Objet d`étude de la lexicologie

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UNIVERSITÉ LINGUISTIQUE D'ÉTAT V. BRIOUSSOV
D'EREVAN
CHAIRE DE LANGUE FRANÇAISE
ARAM BARLÉZIZIAN
Précis de lexicologie du français
moderne
EREVAN – 2009
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1
Ce Précis de lexicologie est destiné aux étudiants qui se
spécialisent dans la langue française. Il est conforme au
programme en vigueur à l'Université linguistique d'État V.
Brioussov d'Erévan.
L'auteur tient à exprimer sa reconnaissance aux docteurs
ès lettres M. Ghazarian et K. Grigorian de leur appréciation
favorable.
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2
Table des matières
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
20.
21.
22.
23.
Objet d'étude de la lexicologie ……………………………...
Le lien de la lexicologie avec les autres branches de la
linguistique ………………………………………………….
Le mot et ses sens …………………………………………...
La motivation des mots ……………………………………..
La polysémie et la monosémie des mots ……………………
La restriction et l'extension du sens des mots ……………….
L'amélioration et la péjoration du sens des mots ……………
Tabou et euphémismes ……………………………………...
La métaphore ………………………………………………..
La métonymie ……………………………………………….
Formation des mots …………………………………………
Formation synthétique ………………………………………
a) affixation (préfixation, suffixation, dérivation
parasynthétique)
b) dérivation régressive
c) abréviation
d) composition
Formation sémantique …………………………………. …...
a) conversion
b) grammaticalisation
c) homonymes sémantiques
Formation analytique ………………………………………..
Onomatopées ………………………………………………..
La synonymie. Les synonymes ……………………………..
Les sources de la synonymie ………………………………..
Les antonymes ………………………………………………
Les homonymes ……………………………………………..
La classification des homonymes …………………………...
Les sources de l'homonymie ………………………………...
Les paronymes ………………………………………………
Archaïsmes et néologismes. Les archaïsmes ………………..
La néologie. Les néologismes ………………………………
Les sources de néologismes ………………………………...
Les emprunts ………………………………………………..
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46
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50
53
55
56
58
60
66
24.
25.
Les doublets étymologiques ………………………………...
Vocabulaire français – arménien – russe de termes
linguistiques …………………………………………………
4
71
74
Objet d’étude de la lexicologie
La lexicologie est l’étude du lexique (du vocabulaire)
d’une langue, dans ses relations avec la phonologie, la
morphologie et surtout la syntaxe, ainsi qu’avec les facteurs
sociaux, culturels et psychologiques.
Le terme « lexicologie » apparaît pour la première fois
dans l’Encyclopédie en 17651. Il remonte à deux radicaux grecs :
à lexicon signifiant « lexique, vocabulaire » et logos qui veut dire
« mot, discours, étude ».
L’importance des études lexicologiques est indiscutable,
car le lexique est le premier à réagir aux progrès de la vie sociale,
économique et culturelle. Par conséquent, il est naturel aussi
qu’on juge de la richesse d’une langue d’après la richesse de son
vocabulaire.
Sur le plan linguistique il faut différencier les termes
lexique et vocabulaire. Au sens général ils sont synonymes. Mais
la linguistique oppose lexique au vocabulaire ; le terme de lexique
est alors réservé à la langue, le terme de vocabulaire au discours.
Les unités du lexique sont les lexèmes, pendant que les unités du
discours sont les vocables et les mots. En face du mot, unité de
texte, le vocable sera l’unité de lexique. Le vocabulaire désigne
conventionnellement un domaine du lexique qui se prête à un
inventaire et à une description. Le vocabulaire d’un texte, d’un
énoncé quelconque n’est dès lors qu’un échantillon du lexique du
locuteur (de son idiolecte) ou du lexique de la communauté
linguistique.
Traditionnellement on distingue deux types essentiels de
lexicologie : diachronique (ou historique) et synchronique (ou
descriptive). La première étudie le développement du vocabulaire,
son évolution, alors que la dernière, au contraire, l’examine dans
une période déterminée de la langue.
Cependant les deux types de lexicologies se rattachent
étroitement. Tout en étudiant le lexique du français de nos jours,
la lexicologie synchronique s’adresse souvent aux données de la
1
Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des
métiers, Paris, 1751-1772.
5
lexicologie diachronique ce qui permet de mieux comprendre et
expliquer l’état actuel de la langue.
Le lien de la lexicologie avec les autres branches de
la linguistique
La lexicologie est étroitement liée aux autres branches de
la linguistique. Elle se rattache à la phonétique, à la grammaire, à
l’histoire de la langue et à la stylistique.
Pour expliquer l’apparition des homonymes, la
lexicologie s’adresse aux données de la phonétique historique, à
l’évolution phonétique de la langue.
lat. fides > fr. foi f
lat. vices > fr. fois f
lat. ficatum > fr. foie m
lat. marem > fr. mer f
lat. matrem > fr. mère f
lat. major > fr. maire m
lat. punctum > fr. point m
lat. pugnus > fr. poing m etc.
C’est la phonétique historique qui nous fait connaître
l’origine des doublets étymologiques (mots à significations et à
l’aspect phonique actuel différents, provenant étymologiquement
d’un même vocable, mais introduits dans la langue française par
deux voies distinctes ; populaire et savante) :
mot latin
auscultare
pensare
fragilem
mot fr. d’origine
populaire
écouter
peser
frêle
mot fr. d’origine
savante
ausculter
penser
fragile
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leberare
legalis
livrer
loyal
libérer
légal etc.
La lexicologie se rattache aussi à la grammaire.
La formation des mots est examinée à la fois par la
lexicologie et la grammaire. Si la lexicologie étudie le sens lexical
des mots et le rôle de ces derniers dans l’enrichissement de la
langue, la grammaire a pour objet d’étude les valeurs
grammaticales des éléments composants des mots et leur structure
formative.
Il arrive que le changement d’une catégorie grammaticale
aboutisse à l’apparition d’un sens nouveau. Ainsi les verbes
intransitifs devenus transitifs prennent un complément d’objet
direct et changent de sens. Comparez :
sortir de l’école – sortir le mouchoir de sa poche
monter au deuxième – monter les bagages
le printemps approche – approcher la chaise
l’enfant pleure – il pleure son ami perdu
les roues tournent – elle tourne la tête
travailler à l’usine – travailler le bois
remonter au cinquième – remonter sa montre etc.
De même, nombre de mots ont un sens différent au
masculin et au féminin, au singulier et au pluriel :
le garde – la garde, le voile – la voile, le manche – la
manche, le critique – la critique, le mémoire – la mémoire, le
mode – la mode, un aide – une aide ; le ciseau – les ciseaux, la
lunette – les lunettes, la vacance – les vacances, la lettre – les
lettres etc.
Il est impossible d’expliquer l’évolution du lexique et ses
particularités sémantiques actuelles sans s’appuyer sur les
données historiques, sur le passé de la langue. On trouve
l’explication des mots et expressions vieillis dans l’histoire de la
langue. L’apparition de nombreuses unités analytiques du
vocabulaire français, conditionnée par ses tendances internes au
cours des siècles, se révèle aussi dans son histoire. C’est en
examinant son histoire qu’on constate que la langue, cet
7
instrument de communication entre les gens, se caractérise à la
fois par la stabilité et l’évolution, l’immobilité et le mouvement.
Enfin la lexicologie est en contact avec la stylistique.
Nombre de faits linguistiques traités par la lexicologie sont
étudiés parallèlement sous l’aspect de leur valeur stylistique : les
synonymes, les archaïsmes et les néologismes, les emprunts aux
langues étrangères, les argotismes et les dialectismes, les
métaphores, les métonymies etc. La lexicologie tient compte de
l’emploi des mots dans les divers styles langagiers. Rappelonsnous que n’importe quelle unité lexicale neutre peut prendre une
valeur stylistique dans la parole, dans le contexte :
la page – être à la page, tourner la page,
le tonnerre – du tonnerre, etc.
Le mot et ses sens
En linguistique traditionnelle, le mot est un élément
significatif composé d’un ou de plusieurs phonèmes1. Il est avant
tout une unité sémantique. C’est par excellence à l’aide des mots
qu’on exprime des notions (des concepts). Le mot est le point
focal unitaire où s’opère la fusion du signifiant et du signifié2. Les
mots sont le soutien et l’expression de la pensée ; ils sont
également les principaux outils de la communication.
Il faut distinguer avant tout les mots autonomes (mots
lexicaux, mots pleins) et les mots accessoires (mots
grammaticaux, mots-outils).
Le mot autonome est une unité linguistique constituée
d’un ou de plusieurs phonèmes ayant une signification lexicale,
ainsi qu’une existence et un emploi indépendants en tant qu’unité
de la syntaxe. Le mot isolé français a son accent tonique sur la
dernière syllabe (conduire, lecture, profond, national,
construction, etc.).
1
Jean Dubois et autres. Dictionnaire de linguistique, Larousse, Paris,
1994.
2
Michel Aquien. Dictionnaire de poétique, Paris, 1993, pp. 185-186.
8
Quant aux mots accessoires, ils déterminent les rapports
grammaticaux à l’intérieur de l’énoncé (il, de, et, à, pour, puisque,
etc.). Bien que l’autonomie sémantique leur manque, ces éléments
sont eux aussi des mots.
Si l’on considère l’histoire d’un mot, on peut reconnaître
son sens primitif (ou étymologique) et les sens dérivés. Dans
« aller se promener au bois » le mot bois est employé dans son
sens primitif. Mais dans les groupements « du bois mort, les bois
d’un cerf » on trouve les sens dérivés du substantif bois.
D’autre part, si le mot exprime une chose, une qualité ou
une action réelle, on dit qu’il est pris au sens propre.
