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Monsieur le président, mesdames, messieurs, je suis très sensible à l’honneur qu’on m’a fait,
en me conviant à inaugurer par un exposé le présent congrès. Ce sentiment se mêle pour moi
de beaucoup d’inquiétude à l’idée que je m’adresse ici, tout ignorant que je suis de la
philosophie, à une assemblée de philosophes. Je trouve cependant quelque encouragement dans
le fait qu’un tel congrès se soit justement donné un tel programme, que des philosophes aient jugé
opportun de débattre entre eux des problèmes du langage. Dans les communications et les
discussions qui vont occuper ces journées, la philosophie remontera ainsi jusqu’à une des
sources majeures de son inspiration permanente, et en même temps seront proposées à
l’attention des linguistes, de ceux qui s’occupent en spécialistes, comme on dit, du langage,
certaines manières d’y refléchir, probablement différentes, de réfléchir au langage. Ainsi commencera,
tardivement, il faut bien le dire, un échange qui peut être de grand prix. De mon côté, ayant
commis l’imprudence d’accepter cette invitation à parler ici, il ne me restait plus pour la
justifier qu’à l’aggraver d’une autre imprudence, plus sérieuse encore, celle ce choisir un sujet
dont l’énoncé semble convenir à un philosophe plutôt qu’à un linguiste : la forme et le sens dans le
langage.
Texte édité :
Je suis très sensible à l’honneur qu’on m’a fait, en me conviant à inaugurer par un exposé le
présent Congrès. Ce sentiment se mêle pour moi de beaucoup d’inquiétude à l’idée que je
m’adresse ici, tout ignorant que je suis de la philosophie, à une assemblée de philosophes. Je
trouve cependant quelque encouragement dans le fait qu’un tel congrès se soit justement donné
un tel programme, que des philosophes aient jugé opportun de débattre entre eux des
problèmes du langage. Dans les communications et les discussions qui vont occuper ces
journées, la philosophie remontera ainsi jusqu’à une des sources majeures de son inspiration
permanente, et en même temps seront proposées à l’attention des linguistes, de ceux qui
s’occupent en spécialistes, comme on dit, du langage, certaines manières, probablement
différentes, de réfléchir au langage. Ainsi commencera, tardivement, il faut bien le dire, un
échange qui peut être de grand prix. De mon côté, ayant commis l’imprudence d’accepter cette
invitation à parler ici, il ne me restait plus pour la justifier qu’à l’aggraver d’une autre
imprudence, plus sérieuse encore, celle ce choisir un sujet dont l’énoncé semble convenir à un
philosophe plutôt qu’à un linguiste : la forme et le sens dans le langage.
1.2. Hésitations de présentation
Une hésitation de forme de présentation diffère, par sa nature-même, d’une hésitation sur un concept
ou un mot car elle touche essentiellement la forme et beaucoup moins le contenu. Dans notre cas,
Benveniste barre le commencement de l’article : Monsieur le président, mesdames, messieurs, et se
lance directement dans le « je » du discours personnel. Ce changement, cette hésitation à commencer
son discours et, par extension, son article, par l’adresse ou par la première personne, n’a rien de banal :
la question profonde est celle de la hiérarchie de présentation : à qui s’adresse la parole ? Est-ce à
l’auditoire ou bien à l’orateur lui-même en s’axant sur sa propre présence ? Une autre interprétation de
cette suppression peut être envisagée : l’intervention orale a dû être transformée en article écrit et
donc, la formule en question n’est plus appropriée. Je penche plutôt vers l’interprétation que je
développe dans l’article même car si une transformation oral/écrit avait imposé la forme de
présentation, nous n’aurions pas eu du tout le faux incipit qui est inutile en soi pour un article
scientifique.
Ensuite, nous pouvons relever deux ajouts textuels et un changement textuel qui montrent un
ajustement conceptuel de la phrase. Nous pouvons voir, dans la proposition Je trouve cependant
quelque encouragement dans le fait qu’un tel congrès se soit <justement> donné un tel programme,
que des philosophes aient jugé opportun de débattre entre eux des problèmes du langage, un ajout de
l’adverbe justement, adverbe de précision, qui souligne et met en valeur le contexte de l’intervention
de Benveniste qui suit. Dans la proposition suivante : Dans les communications et les discussions qui
vont occuper ces journées, la philosophie remontera ainsi jusqu’à une des sources majeures de son
inspiration permanente, et en même temps seront proposées à l’attention des linguistes, de ceux qui
s’occupent en spécialistes, comme on dit, du langage, certaines manières d’y réfléchir,
<probablement différentes,> de réfléchir au langage, nous pouvons voir un ajout d’une consistance
différente, qui relève de l’affaiblissement de position de l’écrivant qui ouvre, par cet ajout où l’adjectif
différent domine, la possibilité d’hésitation sur les « manières de réfléchir au langage », qui peuvent