Questions de Profils par Francis Van den BREEDE 2009 - 01 -3- PROFILS Le recueil de profils et de polaires du "Abbott" est un petit peu la bible de Interaction. Commençons donc par examiner ces polaires, qui sont généralement données pour les 3 Reynolds suivants : 3, 6 et 9 millions. Regardons les 3 polaires (Cz = f (alpha) du profil 65018. pour les faibles incidences elles coïncident. Mais la première,celle à Re = 3 millions décroche vers 10°, la deuxième vers 13° et la troisième vers 15°. Si l'on voulait utiliser ce profil à un nombre de Reynolds moindre que 3 millions on obtiendrait le même Cz pour les petites incidences, mais le décochage se ferait à un angle d'incidence plus faible que 10°, sans que les polaires puissent aider à le déterminer. Pour un nombre de Reynolds plus faible, le décrochage se produira à une incidence plus faible, et le Cz max possible donc sera également plus faible. Cela est assez logique : le nombre de Reynolds exprimant le rapport entre les forces visqueuses et les forces d'inertie au sein du fluide, plus le Reynolds augmente, moins les forces visqueuses présentent d'importance relative, en conséquence de quoi le décrochage est retardé, et le Czmax augmenté. (Pour « déformer » un « bloc » d'air, il faut exercer sur lui une certaine force. En fait cette force est proportionnelle non pas à la déformation, mais à la vitesse de déformation. Les couches d'air glissent les unes sur les autres, et ce glissement nécessite une force, proportionnelle à la vitesse de glissement. C'est la force visqueuse. L' air a une tendance « naturelle » à suivre le profil mais pour ce faire, l'air doit se déformer. Si les forces nécessaires pour déformer l'air sont plus importantes que les forces qui poussent l'air à suivre le profil, le profil décroche.) Par ailleurs, on constate aussi que le coefficient de moment reste constant, du moins tant que le profil ne décroche pas. Nous examinerons ce point plus loin. Dans ce recueil, les profils sont groupés par familles (par exemple : séries 64xxx, 65xxx, 66xxx). Une même famille est construite autour d'une même forme générale et les profils ne diffèrent entre eux que par leur épaisseur relative et la forme de leur squelette (c'est à dire de leur ligne médiane ou cambrure). Regardons le profil 65018. On constate qu'il est symétrique. Regardons ensuite sa polaire (Cx,Cz) Elle est symétrique et son Cm0 est nul. Ces caractéristiques sont communes à tous les profils symétriques. Regardons maintenant le profil 65418. Il ne ressemble pas au 65018, et pourtant il en est issu. Il suffit de modifier son squelette, de déplacer sa ligne médiane. Regardons maintenant sa polaire (Cx,Cz). Elle n'est plus symétrique, mais ressemble à celle du 65018 déplacée vers la droite (les haut Cz). Le Cz n'est plus nul pour une incidence nulle et le Cm0 négatif. La modification du squelette a complètement changé son comportement aérodynamique. L'augmentation de la cambrure a pour effet d'augmenter le Cz à incidence zéro et de rendre le Cm0 plus négatif. Le programme Foilworks, (disponible gratuitement sur le net)l permet de visualiser la ligne médiane, la cambrure, du profil sélectionné. Celle-ci n'est pas forcément un joli arc de cercle. Elle peut, par exemple, prendre la forme d'un S. On verra ci dessous les raisons de tout cela. -4- Mason, dans une de ses publications disponible sur internet, explique que le fonctionnement aérodynamique d'un profil est la somme de trois éléments: la forme de base, la cambrure, et une plaque plane inclinée de l'angle d'incidence. Il faudrait insérer ici un dessin issu d'un .pdf de Mason La forme de base sera responsable du Cx à incidence zéro. Ce Cx dépend du coefficient de frottement de l'air (Cfe) sur le profil. Il est plus élevé si le profil est rugueux que s'il est lisse; il est plus élevé si l'écoulement est turbulent que s'il est laminaire. Par contre le profil aura moins tendance à décrocher si l'écoulement est turbulent que s'il est laminaire. Un profil à laminarité étendue aura un Cx moindre qu'un profil « classique », plus ancien. Son « maitre-couple », sa section la plus large, sera située plus en arrière. Tant que les filets d'air sont accélérés l'écoulement laminaire peut être conservé, même à des Reynolds largement supérieurs à un million. L'écoulement aura donc tendance a rester laminaire jusqu'au maître couple. Le Cfe sur cette partie sera donc réduit. Plus