion du politique provient en partie du manque d’échange entre les citoyens et les instances politiques.