-Toutefois le même vers souligne l’impuissance de l’homme et du poète face au temps : l’allitération
en T et l’assonance en AN du vers 3 semblent créer un martèlement qui suggère le caractère
inexorable du temps qui passe et conduit l’homme à sa fin
On notera l’apparition du lexique de la tragédie : Laforgue fait rimer de façon significative « mon
sort » et « mort ». le lexique de la mort est bien représentée dans les deux quatrains et l’on peut voir
dans les « dieux » employés au pluriel une référence à la tragédie antique dans laquelle les Dieux sont
les maîtres du destin des humains.
On pourra noter le terme « chœur » dans les tercets qui appartient à ce même lexique de la tragédie –
on y reviendra-
-le vers 5 déjà commenté allie l’adjectif « futurs » au terme « squelettes » et insiste sur le fait que
l’homme ne peut échapper à la mort quand bien même il appartient encore au monde des vivants.
La condition des êtres humains est d’autant plus tragique qu’il leur est impossible de trouver une
quelconque consolation dans un au-delà et dans la foi
- Le premier vers oppose dans les deux hémistiches : « ce monde » et « l’autre ». :. La syntaxe
très économique puisqu’elle supprime le verbe et utilise les deux points renforce la portée du
jugement exprimé dans un registre quelque peu familier : « sornettes »
- Une aspiration vers un quelconque au-delà est niée : ainsi seul le « méandre bleu » dont la
couleur prépare le « ciel » est-il voué à une logique ascendante : l’homme chez Laforgue
paraît ne pouvoir s’élever vers rien (on pourra commenter l’opposition de « vers le ciel » et
« me plonge » qui indique un mouvement inverse vers le bas)
Laforgue semble donc de façon quasi traditionnelle rappeler l’être humain à sa condition tragique,
suggérer la lutte contre un temps inéluctable comme une sorte de gesticulation vaine. De façon
attendue, il propose à sa façon une manière de « cueillir le jour » pour le coup bien plus surprenante.
3-Eloge de la cigarette : une arme pour tuer le temps.
On notera avec quelle malice Laforgue met en valeur son « arme » pour lutter contre le temps :
l’enjambement des vers 3 et 4 met bien en relation le but poursuivi « pour tuer le temps » et l’activité
choisie : « je fume (…) de fines cigarettes ». L’allitération en F, l’assonance en I suggère tout le plaisir
narquois qu’éprouve le poète à se livrer à une activité apparemment si futile.
Alors que Laforgue expédie l’évocation du monde en un demi hémistiche, on voit comment il se
plaît à l’évocation de la cigarette : la fumée bénéficie d’une métaphore qui l’associe à un « méandre
bleu » , le verbe « se tord » suggère la spirale : deux éléments qui s’opposent à la platitude évoquée
dans le premier quatrain.
Les effets de la cigarette sont exagérés… à tel point que l’on se demande évidemment de quelles
cigarettes » nous parle Laforgue ( rappelons qu’il est un fervent admirateur de Baudelaire) :
-les verbes : « me plonge » - qui contredit l’ascension de la fumée- « m’endort » suggèrent le pouvoir
quasi magique , hypnotique de conduire le poète vers un ailleurs
-ce qui résonne comme une hyperbole : « extase infinie » exprime la plénitude et la béatitude- en
rupture avec l’ennui et la lassitude du 1er quatrain- et suggère plusieurs choses : le terme « extase »
signifie une sortie de : il s’agit à la fois pour le poète de sortir du monde où il s’ennuie et peut-être
même de soi-même. L’adjectif « infinie » est essentiel car il marque l’abolition de la finitude, la