Le sens propre d’un mot est aussi appelé sens premier.
C’est à partir de ce sens que l’emploi s’étend à d’autres domaines
et que le mot prend un ou des sens figuré(s). Dans la proposition
« Il a mangé un fruit » le verbe manger est pris au sens propre.
Mais dans « La rouille mange le fer » ou « Il a mangé son bien »
il est pris au sens figuré.
Le sens figuré (ou l’emploi figuré) est celui qu’un mot
prend en plus de son sens propre si cet emploi résulte d’une
métaphore. Comparons les expressions suivantes : « avoir une
maladie de cœur » et « avoir bon cœur ». Dans la première
expression le mot cœur désigne le moteur de la circulation du
sang. Il est utilisé au sens propre. Dans la deuxième le cœur est
employé au sens figuré. L’expression signifie « être généreux ».
On distingue aussi les sens phraséologiquement liés et
syntaxiquement déterminés. Le sens phraséologiquement lié
s’actualise dans les groupements tout faits, dans les clichés
traditionnels. Les verbes accepter, adopter, admettre sont
synonymes, mais dans les groupements tels que : accepter un
cadeau, un présent, une offre, une proposition ; adopter une
résolution, une loi ; admettre qn dans une organisation, dans une
école, dans sa famille, ils ne sont pas réciproquement
remplaçables. On désire ardemment, mais on aime éperdument.
Ces exemples prouvent que le sens et l’emploi des mots soulignés
sont phraséologiquement liés.
Quant aux sens syntaxiquement déterminés, ils
s’actualisent dans les constructions syntaxiques particulières.
Souvent le sens du mot dépend de l’ordre syntaxique. Nombre
9
d’adjectifs changent de sens suivant la place qu’ils occupent par
rapport aux mots qu’ils déterminent :
un chat noir – une noire calomnie (une calomnie odieuse)
un homme brave – un brave homme (un homme honnête
et bon avec simplicité)
un couple heureux – un heureux hasard (un hasard
favorable, avantageux)
une famille pauvre – un pauvre type (un type pitoyable,
lamentable)
une tradition ancienne – un ancien ministre
une femme triste – une triste nouvelle (une nouvelle
douloureuse, affligeante, pénible).
Dans les exemples cités on voit clairement que les
adjectifs postposés ont généralement des sens dérivés et figurés.
Beaucoup de verbes changent de sens d’après leurs
rections distinctes et l’emploi de prépositions différentes :
changer en (transformer, p.ex. changer en bien, en mieux)
changer contre (échanger, p.ex. changer des dollars
contre des euros)
jouer à (jouer à la marelle)
jouer de (jouer de la guitare)
se mêler à (se joindre, s'unir pour former un tout, p.ex. se
mêler à la foule)
se mêler de (intervenir, p.ex. se mêler des affaires
d'autrui)
penser à (réfléchir)
penser de (avoir pour opinion)
veiller à qch (prendre soin, y faire grande attention)
veiller sur qn (prêter grande attention à ce qu'il fait, à ce
qui lui arrive, pour intervenir au besoin)
La motivation des mots
Il existe deux types de signes, deux types d’ensembles
formés du signifiant et du signifié : les uns sont naturels, fondés
10
sur un lien intrinsèque entre signifiant et signifié, les autres sont
purement conventionnels. Par conséquent on peut constater que le
mot est motivé si sa forme interne est apparente, si elle se laisse
facilement expliquer. Dans le cas contraire le mot n’est pas
motivé, il est immotivé, non motivé, arbitraire.
Il est à noter que le français moderne « a une préférence
très marquée pour le mot arbitraire, isolé et indécomposable »1.
On distingue quatre types essentiels de motivation des
mots : a) phonique, b) morphologique, c) sémantique et d)
phraséologique.
Motivation phonique. Il y a deux types de motivation
phonique. Le premier est une imitation directe des sons ou des
bruits par des sons : brouhaha (bruit confus qui s’élève d’une
foule ; le brouhaha d’une gare, d’une conversation, d’une séance
parlementaire), coasser (en parlant de la grenouille ou du
crapaud), croasser (en parlant du corbeau, de la corneille),
croquer (broyer entre ses dents en faisant un bruit sec ; croquer
un bonbon, un fruit vert), froufrou (bruit léger que produit le
froissement des étoffes, des feuilles etc.; le froufrou d’une robe),
glouglou fam. (bruit d’un liquide s’échappant d’une bouteille,
d’un conduit), tic-tac (d’une montre), etc. Tous ces mots
s’appellent des onomatopées. Et comme c’est une simple
imitation des sons, on trouve souvent des formes parallèles entre
les créations onomatopéiques des langues les plus différentes :
coucou en français, cuckoo en anglais, cuculo en italien, Kuckuck
en allemand, кукушка en russe, ÏÏáõ en arménien, etc. Le verbe
français miauler a ses correspondants miaow en anglais,
miagolare en italien, mauen en allemand, мяукать en russe,
Ùɳí»É en arménien, etc.
Le deuxième type de motivation phonique représente les
cas où il n’y a pas d’imitation directe des sons par des sons, où les
sons représentent des impressions sensorielles autres
qu’acoustiques. Ce type de motivation est une expressivité
phonique que l’on trouve le plus souvent dans la poésie, et surtout
dans les œuvres des poètes symbolistes (Verlaine, Rimbaud,
Mallarmé dans la littérature française, Térian et Siamanto dans la
1
S. Ullmann. Précis de sémantique française. Berne, 1952, pp. 126-127.
11
littérature arménienne). Donc, le phénomène n’est pas purement
linguistique, mais plutôt littéraire et psychique au sens le plus
large de ces mots. Il suffit de comparer la composition phonique
des deux poèmes présentés ci-dessous pour mettre en évidence les
impressions qu’ils nous font : tristes et mélancoliques, d’une part,
gaies, joviales et amusantes, de l’autre.
Paul Verlaine
Chanson d’automne
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure ;
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Pierre Gamarra
12
Le ski
Un garçon glissant sur ses skis
disait : « Ah ! le ski, c’est exquis.
Je me demande bien ce qui
est plus commode que le ski ».
Comme il filait à toute allure,
un rocher se dressa soudain.
Ce fut la fin de l’aventure,
Il s’écria, plein de dédain.
« Vraiment, je ne suis pas conquis,
Je n’ai bu ni vin, ni whisky
et cependant, je perds mes skis.
Non, le ski, ce n’est pas exquis ».
Lorsqu’une chose nous dérange,
Notre vie change.
Il est vrai que la perception de cette expressivité phonique
dépend du niveau des compétences linguistiques de l’individu et
de son appartenance à telle ou telle communauté linguistique (les
sons ayant des valeurs acoustiques différentes dans les langues).
Motivation morphologique. Les mots à structure
morphologique apparente sont motivés morphologiquement. Ce
sont les mots dérivés et composés dont la forme interne est
transparente et facilement perceptible. Le mot voyageur est
motivé, car il se compose du mot-racine voyage et du suffixe –eur
à l’aide duquel se forment des noms d’agent. De même élevage
est composé de élever et le suffixe –age. Ajoutons encore
adoration, ameublement, coudoyer, égaliser, exclusion,
impunément, précisément, rougeâtre, soluble etc. Voilà quelques
exemples de dérivés préfixaux dans lesquels la motivation
morphologique est clairement visible : antinational, coprésident,
hypertension, inégale, mécontent, souligner, surcharge etc. La
structure des mots composés est aussi transparente que celle des
dérivés, et la motivation morphologique est évidente : brise-glace,
chasse-neige, chou-fleur, clairsemé, électrochimie, nouveau-né,
porte-avions, portefeuille, sourd-muet etc.
13
Il faut remarquer que la motivation morphologique n’est
pas toujours absolue. Parfois elle est relative ou entièrement
effacée sur le plan synchronique. Le sens étymologique des
composants ayant subi avec le temps des changements, il en
résulte la démotivation du mot dont le sens actuel ne s’explique
plus à partir de ces parties composantes. On est en présence d’un
décalage entre l’étymologie et la signification courante du mot.
Le composé beaucoup n’est plus perçu par les locuteurs comme
l’union de beau et coup. De même embonpoint (état d’un corps
bien en chair, un peu gras) vient de en bon point dont le sens
étymologique est « en bonne santé, en bon état, de bonne
apparence physique ».
Ajoutons que ce ne sont pas tous les mots dérivés ou
composés qui sont morphologiquement motivés. Souvent le sens
actuel du mot ne se déduit pas de ses éléments composants, c'està-dire il n’est pas transparent. Bien que le morphème racine soit
le même dans les séries des dérivés suivants, on ne trouve pas
d’affinités sémantiques entre eux : prendre, apprendre,
comprendre, entreprendre, surprendre ; mettre, commettre,
démettre, permettre, promettre etc. De même, le sens de chacun
des composés tels que basse-cour (cour, bâtiment d’une ferme où
l’on élève la volaille et les lapins), chienlit (désordre, pagaille,
confusion), coq-à-l’âne (passage sans transition et sans motif d’un
sujet à un autre), surhomme (être humain pourvu de dons
intellectuels ou physique exceptionnels) etc. ne reflète pas
l’ensemble des acceptions des mots-racines à partir desquels le
mot est formé. Donc, on est en présence du processus de
démotivation, de décalage entre le sens étymologique des
éléments composants et le sens réel du mot dans l’époque actuelle
dû à l’oubli de la signification primitive du morphème ou à son
emploi métaphorique.
Il ne faut pas oublier que le sentiment étymologique des
sujets parlants n’est pas le même. Il varie selon les connaissances
linguistiques et la réaction des usagers de la langue.
