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DOSSIER:
I. L’Erythrée
Ce nouvel État du nord-est de l'Afrique regroupe une mosaïque de populations, les unes
chrétiennes, les autres musulmanes. Ce territoire, qui fut de 1952 à 1993 la façade de
l'Éthiopie sur la mer Rouge, est devenu un État indépendant en mai 1993, après une longue et
complexe guerre de libération.
1.1 Introduction
Les frontières sont celles de la colonie italienne d'Érythrée (du nom de mer Érythrée que les
Grecs de l'Antiquité donnaient à la mer Rouge) fixées par le traité italo-éthiopien de 1897.
Frange côtière large de 400 km vers le nord-ouest qui se réduit à 80 km vers les frontières avec
Djibouti, l'Érythrée comprend le long de la mer Rouge une plaine côtière aride qui est le domaine
traditionnel de groupes pastoraux musulmans. Cette plaine est dominée dans la partie centrale
par un ensemble de plateaux plus arrosés se trouvent la capitale Asmära et la majeure partie
de la population : des cultivateurs principalement chrétiens qui parlent le tegreñña. Cette langue
est surtout celle de la province éthiopienne voisine, le Tegré ¨ qui fut longtemps le coeur du
royaume d'Éthiopie. Durant des siècles, l'Érythrée fut le débouché de ce royaume sur la mer
Rouge, mais l'empereur Ménélik II (Menilek II) la céda en 1897 aux Italiens pour affaiblir les
prétentions des Tegréens au trône d'Éthiopie.
Devenue la base de départ des Italiens pour la conquête de l'Éthiopie (1936), l'Érythrée bénéficia
de travaux d'infrastructure, tel l'équipement du port de Massawa (au large duquel se trouve
l'archipel des îles Dahlak) et du réseau routier. Les Italiens recrutèrent dans la population
indigène de nombreux auxiliaires, notamment des soldats, les askaris, qui participèrent
activement à la guerre contre les Éthiopiens et à la colonisation de l'Éthiopie. En 1941, les
Britanniques mirent fin à la domination italienne ; ils occupèrent l'Érythrée jusqu'en 1952.
Pentant cette période, le destin de ce territoire fut débattu : devait-il être rattaché à l'Éthiopie, ou
bien constituer un nouvel État indépendant ? Sur cette question, les diverses populations étaient
fort divisées, et les Anglais les laissèrent s'exprimer en autorisant les partis politiques, les
syndicats et de nombreux journaux qui retentirent des débats entre les partisans respectifs de
l'union avec l'Éthiopie, du maintien des liens avec l'Italie, du partage entre le Soudan et
l'Éthiopie, et de l'indépendance. L'Église orthodoxe éthiopienne, qui avait été privée de ses
revenus par les Italiens, prônait l'union. Les minoritaires catholiques et protestants tantôt se
rallièrent à l'union, tantôt s'y opposèrent. La Ligue musulmane, fondée en 1946, se divisa, et une
Ligue musulmane de l'Érythrée-Ouest (LMÉO) se rallia à l'union. Si des musulmans demeuraient
indépendantistes, la montée de la violence politique provoqua un retournement de l'opinion en
faveur de l'ordre, fût-il éthiopien.
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D'autres clivages jouèrent, activés par le démantèlement de l'Afrique-Orientale italienne : il y
avait trop de fonctionnaires pour un territoire qui ne représentait même pas le dixième de la
population de l'Impèro ; le marché s'étant réduit, les entreprises avaient trop d'employés. Les
entrepreneurs italiens, les cadres administratifs, le plus souvent chrétiens, mieux instruits, les
marchands et les transporteurs espéraient beaucoup de l'union à l'Éthiopie alors que la
bourgeoisie musulmane gonflait la diaspora érythréenne des pays arabes.
Démobilisés et licenciés rejoignirent les paysans sans terre, devenus sefta (bandits), qui
rançonnaient les fermiers italiens. Les éleveurs des basses terres refusèrent de payer les
redevances aux chefs de faction, les maîtres du sol. Chassés du Soudan par la sécheresse, les
Beni Amer, nomades, entrèrent de force en Érythrée comme le faisaient les sefta réfugiés au
Tegré et protégés par l'Éthiopie pour semer le désordre en Érythrée.
1.2 La fédération (1952-1962) et ses déceptions
L'Assemblée nérale de l'Organisation des Nations unies (ONU), en dépit de l'opposition des
États arabes, décida en septembre 1952 que l'Érythrée serait fédérée à la couronne éthiopienne,
mais avec des institutions démocratiques : une Assemblée élue au suffrage universel désignant le
chef de l'exécutif, des partis politiques et des syndicats libres. Le tegreñña et l'arabe devenaient
langues officielles, au grand dépit des Éthiopiens partisans de l'amharique.
