Association Toxicologie CNAM Juillet 2003 3
SPECIATION ET TOXICITE DES ELEMENTS MINERAUX
Dans le cadre de l'évaluation du risque sanitaire imposée par les études réglementaires, certains métaux,
notamment les métaux lourds, mais également les métaliffides, maintenant dénommés non-métaux, présentant
des caractéristiques physicochimiques proches de celles des métaux sont souvent recherchés en priorité du fait de
leur potentiel toxique. Le concept de spéciation, grâce à l'évolution des techniques d'analyse, s'est imposé en
toxicologie, écotoxicologie et toxicochimie. Son utilisation est appelée à se développer dans toutes les activités
susceptibles d'avoir un impact sur la santé des populations et les écosystèmes.
En quoi consiste la Spéciation ?
Les métaux existent sous leur forme élémentaire dite métallique ou sous forme de dérivés tels les sels, les
oxydes ou les sulfures lorsqu'ils sont combinés avec certains éléments non métalliques. Par un processus
d'oxydation, le métal est transformé en cation (ion positif) et se combine avec un anion (ion négatif). Exemple :
attaque du mercure métallique (Hg) par du soufre (S) pour donner du sulfure de mercure (HgS). Beaucoup de
sels sont solubles dans l'eau et c'est souvent sous cette forme que les métaux contaminent l'environnement et se
retrouvent, en final, dans l'alimentation. Les métaux peuvent également se combiner avec des molécules
organiques, c'est à dire contenant du carbone (carbone lié à lui-même et/ou à de l'hydrogène comme dans les
hydrocarbures) pour donner parfois des composés très toxiques, tels les dérivés du mercure ou du plomb.
Les mécanismes d'action d'un élément minéral ou organominéral sur un organisme vivant ou un écosystème sont
liés à sa spéciation, c'est à dire aux formes chimiques sous lesquelles il est présent et qui sont fonction des
propriétés physicochimiques du milieu (état oxydo-réducteur, PH ... ). Des analyses pratiquées sur des
échantillons permettent ainsi de séparer, d'identifier et de doser chacune des formes chimiques d'un même
élément ce qui contribue à analyser et prévenir leurs effets néfastes sur la santé. Cette approche est illustrée par
des exemples portant notamment sur la toxicité du chrome, du mercure et d'autres métaux dont la spéciation est
importante.
Spéciation et Toxicité du Chrome (Cr)
Les différentes formes chimiques et leurs usages
Le chrome, oligo-élément essentiel pour les organismes vivants (indispensable chez l'homme à la synthèse de
l'insuline), est un élément de transition qui existe naturellement sous plusieurs états d'oxydation de 0 à +6. Les
états les plus stables sont +3 et +6 dits trivalents et hexavalents.
- Le chrome élémentaire (formule : Cr° ou Cr(O) est un métal très résistant à la corrosion et à l'oxydation utilisé
en mélange avec le nickel pour fabriquer les aciers inoxydables.
- Le chrome trivalent que l'on écrit Cr+++ ou Cr3+ ou Cr(Ill) se trouve dans les sels, les oxydes et les sulfures. Ses
composés sont utilisés comme catalyseurs, agents mordants et tannants pour le cuir et les textiles, pigments,
agents réducteurs...
- Les sels de chrome hexavalent Cr6+ ou Cr(VI) - existent sous forme de chromate (CrO42- )ou de dichromate
(Cr2O72-). Certains sont hydrosolubles (acide chromique, dichromate de potassium), et sont utilisés comme agents
oxydants et en traitement de surface. D'autres sels peu hydrosolubles (chromates de calcium, de plomb, de zinc ...
) sont employés comme pigments et agents anticorrosions dans les peintures en remplacement du minium, un
oxyde de plomb très toxique.
Présence dans l'environnement
- dans l'atmosphère, le chrome est sous forme trivalente en faible concentration (0.01ng/m3 ) sauf en zone
industrielle et urbaine. Les industries métallurgiques et l'incinération de déchets génèrent de fortes émissions.
- dans l'eau, les formes trivalente et hexavalente du chrome coexistent à une concentration comprise entre 1 et 10
µg/l. Les rejets industriels dans le milieu aquatique sont strictement réglementés.
Effets sur la santé
L'expérimentation a mis en évidence le caractère très toxique du Cr(VI), comparativement au chrome élémentaire
(Cr°)et à ses composés trivalents (Cr3+). Les voies de pénétration du Chrome dans l'organisme sont l'ingestion
(alimentation), l'inhalation et le contact cutané.
- Le fort pouvoir oxydant des composés du chrome hexavalent les rend très corrosifs et entraîne en toxicité aiguë
des troubles gastro-intestinaux et une irritation des voies respiratoires (bronchite).
- Le chrome sous toutes ses formes est à moyen terme très sensibilisant pour le système
respiratoire ce qui peut générer de l'asthme.
- Seuls les composés du chrome hexavalent, en particulier les moins solubles mais également l'acide chromique
et le dichromate de sodium, sont cancérogènes (génotoxicité) et toxiques pour la reproduction (malformations).
Le tableau suivant résume l'impact sur la santé du chrome sous ses différentes formes