Motivation sémantique. La motivation sémantique est le
résultat d’un emploi figuré du sens propre du mot. En ce cas-là
nous dirons que le mot est sémantiquement motivé dans son sens
14
dérivé. C’est une transposition instantanée. On perçoit une
similitude, un trait de ressemblance, ou on évoque un rapport
quelconque, et la transposition s’effectue spontanément : une
feuille d’arbre et une feuille de papier, la racine d’un arbre et la
racine du mal, un homme sourd et une sourde irritation, etc.
Les noms de certains animaux en sont aussi la preuve,
quand on les emploie par une sorte d’analogie qui existe entre
l’animal et l’homme. Un individu à l’esprit borné, incapable de
rien comprendre est appelé âne, un homme rusé est un renard, une
personne cruelle, impitoyable est un tigre etc. Dans ces exemples
c’est l’emploi métaphorique qui fournit le lien sémantique.
Quand on dit « Au musée nous avons admiré un
magnifique Renoir » ou « Il joue du Chopin », c’est déjà l’emploi
métonymique qui crée le rapport.
Grâce à ces emplois métaphoriques et métonymiques les
mots cités ci-dessus deviennent sémantiquement motivés.
Motivation phraséologique. Une locution phraséologique
est motivée si son sens global découle de ses parties composantes.
Dans le cas contraire elle est immotivée. Comparez les locutions
à pas de velours (à pas muets), au beau milieu, ne pas voir plus
loin que le bout de son nez, c’est à prendre ou à laisser, courir à
toutes jambes, être dans une misère noire qui sont motivées, et
agir de concert (agir en accord), être né coiffé (avoir de la
chance), avoir du front (être impertinent, être insolent), battre
froid à qn (recevoir qn avec froideur, sans empressement),
prendre (mettre) des gants, fam. (agir avec ménagement, avec
précaution), prendre en grippe (avoir une antipathie soudaine
contre qn ou qch) qui ne sont pas phraséologiquement motivées.
Il y a aussi des cas intermédiaires, comme laver son linge sale en
famille (régler ses différends entre soi, sans témoin), faire d’une
mouche un éléphant (exagérer démesurément), être un sot en trois
lettres (être trop bête), etc.
Il est à ajouter que la perception d’une locution dépend en
grande partie du savoir linguistique et de l’intuition de l’individu.
15
La polysémie et la monosémie des mots
Polysémie est un terme tiré par le linguiste français
Michel Bréal du grec et employé pour la première fois dans son
livre « Essai de sémantique » (Paris, 1897) qui constitue le projet
d’une nouvelle partie de la linguistique, la sémantique. M. Bréal
est considéré, à juste titre, comme le fondateur de la sémantique
lexicale. Voilà la description du phénomène qu’on trouve dans
son livre : « A mesure qu’une signification nouvelle est donnée au
mot, il a l’air de se multiplier et de produire des exemplaires
nouveaux, semblables de forme, mais différents de valeur. Nous
appellerons ce phénomène de multiplication, la polysémie »1.
La polysémie est la propriété du mot d’avoir
simultanément des sens différents à une époque déterminée. Le
mot est alors dit polysémique.
Le concept de polysémie s’inscrit avant tout dans
l’opposition entre polysémie et monosémie (terme aussi créé par
M. Bréal). La polysémie est en rapport avec la fréquence des
unités : les mots les plus fréquemment utilisés sont le plus
souvent polysémiques. En revanche, la monosémie caractérise
surtout les vocabulaires scientifiques et techniques, ainsi que les
mots désignant « des objets ou phénomènes faisant partie de
quelque classe plus ou moins restreinte formant variété par
rapport à l’espèce ou espèce par rapport au genre »2 : par
exemple, bière, canari, concombre, euro, judo, jument, perceneige, remerciement, saule, tornade etc.
On peut dire avec S. Ullmann que « notion purement
synchronique, la polysémie implique d’importantes conséquences
d’ordre diachronique : les mots peuvent acquérir des acceptions
nouvelles sans perdre leur sens primitif. Sur le plan synchronique
l’importance du phénomène est aussi très considérable : elle
affecte toute l’économie du langage. Si nous avions des termes
séparés pour chaque notion, le fardeau mémoriel deviendrait
insupportable. La polysémie nous permet d’exploiter
1
2
M. Bréal. Essai de sémantique. Paris, 1897, pp. 143-144.
N. Lopatnikova, N. Movchovitch. Lexicologie du français moderne.
Moscou, 1971, p. 149.
16
rationnellement le potentiel des mots, en leur rattachant plusieurs
sens distincts »1.
Les acceptions d’un mot polysémique se groupent autour
d’un noyau sémantique qu’on peut considérer comme l’invariant
sémantique du mot, et les différentes acceptions qui se trouvent
en corrélation – ses variantes lexico-sémantiques. Ainsi, on
trouve dans la structure sémantique d’un mot polysémique son
sens fondamental (de base, essentiel, primitif) et ses sens
secondaires (sens dérivés).
Mais quoique les mots soient généralement
polysémiques, ils prennent un sens concret et bien déterminé dans
le contexte (dans la parole) où ils sont toujours monosémiques.
C’est le contexte, à l’intérieur duquel se situe un élément
linguistique, qui crée sa monosémie, qui sélectionne son sens, sa
valeur. Donc, le mot est polysémique et monosémique à la fois. Il
est polysémique en tant qu’unité de la langue et monosémique en
tant qu’unité de la parole où s’actualisent ses sens latents.
Et c’est grâce à cela que la polysémie du mot ne pose pas
de problème, et que les gens n’éprouvent aucune difficulté à se
comprendre. Privé de contexte le mot acte, en dehors de son sens
général, est ambigu : s’agit-il d’un acte de naissance, d’un acte
juridique, d’un acte de vente (de donation, de partage etc.) ou
d’autres encore ? Un adjectif simple comme vert prête à
équivoque : cf. un feuillage vert, un vieillard encore vert, du vin
vert, la langue verte (l’argot), le tourisme vert (rural), une verte
réprimande, etc.
La polysémie est particulièrement propre aux substantifs
et aux verbes français, puis viennent se placer par ordre
décroissant les adjectifs, les adverbes et les mots-outils.
Quant à la monosémie, il a été déjà mentionné que la
plupart des termes appartenant aux terminologies scientifiques et
techniques n’ont qu’un sens : asperseur, auditeur (personne
chargée de l’audit), autodirecteur, distributionnel, Internet,
laryngologie, multiconduc-teur, etc. La monosémie d’un terme
scientifique est une des conditions nécessaires de son meilleur
fonctionnement dans le cadre d’une terminologie déterminée.
1
S. Ullmann. Précis de sémantique française. Berne, 1952, p. 199.
17
La restriction et l’extension du sens des mots
La restriction et l’extension du sens des mots sont deux
moyens essentiels de l’évolution du sens.
Il arrive parfois qu’un mot commence à exprimer une
notion plus restreinte. C’est la restriction du sens ou le passage
d’une notion de genre à une notion d’espèce. On l’appelle aussi
spécialisation.
En voilà quelques exemples.
Viande signifiait autrefois « tout aliment dont se nourrit
l’homme » ; aujourd’hui il signifie « chair des animaux de
boucherie et des oiseaux dont se nourrit l’homme ».
Pondre (issu du latin ponere) avait primitivement le sens
de « poser, déposer ». Il signifie aujourd’hui « déposer, faire ses
œufs, en parlant d’une femelle d’ovipare ». On voit non
seulement que le sens a rétréci, mais encore que cette restriction
s’est effectuée dans le monde agricole (spécialisation).
Labourer (du latin laborare) avait le sens de travailler
n’importe quoi, le bois, un métal, une matière première, la terre.
De nos jours labourer ne s’emploie qu’en parlant de la terre.
Voiture qui désignait étymologiquement tout moyen de
transport, s’emploie aujourd’hui en parlant d’une automobile.
La restriction du sens est surtout propre aux différentes
terminologies spéciales. On accentue alors la spécialisation de tel
ou tel mot. Lieutenant avait le sens de « remplaçant tenant le lieu
de qn », mais aujourd’hui c’est un officier subalterne des armées
de terre et de l’air. Le mot officier, à son tour, avait à l’origine un
sens beaucoup plus large et signifiait « titulaire d’un office ». De
nos jours il s’emploie couramment dans la terminologie militaire.
L’extension du sens d’un mot est le mouvement contraire
de la restriction. C’est l’action d’étendre la signification du mot.
On l’appelle aussi élargissement et généralisation, car le mot
commence à désigner une notion plus large, plus générale, moins
spécialisée, moins particulière.
18
Arriver (du lat. vulg. arripare, de ad et ripa, toucher la
rive, le bord, atteindre la rive) a élargi son sens et signifie
« atteindre un point quelconque ».
Panier (du lat. panarium) était une corbeille destinée à
porter le pain, aujourd’hui c’est un ustensile servant à contenir ou
à transporter toute sorte de provisions et marchandises ; il est
devenu, ainsi, le synonyme du mot corbeille.
Généralement ces deux procès sémantiques n’amènent
pas à la polysémie. Donc il ne faut pas les confondre avec la
polysémie lexicale, car il ne s’agit pas de l’apparition d’une
nouvelle acception du mot. C’est plutôt la restriction ou
l’extension du domaine, de la sphère de l’emploi du mot. Le
passage d’un assez grand nombre de termes spéciaux dans le
vocabulaire politique et économique en est la preuve : camp,
climat, contexte, crise, débloquer, lutte, orientation, transparence,
etc.
19
L’amélioration et la péjoration du sens des mots
L’amélioration et la péjoration du sens sont deux
tendances contradictoires qui coexistent dans l’évolution du
langage.
