Caractériser les différences entre décollage britannique et décollage des pays
suiveurs. (ESC 1997)
La lecture dominante des années 60 (W. Rostow) conduit à nier l’existence d’une différence
significative entre décollage britannique et décollage des pays suiveurs : les processus sont
comparables, la Grande Bretagne jouant le rôle de pionnier et de modèle imité par les pays
suiveurs.
L’analyse contemporaine souligne l’existence de différences significatives dans les processus :
- différence de rythme, le décollage (« take off ») étant difficile à identifier dans certains pays (en
particulier la France)
- différence dans les énergies dominantes : au charbon anglais s’oppose l’hydraulique française
- différence dans les secteurs moteurs : au poids du textile dans l’industrialisation britannique
s’oppose la place significative de l’industrie lourde (sidérurgie, voire chimie) dans les décollages
tardifs
- différence dans l’ouverture des économies : même si elle est relativement tardive l’ouverture
commerciale britannique se distingue des logiques protectionnistes significatives aux Etats-Unis
mais aussi en Allemagne et au Japon
- différence dans le rôle de l’Etat : si le rôle de l’Etat reste limité (mais non absent) en Angleterre
il est beaucoup plus décisif au Japon, et, dans une moindre mesure en Allemagne et en France.
- d’autres différences peuvent être identifiées : mode de financement, articulation agriculture –
industrie, monde urbain et monde rural, …
La question des voies d’industrialisation au 19ème siècle devient alors beaucoup plus complexe :
si pour certains (A. Gershenkron) le décollage des pays suiveurs s’effectue selon un modèle
spécifique, pour d’autres c’est sur la diversité des voies nationales qu’il faut insister et remettre
en cause la notion même de modèle.
La question de l’état stationnaire dans la pensée économique du XIXème siècle.
(ESC 2006)
La question de l’état stationnaire dans la pensée économique du 19ème siècle est
fondamentalement liée à David Ricardo (1817).
Le processus identifié est simple : la dynamique démographique conduit à la mise en valeur de
terres moins productives (logique des rendements décroissants – Turgot en 1759). Le prix des
céréales se fixe sur les coûts de production des terres les moins productives (valeur travail) ce
qui entraîne une hausse du prix et l’accroissement de la rente (différence entre prix de vente et
coûts de production des céréales) perçue par les propriétaires des terres les plus productives. La
hausse du prix des céréales entraîne également une hausse du salaire (salaire de subsistance).
La part des profits dans le revenu global se réduit alors jusqu’à devenir insuffisante pour assurer
l’accumulation du capital et la croissance. On débouche alors sur l’état stationnaire. John Stuart
Mill (1848) reprend l’analyse de Ricardo mais considère que l’état stationnaire n’est pas
forcément quelque chose de négatif.
La crainte exprimée par Ricardo se retrouve sous des formes différentes chez Malthus
(croissance démographique incompatible avec celle des ressources alimentaires) mais aussi,
dans une logique différente, chez Karl Marx (tensions internes au capitalisme débouchent sur
des crises de suraccumulation de plus en plus profondes).
Ricardo propose cependant des moyens de sortir de l’état stationnaire : l’abolition des lois sur
les céréales qui doit permettre en baissant le prix des grains sur le sol anglais de réduire la rente
et les salaires, donc de favoriser l’accumulation. De manière plus fondamentale, les gains de
productivité doivent permettre la pérennité de la croissance, ce qui se vérifiera historiquement
avec l’impact de la révolution agricole.
Si le pessimisme autour du risque d’état stationnaire est présent au 19ème siècle, d’autres auteurs
ont une vision plus positive des perspectives de croissance (Smith et Say).