EGALITE HOMMES-FEMMES
La femme dans l’islam : une déesse
opprimée
mardi 6 mai 2008, par Radu Stoenescu
Malgré la loi sur les « signes religieux ostentatoires », le débat autour du voile islamique est
toujours d’actualité, et le restera sans doute aussi longtemps que l’islam existera. Dans cet
article, je vais essayer d’exposer brièvement les raisons profondes de la pérennité de ce débat,
et les enjeux colossaux qu’il recouvre. Mon analyse n’a rien d’orignal, elle s’appuie sur le
travail de Fethi Benslama, La psychanalyse à l’épreuve de l’islam. (1) Le débat sur le voile
cristallise toutes les oppositions irréductibles entre la civilisation musulmane et le monde
moderne, bâti sur le double héritage judéo-chrétien et gréco-romain, réinterprété par les
Lumières.
Ce qui est en jeu dans le voilement des femmes, c’est à la fois la conception du désir, et la
définition de la responsabilité, tout comme le problème de l’origine de la violence, et donc
aussi de la paix entre les hommes. Par ailleurs, pour les musulmans, ce qui se joue là, c’est
aussi le salut de leur âme. Je tiens à mentionner ce dernier aspect parce qu’autrement, on ne
comprend pas l’ampleur des passions qui se déchaînent autour de ce sujet.
Dans l’islam, le voile est pensé comme la solution à un problème anthropologique
fondamental : le désir humain. Il faut remonter aux sources de l’injonction musulmane de
voiler les femmes pour le comprendre. Voici « la scène originaire » qui est à l’origine de ce
précepte, telle que la décrit Fethi Benslama : « Un jour, en entrant sans permission et sans
avertissement dans la maison de son fils adoptif Zayd (2), le prophète surprend l’épouse de ce
dernier en tenue légère. Il est troublé et captivé par la vue de cette femme dont on dit qu’elle
fut très belle.
Devançant le désir du prophète et le dessein de Dieu, Zayd divorce de sa femme, laquelle
interpelle aussitôt le prophète, vivant dans la crainte et le tourment de son désir : et
maintenant ? Alors, non seulement Dieu autorise leur mariage mais il le fait célébrer par les
anges. Il n’en fallait pas moins pour affronter le trouble et obtenir la légitimation. Ce cas
unique d’une célébration céleste sera cependant la dernière noce du prophète. Dans le
mouvement même par lequel la sourate (« Les factions », XXX, 3) lui fait don de la femme de
l’autre, elle lui interdit d’en prendre d’autres : « Il n’est point licite à toi de prendre encore
d’autres femmes (…) fusses-tu ravi par leur beauté. » (V,52). Simultanément, l’adoption
comme pratique antéislamique est interdite. Zayd n’était pas le fils de Muhammad :
« Muhammad n’est le père de nul de vos mâles. » (V, 42).
Ayant écarté tout grief incestueux contre le prophète par cette manœuvre généalogique, la loi
s’attaque alors à la racine du risque et généralise la restriction du voile : « Ô prophète, dis à
tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de serrer sur elles leurs voiles. Cela sera le
plus simple moyen qu’elles soient reconnues et qu’elles ne soient point offensées. » (V, 59)
On pourrait récapituler tout l’enjeu du voile comme structure à travers ces deux fragments
coraniques : « fusses-tu ravi par leur beauté » et « serrer sur elles leurs voiles ». Dans la
mesure où les femmes ravissent les hommes jusqu’à les mener à risquer la transgression de
l’inceste, l’interdit du voile trouve sa raison dans la menace que fait courir l’extrémité du
désir humain sur l’ordre social. »
Dans cette vision, le voile n’est pas un « signe religieux ostentatoire », c’est au contraire la
dissimulation du corps de la femme en tant que celui-ci est en lui-même une source de
fascination, un signe (anti)religieux ostentatoire. Lorsque les musulmans revendiquent le fait
de respecter la femme parce qu’ils la voilent, il faut comprendre qu’ils voient dans la
dissimulation de son corps la reconnaissance même d’un pouvoir quasi divin de la femme en
tant que corps. Cela est corroboré par une autre histoire fondamentale de l’islam, le moment
où Mahomet reçoit pour la première fois « le message divin ». Ne sachant pas si l’être
surnaturel qu’il voit est un ange ou un démon, il se confie à sa première femme, Khadija.
