Archivage et diffusion des simulations climatiques
Animateurs : Serge Planton (MF/CNRM-GAME) et Pascale Braconnot (IPSL/LSCE).
Participants : Sébastien Denvil (IPSL), Laurent Fairhead (IPSL/LMD), Sylvie Joussaume
(IPSL/LSCE), Jean-Marc Moisselin (MF/DP), Stéphane Sénési (MF/CNRM), Laurent Terray
(CERFACS)
Mandat du groupe de travail : examiner la possibilité et l’intérêt de définir une archive
distribuée commune (mêmes formats, même procédures d’accès), préparant un futur service
climatique dédié à différents types d’applications. Faire le lien avec la réflexion européenne
en cours dans IS-ENES, METAFOR (projets permettant les développements nécessaires à la
production des données pour l’AR5) et avec les projets nationaux GIS-PRODIGUER et
GICC-DRIAS qui s’attachent respectivement à préparer la diffusion des simulations de
grande échelle et des données régionalisées sur la France, avec pour DRIAS un lien vers les
utilisateurs (impacts). Définir les spécifications d’une telle archive permettant de faciliter
l’étude des impacts régionaux.
Le contexte
L’archivage et la diffusion des simulations climatiques répondent au double enjeu de mieux
valoriser les travaux menés par la communauté de recherche nationale, et de répondre à la
demande d’information climatique de la part de différentes communautés. Elles constituent la
base de la mise en place de services climatiques aujourd’hui émergents dans de nombreux
pays sous l’impulsion de différentes institutions.
L’archivage et la diffusion de résultats de simulations climatiques ne sont pas des activités
nouvelles, mais elles ont pris une nouvelle dimension avec la réalisation et la diffusion des
simulations CMIP3 (« Coupled Model Intercomparison Project ») qui ont servi de référence
au dernier rapport IPCC (AR4, 2007). Les projets d’intercomparaison de modèles au niveau
international ont joué un rôle majeur dans la structuration de la communauté. Lancé au début
des années 90 le projet AMIP a permis les premières comparaisons d’envergure des résultats
des modèles d’atmosphère. Le principe s’est généralisé à d’autres modèles ou type de
simulation avec les projets PMIP (pour le paléoclimat), (OCMIP pour la biogéochimie
marine) etc.. et CMIP pour les modèles couplés océan atmosphère qui est devenu le projet de
références pour les simulations climatiques. La communauté française s’est largement
impliquée dans ces projets internationaux et l’on compte actuellement plusieurs coordinateurs
au niveau international (OCMIP : J. Orr, AEROCOM, M. Schulz, C4MIP : P. Friedlingstein,
PMIP : P. Braconnot, LUCID : N. de Noblet). Les bases de données correspondantes étaient
cependant, jusqu’au début des années 2000, limitées au service des groupes directement
impliqués dans les projets. D’autres bases de données ont vu le jour au travers de projets
nationaux ou européens, comprenant des fonctionnalités plus ou moins développées. Ces
bases de données ont parfois été rendues publiques mais avec une pérennité plus ou moins
longue. A titre d’exemple, on peut citer dans cette veine la base de données du projet
DEMETER (2000-2003 : Prévision saisonnière) aujourd’hui non accessible ou celle du projet
PRUDENCE (2001-2004 : Scénarios climatiques régionaux) qui l’est toujours.
Sur l’aspect de la valorisation, une dimension nouvelle a été franchie avec la mise en place
par le PCMDI de la base de données de l’exercice international de simulation CMIP3 ayant
servi de base à l’AR4. Cette base a généré un nombre sans précédent d’articles scientifiques
(plus de 500 répertoriés sur le site du projet) dont une large part traite les résultats des
modèles français. Ce succès est bien sûr en premier lieu dû à l’intérêt scientifique de ce jeu de
simulations d’ensemble pour l’étude de la variabilité du climat mais aussi à la mise en place
d’une organisation efficace facilitant l’accès aux données et métadonnées dans un format
standard largement utilisé dans la communauté. Il en est de même pour d’autres bases de
données. A titre d’exemple, la base de données de la seconde phase du projet PMIP alimente
de nombreuses études faisant intervenir des liens entre le climat et les écosystèmes ou les
ressources en eau dans le passé. Il faut signaler que la mise en conformité des résultats des
simulations aux standards CMIP3, qui comprenait la standardisation des noms de variables,
des noms de fichiers et des formats utilisés, a fortement mobilisé les groupes de modélisation
et l’ampleur de l’exercice n’avait pas été suffisamment anticipée.