L'empereur Hailé Sélassié ne pouvait tolérer une telle entorse à son despotisme. Une base des
États-Unis, l'armée éthiopienne et le représentant du négus s'installèrent à Asmära. Jouant des
ambitions des politiciens érythréens, les Éthiopiens provoquèrent en 1955 un renversement de
majorité à l'Assemblée la même année qui entérina l'interdiction des partis et des réunions
politiques, puis l'abandon du drapeau érythréen (1958), l'adoption des lois éthiopiennes,
l'obligation d'employer l'amharique, et, en fin de compte, la réunion à l'empire en 1962.
Les Érythréens s'étaient rétablis dans toutes les villes d'Éthiopie dans le commerce et dans le
transport routier, où l'italien était devenu lingua franca. Pour les industries érythréennes, le
marché éthiopien était une aubaine. L'achèvement de la route le reliant à Addis-Abeba et la
construction d'une raffinerie de pétrole décuplèrent le trafic du port d'Asäb et favorisèrent le
développement économique de l'Érythrée. Mais les Érythréens éduqués rencontraient dans
l'administration la concurrence des Amhara ou des amharisés. L'examen d'amharique d'entrée à
l'université d'Addis-Abeba détournait les étudiants musulmans érythréens vers les pays arabes
voisins.
1.3 La rivalité des fronts de libération
La répression de la grève générale déclenchée par les syndicats érythréens en 1958 fut le signal
pour un petit groupe d'exilés musulmans qui fonda à Port Soudan le Mouvement de libération de
l'Érythrée (MLÉ) en liaison avec les Érythréens du Caire. La première étape de la lutte pour
l'indépendance se déroula dans les basses terres occidentales. Des Beni Amer, anciens sefta, ex-
askaris (supplétifs indigènes recrutés par les Italiens) et ex-cadres de l'armée soudanaise, s'en
prirent à des postes éthiopiens en 1961-1962 et subirent de lourdes pertes.
Le Ms'effaça devant le Front de libération de l'Érythrée (FLÉ) fondé en 1962 par les exilés
érythréens du Caire et de Damas, qui prirent pour modèle le Front de liration nationale (FLN)
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algérien. Jusqu'à la fin des années 60, les éleveurs musulmans dominaient les maquis les
chrétiens étaient minoritaires. Le FLÉ avait attaqdes villages chrétiens et publié une carte de
l'Érythrée, partie intégrante du monde arabe.
Un renfort, cependant, parvint d'intellectuels chrétiens urbains, déçus par l'université d'Addis-
Abeba et marqués par le marxisme. Le FLÉ, au contact des pays arabes progressistes , se
rapprocha des États socialistes au fur et à mesure que l'Éthiopie apparaissait comme l'alliée
d'Israël et des États-Unis. De même que le conflit palestinien, le conflit érythréen devint un
conflit périphérique de la guerre froide. Des étudiants furent envos en Chine ils reçurent un
entraînement à l'action armée ; ils en revinrent, auréolés d'un grand prestige et persuadés que le
FLÉ, en s'enfermant dans une logique exclusivement arabo-musulmane, compromettait la lutte.
En 1969, ils provoquèrent la scission de leurs zones à l'annonce du massacre de trois cents
ouvriers agricoles chrétiens des plantations du Barka ; des exilés chrétiens se rendirent à
l'ambassade éthiopienne de Khartoum en signe de protestation.
La brutalité de la répression de l'armée éthiopienne, après l'assassinat d'un général (1970), puis
après l'attaque du chemin de fer, des routes et des avions d'Ethiopian Airlines, fit affluer de
jeunes recrues venues des hauts plateaux tegréens. Les chefs historiques du FLÉ ne voulurent pas
partager le pouvoir avec ces jeunes radicaux qui, las d'être écartés des responsabilités,
rejoignirent en 1972, à Beyrouth, les Forces populaires de libération (FPL) fondées l'année
précédente à Damas par des exilés et des contestataires du FLÉ. Le FLÉ et le FLÉ-FPL
s'affrontèrent pour le contrôle de la gion d'Asmära jusqu'en 1974 en dépit des efforts des
commanditaires arabes (Syrie, Libye, Yémen du Sud, Arabie Saoudite). Le FLÉ-FPL s'établit
fortement au nord-ouest d'où il recevait des armes par Port Sudan. Le FLÉ se replia sur les
basses terres de l'ouest où il était né.
