SAVES
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algérien. Jusqu'à la fin des années 60, les éleveurs musulmans dominaient les maquis où les
chrétiens étaient minoritaires. Le FLÉ avait attaqué des villages chrétiens et publié une carte de
l'Érythrée, partie intégrante du monde arabe.
Un renfort, cependant, parvint d'intellectuels chrétiens urbains, déçus par l'université d'Addis-
Abeba et marqués par le marxisme. Le FLÉ, au contact des pays arabes progressistes , se
rapprocha des États socialistes au fur et à mesure que l'Éthiopie apparaissait comme l'alliée
d'Israël et des États-Unis. De même que le conflit palestinien, le conflit érythréen devint un
conflit périphérique de la guerre froide. Des étudiants furent envoyés en Chine où ils reçurent un
entraînement à l'action armée ; ils en revinrent, auréolés d'un grand prestige et persuadés que le
FLÉ, en s'enfermant dans une logique exclusivement arabo-musulmane, compromettait la lutte.
En 1969, ils provoquèrent la scission de leurs zones à l'annonce du massacre de trois cents
ouvriers agricoles chrétiens des plantations du Barka ; des exilés chrétiens se rendirent à
l'ambassade éthiopienne de Khartoum en signe de protestation.
La brutalité de la répression de l'armée éthiopienne, après l'assassinat d'un général (1970), puis
après l'attaque du chemin de fer, des routes et des avions d'Ethiopian Airlines, fit affluer de
jeunes recrues venues des hauts plateaux tegréens. Les chefs historiques du FLÉ ne voulurent pas
partager le pouvoir avec ces jeunes radicaux qui, las d'être écartés des responsabilités,
rejoignirent en 1972, à Beyrouth, les Forces populaires de libération (FPL) fondées l'année
précédente à Damas par des exilés et des contestataires du FLÉ. Le FLÉ et le FLÉ-FPL
s'affrontèrent pour le contrôle de la région d'Asmära jusqu'en 1974 en dépit des efforts des
commanditaires arabes (Syrie, Libye, Yémen du Sud, Arabie Saoudite). Le FLÉ-FPL s'établit
fortement au nord-ouest d'où il recevait des armes par Port Sudan. Le FLÉ se replia sur les
basses terres de l'ouest où il était né.
En 1974, les mutineries, annonciatrices de la révolution éthiopienne, éclatèrent dans l'armée et
dans la marine éthiopiennes à Massawa et à Asmära, alors que les fronts érythréens se battaient
encore entre eux, jusqu'à ce qu'une démarche massive des habitants d'Asmära aboutît au cessez-
le-feu. Les contacts avec le général éthiopien Aman Mikaél Amdon, originaire d'Érythrée, chef
de l'État après la déposition du négus, auraient pu conduire à une solution négociée, mais ils
révélèrent l'étendue des divergences entre indépendantistes et militaires, autonomistes tout au
plus. L'élimination, à Addis-Abeba, d'Aman Mikaél et l'envoi de l'ex-garde impériale en Érythrée
provoquèrent, début 1975, l'assaut préventif des fronts contre Asmära repris par l'armée
éthiopienne après deux mois de furieux combats. Une répression d'une violence inouïe s'abattit
sur la ville. Les soldats et les fonctionnaires d'origine érythréenne désertèrent en masse.
1.4 La révolution érythréenne : le FPLÉ
Les civils marxistes ralliés au Därg, partisans d'une large autonomie, reprirent contact avec les
fronts érythréens. Le FLÉ-FPL devint en 1977 le Front populaire de libération de l'Érythrée
(FPLÉ). Le FLÉ, de son côté, se livra à une purge massive de ses cadres musulmans. Menacé par
la Marche rouge organisée par le Därg en 1976, le FPLÉ favorisa la naissance du Front populaire
de libération du Tegré (FPLT), issu d'une scission révolutionnaire parmi les Tegréens soulevés
contre Addis-Abeba. Profitant de la terreur rouge qui sévissait dans la capitale, les fronts , réunis
par un commandement politique suprême (Khartoum), prirent, en 1977-1978, le contrôle de
vastes territoires qu'ils commencèrent à administrer tout en se préparant à l'assaut contre les