Celle-ci soumet alors l’être surnaturel à un test : elle se dévoile, et demande à Mahomet « Est-
ce que tu le vois toujours ? » Mahomet répond par la négative. Alors Khadija lui dit
« Réjouis-toi, ce n’est pas un démon, mais un ange. » (4) D’après ce récit, on voit que la
femme est considérée dans l’islam comme douée d’un pouvoir sacré : à la vue de sa tête
dénudée, les anges s’enfuient. C’est à travers cette démonstration par l’absurde que Khadija
rassure Mahomet du caractère divin de l’apparition qui lui révèle le Coran.
Ces deux scènes sont absolument capitales pour comprendre le statut de la femme en islam.
Elle n’est pas l’égale de l’homme, elle lui est métaphysiquement supérieure, puisqu’elle peut
agir sur un être surnaturel, et c’est pour cette raison même qu’il faut domestiquer son pouvoir,
et la dissimuler sous un voile. C’est cette structure mythique fondamentale qui se heurte de
front à notre modernité. La dénoncer comme archaïque ne fera pas avancer le débat.
Les significations de ces scènes mythiques sont multiples. Ce que l’on peut noter, c’est que
l’on a à faire à un thème anthropologique fondamental, que l’on retrouve aussi dans la
civilisation occidentale : le rôle du regard dans la genèse du désir. Dans les Evangiles par
exemple, se pose le même problème de la fascination, et de l’origine du désir à travers le
regard. « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras point d’adultère. Mais moi, je
vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec
elle dans son coeur. Si ton oeil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le
loin de toi ; car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse, et que ton corps
entier ne soit pas jeté dans la géhenne. » (5)
Alors que les Evangiles mettent en avant la responsabilité de celui qui regarde, pour lui
enjoindre d’arracher son œil si celui-ci le pousse à la convoitise, l’islam opte pour la
responsabilité de celle qui se montre à l’œil concupiscent. Cela peut sembler tout aussi
rationnel. L’essentiel, dans ces deux textes religieux, c’est d’éviter la déflagration désirante
issue de la rencontre entre l’œil et le corps. Tout deux résolvent le problème d’une manière
extrême, parce que le danger est extrême. Pour toutes les civilisations, la maîtrise du désir est
capital, comme l’a montré Freud dans Le malaise dans la culture. L’exacerbation des désirs
engendre toujours la rivalité, la guerre, la mort et la destruction. C’est un lieu commun de
toutes les cultures. L’islam, par la dissimulation du corps de la femme, veut résoudre
radicalement ce problème du désir, en empêchant son apparition.
La solution musulmane au problème anthropologique du désir, engendre cependant un
problème différent : par le voilement du corps ostentatoire de la femme, on élimine
complètement la responsabilité individuelle, à la fois du côté de la femme et du celui de
l’homme. L’homme n’est pas considéré responsable de sa concupiscence, et la femme n’est
pas considérée comme douée d’un désir indépendant. On est en présence d’un simple
mécanisme : sans voile, la femme attire et l’homme est attiré ; avec un voile, plus de
convoitise, ni de risque d’agression. C’est ce simplisme qui séduit dans l’islam. Il n’y a plus
de culpabilité telle qu’on a pu la connaître dans le monde judéo-chrétien, pour des « péchés en
pensée », il y a juste un dysfonctionnement du mécanisme : il n’y a pas de voile, c’est-à-dire
qu’il n’y a pas de guillotine pour trancher net la fascination naturelle que le corps exerce sur
l’œil.
Cette conception a des conséquences explosives. Elle est synonyme de la disparition de la
honte, et corollairement de la liberté. L’éducation telle que nous la connaissons dans le monde
occidental, est basée sur l’exact opposé de cette vision mécaniste : c’est l’individu qui est
considéré responsable de ses pulsions et de ses désirs, non pas l’objet. On peut et on doit
résister à ses désirs, lorsque l’on n’y arrive pas, on a honte. Quelqu’un qui se considère pris
dans un mécanisme fatal de fascination, ne peut pas avoir honte lorsqu’il y succombe, et se
considère comme dépourvu de la liberté psychique fondamentale de réprimer et de refouler
ses désirs.