Il arrive qu’au cours de cette évolution des mots ayant
primitivement un sens neutre ou péjoratif « s’ennoblissent » et
commencent à désigner une qualité positive, prennent une nuance
favorable. C’est l’amélioration du sens des mots.
Le verbe réussir employé avec les noms de choses
signifie « avoir une issue, aboutir à un résultat bon ou mauvais » :
p. ex. entreprise, projet qui réussit bien ou qui réussit mal, qui
échoue. Mais le sens le plus courant du mot est devenu « avoir
une heureuse issue, un bon résultat, atteindre ce qu’on cherchait »
(son affaire réussit, ce film a réussi, un homme entreprenant
réussit mieux). Regretter signifiait au moyen âge « se lamenter
sur un mort ». Aujourd’hui ce verbe a le sens de « ressentir
comme un manque douloureux l’absence de » (regretter sa
jeunesse, le temps passé, son bonheur perdu). Le substantif
ministre signifiait autrefois « serviteur, personne chargée d’une
fonction, d’un office, personne qu’on utilisait pour
l’accomplissement de qch ». De nos jours un ministre est un agent
supérieur du pouvoir exécutif. En ancien français le mot succès
était un substantif ayant le sens neutre de « résultat, issue », et
qu’on employait dans des combinaisons telles que un bon succès,
un mauvais succès. Plus tard le mot a pris le sens de réussite, de
caractère favorable de ce qui arrive, d’heureux résultat (d’une
entreprise, d’une décision, d’une suite d’événements).
La péjoration du sens est le phénomène contraire de
l’amélioration. C’est un ajout d’une valeur péjorative à un mot,
un changement sémantique par lequel un terme prend un sens
péjoratif. Le mot rustre qui signifiait autrefois paysan, villageois,
a subi une péjoration de sens et s’emploie pour désigner un
homme grossier et brutal. Jusqu’au XVIe siècle garce avait le
sens de « jeune fille ». Aujourd’hui c’est une fille de mauvaise
vie. On trouve une évolution analogue dans la sémantique du mot
fille (dans certains contextes c’est une jeune femme qui mène une
vie de débauche, une prostituée). Le mot sou est issu du bas latin
20
sol(i)dus « pièce d’or ». C’était une monnaie à valeur stable,
solide, plus tard « monnaie de petite valeur ».
21
Tabou et euphémismes
Le mot tabou est d’origine polynésienne signifiant
« sacré » et « interdit ». Il s’applique aux personnes, aux animaux
et aux choses frappés d’interdiction due à des contraintes
religieuses ou sociales et les rend, ainsi, inviolables.
Par superstition ou par crainte d’appeler un malheur les
peuples primitifs évitaient de prononcer nombre de mots
considérés comme « sacrés ». Le nom d’un chef de tribu, p.ex.,
devenant « tabou » après sa mort. De même, il était interdit de
prononcer les noms de certains animaux ou objets. Le célèbre
linguiste français J.Vendryes écrit à ce propos :
« Il y a en irlandais une douzaine de noms pour l’ours et
autant pour le saumon : ce sont deux animaux que l’imagination
populaire avait fait tabous. En général, les animaux que l’on
chasse sont investis de pouvoirs magiques : nombreux sont les
tabous des chasseurs. Aussi les animaux sauvages sont-ils souvent
désignés par des synonymes »1.
Les tabous ont disparu dans la société civilisée, mais ils
ont laissé des traces sous forme d’euphémismes.
Le terme euphémisme est d’origine grecque, eu – bien et
phêmê – parole. Dans toute communauté il y a des notions qu’on
évite de nommer directement. On a donc recours à toutes sortes
de circonlocutions, de substitutions et d’allusions pour atténuer ou
voiler l’expression de certaines idées ou de certains faits dont la
crudité aurait quelque chose de brutal, de désagréable ou de
malséant.
L’euphémisme est dicté tantôt par la décence, la politesse,
la prudence, tantôt par quelque crainte superstitieuse. Par
conséquent, l’interdiction frappe deux grandes catégories de
notions :
a) euphémismes de superstition,
b) euphémismes de décence, de politesse.
J. Vendryes. Le langage. Introduction linguistique à l’histoire. Paris,
1921,
p. 259.
1
22
Les euphémismes de superstition sont moins nombreux
en comparaison avec ceux de décence ou de politesse. Par
exemple, on remplace volontiers par des périphrases euphémiques
tout ce qui se rapporte à la mort. Si on ne peut rien changer à la
réalité brutale, on veut au moins essayer de la représenter sous un
jour moins cruel. Alors on évite le mot mort et on le remplace par
des périphrases, tels que : l’éternel repos, l’éternel sommeil, le
grand voyage, l’adieu suprême, le départ sans retour, etc.
Les euphémismes de décence ou de politesse sont sans
doute moins anciens. Et si les euphémismes de superstition
perdent constamment du terrain, le nombre des euphémismes de
décence va toujours en augmentant. On voile les vices et les
défauts, les crimes et leur punition. Les périphrases humoristiques
pour désigner l’ivresse sont innombrables : être un peu gris (gai,
attendri, ému), avoir du vent dans les voiles, se donner un coup de
soleil, être parti pour la gloire, être dans les vignes du Seigneur,
se salir le nez, ne pas trouver son niveau, etc. Le manque d’argent
s’exprime de manières suivantes : avoir un flux de bourse, loger
le diable dans son porte-monnaie, tirer le diable par la queue. Au
lieu de dire voler on emploie commettre une indélicatesse,
travailler, opérer, ne pas avoir les mains dans les poches ; il est
plus poli de dire simple, innocent, naïf que bête ; au lieu
d’employer le verbe mentir on dit inventer ou déformer la vérité
qui sont moins choquants. On préfère dire « une dame d’un
certain âge » qu’ « une dame âgée ».
La grande époque de la pruderie linguistique était celle
des Précieuses au 17e siècle qui faisaient la chasse aux termes
« déshonnêtes ». L’interdiction s’étendait aux termes les plus
divers. En voilà quelques exemples :
le balai – l’instrument de la propreté
la chemise – la campagne perpétuelle des morts et des
vivants
les dents – l’ameublement de la bouche
l’eau – l’élément liquide
être enrhumé – avoir un écoulement du nez
l’ongle – le plaisir innocent de la chair
les oreilles – les portes de l’entendement
le mariage – l’amour fini, l’abîme de la liberté
23
la nuit – la mère du silence
la guerre – la mère du désordre, etc.
Il est naturel que ces euphémismes sophistiqués furent de
courte durée, car ils n’enrichissaient point le lexique du français.
La métaphore
La métaphore est un trope qui joue un grand rôle dans la
création lexicale.
Le mot « métaphore » est d’origine grecque métaphora
qui signifie « transfert », « transport ». Le terme est utilisé par
Aristote dans la Poétique. Actuellement il est employé en
sémantique lexicale pour dénommer le résultat de la substitution
d’un lexème par un autre, basée sur une association de
ressemblance, de similitude. Autrement dit, c’est une substitution
par analogie. Donc pour rapprocher deux objets ou phénomènes il
faut qu’existe un trait commun entre eux. C’est pourquoi on
définit souvent la métaphore comme une espèce de comparaison
en raccourci, condensée dans un seul mot où l’un des deux termes
de la comparaison, et surtout tout terme comparatif (comme,
ainsi, de même, tel, etc.) est absent : « cette fillette est bavarde
comme une pie », « cette fillette est une vraie pie ».
Les métaphores sont soumises au temps. L’image ne
tarde pas à perdre la fraîcheur, la nouveauté. On parle alors de
« métaphores lexicalisées » ou de « métaphores linguistiques »
dont le caractère métaphorique a complètement disparu.
Ainsi nombre de métaphores qu’on suppose
originellement figurées deviennent par l’usure perçues comme
littérales : « froid » s’accorde normalement avec la température et
le tempérament. Il s’ensuit que beaucoup de sens figurés ne sont
que des métaphores usées.
La métaphore procède toujours par extension de sens et
dans la plupart des cas du concret vers l’abstrait : une source
d’eau – une source de chagrin.
La lexicologie s’intéresse aux types suivants de la
métaphore :
24
a)
métaphores anthropomorphiques, quand le
nom d’un organe humain est employé pour
désigner un objet inanimé : le bras d’un siège,
le bras d’un fleuve, la bouche d’un fleuve, les
dents du peigne, l’œil d’une aiguille, le pied
d’un verre, le pied d’une montagne, la tête de
l’épingle, la tête d’un arbre, la tête d’un
cortège ;
b)
quand les noms d’objets inanimés ou de
plantes sont appliqués à des organes humains :
bassin, colonne vertébrale, épine dorsale,
pomme d’Adam, prunelle ;
c)
quand les noms d’animaux passent à des
objets inanimés : bélier (hydraulique),
chenille, chevalet, chien (d’un fusil),
chiendent, dent-de-lion, grue, œil-de-bœuf,
serpentine ; il arrive que le nom d’un animal
s’emploie pour désigner l’homme, le plus
souvent avec une nuance péjorative : un
cochon (quel cochon ! c’est un vieux cochon),
faucon (employé dans la politique), lion (c’est
un lion = c’est une personne courageuse), une
oie (personne très sotte, niaise), une pie (une
personne très bavarde), un renard (un vieux
renard, un fin renard = une personne rusée) ;
d)
quand l’apparition de la métaphore est due à
des transpositions sensorielles. S.Ullmann
écrit à ce propos :
« Un type très fréquent de métaphore conjugue deux
domaines sensoriels différents. On dit couramment : une couleur
chaude, une voix chaude, bien que la chaleur soit un phénomène
de température inapplicable à des impressions visuelles ou
acoustiques. De même on parle de voix claire et sombre, de
couleurs et de sons nourris, de couleurs criardes, de bruits aigus,
d’odeurs grasses et lourdes, etc. Certains adjectifs se prêtent à
des transpositions en tous sens : doux, appliqué proprement au
goût, se dit aussi d’un bruit, d’un regard, du vent. … Certains
gens associent les sons à des couleurs ; Franz Liszt p. ex.