la zone laminaire est grande, plus le Cx est réduit. Après le maitre couple, la turbulence s'installe, et cela vaut mieux, car l'écoulement turbulent décrochera moins vite. (Si, pour des raisons de faiblesse de Reynolds, la turbulence ne s'installe pas, un décollement peut se produire. Dans ce cas il peut être avantageux d'installer un turbulateur. Un turbulateur est un dispositif qui peut induire un écoulement turbulent. Il peut être être constitué par une simple discontinuité. Sur un modèle réduit une simple bande adhésive peut faire fonction de turbulateur) À partir d'une certaine incidence la laminarité des profils à laminarité étendue ne peut plus être conservée, et le Cx augmente brutalement. La partie de la polaire au Cx très réduit est appelée « laminar bucket »par les anglo-saxons (littéralement seau laminaire). Tous les profils ne bénéficient pas de cette particularité. Des profils plus anciens, ou des profils qui, pour des raisons de stabilité (pour obtenir un Cm0 positif) ont leur maître couple plus à l'avant n'en bénéficient pas. Les deux autres éléments, la cambrure et la plaque plane inclinée définiront la portance. La plaque plane inclinée donnera des diagrammes de pression ayant la forme de triangles curvilignes, avec leur centre de gravité à 25% de la corde. (s'ils n'étaient pas curvilignes, leurs centres de gravité seraient à un tiers de la corde). Le triangle augmentera en taille avec l'incidence, mais garde son centre de gravité à 25%. La force aérodynamique sur la plaque plane inclinée est perpendiculaire à celle-ci. Elle a donc une composante horizontale, d'autant plus importante que l'incidence est grande et cette force augmente la traînée. C'est la raison de la forme incurvée de la polaire. Insertion d'un dessin Bien sûr, on préférerait une polaire droite, verticale, ou le Cx n'augmenterait pas avec l'incidence . -5- Puisque la surface n'a pas changé, il n'y a en principe pas d'impossibilité physique à obtenir une polaire verticale. Mason explique que, en profilant correctement le bord d'attaque on peut créer un effet de succion qui compense cette traînée supplémentaire. Bien sûr cet effet de succion peut ne pas être total. Il peut varier, suivant la qualité du dessin, entre 0 et 100%. La succion n'aura d'effet que pour une variation relativement faible de l'incidence. Cette plage sera toutefois d'autant plus grande que le profil est épais. Le profil 65418 bénéficie quelque peu de cet effet Si l'on désire une portance plus grande, tout en gardant un faible Cx0, il faut modifier les squelette, il faut cambrer le profil. On obtiendra alors une portance à l'incidence zéro. Cette portance constitue un terme fixe qui s'ajoutera à la partie variable (portance de la plaque plane inclinée). Celle-ci est centrée à 25% de la corde. C'est pourquoi le coefficient de moment (CmO) est donné pour cette position. Le Cm0 est donc le moment de la partie fixe de la portance, celle qui ne varie pas avec l'incidence, par rapport au point à 25% de la corde. Voyons maintenant comment l'amélioration de la performance du profil fait dégénérer le Cm0 et essayons d'imaginer un profil ou la portance est optimisée. Un tel profil n' a pas d'usage pratique. Toute la surface du profil est baignée par le flux d'air, et génère donc un frottement, que ce flux soit générateur de portance ou pas. Si l'on veut augmenter la performance du profil, il vaut mieux que le flux soit générateur de portance. Si l'on veut maximiser la portance, il faut appliquer une cambrure telle qu'il y ait une portance égale partout et maximale. bien sûr, que le profil ne décroche pas ( un profil trop cambré peut décrocher même à incidence zéro). Cette cambrure maximale avant décrochage à incidence zéro dépend du Reynolds. Avec un Reynolds faible, le profil décroche plus facilement, et la cambrure permise sera plus faible. Ceci a pour conséquence que, un profil optimisé pour un petit Reynolds restera bon pour un plus grand, mais sera suboptimal, et qu'un profil optimal à haut Reynolds décrochera à un Reynolds plus bas. Donc, à chaque Reynolds son profil, au moins au Reynolds minimal auquel le profil sera amené à fonctionner. Le diagramme des pressions à incidence zéro d'un tel profil sera rectangulaire et donc centré à 50% de la corde. Le facteur à optimiser est la portance en incidence zéro, la partie fixe de la portance. Les profils NACA ne sont aucunement