Je sais que l’on a beaucoup glosé en Occident sur le refoulement et sur la répression des désirs
engendrée par la morale judéo-chrétienne. Nietzsche en a décortiqué brillamment les
conséquences, à savoir ce qu’il appelle la « morale du ressentiment ». Cependant, à regarder
le désir en face, il n’y a que deux options : le ressentiment ou l’affirmation violente et
éhontée. La première option est synonyme de liberté individuelle par rapport au désir, la
seconde est abandon au mécanisme du désir. La civilisation moderne a choisi de laisser le
champ libre au désir, pour le meilleur et pour le pire, en faisant le pari d’éduquer les sujets
désirants. L’islam penche pour la seconde option, en l’amendant avec la dissimulation des
objets du désir.
Posé en ces termes, la rencontre entre l’Occident et l’islam est un choc symbolique d’une
violence inouïe. Tout ce que l’Occident a construit sur la base du refoulement et la
sublimation, à savoir la culture humaniste et l’éducation moderne, est inutile pour l’islam. Ce
n’est pas étonnant que le seul savoir qu’importent les pays musulmans est le savoir
technique : la littérature et les beaux arts, lieux par excellence du refoulement et de la
sublimation, ne peut pas les intéresser. Plus encore, ces œuvres sont pour l’islam une mise en
scène du désir humain non jugulé par le voile, et comme tels, dangereux. Ayaan Hirsi Ali
raconte dans son autobiographie que la première fenêtre par laquelle elle a entrevu la liberté
désirante de l’Occident, c’était les romans de la… Bibliothèque Rose : « Comme beaucoup de
filles de ma classe, je lisais des romans ces histoires à l’eau de rose – tout en sachant que
cela aussi, c’était résister à l’islam de la façon la plus basique qui soit. En me consacrant à ces
lectures, je m’autorisais la première chose qu’une musulmane doit s’interdire : ressentir du
désir en dehors du mariage. Une musulmane n’a pas le droit de se sentir libre, ni de se laisser
emporter par la passion, ni d’éprouver tout ce que j’éprouvais en lisant ces romans. » (6)
Je crois que c’est dans cette divergence fondamentale sur le traitement du désir qu’il faut
chercher les raisons de l’échec de l’école française à intégrer un certain nombre d’enfants de
culture musulmane. Les principes anthropologiques de notre modèle d’éducation sont opposés
à la vision coranique. S’il y a tant de « sauvageons », ce n’est pas parce que les parents
auraient démissionné de leur rôle éducatif, c’est parce que l’islam, d’après l’exemple même
de Mahomet, est une démission avouée de l’individu devant ses pulsions, compensée
partiellement par une domestication violente des principaux objets du désir, les femmes.
Mahomet, en tant que modèle par excellence du musulman, donne un exemple de faiblesse
morale extrême : comment ses fidèles pourraient-ils vouloir mieux faire ?
La femme en islam, c’est une déesse irrésistible, et c’est comme telle qu’elle est opprimée.
D’autre part, l’homme est postulé comme fondamentalement faible, c’est pourquoi il croit
devoir se défendre des charmes de la femme, avec toute la rigueur nécessaire. Psychiquement,
cela peut être une configuration confortable, car les deux sexes se voient ainsi allégés du
fardeau de la liberté : seul le désir est responsable et coupable. Le voile, c’est la vaine
tentative de destruction du désir, sans cesse recommencée, pour le malheur conjoint.
Paradoxalement, pour relever concrètement les femmes musulmanes, il faudrait les rabaisser
dans l’esprit des hommes musulmans. Ce sont eux qui devraient être rassurés quant à leur
pouvoir de résister aux charmes indéniables du beau sexe. Si la peur des hommes musulmans
devant les attraits des femmes diminuait, celles-ci pourraient gagner en liberté concrète ce
qu’elle perdraient par ailleurs en statut mythique. Mais d’ici là, il ne fait aucun doute, avec
Nietzsche, qu’ « il faut défendre les forts contre les faibles » !
Radu Stoenescu
www.philo-conseil.fr
(1) Ed. Aubier, Paris, 2002 (2) Tabarî, Muhammad sceau des prophètes, Paris, Ed. Sinbad, p.
237-242. (3) La psychanalyse à l’épreuve de l’islam, p.210-211. (4) Idem, p.206. (5)
L’evangile selon Matthieu, 5. 27-29 (6) Ma vie rebelle, Nil Editions, Paris, 2006, p. 144
http://www.ripostelaique.com/La-femme-dans-l-islam-une-deesse.html
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