25
surprenait son orchestre à Weimar en demandant qu’on fît une
certaine note plus bleue »1.
Propre à la rhétorique et à la stylistique discursive, les
particularités de la métaphore sont étudiées d’une manière plus
détaillée par la stylistique et la sémiotique, car « le lexème
métaphorique se présente comme une virtualité de lectures
multiples »2.
La métonymie
La métonymie est un important facteur de création
lexicale. Le terme métonymie est d’origine grecque : meta –
changement et onoma – nom, « changement de nom ». La
métonymie, comme la métaphore, repose sur une association
entre deux idées. Mais ici les deux sens ne se ressemblent point.
Un mot est remplacé par un autre qui est lié au premier par un
rapport de contiguïté externe, donné dans la réalité. Donc, en
comparaison avec les rapports métaphoriques les rapports
métonymiques sont plus réels, plus concrets, plus objectifs.
Le lien entre les deux termes réunis par métonymie est
extrêmement varié. La métonymie peut prendre :
1) La partie pour le tout ou, inversement (et plus rarement),
le tout pour la partie. Ce genre de métonymie est appelé
synecdoque :
une bonne tête, une mauvaise langue, une barbe grise, un
gros bonnet, une voile à l’horizon, etc. Les cas où le tout
donne son nom à la partie sont plus rares : un sac en vache
(en cuir de vache), un manteau à col d’hermine (en fourrure
d’hermine), chaussures, gants de chevreau (en peau de
chevreau), etc.
1
S. Ullmann. Précis de sémantique française, Berne, 1952., p. 283.
A. Greimas, J. Courtés. Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie
du
langage, Paris, 1993, p. 226.
2
26
2) L’instrument pour l’instrumentaliste : le premier violon
de l’orchestre, le trompette joue bien, les tambours du
régiment, etc.
3) Le contenant pour le contenu ou le contenu pour le
contenant : la salle applaudit (pour les spectateurs), alerter
la ville (les habitants), boire un verre (le contenu d’un
verre), aimer la bouteille (aimer son contenu, aimer les
boissons alcoolisées). Les cas où le contenu sert à
dénommer le contenant sont moins nombreux : deux cafés
(deux tasses de café), s’il vous plaît, un martini rouge ! (un
verre de martini rouge), etc.
4) Le nom du lieu pour le produit qui y est fabriqué. En ce
cas-là la métonymie établit un lien entre l’objet et son
origine : un bordeaux blanc, du cognac, du camembert
(sorte de fromage), du champagne, un armagnac (eau-devie de raisin que l’on produit à l’Armagnac), du bourgogne
(vin des vignobles de Bourgogne), etc.
5) La matière pour l’objet : un fer (une épée, un fer à cheval,
un fer à repasser), un marbre (statue de marbre), un verre
(verre de thé, de montre, de lampe, verres optiques, verres
de contacts), un bronze (objet d’art, surtout sculpté, en
bronze), etc.
6) Le nom de l’inventeur, de l’auteur pour son œuvre, le
nom du producteur pour le produit : une mansarde (du nom
de l’architecte Mansart), une guillotine (du nom du médecin
Guillotin), un magnifique Manet, j’ai lu Hugo, il joue du
Chopin, etc.
7) Le nom propre pour le nom commun : un gavroche (du
nom d’un personnage des Misérables de V. Hugo, gamin de
Paris, malicieux et frondeur), harpagon (du nom de l’Avare
de Molière, homme d’une grande avarice), tartuffe (d’une
comédie de Molière, personne hypocrite), etc.
8) L’action pour le résultat, lorsque les noms d’action
deviennent des objets matériels. Les mots abstraits tendent
à se concrétiser et à se particulariser : une addition (le nom
de l’action d’ajouter, d’additionner, et de la première des
quatre opérations fondamentales de l’arithmétique
commence à désigner la note de dépenses au café, au
27
restaurant). De même la récolte signifie le produit, le
résultat de la cueillette et non pas seulement l’action de
cueillir elle-même. Ajoutons encore consommation (action
de consommer et ce qu’un client commande au café), fonte
(action de fondre et alliage de fer et de carbone), ouverture
(action d’ouvrir et fente, trou, espace vide dans un corps).
Parfois le nom de l’action désigne l’agent (une aide – un
aide, la garde – le garde), ou le lieu de l’action (une entrée,
une sortie, un passage).
9) Le nom d’une qualité abstraite pour la personne ou la
chose qui la possèdent : une beauté, une célébrité, un talent,
une curiosité, une nouveauté, etc.
Si les transpositions métaphoriques se dirigent le plus
souvent du concret vers l’abstrait, dans la métonymie l’évolution
en sens inverse est plus fréquente.
Formation de mots
On appelle formation de mots l’ensemble de processus
morphosyntaxiques permettant la création d’unités nouvelles à
partir de morphèmes lexicaux.
Le morphème est la plus petite unité lexicale
significative.
La création des unités lexicales françaises se réalise à
l’aide des procédés suivants :
I.
Formation synthétique :
a) affixation (préfixation, suffixation, dérivation
parasynthétique),
b) dérivation régressive,
c) abréviation,
d) composition.
II.
Formation sémantique :
a) conversion ou dérivation impropre,
b) grammaticalisation,
c) homonymes sémantiques.
28
III.
IV.
Formation analytique.
Onomatopées.
29
I. Formation synthétique
a) L’affixation consiste à créer des mots nouveaux par
l’adjonction d’affixes à un radical. C’est un procédé
de formation de mots nouveaux bien vivant et d’une
productivité
considérable
dans
le
français
contemporain.
La préfixation. On appelle préfixe un morphème qui
précède l’élément radical (faire - refaire). À la différence du
suffixe, le préfixe ne permet pas à l’unité lexicale nouvelle le
changement de classe grammaticale. Le préfixe sert à créer des
mots nouveaux dans le cadre de la même partie du discours :
intervenir est verbe comme venir, désespoir est substantif comme
espoir, impatient est adjectif comme patient, etc. Il y a de rares
exceptions formées surtout avec le préfixe anti- qui s’ajoutant aux
substantifs forme des adjectifs : char m – antichar adj (qui
s’oppose à l’action des blindés, p.ex. missiles antichars), ride f –
antirides adj (qui prévient ou combat les rides, p. ex. crème
antirides), roulis m – antiroulis adj (qui tend à diminuer
l’amplitude ou à s’opposer à l’apparition du roulis, p. ex.
paquebot, avion équipé d’un dispositif antiroulis), satellite m –
antisatellite adj (qui s’oppose à l’utilisation militaire des satellites
artificiels par l’adversaire), etc.
Les préfixes sont sémantiquement moins spécialisés que
les suffixes, c’est pourquoi le même préfixe peut se joindre à des
radicaux appartenant aux différentes parties du discours. Par ex.
le préfixe pré- s’ajoute aux verbes, aux substantifs et aux adjectifs
simultanément : prédire, prédisposer, prédéterminer, prépayer ;
préavis, préfinancement, préromantisme ; préconçu, précuit,
préélectoral, préscolaire, etc.
En français la préfixation est surtout productive dans la
formation des verbes, des substantifs et des adjectifs.
Il faut ajouter encore qu’un assez grand nombre de
préfixes sont d’origine savante (latine ou grecque) ; anti-, pro-,
rétro-, syn-, trans-, super-, etc.
Inventaire non exhaustif des préfixes d’un emploi courant
30
anti- :
antibiotique,
anticonstitutionnel,
antidrogue, antihygiénique, antipoison,
antiseptique, antisida, antivirus ;
auto- :
autoaccusation, autobiographie, autobronzant,
autocassable,
autodéfense,
autoforma-tion, autoportrait ;
co-, com-,
coaccusé,
coassocié,
cohabiter,
coprésident ;
combattre, comporter, composer, compresser ;
concentrer,
concitoyen,
confédéra-tion ;
con- :
contre- :
contre-attaque, contravis, contrebalancer,
contredire, contre-indication, contremesure, contrepoids ;
dé-, dés-, dis- : déboucher, débrancher, décapiter,
décharger, décourager, dégeler, dégoûter ;
désaccord, désagréable, déshonorer,
désinfecter,
désin-téresser,
désunir ;
discréditer, disharmonie, disparaître,
dissemblable ;
en-, em-,
in-, im :
encourager, enfermer, enlever,
enregistrer,
entasser ;
embarquer,
embaumer,
embellir,
emmener,
emporter ;
inacceptable,
inachevé,
incapable,
incomplet,
incroyable ;
imbu-vable,
immangeable,
immuable,
impardonnable, importer ;
entre-, inter- : entrecouper, entremêler, entreposer,
entre-prendre,
entretenir ;
interactif,
interbancaire,
interchangeable,
international, interposer ;
31
extra- :
extraconjugal, extrafort, extraordinaire,
extraparlementaire, extraterrestre ;
hyper- :
hyperactivité,
hypersécrétion,
hypertension ;
intra- :
intracommunautaire,
intra-musculaire,
intraveineux ;
mé-, més- :
mécompte, mécontent, médire, se méfier,
se méprendre ; mésallier, mésaventure,
mésen-tente,
mésestimer,
mésintelligence ;
mono- :
monocellulaire,
monoculture,
monographie, monolingue, monoparental,
monosperme, monothéisme, monovalent ;
pluri- :
pluriculturel, pluridisciplinaire, pluriethnique,
plurilatéral,
plurilingue,
plurivalent ;
poly- :
polyarthrite, polyclinique, polyculture,
poly-pétale, polytechnique ;
post- :
postcure,
postdater,
postdoctoral,
postopé-ratoire, postposer, postscolaire ;
pré- :
préhistorique,
préolympique,
prépaiement, présélection, présupposer ;
re-, ré-, r- :
rebâtir,
recaler,
recommander,
recommencer, reprendre, reproduire,
reprogrammer ;
ré-affirmer,
réagir,
réarmer,
réévaluation,
réim-primer,
hypernerveux,
hypersensible,
intramoléculaire,
intra-utérin,
32
réunir ; raffoler, rajouter, rapprocher,
remplir, rouvrir ;
sou-, sous-,
sub- :
soucoupe, soulever, souligner, soutenir ;
sous-alimentation, sous-classe, sous-commission, sous-développé ; subconscience,
subdiviser, subnarcose, subtropical ;
sur-, super- :
surconsommation, surdose, surévaluation,
surnatalité, surpeuplé ; superchampion,
su-perfin,
supermarché,
superposer,
superstar ;
trans- :
transatlantique, transplanter, transporter ;
ultra- :
ultrachic, ultramoderne, ultraplat, ultrapression, ultrasensible, ultraviolet, etc.
