I / Historique des travaux géologiques

publicité
Géologie de la Désirade
I / Historique des travaux géologiques
Les premiers observateurs, Hill (1899), J.W. Spencer (1900), Woodring (1928) et
Schuchert (1935), considèrent que l’île est entièrement formée de calcaires récifaux
néogènes ou quaternaires.
En 1934, dans son rapport sur les résultats d’une mission pour la recherche du pétrole à
la Guadeloupe, L. Barrabé montre que « cette île est constituée en réalité par un
complexe éruptif et volcanique surmonté seulement par une couverture peu épaisse de
calcaires vraisemblablement miocènes ».
En 1953, cet auteur conclut ainsi un article, publié dans le Bulletin de la Société
Géologique de France : « le problème essentiel qui reste à résoudre concernant la
Désirade est celui de l’âge de son socle éruptif et volcanique », et un peu plus loin, « en
l’absence de formation sédimentaire susceptible d’être datée dans le substratum de
cette île, il est logique d’adopter un âge post-éocène pour les intrusions granodioritiques
de la Désirade » (par comparaison avec les séries volcaniques anciennes des Petites
Antilles du nord).
Les mêmes conclusions se retrouvent dans la notice explicative de la carte géologique au
1/50 000 ème, feuille de Marie-Galante, la Désirade, Iles de la Petite Terre, publiée en
1966 d’après les levés effectués par A. de Reynal de Saint-Michel.
Les années 1970 voient les missions se multiplier : L.K. Fink, B.M. Gunn et M.-J. Roobol,
J.-M. Mattinson et A.C. Hopson identifient les formations volcaniques et plutoniques du
socle désiradien comme représentatives d’un complexe ophiolitique et surtout publient
les premières datations obtenues par radiochronologie, soit 145 à 150 millions d’années.
En 1976 et 1978, D. Westercamp effectue des levés détaillés lui permettant de tracer
les contours de formations géologiques de la carte au 1/25 000ème de la Désirade,
publiée en 1980. Cette dernière marque un tournant fondamental dans l’histoire des
travaux et servira, à l’auteur, de base pour la description d’un itinéraire remarqué dans
le Guide géologique régional Martinique Guadeloupe Saint-Martin la Désirade, de 1980.
Plus récemment, l’article de Montgomery et al. (1992) apporte des compléments
d’information particulièrement estimables puisqu’ils confirment, sur des indices
biostratigraphiques (grâce aux microfossiles de radiolaires), l’âge jurassique terminal
des formations de base de l’île.
En 2004, K. Gauchat publie une « geochimistry of Desirade island rocks ». Cette étude
apporte des arguments nouveaux sur l’origine des matériaux constitutifs du socle,
regroupés ici en 5 unités : il ne s’agirait pas d’un cortège ophiolitique (portion de croûte
océanique et de manteau supérieur) mais de roches présentant de fortes affinités
géochimiques d’arc tholéiitique.
II/ Description des terrains
1) Les grands ensembles géologiques (d’après les publications de D. Westercamp et
de K. Gauchat évoquées ci-dessus)
A la Désirade, affleurent des terrains pouvant être regroupés en quatre unités dont
trois appartiennent au complexe magmatique de base : le « cortège ophiolitique » du
nord-est,
 le massif acide du centre, associé au précédent dans une série méta-andésitique
mésozoïque,
 la série andésitique supérieure qui marque le point final de l’activité magmatique
dans ce secteur des Petites Antilles (arc ancien, paléogène),
 les couvertures calcaires de la table et du panneau surbaissé occidental et les
récents « récifs soulevés » ou terrasses marines.
Les couvertures calcaires : d’une épaisseur cumulée dépassant rarement 130 m, les
bancs calcaires constitutifs du Plateau de la Montagne et du Morne à Marthe
présentent des faciès monotones zoogènes beiges à blancs (ils peuvent prendre un
aspect crayeux le long des grandes falaises de la côte nord) souvent caverneux (ce sont
les « roches à ravets » locales). Les microfaciès biomicritiques et biomicrosparitiques,
les nombreux restes de polypiers et d’algues encroûtantes, confèrent souvent aux
sédiments une texture packstone à boundstone. Ces calcaires proviennent très
probablement de sédiments accumulés en contexte récifal et ont été datés, grâce aux
foraminifères qu’ils contiennent, du Pliocène inférieur à moyen (4 à 5 Ma) par P.