En 1974, les mutineries, annonciatrices de la révolution éthiopienne, éclatèrent dans l'armée et
dans la marine éthiopiennes à Massawa et à Asmära, alors que les fronts érythréens se battaient
encore entre eux, jusqu'à ce qu'une démarche massive des habitants d'Asmära aboutît au cessez-
le-feu. Les contacts avec le général éthiopien Aman Mikaél Amdon, originaire d'Érythrée, chef
de l'État après la déposition du négus, auraient pu conduire à une solution négociée, mais ils
révélèrent l'étendue des divergences entre indépendantistes et militaires, autonomistes tout au
plus. L'élimination, à Addis-Abeba, d'Aman Mikaél et l'envoi de l'ex-garde impériale en Érythrée
provoquèrent, début 1975, l'assaut préventif des fronts contre Asmära repris par l'armée
éthiopienne après deux mois de furieux combats. Une répression d'une violence inouïe s'abattit
sur la ville. Les soldats et les fonctionnaires d'origine érythréenne désertèrent en masse.
1.4 La révolution érythréenne : le FPLÉ
Les civils marxistes ralliés au Därg, partisans d'une large autonomie, reprirent contact avec les
fronts érythréens. Le FLÉ-FPL devint en 1977 le Front populaire de libération de l'Érythrée
(FPLÉ). Le FLÉ, de son côté, se livra à une purge massive de ses cadres musulmans. Menacé par
la Marche rouge organisée par le Därg en 1976, le FPLÉ favorisa la naissance du Front populaire
de libération du Tegré (FPLT), issu d'une scission révolutionnaire parmi les Tegréens soulevés
contre Addis-Abeba. Profitant de la terreur rouge qui sévissait dans la capitale, les fronts , réunis
par un commandement politique suprême (Khartoum), prirent, en 1977-1978, le contrôle de
vastes territoires qu'ils commencèrent à administrer tout en se préparant à l'assaut contre les
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grandes villes, tandis que Soviétiques et Allemands de l'Est tentaient vainement de réconcilier les
dirigeants éthiopiens et érythréens qui se réclamaient, les uns et les autres, plus ou moins du
marxisme.
L'armée éthiopienne, forte de la victoire remportée en Ogadén ¨ ainsi que de l'armement et des
instructeurs soviétiques, reprit la plupart des gions libérées en 1979-1980. Cubains et
Soviétiques n'intervinrent pas directement, sauf à Massawa, bombardée par la flotte soviétique,
en échange de facilités aux îles Dahlak, au large du port. Les trois quarts des maquis musulmans
du FLÉ, basés à l'ouest en terrain découvert, furent éliminés ou s'enfuirent au Soudan avec un
très gros flot de réfugiés. Les forces du FPLÉ s'étaient retranchées dans leurs sanctuaires de
Neqfa et de Qarora, adossés à la frontière soudanaise et reliés par des pistes à Port Sudan. Ces
forteresses enterrées qui abritaient des écoles, des hôpitaux et des ateliers résistèrent aux
offensives aéroterrestres de l'armée éthiopienne. Le FPLÉ, marxiste, recueillait les bénéfices d'un
effort intransigeant d'éducation et d'encadrement de la population dans les régions libérées :
promotion des femmes, partage des terres, remise en marche des entreprises et des services
publics.
En 1981, le FPLÉ et le FPLT, également marxiste, attaquèrent les derniers maquis du FLÉ, qui
furent contraints de gagner les camps de fugiés au Soudan le FPLÉ les élimina
physiquement. Certes, le FPLÉ agissait comme un État dans l'État dans la province soudanaise
de Kassala, mais le Soudan se montrait conciliant car les Érythréens représentaient un moyen de
pression sur l'Éthiopie, sanctuaire des rebelles du Soudan du Sud. Moins dépendant des pays
arabes pour l'armement que le FLÉ, le FPLÉ, tempérant ses références au marxisme, mobilisa les
fonds de la diaspora érythréenne, laquelle sut populariser la plus vieille guerre d'Afrique auprès
des grands médias occidentaux et exploiter le discrédit qui frappa Mängestu Haylä Maryam, jugé
responsable de la famine et des déplacements forcés de la population. Par des attaques de
convois de vivres coordonnées avec le FPLT, le FPLÉ se posa en interlocuteur obligé des
organisations internationales d'aide et des organisations non gouvernementales (ONG) qui
désiraient toucher les populations. Il abandonna ses références marxistes alors que le FPLT les
durcissait et que Mängestu, avec le soutien des États communistes, proclamait en 1987 la
République démocratique populaire d'Éthiopie.