La synonymie et l’antonymie sont fréquentes dans la
classe des préfixes : hyper- et sur- sont synonymes et marquent
l’excès dans hypersensible et surpeuplé ; bi- et di- expriment la
dualité dans bipède (qui a deux pieds, qui marche sur deux pieds)
et diptère (qui a deux ailes) ; multi- et pluri- sont synonymes dans
multiculturel et pluriculturel, etc.
D’autres préfixes sont antonymes :
embarquement hypertension plurilingue
monovalent
débarquement hypotension monolingue polyvalent
Dans certains emplois quelques préfixes sont dépourvus
de toute signification. C’est le cas de re-, pro-, per-, com-, de-, in, ex- dans regarder, recueillir, repasser, reconnaître, ressembler,
promettre, permettre, commettre, commander, demander,
incident, expérience, etc. Dans les exemples cités le sens du
préfixe s’est complètement effacé.
La suffixation. La suffixation c’est la formation des mots
à l’aide d’un suffixe.
Le suffixe est un affixe qui s’ajoute à la fin d’un radical
ou d’un mot pour former un autre mot.
33
Comme les préfixes, les suffixes peuvent s’ajouter aux
substantifs, aux adjectifs et aux verbes. En français le tableau des
suffixes de substantifs est plus riche en comparaison avec ceux
d’adjectifs et de verbes.
La dérivation suffixale reste un moyen efficace de
l’enrichissement du vocabulaire français où les suffixes sont très
nombreux et d’une diversité sémantique notable. La suffixation
est surtout productif dans les terminologies scientifiques et le
langage de la presse où les néologismes sont souvent formés à
l’aide des suffixes, tels que –able (captable, compactable), -age
(ciblage, cryptage), -ation (détaxation, restructuration), -isme
(élitisme, né-gationnisme), -iste (comportementaliste, deltiste,
négationniste),
-isation
(autonomisation,
précarisation,
sponsorisation), -iser (crédi-biliser, précariser, sponsoriser), -ique
(confortique, mercatique), -logie (futurologie, rudologie), -thèque
(artothèque, logithèque) et autres.
Quant à leur étymologie, les suffixes français sont
d’origine latine (la majeure partie : -able, -age, -aire, -ant, -ateur, ation, -et, (-ette), -ité, -ure, etc.), de formation française (-ailler, elet, -eron, -illon, -ocher, etc.) ou d’origine étrangère (-ard, -aud,
-esque, -iser, -isme, -iste, etc.).
À la différence des préfixes, les suffixes, dans la plupart
des cas, donnent naissance à des mots appartenant à une autre
classe (à une autre partie du discours) que le mot-radical : adorer
– adoration, élever – élevage, nature – naturel. Mais il existe des
suffixes qui ne changent pas la classe des thèmes de formation :
musique – musicien, cerise – cerisier, bras – brassard, crier –
criailler, rêver – rêvasser.
De même que les préfixes, certains suffixes sont
synonymes : -euse dans cireuse, -ateur dans aspirateur, -oir dans
arrosoir marquent l’«instrument».
-able :
Inventaire non exhaustif des suffixes français
buvable, charitable, fiable, gérable, jetable,
mangeable, pardonnable, potable, rechargeable,
réutilisable, sub-stituable, urbanisable ;
34
-age :
alliage, barrage, chômage, clonage, élevage,
entourage, feuillage, pâturage,
pilotage, servage,
vernissage, vision-nage ;
-aire :
aéroportuaire, alimentaire, décisionnaire, élitaire,
facul-taire, séculaire ;
-ais, -ois : anglais, écossais, français, japonais ; berlinois,
chinois, hongrois, suédois ;
-ance,
alliance, créance, croissance, croyance, maltraitance,
-ence :
obéissance, souffrance, surveillance ; concurrence,
ingé-rence, préférence, référence ;
- ant :
aromatisant, bronzant, coopérant, démotivant, déstabilisant, dévalorisant, handicapant, innovant, irritant,
perturbant, polluant ;
- ateur :
aspirateur, calomniateur, cultivateur, épilateur,
sécateur, ventilateur ;
-ation :
accusation, adoration, amélioration, constatation,
dépré-ciation, programmation ;
-el :
communicationnel, fictionnel, fréquentiel, mortel,
natu-rel, situationnel, unidimensionnel ;
-erie :
biscuiterie, boulangerie, causerie, effronterie, fromagerie, jardinerie, maisonnerie, niaiserie, poltronnerie,
sandwicherie ;
-esse :
faiblesse, gentillesse, hardiesse, sagesse, souplesse,
tris-tesse, vieillesse ;
-et, -ette : archet, filet, pauvret ; calculette, fourchette, sanisette,
sucrette ;
-eur, -euse : asperseur,
blancheur,
chercheur,
décodeur,
dépollueur, longueur, lourdeur, maigreur, menteur ;
brodeuse, coiffeuse, friteuse, tondeuse ;
-ien :
éthicien, informaticien, mercaticien, musicien, roboticien, sémioticien, stylisticien ;
-if :
actif, connotatif, dénotatif, passif, répétitif, résistif,
tar-dif ;
-ifier :
désertifier, électrifier, fructifier, glorifier, notifier,
pla-nifier, typifier ;
-isation : autonomisation,
bipolarisation,
déstabilisation,
idéolo-gisation, informatisation, marginalisation,
35
médicalisa-tion,
modernisation,
numérisation,
privatisation, renta-bilisation, responsabilisation ;
-iser :
convivialiser, déculpabiliser, digitaliser, égaliser,
filia-liser, idéologiser, infantiliser, informatiser,
marginaliser, médicaliser, moderniser, numériser,
privatiser, rentabi-liser, responsabiliser ;
-isme :
alpinisme, américanisme, conformisme, égoïsme, impressionnisme, journalisme, protectionnisme, romantisme ;
-iste :
cariste, dentiste, écologiste, fleuriste, motoriste,
trauma-tologiste, virologiste, voyagiste ;
-ité :
liberté, égalité, fraternité, compétitivité, dangerosité,
fia-bilité, lucidité, objectivité, pluridisciplinarité,
répétiti-vité, scientificité, subjectivité ;
-itude :
amplitude, exactitude, inquiétude, platitude, promptitude, solitude ;
-logie :
arménologie,
manuscriptologie,
méthodologie,
oncolo-gie, sélénologie ;
-logue :
allergologue,
arménologue,
cosmétologue,
diabétologue,
endocrinologue,
futurologue,
océanologue, sociologue ;
-ment,
aboiement,
agrandissement,
blanchiment,
enlèvement,
-ement :
gazouillement, groupement, hurlement, ornement, remerciement, sifflement ;
-oir, -oire, arrosoir, fumoir ; baignoire, balançoire, écumoire,
-atoire :
mâchoire,
nageoire,
patinoire,
rôtissoire ;
déclamatoire, préparatoire ;
-tique :
créatique, bureaucratique, informatique, médiatique,
mo-nétique, productique, robotique ;
-ure :
brûlure, chevelure, dorure, fourniture, garniture,
gravure, pourriture, etc.
Les suffixes français, comme le prouve l’inventaire
présenté ci-dessus, sont extrêmement riches en nuances de sens
variées et délicates qui peuvent servir de sujet pour un examen
détaillé.
36
La
dérivation
parasynthétique.
La
dérivation
parasynthétique c’est la formation de mots nouveaux par
l’addition combinée d’un préfixe et d’un suffixe.
« Préfixes et suffixes peuvent s’associer pour former des
dérivés : utile, utiliser, utilisable, inutilisable, réutiliser,
réutilisable. On peut même trouver deux ou trois étages successifs
de préfixes ou de suffixes : désengagement, réimplantation,
dénucléarisation. … On appelle ce type de dérivation la dérivation
parasynthétique », écrit Henri Mittérand1.
Citons encore quelques exemples de formation
parasynthétique :
alittéraire,
enneiger,
décloisonnement,
déculpabilisation, défroissable, incollable, réaménagement,
souterrain, etc.
b) La dérivation régressive consiste à tirer d’un verbe un
radical pur. Le résultat est un nom masculin ou un
nom féminin terminé par e : appeler – un appel,
choisir – un choix, crier – un cri, élancer – un élan,
galoper – le galop, oublier – un oubli, se soucier – un
souci, souffler – un souffle, soupirer – un soupir,
troubler – un trouble ; adresser – une adresse, gagner
– la gagne, marcher – la marche, transir – une transe,
etc. Ces substantifs sont appelés « postverbaux » ou
« déverbaux ».