Andreieff (notice de la carte géologique de la Désirade, 1980).
Les premiers bancs reposent en nette discordance sur le substratum éruptif de l’île
comme cela s’observe sur les magnifiques coupes naturelles des falaises de la côte nord.
Ils contiennent souvent des galets, blocs, graviers, sables provenant de l’érosion des
roches sous-jacentes : ce sont alors de véritables conglomérats et poudingues, témoins
de la transgression pliocène
Des calcaires beaucoup plus meubles, organo-détritiques, cernent le Morne à Marthe et
le Morne Blanc. Ils ont livré une belle microfaune (foraminifères) du Pliocène inférieur
et ont été interprétés comme des dépôts de mer plus ouverte, au pied du « récif » de la
table. Les terrasses marines, dont certaines s’inscrivent dans le périmètre proposé pour
la future réserve naturelle, seront décrites dans les pages suivantes.
Le massif acide du centre : il s’étend, pour l’essentiel, entre les deux grands
systèmes de faille qui tronçonnent l’île en trois blocs. Le premier s’aligne sur les deux
ravines la Rivière et Cybèle, le deuxième correspond à la Coulée du Grand Nord, grande
marche d’escalier entre Grand Montagne et Morne à Marthe. Il est constitué de roches
magmatiques plutoniques (les seules de l’île) : diorites et diorites quartziques ou
trondhjémites.
Ces dernières, leucocrates et de texture grenue, montrent des assemblages de quartz
et de feldspaths plagioclases (andésine et surtout oligoclase) de taille millimétrique,
avec quelques minéraux opaques accessoires. Elles présentent fréquemment un faciès
d’altération (suite aux actions hydrothermales entre autres) avec albitisation des
plagioclases, grains d’épidote, lattes de chlorite, et prennent ainsi une teinte vert d’eau
très pâle.
Les diorites, roches de couleur très claire également, ne comportent que de rares
quartz à côté des cristaux de feldspaths plagioclases (andésine), d’amphibole
(hornblende verte), de pyroxène (augite) et de minéraux d’altération (chlorite et
épidote).
Les affleurements les plus spectaculaires de ces roches acides se déploient le long de la
côte nord de l’île, spécialement entre la Pointe du Grand Nord et la Pointe à Claire, où
les falaises, régulièrement lessivées par les averses violentes de l’hivernage,
apparaissent zébrées d’innombrables dykes (parfois plurimétriques) d’andésite très
sombre (fig. 3.18). Pour diverses raisons, K. Gauchat pense qu’andésites et diorites se
sont mises en place à la même époque. Les affleurements situés le long des falaises
bordant la table calcaire, au sud-est, se font beaucoup plus rares puisqu’ils sont bien
souvent masqués par une couverture d’éboulis plus ou moins stabilisés. Quelques
échantillons de trondhjémite peuvent cependant être récoltés le long de la route D 207
à hauteur de Trou Madame
Dans la zone de contact entre massif acide et « cortège ophiolitique » du nord-est, nous
avons pu observer de curieuses structures en forme de « cônes de glace », de « giclées
de magma » à zonations concentriques, résultats d’intrusions dioritiques dans le
matériau basaltique ou inversement. Ces investigations, rendues possibles depuis une
barque saintoise, demandent confirmation par des levés à terre.
Enfin, il convient de souligner l’importance des trondhjémites pour leur contribution à la
connaissance de l’histoire géologique de l’île puisqu’elles ont permis les premières
datations par radiochronologie de son complexe de base : 142,2  9,7 Ma par la méthode
K/Ar (Fink et al., 1971), 145-150 Ma par la méthode 206Pb/238U sur les seuls zircons et
par la méthode 207Pb/206Pb (Mattinson et al., 1973 et 1980).
Le « cortège ophiolitique » du nord-est : baptisé ainsi par L.K. Fink en 1968, ce
complexe commence à l’est de la Ravine Cybèle et se compose de roches de types
variés : laves acides à faciès de rhyolites et de dacites, brèches volcaniques, scories en
bouses de vache, laves basaltiques débitées en coussins (ou pillows), radiolarites, dykes
rhyolitiques et andésitiques, hyaloclastites.
A l’extrémité est de l’île, figure une faille orientée SW-NE, de Baie Mahault à la Baie du
Grand Abaque, que l’on pourrait nommer grande faille de l’est désiradien.