optimisés à ce point de vue, pour raison de Cm0, et pourront donc fonctionner à plus bas Reynolds, avec toutefois un décrochage en incidence anticipé par rapport aux polaires publiées. Un profil qui optimiserait la portance en incidence zéro, n'aurait pas grand intérêt et conduirait tout au plus à un avion mono incidence et mono vitesse, avec un grand empennage pour compenser le Cm0 La façon la plus performante d'optimiser la portance à incidence nulle est de donner au diagramme de pression une forme rectangulaire: toute la surface est mise à contribution. La hauteur de ce rectangle dépend de la cambrure, et est limitée par le décrochage, comme dit plus haut. On vient de voir que, la partie variable de la portance est centrée sur 25%. Si elle varie, le moment de la portance par rapport à ce point à 25% ne variera pas. Le Cm0 est donc le moment de la partie fixe de la portance, par rapport au point à 25% de la -6- corde. Si la partie fixe à la forme d'un rectangle, elle sera centrée sur le milieu de la corde. Le moment nécessaire pour la ramener au point à 25% sera donc la portance à incidence zéro multiplié par le quart de la corde, soit 0.25*Cz0. Si la cambrure donne un Cz de 1 à incidence zéro, le Cm0 sera de -0.25, ce qui générera de gros problèmes de stabilité. Le profil NACA 67XXX a une diagramme de pression en incidence zéro qui ressemble à un rectangle, mais avec le coin arrière coupé. Donner beaucoup de cambrure a un tel profil entraînera un fort Cm0. C'est pourquoi il n'y en a qu'un dans cette série. Voyons comment ce se déplace le point d'application de la force aérodynamique quand varie l'incidence, dans ce cas de CmO négatif. Si l'incidence augmente, on ajoute à un rectangle centré en 0.5 un triangle centré en 0.25 . La résultante sera centrée quelque part entre 0.5 et 0.25, mais jamais en avant de 0.25, et bougera donc relativement peu. En incidence négative, par contre, on retire du rectangle centré centré en 50% le triangle centré en 25%, et la résultante s'appliquera en arrière du point à 50% de la corde sans que sa position soit limitée par quoi que se soit, même pas par le bord de fuite de l'aile. La portance zéro s'obtiendra par une déportance côté bord d'attaque, et une portance côté bord de fuite. S'il n'y a plus de portance, il reste un couple. Quand la portance tend vers zéro, le point d'application de la force aérodynamique est rejeté à l'infini derrière l'aile. Si la vitesse augmente, la portance augmente, de façon quadratique. En compensation on diminue le Cz, en diminuant l'incidence. Mais le Cm0 reste le même. Le couple va donc augmenter de façon quadratique avec la vitesse. Cela rend ,en théorie, la stabilisation d'une aile par le positionnement du centre de gravité sous celle ci impossible à toutes les vitesses. Il y aura toujours une vitesse ou le couple piqueur excédera toutes les possibilités de redressement par la gravité. Mais il n'est pas dit que cette vitesse puisse être atteinte. Le raisonnement reste valable pour tous les cas de Cm0 négatif. Bien sûr, on peut profiler la cambrure de façon à obtenir autre chose qu'un rectangle. Si ce profilage donne quelque chose qui son centre de gravité à 25%, le Cm0 sera nul. Si le centre de gravité est en avant de 25%, le profil sera autostable (le processus inverse de celui décrit dans le cas du Cm0 négatif se déroulera: le centre de poussée reculera si l'aile se cabre, et avancera si l'incidence diminue. On peut obtenir une aile autostable en ayant néanmoins une portance en incidence zéro.Il faut pour cela que la portance à l'incidence zéro soit centrée en avant de 25% de la corde, par exemple en donnant à la cambrure la forme d'un S, ou d'un arc de cercle déformé, avec la « bosse » déplacée vers l'avant Mais il y aura toujours une déportance, ou au minimum une portance moindre à l'arrière de l'aile (ou une portance plus forte à l'avant). On reconnaîtra une aile autostable au fait que le bord de fuite est creusé à l'extrados, et/ou bombé à l'intrados. On peut également faire des profils autostables entièrement convexes. Ils seront alors fort bombés à l'extrados, près du bord d'attaque ( le contraire d'un profil laminaire). En fait, les modifications qui rendent un profil autostable sont exactement le contraire de celles qui accroîtraient ses performances, ce qui est tout naturel, vu ce qui a été dit plus haut. On trouve sur le net de nombreux programmes