D’après certains linguistes « ce procédé de formation est
fort peu productif en français moderne »2. Mais les linguistes
français ne partagent pas cette opinion. En examinant la formation
des dérivés régressifs Henri Bonnard écrit :
« Ces mots expriment l’action (marche, appel), le résultat
(accroc, paie), l’instrument (sonde, limite). C’est un procédé
vivant qui donne des mots techniques (taille, chasse, plonge,
embauche, déblai, report) et même des mots populaires (faire sa
gratte, un casse, de la casse, c’est de la triche, faire de l’épate, de
1
2
H. Mittérand. Les mots français, Paris, 1972, pp. 43, 44.
Н. Н. Лопатникова, Н. А. Мовшович, Лексикология современного
французского языка, Москва, 1971, стр. 93.
37
la déprime, être en cavale). Les dérivés régressifs sont courts et
de terminaisons variées »1.
c) L’abréviation : L’emploi des abréviations est
conditionné par le principe de l’économie de la
parole, le principe du moindre effort, « par
l’antinomie
permanente
entre
les
besoins
communicatifs de l’homme et sa tendance à réduire
au minimum son activité mentale et physique »2. On
économise le temps, l’espace et l’énergie.
L’abréviation est productive dans le français
contemporain, surtout dans la terminologie politique, technique et
les jargons professionnels. Une place à part revient au français
parlé qui évite l’emploi des mots trop longs.
On distingue quelques types d’abréviation lexicale.
L’abréviation littérale consiste à remplacer les
dénominations officielles exprimées par des groupements de mots
par les initiales des mots composants. Cette espèce d’abréviation
est appelée sigle (m). La langue des média et surtout celle de la
presse abonde en sigles qui posent souvent des problèmes à
comprendre complètement l’information.
Citons quelques exemples de sigles d’emploi courant
dans le français de nos jours : B.D.F. – Banque de France, B.M. –
Banque mondiale, C.A. – Conseil d’administration, C.A.P.E.S. –
Certificat d’aptitude pédagogique à l’enseignement secondaire,
C.C.I. – Chambre de commerce et d’industrie, C.E.I. –
Communauté des États indépendants, C.G.T. – Confédération
générale du travail, C.I.O. – Comité international olympique,
C.N.R.S. – Centre national de la recherche scientifique, C.U. –
Cité universitaire, D.E.A. – Diplôme d’études approfondies,
D.E.U.G. – Diplôme d’études universitaires générales, D.G. –
Directeur général, E.N.A. – École nationale d’administration,
F.M.I. – Fonds monétaire international, O.N.U. – Organisations
des Nations unies, P.N.B. – Produit national brut, P.S. – Parti
socialiste, S.A.R.L. – Société à responsabilité limitée, S.M.I.C. –
Salaire minimum interprofessionnel de croissance, T.F. –
1
2
H. Bonnard, Code du français courant, Paris, 1993, p. 117.
A. Martinet. Éléments de Linguistique générale, Paris, 1967, p. 176.
38
Télévision française, T.G.V. – Train à grande vitesse, T.V.A. –
Taxe à la valeur ajoutée, etc.
Les sigles sont toujours des substantifs. Ceux qui sont
d’usage courant et qui forment un tout phonétique peuvent
acquérir une autonomie telle que leur prononciation peut devenir
syllabique et servir de base à la formation de mots nouveaux.
C.A.P.E.S. qui se prononce comme [kap s] donne capésien
(étudiant du C.A.P.E.S.), C.G.T. – cégétiste (membre de la
C.G.T.), O.N.U. – onusien (fonctionnaire de l’O.N.U.), S.M.I.C. –
smicard (personne payée au S.M.I.C., qui ne touche que le salaire
minimum ; salarié de la catégorie la plus défavorisée), etc.
Un tout autre type d’abréviations consiste à supprimer
une partie du mot qui est un procédé très fréquent. Le plus
souvent on conserve la première partie du mot qui est plus
significative : auto (mobile), kilo (gramme), métro (politain),
micro (phone), photo (graphie), télé (vision), etc. Ce procédé est
appelé abréviation par apocope. Beaucoup plus rares sont les cas
d’abréviations par aphérèse, c'est-à-dire par suppression de la
partie initiale du mot : (auto)bus, (auto)car, (Ni)Colas, etc.
L’abréviation par apocope est très répandue dans la
langue familière et le langage des élèves, lycéens et étudiants :
apéritif – apéro, éditorial – édito, football – foot, frigidaire –
frigo, gaspillage – gaspi, manifestation – manif, mécanicien –
mécano, métallurgiste – métallo, amphithéâtre – amphi,
baccalauréat – bac, certificat – certif, faculté – fac, géographie –
géo, laboratoire –labo, mathématiques – maths, philosophie –
philo, professeur – prof, récréation – récré, etc.
Il existe d’autres procédés d’abréviation moins fréquents
parmi lesquels nous citerons : Vel d’hiv (le Vélodrome d’hiver),
Boul’Mich’ (le Boulevard Saint-Michel à Paris), la bombe H (la
bombe à hydrogène), etc.
Parfois on pousse assez loin ce genre de nomination
jusqu’à désigner un personnage connu : B.B. (Brigitte Bardot), N.
(Napoléon), Saint-Ex (Saint-Exupéry).
Certains sigles étant polysémiques leurs sens dépendent
du contexte où ils sont employés. Par ex.
A.V. 1. Assurance – vie
B.M. 1. Banque
mondiale
39
2. Avis de virement
3. Avance
municipal
C.B.
2. Bilan mensuel
3. Budget
1. Chèque bancaire
2. Compte bancaire
3. Cours de bourse
Nombre de linguistes sont contre l’emploi abusif des
abréviations qui encombrent souvent la langue de signes
indéchiffrables.
d) La composition consiste à réunir deux radicaux qui
sont susceptibles d’avoir par eux-mêmes une
autonomie dans la langue.
En comparaison avec la dérivation affixale, la
composition est un procédé de formation de mots moins productif
en français. Toutefois elle tient une place assez considérable dans
l’enrichissement de son vocabulaire.
On trouve des composés parmi les substantifs, les
adjectifs, les verbes, les adverbes et les mots-outils.
Le groupe des substantifs composés est le plus nombreux.
Les modèles essentiels sont les suivants :
1) Composés formés par apposition de deux substantifs
liés par un trait d’union. Ce modèle (substantif + substantif) est
très productif de nos jours : avion-cargo, avion-citerne, balaibrosse, bateau-mouche, bateau-feu (ou bateau-phare), bateaupilote, café-bar, café-concert, café-crème, café-restaurant,
camion-citerne, camion-grue, chien-loup, chou-fleur, députémaire, ingénieur-électricien, plateau-repas, poids-plume, portefenêtre, roman-fleuve, tissu-éponge, wagon-lit, wagon-restaurant,
etc.
2) Substantif + préposition + substantif : arc-en-ciel,
boule-de-neige (arbuste à fleurs blanches en pompons), croc-enjambe, eau-de-vie, gueule-de-loup, etc.
3) Adjectif + substantif ou bien substantif + adjectif : basrelief, basse-cour, belle-fille, belle-mère, blanc-bec, bonhomme,
court-circuit, court-métrage, gentilhomme, grand-duc, grand-père,
40
long-métrage, plafond, plateforme (ou plate-forme), petit-fils,
rouge-gorge ; amour-propre, cerf-volant, coffre-fort, etc.
4) Adverbe + substantif ou bien préposition + substantif :
arrière-cour, arrière-garde, arrière-pensée, arrière-plan, arrièresaison, avant-garde, avant-propos, avant-scène, plus-value,
presqu’île ; contrepoison, sans-emploi, sans-façon, sans-parti,
sous-équipement, sous-marin, sous-officier, sous-peuplement, etc.
5) Verbe + substantif : C’est le modèle le plus répandu :
aide-mémoire, abat-jour, brise-glace, cache-col, casse-noisette,
chasse-neige, chauffe-bain, compte-gouttes, couvre-feu, couvrelit, cure-dent, essuie-mains, garde-boue, garde-malade, gratte-ciel,
lance-missile, lave-vaisselle, ouvre-boîte, pare-brise (ou
parebrise), pare-chocs (ou parechoc), passe-temps, perce-neige,
porte-avions, porte-bagages, porte-cigares, porte-drapeau, porteparole, pousse-café, presse-purée, tire-bouchon (ou tirebouchon),
vide-ordures, etc.
Il existe un grand nombre de substantifs composés formés
à partir des radicaux d’origine savante, grecque ou latine :
agronomie, dictaphone, magnétophone, lexicologie, télescope,
radiographie, etc. La composition savante est si bien assimilée en
français qu’on emploie souvent à titre d’éléments composants des
mots français qui s’ajoutent aux radicaux d’origine grecque ou
latine : aérogare, autoroute, bureaucratie, électrochoc, hydravion,
radioactivité, radiodiffuseur, téléachat, téléspectateur, téléviseur,
etc.
Les adjectifs composés se forment d’après les modèles
suivants :
Adjectif + adjectif : Le linguiste français Henri Mittérand
trouve qu’il existe « deux types, identiques par la nature des
composants (adjectif + adjectif), mais distincts par leur rapport
grammatical interne »1. Tantôt les deux adjectifs sont coordonnés
(aigre-doux, douce-amère, sourd-muet), tantôt l’un joue par
rapport à l’autre le rôle d’un adverbe (clairsemé, court-vêtu, miamusé, mi-clos, mi-sérieux, etc.).
Nombre d’adjectifs formés d’après ce modèle sont de
formation savante et se rapportent à la terminologie technique et
1
H. Mittérand. Les mots français, Paris, 1972, pp. 54.
41
politique : anglo-américain, électrochimique, électromagnétique,
franco-italien, radioactif, radiographique, radiologique, politicomilitaire,
politico-social,
socio-culturel,
thermocollant,
thermodynamique, thermonucléaire, etc.