Particulièrement facile à repérer dans le paysage, cette cassure sépare des terrains de
teintes générales bien différentes : orangée au nord, brune avec une nuance verte au
sud. Les matériaux sous-jacents livrent un début d’explication à ces coloris variés : au
nord se trouve une épaisse coulée de rhyolite, au sud des coulées de basalte.
La région du Grand Abaque correspond à un ancien appareil volcanique dont le cône
pyroclastique se situait vers la Pointe à Mombin, là où se sont empilés les scories, les
coulées de brèches et les blocs parfois plurimétriques. Ce site d’émission, probablement
aérien, est masqué vers le sud-ouest par l’épaisse coulée évoquée ci-dessus. La roche
constitutive de cette dernière présente toutes les caractéristiques d’une rhyolite :
texture porphyrique avec phénocristaux de feldspaths plagioclases blancs et de quartz
gris gros sel, pâte aphanitique de teinte rougeâtre. A l’instar des roches du massif acide
du centre, les matériaux constitutifs du Grand Abaque présentent de nombreux
minéraux secondaires, résultant d’altérations hydrothermales. Plusieurs dykes
andésitiques recoupent les formations précédemment décrites, avec une orientation
préférentielle est-ouest.
Au sud de la grande faille de l’est désiradien, débutent des affleurements de coulées de
basalte sous-marines, fréquemment débitées en coussins (pillow lavas pour nos collègues
anglophones). Ce type de structure atteste de laves mises en place sous l’eau en formant
des boules visqueuses qui s’empilent et se moulent les unes sur les autres. Ces coussins
prennent parfois l’allure de tubes et montrent une croûte à structure hyaline (figure de
trempe due au refroidissement très rapide du magma au contact de l’eau de mer),
présentant fréquemment des petites bulles blanchâtres (quartz, calcite). Leur cœur
peut receler une prismation radiale bien développée.
La texture de ces roches basaltiques oscille entre microlitique et porphyrique. Leur
paragenèse offre un assemblage de phénocristaux de feldspath plagioclase (lattes
claires), de clinopyroxène (à composition d’augite), d’olivine (rare), noyés dans une pâte
vitreuse plus ou moins recristallisée. L’assemblage originel est cependant rarement
conservé car ces roches ont subi, comme toutes celles constitutives du complexe
magmatique de base de l’île, un métamorphisme basse température/basse pression ainsi
qu’une altération hydrothermale secondaire avec développement de zéolites.
Le caractère sous-marin de cette série se voit confirmé par la présence de fines
stratifications de radiolarites et de rares dépôts de hyaloclastites que nous décrirons
plus en détail dans les pages qui suivent.
Des coussins de lave basaltique s’observent également tant le long des falaises sud de
l’île, jusqu’en limite de la Ravine Cybèle qu’au pied des falaises nord jusqu’à l’embouchure
de la Ravine Portorique .
Pour K. Gauchat (2004), et suite à des investigations géochimiques, ces coulées
participent de venues magmatiques distinctes (formation dite de Baie Mahault) de celles
situées au sud de la grande faille de l’est désiradien (formation dite du phare).
Toutes ces formations magmatiques de l’est désiradien, comme celles du massif acide du
centre, sont recoupées par un réseau de dykes andésitiques et parfois rhyolitiques,
d’orientation préférentielle est-ouest mais aussi SE-NW. Il s’agit de la série
andésitique supérieure de D. Westercamp (1980), datée à 37,6 Ma, qui marque la fin
de l’activité de l’arc ancien.
Il nous reste à parler des roches magmatiques affleurant dans la partie nord-ouest de
l’île, entre la Pointe Frégule et la Porte d’Enfer. Elles consistent essentiellement en
brèches volcaniques, dacites (à débit parfois en prismes) et rhyolites, recoupées par des
dykes d’andésite. Autour de la Pointe Frégule, nous avons reconnu des faciès basaltiques
très proches de ceux de l’est de l’île. Cette observation semble corroborer celle d’une
mince couche de radiolarite dans le même secteur par Montgomery et al. (1992).
Quoiqu’il en soit, force est de constater la grande homogénéité et la probable
contemporanéité des faciès constitutifs du complexe éruptif de base.