La demande de scénarios climatiques futurs est elle aussi en pleine croissance que ce soit de
la part de la communauté scientifique, des acteurs institutionnels ou, dans une moindre
mesure, d’acteurs du monde économique. Concernant la communauté scientifique il s’agit
principalement de mener des analyses de la variabilité climatique future, comme celles qui ont
été menées dans le cadre de CMIP3. Ces analyses couvrent une large gamme de thématiques
comme l’attestent les résultats synthétisés dans le livre blanc ESCRIME. Elles sont
incontournables pour comprendre la perturbation anthropique et évaluer la pertinence des
simulations. Les données générées permettent également de mener des études d’impact des
changements climatiques dans différents domaines socio-économiques. De la part des acteurs
institutionnels ou économiques, appuyés parfois par des bureaux d’études, il s’agit de préparer
l’élaboration de « plans climat », d’élaborer des plans d’adaptation au changement climatique,
de prendre en compte le facteur climatique dans des analyses prospectives …
Ces évolutions dans le champ scientifique et de la demande sociétale s’accompagnent
d’exigences croissantes en terme de volume de données à traiter. La croissance continuelle
des moyens de calculs disponibles explique pour une grande part cette croissance du volume
de données produites mais elle est surtout la conséquence des progrès de la modélisation et de
la simulation du climat que la puissance des moyens de calcul ne fait que rendre accessible.
La complexification des modèles du système climatique, incorporant la représentation de
nouveaux processus physiques et biogéochimiques, la croissance de la résolution des modèles
et le développement des simulations climatiques gionales, la constitution d’ensembles
multimodèles de simulations élargissant le champ d’exploration scientifique, concourent à
augmenter le volume des archives à traiter. En particulier, le schéma d’une base de données
centralisée adopté pour le projet CMIP3 est de fait devenu impossible à tenir dans le contexte
du projet CMIP5 qui s’appuie sur la mise en place d’une base de données distribuée. C’est ce
type d’approche, qui implique l’interopérabilité des bases de données source, qui est
aujourd’hui privilégié.
Projets en cours
Pour répondre à ces évolutions, la communauté nationale de recherche sur le climat a mis en
place des projets nationaux ou des contributions à des projets européens qui répondent aux
exigences nouvelles de l’archivage et de la diffusion des simulations climatiques. Nous ne
citons ici que celles qui ont l’ambition de couvrir les besoins d’une large communauté
d’utilisateurs. Ces projets permettent de faire face à la pression associée à la mise en place des
simulations CMIP5, mais il n’y a pas d’assurance de pérennisation de ces activités. Certains
de ces projets conditionnent la participation de la communauté nationale à la base de données
distribuée de CMIP5, d’autres permettent d’interagir avec différents utilisateurs se situant
principalement au niveau national.
IS-ENES
Le projet européen IS-ENES (Infrastructure for the European Network for Earth System
Modelling) est soutenu par le FP-7 (Appel d’offres « Infrastructures »). Il est coordonné par
l’IPSL et associe dix-huit partenaires dont le CERFACS et le CNRM. Il a débuté en 2009
pour une période de 4 ans.
Le projet vise à développer une activité de réseau de collaboration des centres climatiques
européens autour des questions suivantes: le développement, la diffusion et l’application de
modèles du système climatique ; l’utilisation des ressources de calcul existantes à l’échelle
européenne ; l’interface avec les décideurs. Toutes ces activités de réseau seront intégrées
dans un « portail ENES » pour accéder aux modèles, aux outils et aux données. Le portail sera
utile non seulement aux activités internes de réseau mais aussi pour offrir un service essentiel
à un nombre important d’utilisateurs comme les groupes de modélisation climatique régionale
ou la communauté des impacts. Ces activités de réseau impliqueront les partenaires du projet
mais aussi les membres du consortium ENES (« European Network for Earth System
modelling ») qui rassemble plus de 40 institutions.
Parmi les activités du réseau, figure la mise en place d’un prototype de service web
directement en relation avec la question de la diffusion des scénarios climatiques. Il s’agit
d’une interface destinée à réduire l’espace qui sépare la communauté de modélisation
climatique, de celle qui étudie les impacts et des utilisateurs finaux.
