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Statistiquement, à l’échelle mondiale, les transferts ou « remises » de migrants s’accroissent
plus vite que les flux d’aide et les flux d’investissement direct.
. Les transferts des migrants
allant à leurs familles et à leurs villages pourraient être un des apports les plus efficaces à la
lutte contre la pauvreté et aux investissements ruraux (c’est la thèse en vigueur parmi les
agences d’aide). La migration aurait de ce fait un double rôle (par les départs et par les
transferts) dans la lutte contre la pauvreté et le chômage.
Ces anticipations sur le rôle des transferts doivent évidemment être nuancées : les statistiques
de migrations sont très imparfaites ; l’immigration se heurte à de multiples freins (que les
projections ont souvent tendance à sous-estimer) ; les flux migratoires sont concentrés entre
un petit nombre de pays (dans des relations souvent bilatérales); enfin les prévisions sur les
migrations d’origine rurale doivent tenir compte de l’évolution actuelle des besoins et des
choix des Etats du Nord (cf. « l’immigration choisie ») qui montrent une préférence pour les
flux, notamment les flux provisoires, de travailleurs qualifiés.
V.2. Migrations et commerce international: deux opportunités non substituables
La théorie néo-classique du commerce international a souvent détourné du repérage des effets
des migrations. Outre que cette théorie était souvent exposée en supposant le plein emploi,
elle a été construite pour démontrer que la mobilité des produits (par le commerce) peut
dispenser de la mobilité des facteurs (par les migrations), puisque les deux entraînent
l’égalisation internationale des prix des facteurs.
Cette vision était donc économiquement libérale en matière de commerce (comme en matière
d’investissement international) et politiquement très interventionniste (en matière de
migrations). Ce qui est, encore aujourd’hui, assez représentatif des politiques publiques.
Même dans la phase actuelle de mondialisation, les Etats s’estiment contraints de libéraliser le
commerce et incités à libéraliser les mouvements de capitaux mais ils sont encore autorisés à
contrôler l’immigration. Le commerce fait l’objet de négociations multilatérales alors que les
migrations restent du domaine des Etats souverains. Les Etats ont consenti à ce que le
commerce international soit régulé par l’OMC mais ils sont loin de créer une organisation
internationale régulant les migrations
. Cette différence de traitement du commerce et des
migrations est évidemment à rapprocher du fait que les ressortissants des pays concurrencés
sont plus informés et plus réactifs à la concurrence par l’immigration qu’à la concurrence par
le commerce et que les Etats des pays concurrencés sont contraints d’en tenir compte (on y
reviendra plus loin).
Les migrations, de ce fait, ne relèvent pas de l’économie dans sa version restrictive mais de
l’économie politique internationale (où interviennent les Etats et les groupes sociaux). Elles
sont beaucoup plus difficiles à modéliser et à prévoir que les échanges. Leur accueil étant le
fruit de décisions politiques, il n’existe aucun automatisme pour que le besoin d’émigrer de
paysans marginalisés par la concurrence des pays développés entraîne une acceptation, par ces
pays, de courants migratoires. Même si ce besoin d’émigrer est provoqué par une
libéralisation commerciale dans le Sud, il n’est nullement assuré que les migrants bénéficient,
Entre 1995 et 2004, les remises de migrants sont passées de 58 à 160 mds de $, les investissements directs à
l’étranger de 107 à 166 mds, la dette privée et les investissements de portefeuille de 170 à 136 mds et l’aide
publique au développement de 59 à 79 mds (World Bank, Global Economic Prospects, 2006, p..88).
La création du « Global Migration Group » en mai 2006 constitue un premier pas vers une concertation
internationale sur les migrations. Cf. « International Migration and Development. Report of the Secretary
General », 18 May 2006, United Nations.