De nombreuses études géochimiques ont conduit, dans un premier temps, les géologues à
penser que le complexe de base représentait une écaille de croûte océanique
« standard ». Mais les analyses toujours plus fines, en particulier celles des pyroxènes
contenus dans les laves et celles concernant les éléments en trace ou les terres rares,
les isotopes (cf. la publication de K. Gauchat déjà mentionnée), ont permis d’infirmer
cette hypothèse (il ne s’agit donc pas d’un complexe ophiolitique) et de proposer une
affinité d’arc tholéiitique pour la plupart des matériaux de ce complexe à l’exception des
basaltes situés autour de la Pointe Doublé qui ont une affinité d’arc calco-alcalin.
Les spécialistes des sciences de la terre penchent maintenant pour la mise en place de
laves et d’intrusions issues d’un magma de type MORB (Mid-Ocean Ridge Basalts)
contaminé par 1 à 5% de sédiments de la zone Pacifique, dans un contexte d’un arc
insulaire très ancien (jurassique).
Cet arc ancien fut ensuite fragmenté lors de la formation de la plaque Caraïbe et des
formidables bouleversements liés à la tectonique des plaques dans la zone qui retient ici
notre attention : voir à ce sujet les reconstitutions paléogéographiques successives
depuis le Lias jusqu’à nos jours publiées dans l’article de Stephan J.-F. et al. en 1990 et
reproduites en annexe . Seuls quelques fragments, rares témoins de cet arc mésozoïque,
ont été conservés : à Cuba, à Hispaniola, à Porto Rico et bien sûr à la Désirade pour le
plus ancien.
2) La géologie de l’extrémité est de la Désirade, cœur de la future réserve
naturelle géologique : un levé de détail (essentiellement le long des falaises basses
bordant la côte) a été réalisé dans le cadre de cette étude. Pour des raisons de clarté
et de précision, les observations et représentations graphiques des objets géologiques
ont été regroupées par secteurs numérotés de 1 à 7 (globalement du sud vers le nord),
avec autant de cartes correspondantes (les directions en ° et l’épaisseur en m des dykes
y ont été reportées).
Secteur 1 : la Baie Mahault.
Inventorié comme site géologique remarquable de la Guadeloupe (dans la publication
conjointe du BRGM et de la Diren, déc. 2003) par A. Randrianasolo et J.-L. Leticée de
l’UAG, le secteur de la Baie Mahault « présente des affleurements exceptionnellement
bien conservés de plages quaternaires ayant fossilisé les mouvements eustatiques dans
un environnement tropical. Ces plages « soulevées » ou terrasses marines sont
particulièrement bien exposées le long des petites falaises bordant la Baie tant à l’est
qu’à l’ouest. La transgression, marquée par une surface de discordance, des dépôts
quaternaires (calcaires à polypiers, épais de 5 m) sur le substratum basaltique
s’observent facilement sur le côté ouest. Les auteurs cités plus haut y ont reconnu des
tempestites, avec de nombreux coraux couchés indiquant le sens de déplacement d’une
très forte houle attribuable à un ouragan ou à un tsunami. Au fond de la Baie, à l’est, les
falaises offrent des coupes naturelles schématisées sur les logs n°1 et 2 : au–dessus des
coussins de basalte, niveau 0, repose, en transgression, une première assise ayant toutes
les caractéristiques d’un conglomérat composé de galets plus ou moins arrondis de socle
et d’un ciment calcaire souvent fossilifère (de grandes coquilles de lambi, Strombus
gigas, de burgo, Cittarium pica, voisinent avec des lumachelles à coquilles d’huître des
palétuviers, Crassostrea rhizophorae, et de plus rares échantillons de bulle striée, Bulla
striata, de praire cancellée, Chione cancellata). Les assises supérieures voient la charge
en éléments détritiques baisser rapidement en volume global et en taille au profit de
bioclastes qui confèrent à la roche un aspect de grès (sable calcaire plus ou moins
cimenté), avec de très nombreuses bioturbations. En sommet de coupe, nous avons
observé de curieux « tubes » de sédiment tous alignés dans le même sens, témoins de
figures de courant ( ?).opical ». Enfin, la pointe limitant la Baie à l’est porte un minuscule
témoin de ces plages anciennes, présentant une succession de couches assez semblable
aux précédentes (cf. log n°3). Les polypiers en position de vie, fixés sur le substrat
volcanique n’y sont pas rares. Les stratifications obliques portent la marque d’une
courantologie changeante. On note la présence de fréquents encroûtements algaires
autour des galets de socle (sous la forme d’un film blanchâtre).