Dans cet objectif, un nombre limité de cas d’études jugés représentatifs de l’utilisation de
données climatiques seront sélectionnés et analysés, en interaction avec les utilisateurs, afin
de mettre en place des services prototypes associés. Un dialogue sera aussi engagé au niveau
européen afin de contribuer à la stratégie sur l’adaptation au changement climatique (« EU
Green Paper on Adaptation »). Un des objectifs importants est aussi de mettre en place des
outils communs simples et adaptés aux besoins des utilisateurs ainsi que des méthodologies
robustes pour la quantification et l’incorporation de la cascade d’incertitude allant des
scénarios climatiques de base jusqu’aux modèles d’impacts et de décision.
METAFOR
Le projet METAFOR (Common Metadata for Climate Modelling Digital Repositories ) est
soutenu par le FP-7 (Appel d’offres « Infrastructures »). Il est coordonné par l’université de
Reading et associe une dizaine d’autres partenaires dont l’IPSL, le CERFACS et le CNRM. Il
a débuté en 2008 pour une période de 3 ans et fait partie d’ENES.
Le principal objectif de METAFOR est de développer un « Common Information Model »
(CIM) pour décrire les données climatiques et les modèles qui les produisent sous une forme
standardisée, et d’assurer l’adoption la plus large possible de ce standard de métadonnées. Le
projet vise à réduire la fragmentation, les insuffisances de description, la duplication de
l’information et les problèmes d’identification que l’on rencontre dans les métadonnées
aujourd’hui disponibles. Il s’agira aussi de mettre au point des outils utilisant ce CIM afin de
développer et d’évaluer un prototype d’infrastructure permettant de retrouver les données et
les modèles et de permettre à des spécialistes ou non spécialistes du climat de comprendre
l’origine des données disponibles et leur applicabilité. Ce standard de métadonnées est le
même que celui qui a été adopté pour les simulations de CMIP5.
PRODIGUER
Le projet PRODIGUER est soutenu par le GIS Climat société et environnement. Il est dans ce
cadre seulement porté par l’IPSL. Il a débuté en 2008 pour une période de 2 ans. Un nouveau
projet vient d’être soumis pour une demande de labellisation de Système d’Observation et
d’Expérimentation (SOERE) auprès du Comité Inter-Organismes Environnement. Cette
soumission est coordonnée par l’IPSL et associe le CNRM et le CERFACS. La demande de
labellisation porte sur la période 2010-2013.
Le système de distribution de données PRODIGUER a pour objectif de garantir la diffusion et
une bonne utilisation des résultats des projections climatiques alisées par les équipes
françaises au sein des projets internationaux et plus largement auprès des différents
utilisateurs du domaine de la recherche sur le changement climatique. Cette activité comprend
la réalisation des simulations de référence, le traitement des données pour la mise aux
standards internationaux, et l’évaluation des résultats. La mise en place d’un service de
distribution servira de support aux différents projets d’analyse des simulations par la
communauté scientifique, la réalisation des simulations régionales à partir des résultats des
projections de grande échelle, et la diffusion des résultats pour les nombreuses études
d’impact. Il s’insère ainsi dans les réseaux de mise à disposition des données des simulations
aux niveaux international et européen et prépare l’émergence de services de mise à disposition
des données pour les futurs « services climatiques ». Les simulations concernées, les formats
et protocoles utilisés suivent les recommandations qui se mettent en place pour la diffusion
des simulations CMIP5 dont les résultats alimenteront le 5ème rapport du GIEC. Il contribue
à l’infrastructure européenne mise en place dans IS-ENES.
La mise en place du SOERE PRODIGUER permettrait de garantir la diffusion des résultats
des simulations dans la durée, de renforcer les interfaces vers les autres communautés, ce qui
demande à la fois de définir les différents services que nous devons assurer autour des
simulations, de garantir la qualité des résultats et de standardiser les diagnostiques pertinents
pour différentes études d’impact. Cela se traduira par la mise en place d’un portail d’accès et
d’interrogation des données de simulations climatiques globales au plan national. La
communauté visée se compose des chercheurs, ingénieurs, post-doctorants et doctorants qui
travaillent dans les laboratoires de recherche français (IPSL, CNRM-GAME, CERFACS), et
qu’il s’agira d’aiguiller dans la multitude de sorties générées par les modèles. Le spectre de
simulations visé ici est plus large que celui de CMIP5. Il s’agit également de référencer et de
fournir un accès renseigné aux simulations de référence réalisées au quotidien et qui
préfigurent les simulations qui seront à terme suffisamment pertinentes pour intégrer les
grandes bases de données internationales.