1.5 La victoire et l'indépendance (1988-1991)
L'Érythrée devint, en 1987, l'une des cinq régions autonomes éthiopiennes. Elle élisait un
parlement (sängo) régional qui disposait de plus de pouvoirs que les autres sängo régionaux. La
province d'Asäb, qui avait été détachée de l'Érythrée dès 1984, fut réunie à une région autonome
des Afar. Rejetée par le FPLÉ, cette autonomie rallia quelques notables du FLÉ qui demandèrent
un partage entre basses terres musulmanes et hautes terres chrétiennes.
En mars 1988, les troupes du FPLÉ battirent l'armée éthiopienne à Af Abed ; en mai, la contre-
offensive éthiopienne se transforma en déroute. Les Éthiopiens perdirent du matériel lourd et des
milliers d'hommes et se replièrent sur les grandes villes, sormais uniquement ravitaillées par
avion car le Tegré était tombé entre les mains du FPLÉ. L'Union soviétique, depuis 1986,
pressait Mengistu d'assouplir ses positions et lui conseillait une négociation qu'il refusa
longtemps en dépit de la lassitude et des tentatives de bellion de son armée. De son côté, le
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leader érythréen Issayas Afäwårqi (l'actuel président de l'Érythrée) faisait connaître à l'Occident
la modération du FPLÉ et l'abandon de toute référence au marxisme.
En mars 1990, Massawa tombait. En mai 1991, la capitale Asmära se rendit, alors que la
conférence internationale de Londres, organisée par le secrétaire d'État adjoint des États-Unis,
signifiait aux Éthiopiens, débarrassés de Mengistu, qu'ils devaient remettre le pouvoir au FPLT à
Addis-Abeba et au FPLÉ à Asmära, à charge pour les deux fronts d'organiser un référendum sur
l'indépendance. Les milices afar, qui avaient défendu Asäb jusqu'en mai 1991, passèrent en force
à Djibouti où elles alimentèrent le mouvement de rébellion contre Hassan Gouled Haptidon.
Par le référendum du 24 avril 1993 organisé sous le contrôle de l'ONU, les Érythréens ratifièrent
l'indépendance à la quasi-unanimité. Le gouvernement éthiopien, dirigé par le FPLT, l'allié du
FPLÉ (devenu le Parti démocratique pour la justice et la liberté), reconnut le nouvel État trois
semaines avant la proclamation officielle du 24 mai.
Avec l'apaisement du conflit à Djibouti, l'Érythrée peut perdre son rôle de principal débouché de
l'Éthiopie sur la mer. Les expulsions d'Éthiopiens, qui avaient fait souche en Érythrée ou qui
travaillaient à Asäb, ont créé un malaise, d'autant que les Érythréens sont admis sans passeport
en Éthiopie. Un compromis est intervenu à propos de l'utilisation d'Asäb : même s'il est onéreux
pour l'Éthiopie, il procure à l'Érythrée les moyens d'entretenir le port. Les deux économies sont
complémentaires et, pour le moment, le nouvel État utilise la monnaie éthiopienne, le berr. Il a
maintenu, malgré leur mécontentement, les combattants sous les armes. Il les emploie contre de
la nourriture à la réfection des infrastructures. Les deux États, dirigés par des Tegréens chrétiens,
ex-marxistes, répriment ensemble les Afar et les fronts islamiques. Ils se sont rapprochés quand
l'Érythrée a rompu ses relations diplomatiques avec le Soudan après de nombreux incidents de
frontières.
Bron: www.home.ch/˜spaw3754/
II. L’Ethiopie
Les Éthiopiens, témoins des conflits nationaux exacerbés depuis la chute du régime marxiste
de Mengistu Hailé Mariam (Mängestu Haylä Maryam) en mai 1991, les interprètent comme
une nouvelle résurgence d'oppositions qui remontent à la formation de la Grande Éthiopie du
XIXe siècle, aux migrations oromo du XVIe siècle et au glissement du nord vers le sud de
l'épicentre politique depuis l'antique royaume d'Aksum (1000 avant JC) au Tegré et aux pays
des Amhara du XIIIe au XVIIIe siècle jusqu Addis-Abeba née au XIXe siècle en pays
oromo.
2.1 Introduction
On oppose Éthiopie et Abyssinie, en réservant la première appellation à l'empire de Ménélik II
(Menilek II) agrandi des provinces conquises au sud et la seconde à l'antique coeur chrétien et
sémitique du Nord. Or, en grec Æthiopia désigne la contrée que les langues sémitiques nomment
Habes.
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