La terrasse marine récifale située à l’extrémité opposée de l’île, à savoir la Pointe des
Colibris, d’altitude moyenne égale à 5 m, a été datée à – 120 000 ans, soit de l’intervalle
du dernier interglaciaire (entre Riss et Würm). Les géologues pensent, à propos des
terrasses évoquées jusqu’ici, qu’il s’agit là de dépôts témoignant d’un niveau eustatique
plus élevé que l’actuel, en liaison avec les oscillations du niveau marin elles-mêmes
dépendantes en partie des oscillations climatiques quaternaires. En effet, si le principe
d’un niveau marin global légèrement plus élevé semble acquis pour le dernier
interglaciaire, il convient également de prendre en compte le phénomène de surrection
aujourd’hui encore à l’œuvre pour des îles comme Marie-Galante, Grande-Terre ou la
Désirade.
secteur 2
Il s’agit essentiellement de coulées de lave basaltique débitée en coussins de formes
variées et dont la direction de pendage indique souvent l’WNW, avec toutefois une
première intercalation de bancs de radiolarite et de tuf volcanique ou hyaloclastite.
Un grand dyke d’andésite d’un mètre d’épaisseur, orienté N 76° E, aux bordures
vitreuses maintenant altérées, recoupe nettement toutes les roches précédemment
décrites.
secteur 3
Terrain exposant deux niveaux de radiolarites en fines strates (10 à 15 cm d’épaisseur)
et à pendage net vers le nord.
secteur 4 : la Pointe Doublé
Anse Galets
Ce secteur, en particulier les abords immédiats de l’ancienne station météorologique,
permet d’avoir une vue d’ensemble de l’emprise territoriale envisagée pour la future
réserve naturelle. Géologiquement, les faciès diffèrent peu de ceux décrits jusqu’ici,
avec cependant une multiplication des dykes dont l’épaisseur atteint 5 m pour certains.
L’un d’entre eux présente un curieux cheminement « serpentiforme » et recoupe,
comme à l’emporte pièce, les terrains encaissants (cf. photographie).
A l’extrémité de la Pointe Doublé, un affleurement de radiolarite, situé sous une coulée
de lave en encorbellement, présente une succession de strates décimétriques ou
bidécimétriques dont le développement vertical total dépasse 75 cm.
Depuis la Pointe et jusqu’à 250 m vers l’ouest en longeant les petites falaises à
éboulement bordant le littoral, les coulées basaltiques ne présentent pas de débit en
coussins.
secteur 5 : entre Ravine Glaude et Anse Devant-y-Bon
Ce secteur est caractérisé par la fréquence des affleurements de bancs radiolaritiques
en sommet de falaise avec pendage net vers l’Atalantique. Les coupes naturelles de
terrain les plus spectaculaires se situent dans une petite crique immédiatement au sud
de l’Anse Devant-y-Bon : un banc de tuf volcanique (hyaloclastites) d’une cinquantaine de
cm, de couleur gris-beige à vert/mauve clair, affecté de nombreuses faillettes
synsédimentaires (cf. photographie de droite), s’y observe entre deux strates de
radiolarites
secteur 6 : autour de la pointe Mancenillier
Ce secteur a été reconnu de longue date par les géologues comme étant
particulièrement représentatif de l’est désiradien. Les falaises nord-est de l’Anse
Devant-y-Bon exposent des laves en coussins relativement peu altérées, entre lesquelles
s’intercalent de minces bancs de radiolarites ainsi qu’un dépôt volcano-sédimentaire
relativement épais (environ 2 m). Celui-ci, constitué de brèches très fines grises à jaune
clair, granoclassées, témoigne de la mise en place sous-marine de hyaloclastites.
Les dykes affectent deux directions principales : les plus nombreux s’alignent autour de
36/37° E et sont recoupés par ceux d’une deuxième génération orientés sur le 66
secteur 7 : l’Anse Galets
Ce secteur offre les meilleurs affleurements de radiolarite, avec
un bloc d’un seul
2
tenant de plusieurs dizaines de m (cf. photo du milieu de page). Il recèle également
quelques dépôts correspondant à d’anciens beach-rocks soulevés. Nous insisterons ici
sur la description des bancs de radiolarites dont la couleur peut varier du gris clair au
brun-violet en passant par le vert, le noir à reflets métalliques et le rouge tirant vers la
nuance chocolat. La roche, très dure, se fragmente en une multitude d’esquilles parfois
tranchantes, sous le choc du marteau.