DRIAS
Le projet DRIAS est soutenu par le programme GICC. Il est coordonné par Météo-France et
les autres partenaires sont le CERFACS et l’IPSL. Il a débuté en 2010 pour une période de 2
ans.
L’objet de DRIAS est la mise à disposition des scénarios climatiques régionalisés réalisés
dans les laboratoires français de modélisation du climat. Ses porteurs l’inscrivent résolument
dans une vision plus vaste d’un « service climatique », offrant de l’information et des services
notamment l’accès à des indicateurs plus directement utilisables – sur le changement
climatique, placé sous l’autorité inter-ministérielle de l’ONERC et en cohérence avec sa
stratégie. Ils limitent cependant précisément le périmètre de leur action. DRIAS permettra de
mettre à disposition des scénarios établis à partie de plusieurs hypothèses d'émission,
plusieurs modèles climatiques régionaux (CNRM, IPSL) et plusieurs méthodes de descente
d'échelle. Cette panoplie de produits permettra une première évaluation de l’incertitude
inhérente à l’exercice de construction de scénarios du climat. DRIAS vise à la mise en place
d’un service destiné aux utilisateurs impliqués dans des études d’impact et d’adaptation,
devant agir dans leur domaine d’expertise, ayant une capacité scientifique et technique mais
n’étant pas directement impliqués dans la recherche climatique et la modélisation du système
Terre. Cet accès doit donc être facile et engageant pour les utilisateurs multi-disciplinaires. La
définition de formats d’emploi commun permettra de s’affranchir des grilles de calcul de
chaque modèle dynamique ou statistique. Outre les accès aux données numériques brutes,
permettant quantité de traitements, des indicateurs seront mis en place, offrant immédiatement
une capacité d’analyse.
DRIAS propose un accès en ligne au travers de la Climathèque de Météo-France, service qui
offre déjà de très nombreux produits climatologiques (en particulier l’accès à l’ensemble du
patrimoine atmosphérique instrumental dont la gestion est confiée à Météo-France). Le
service d’accès Climathèque est conçu pour être « intégrable » dans un site web plus général,
qui associerait à l’accès aux scénarios climatiques d’autres produits utiles par exemple des
longues séries chronologiques de données et des informations générales et conseils sur
l’emploi des scénarios. Cette dimension d’accompagnement est essentielle et fonde le projet
scientifique. Il s’agit, fournissant l’accès aux scénarios climatiques régionalisés, d’insister sur
la formation et l’information des utilisateurs. Un panel d’utilisateurs potentiels sera associé à
chaque étape du projet. Des questions telles que celles portant sur le bon emploi de
simulations climatiques, sur les différentes sources d'incertitude, etc. doivent être décrites le
plus complètement possible. Les bonnes pratiques doivent être exposées. Outre des
informations « statiques » accompagnant la capacité de livraison de scénarios, une cellule
d'expertise composée de scientifiques du climat et pouvant accompagner les demandeurs de
données (utilisateurs multi-disciplinaires) devra donc être organisée et y être associée.
INVULNERABLE
Le projet INVULNERABLE (Vulnérabilité des installations industrielles aux changements
climatiques) a été soutenu par la FONDDRI (Fondation de Recherche pour le développement
durable et les relations internationales ). Il est coordonné par l’IPSL et les autres partenaires
sont le CERFACS et le CNRM. Il a débuté en 2007 pour une période de 3 ans. Une deuxième
phase de ce projet est soutenue par le programme GICC pour un an et a été soumise à l’ANR
CEP.
Ce projet à pour objet la valorisation à destination des industriels des données et indicateurs
d’impact du changement climatique afin de répondre à différentes questions qui intéressent
cette communauté : la vulnérabilité des installations industrielles aux risques climatiques ; les
impacts du changement climatique sur les facteurs météorologiques qui affectent directement
ou indirectement la demande de leurs produits ou services ; les impacts du changement
climatique sur les facteurs météorologiques qui affectent directement ou indirectement la
gestion de leurs installations ou de leurs productions.
La première phase du projet a permis de faire progresser le dialogue entre industriels et
climatologues. En particulier, des besoins et la possibilité d’y répondre ont pu être identifiés
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