gratuits ou bon marché. Que valent-ils? Difficile à dire, vu que je ne dispose pas encore de polaires mesurées dans les gammes de Reynolds ou travaillent ces programmes. -7- Mason explique que le principal intérêt des programmes aérodynamiques n'est pas de calculer les performances des profils (après tout, les souffleries existaient avant les programmes), mais d'améliorer la connaissance de l' aérodynamique. Mason fait la critique du programme « panel », programme industriel déjà assez ancien. Ce programme résout l'équation de Lagrange sous conditions. Ces conditions sont la vitesse normale de l' air par rapport à la surface est nulle,(non pénétration) et pour compléter le système d'équations, on ajoute la condition de Kutta: les vitesses sont les mêmes au bord de fuite sur l' intrados et l' extrados. Cette dernière condition implique que le profil ne décroche pas. Le programme ne tient pas compte de la viscosité, d'une certaine façon, celle-ci est remplacée par la condition de Kutta. Dans ces conditions, le programme donne des résultats très réalistes pour la portance. Bien sûr, comme il n'y a pas de viscosité, le programme ne donne pas de traînée, et n' indiquera pas non plus quand le profil va décrocher. Le progamme Foilworks semble uniquement indicatif, Il ignore le décrochage. Mais il permet de la visualiser et de modifier sommairement épaisseur et cambrure. Le programme Myfoil existe en 2 versions la version démo, gratuite qui ne permet pas d'imprimer ni d' exporter les résultats sous une forme standard, et la version commerciale, pas très chère. Le programme dispose d'un générateur de profils, et en donne la polaire en temps réel, ce qui est très pratique pour mettre rapidement un profil au point. Tous les profils ne sont cependant pas synthétisables par le générateur de profils. Des profils anguleux, par exemple, ne peuvent être synthétisés. Le programme détecte les décrochages sur les polaires, mais pas sur le diagramme des pressions. Mais il est trop optimiste sur le Reynolds, peut-être d'un ordre de grandeur. La routine qui donne la polaire pour des allongements finis est aussi entachée de bugs et est pour cela inutilisable. Comme je ne dispose pas encore de données mesurées à bas Reynolds, je ne peux pas donner d' appréciation sur la précision numérique. Mas des profils optimisés créés sur Myfoil ont la même allure que des profils à bas Reynolds trouvés sur le site de l'UIIC. Il y a enfin le programme Xfoil de Mark Drela. Je n'ai pas encore pu faire tourner ce programme. C'est un programme en fortran qui, en windows ,tourne dans une espèce de fenêtre dos et il faut l'utiliser en tapant des commandes au clavier. Ce programme est probablement le meilleur des programmes gratuits. Drela l'utilise pour étudier ses propres profils et a créé les profils de l'avion a propulsion humaine qui a le record de distance parcourue (en Crète), ainsi que de nombreux profils de modèles réduits. Ce programme a donc un intérêt certain. Le recueil de profils de Abbot est probablement suffisant pour toute l'aviation classique. Mais il ne contient aucun profil auto stable, ni rien qui soit spécialement dédié au faibles nombres de Reynolds. Ceux-ci présentent actuellement de plus en plus d'intérêt. Il y a les modèles réduits et les avions à propulsion humaine, il y a des drones petits et lents, l'avion solaire de Picard et certain projet d'avion à un litre aux cent kilomètres. Pour étudier les profils à haut Reynolds, il faut des grandes souffleries, des gros moteurs, beaucoup de puissance, rien qui ne soit à la portée de moyens privés. Pour étudier des profils à bas nombre de Reynolds, une petite soufflerie suffit. Si le profil ne décroche pas, les calculs de portance sont fiables. La soufflerie pourrait ne servir qu'à déterminer quand le profil décroche. Les calculs de traînée sont déjà plus fantaisistes, et une balance pour ces faibles forces est aussi difficile à réaliser et des problèmes sont rencontrés. On peut toutefois les éviter. Un théorème d' -8- aérodynamique nous montre que en mesurant dans une veine fluide la pression et la vitesse sur un plan situé en amont d'un objet, et sur un plan en aval d'un objet, on peut calculer toute la traînée de l'objet. Au moins une soufflerie à basse vitesse fonctionne déjà suivant ce principe. Un tel système est à la portée d'un particulier ou d'une petite organisation -9- - 10 - - 11 - - 12 - - 13 -