Les radiolarites présentent ainsi toutes les caractéristiques de roches sédimentaires
siliceuses dont la stratification souvent très fine (lits millimétriques comme on peut le
constater sur la photo du milieu à droite sur la page précédente) ne montre cependant
pas d’intercalations argileuses.
Il n’est donc pas étonnant que les premières investigations géologiques aient conclu à
présence de jaspes dans ce secteur de l’île. Les lames minces pratiquées dans les
échantillons ne laissent pas de décevoir les micropaléontologistes et il faut utiliser des
méthodes d’extraction faisant appel à l’acide fluorhydrique pour enfin observer dans de
bonnes conditions les tests de radiolaires, au microscope électronique à balayage.
Rappelons que les radiolaires actuels
sont des êtres vivants unicellulaires (protozoaires
X 300
actinopodes), tous marins et planctoniques (particulièrement nombreux X
et300
diversifiés
vers 100 m de profondeur), dont le cytoplasme sécrète un squelette siliceux (ou test)
réticulé souvent délicat, à symétrie axiale ou sphérique.
Les squelettes des radiolaires, moins sensibles à la dissolution dans l’eau de mer que les
tests calcaires d’autres organismes planctoniques, peuvent s’accumuler sous forme de
boues siliceuses là où ceux-ci ont disparu, c’est-à-dire dans les grands fonds.
Le remarquable article de H. Montgomery, E.A. Pessagno, Jr., and I.M. Muñoz intitulé
Jurassic (Tithonian) radiolaria from la Désirade (Lesser Antilles) : preliminary
paleontogical and tectonic implications, 1992, apporte des informations complémentaires
et capitales sur ces formations sédimentaires.
Ces auteurs décrivent une douzaine de taxons dont les plus fréquemment trouvés ont
été regroupés sur la fig. 3.39. L’assemblage faunistique présent dans toutes les couches
de radiolarite prélevées à la Désirade, y compris celle découverte à côté de la Pointe
Frégule, relève de la zone 4, sous-zones 4 bêta à 4 alpha dans l’échelle
biostratigraphique établie grâce à ces microfossiles. Cette zone 4 caractérise la moitié
supérieure de l’étage Tithonien, dernier étage du système Jurassique de l’ère
Mésozoïque.
L’échelle des temps géologiques recommandée par la Commission Internationale de
Stratigraphie (Geologic time scale 2004 – F.M. Gradstein, J.G. Ogg, A.G. Smith et al.,
Cambridge University Press) donne pour âges aux limites de l’étage Tithonien les
estimations suivantes : limite inférieure = 150,8 ± 4 Ma, limite supérieure = 145,5 ± 4
Ma.
La détermination de tests de radiolaires du Jurassique terminal dans les roches
sédimentaires siliceuses de la Désirade confirme les plus anciens âges radiométriques
publiés à propos des roches magmatiques de l’île. Il devient ainsi difficile de contester
la contemporanéité de la plupart des formations constituant son substratum.
L’article cité ci-dessus présente également de nouvelles hypothèses en matière de
paléobiogéographie : les faunes de radiolaires provenant de la Désirade offrent les
caractéristiques d’abondance et de diversité propres aux zones paléolatitudinales du
nord Téthys et du domaine boréal. En conclusion, les auteurs évoquent, pour ces
formations, une origine dans l’hémisphère sud, sur la dorsale située entre les plaques
Pacifique et Farallon.
Quoiqu’il en soit, toutes les études successives ont démontré l’ancienneté du complexe
volcanique de base de la Désirade - le plus ancien connu à ce jour pour les Petites
Antilles– et nombre d’entre elles penchent pour une origine probable à situer dans le
Pacifique. Il faut imaginer la mise en place de coulées de basalte qui se débitèrent en
coussins au contact de l’eau de mer et qui, après refroidissement, furent recouvertes
par de minces couches de boues radiolaritiques, ce cycle se répétant de nombreuses fois
sous une tranche d’eau probablement supérieure à 2000 m. Les cartes extraites de
l’article Paleogeodynamic maps of the Caribbean : 14 steps from Lias to Present, de
Stephan et al. – BSGF – 1990 donnent une idée de la formation de la région Caraïbe dans
le cadre de la tectonique des plaques. Les articles publiés par J.L. Pindell à la même
époque proposent des paléogéographies successives peu différentes des précédentes.
Extraits de l’étude de la faisabilité de la réserve naturelle géologique de la Désirade,
Luc Legendre, DIREN
Téléchargement