2) Adverbe + adjectif : bienheureux, malheureux,
malpropre, malveillant, bienveillant, bien-aimé, bien-séant, etc.
3) Adjectif + participe : clairvoyant, dernier-né, mort-né,
nouveau-né, etc.
La composition n’est pas propre aux verbes, aux adverbes
et aux mots-outils. Citons quelques exemples :
Verbes composés : colporter, culbuter, maintenir,
maltraiter, saupoudrer, qui sont des survivances de l’ancien
français et ne sont composés que sur le plan diachronique.
Adverbes composés : au-dessous, au-dessus, auparavant,
aussitôt, autrefois, beaucoup, bientôt, cependant, longtemps,
maintenant, par-devant, toujours, toutefois, vis-à-vis, etc.
Mots-outils composés (conjonctions et préposition) :
puisque, quoique, depuis, hormis, parmi, etc.
II. Formation sémantique
a) La conversion ou la dérivation impropre
La conversion qu’on appelle aussi « dérivation
impropre » (ou hypostase, dérivation implicite, dérivation à
morphème zéro) désigne le processus par lequel une forme peut
passer d’une classe lexico-grammaticale à une autre sans
modification formelle qui amène au changement de son
paradigme dérivationnel, de sa fonction syntaxique et de sa place
dans la phrase, ainsi que de sa combinabilité.
Dans la plupart des cas la conversion c’est le passage de
l’unité lexicale d’une partie du discours à l’autre, mais parfois
c’est simplement le changement de l’une des valeurs
grammaticales du mot : une aide – un aide, la critique – le
critique, la garde – le garde, la mémoire – le mémoire, la mode –
le mode ; le ciseau – les ciseaux, la lunette – les lunettes, la
menotte – les menottes, la vacance – les vacances.
42
La conversion est d’une productivité considérable dans le
français de nos jours.
On distingue trois types essentiels de conversion : la
substantivation, l’adjectivation et l’adverbialisation.
La substantivation est le type le plus fréquent. C’est grâce
à l’article que n’importe quel mot appartenant à n’importe quelle
partie du discours, et même des groupements de mots et des
propositions entières, peuvent se substantiver :
adjectifs : le beau, le bleu, le calme, le comique, un
documentaire, un malade, un muet, une nouvelle, le rouge, un
sourd, le sublime, le vrai ;
infinitifs : le déjeuner, le devoir, le dîner, l’être, le goûter,
le pouvoir, le rire, le savoir, le souper, le sourire, les vivres, le
vouloir ;
participes présents : un assistant, un courant, un
dirigeant, une dominante, un enseignant, un étudiant, un gagnant,
le gérant, un habitant, un manifestant, un mendiant, un militant, le
montant, un participant, un passant, un penchant, un représentant,
un sympathisant ;
participes passés : une allée, un blessé, un blindé, le
contenu, un déporté, un détenu, un démenti, une entrée, une
étendue, un fait, une fiancée, un insurgé, un licencié, un parvenu,
le passé, un permis, un reçu, la rentrée, un résumé, une tranchée,
un vaincu ;
adverbes : le bien, le mal, le mieux, le moins, un non, un
oui, le peu, le plus, le trop ;
mots-outils : le pour et le contre, les pourquoi (des
enfants), trop de si et de mais ;
groupements de mots et propositions entières lexicalisés :
un décrochez-moi ça, un je ne sais quoi (ou je-ne-sais-quoi), un
crève-la-faim, les on-dit, un pas grand’chose, le qu’en dira-t-on,
un sauve-qui-peut, un va-et-vient, etc.
L’adjectivation consiste à faire passer des substantifs et
des participes dans la catégorie des adjectifs :
substantifs adjectivés : cerise, citron, lilas, marron,
orange, paille, rose, etc. qui désignent la couleur ; nœud papillon,
talons aiguilles, temps record ;
43
participes présents adjectivés : amusant, assourdissant,
charmant, éblouissant, ennuyant, extravagant, fatigant, obéissant,
plaisant, suppliant ;
participes passés adjectivés : blessé, enchanté, dissipé,
gâté, perdu, précipité, résolu, salé, etc.
L’adverbialisation c’est le passage des adjectifs dans la
catégorie des adverbes. C’est un procédé qui gagne du terrain
dans la langue française d’aujourd’hui. Ce sont essentiellement
les adjectifs monosyllabes ou à deux syllabes qui remplissent la
fonction des adverbes : s’arrêter net, boire frais, chanter fort,
couper court, coûter cher, habiller jeune, jardiner moderne,
manger gras, peser lourd, refuser net, sonner faux, tenir bon,
tomber raide, travailler ferme, vendre cher, voir clair, voir trouble,
voter utile, etc.
b) La grammaticalisation
En linguistique diachronique on parle de la
grammaticalisation qui représente le passage des mots lexicaux
(autonomes, significatifs, pleins) dans la catégorie des mots
grammaticaux (mots-outils, mots accessoires).
La grammaticalisation est un processus lent et graduel qui
se poursuit au cours de l’évolution de la langue. Ainsi, le mot
latin mens, mentis (à l’ablatif mente) est devenu en français un
suffixe d’adverbe de manière dans absolument, doucement,
impunément, précisément, etc. C’est au moyen de ce procédé que
le français s’est créé un système de particules grammaticales qui a
remplacé l’ancien système morphologique flexionnel. Les formes
de l’article défini le, la proviennent des formes du pronom
démonstratif latin illum, illam ; l’article indéfini un, une remonte
aux formes du numéral unum, unam ; les particules de négation
pas, point, goutte proviennent des substantifs respectifs. La
préposition chez a conservé en partie son ancienne valeur de
« maison, cabane » (lat. casa, subst.) : p.ex., chez moi, chez toi,
avoir son chez-soi. Les prépositions pendant, suivant, durant sont
des participes présents transformés en mots-outils. La préposition
sauf est un ancien adjectif qui était variable en genre. Au 16e
siècle on disait encore « sauve ma femme ».
44
Nombre
de
locutions
prépositionnelles
et
conjonctionnelles sont basées sur l’emploi d’un substantif qui est
le composant principal de la locution : en face de, à côté de, à
propos de, à force de, en vue de, histoire de, de peur que, grâce à,
de crainte que, au lieu de, au moyen de, de façon à, au moment
où, etc.
La grammaticalisation des mots lexicaux engendre
parfois des homonymes : pas subst. et pas particule de négation,
avoir verbe autonome et avoir verbe auxiliaire, etc.
c) Les homonymes sémantiques (voir le paragraphe « Les
homonymes »)
III. Formation analytique
La formation analytique des unités lexicales occupe une
place importante dans l’enrichissement du français qui est une
langue à tendances analytiques accentuées ou simplement
« analytique par excellence ». F. Brunot remarque que nombre de
mots synthétiques de l’ancien français sont remplacés aujourd’hui
par des formations analytiques1 qui témoigne de l’orientation du
français moderne vers les constructions analytiques non
seulement dans son système grammatical, mais aussi dans son
vocabulaire : aconter – tenir compte, acoster – mettre à côté,
enuiter – faire nuit, arouter – se mettre en route, etc.
On trouve des unités lexicales analytiques appartenant
aux différentes parties du discours. Elles sont plus nombreuses
dans la catégorie des verbes. Sont surtout nombreuses celles qui
sont formées à l’aide des verbes auxiliaires avoir, faire, mettre,
prendre, donner : avoir affaire, avoir besoin, avoir confiance,
avoir envie, avoir peur, avoir raison, avoir de la peine ; faire
alliance, faire allusion, faire appel, faire cadeau, faire effort, faire
face, faire fortune, faire mal, faire signe, faire partie, faire plaisir ;
mettre en cause, mettre en circulation, mettre en colère, mettre en
F. Brunot. Histoire de la langue française. Tome 1 (De l’époque latine
à la
Renaissance), Paris, 1905, p. 144.
1
45
doute, mettre à jour, mettre en liberté, mettre au monde, mettre en
œuvre, mettre en ordre, mettre sur pied, mettre en relief, mettre en
vente ; prendre l’âge, prendre l’air, prendre congé, prendre
conscience, prendre en considération, prendre fin, prendre froid,
prendre l’habitude, prendre en mariage, prendre la mer, prendre
naissance, prendre plaisir, prendre au sérieux, prendre la tête ;
donner libre accès, donner libre cours, donner envie, donner
l’humeur, donner la mort, donner raison, donner signe de vie,
donner soif, donner sa voix. On trouve aussi des unités
analytiques formées à l’aide de quelques autres verbes auxiliaires
moins fréquents : porter secours, prêter l’oreille, tenir compte,
tenir lieu, venir en aide, etc.
On trouve aussi des formations analytiques parmi les
unités appartenant aux autres parties du discours (substantifs,
adjectifs, adverbes, mots-outils) : homme d’affaires, homme
d’Etat, coup d’œil, coup de main, mise en œuvre, mise en scène,
mise au point, banque de donnée ; de bonne qualité, de longue
haleine, à dormir debout, de talent, d’or, de marbre ; sans cesse, à
fond, avec soin, à voix basse ; à cause de, en face de, à côté de, en
vue de, à l’égard de, alors que, après que, à condition que, grâce
à, etc.
C’est l’asymétrie du signe linguistique qu’on découvre
dans les unités lexicales analytiques qui sont des groupements de
mot d’après leur structure, et des mots d’après leur fonction.
IV. Les onomatopées
(voir le paragraphe « La motivation des mots »).
Il reste à ajouter que ce procédé de formation de mots est
d’une productivité très restreinte en français.
46
La synonymie. Les synonymes
La synonymie se définit comme une identité de signifiés
entre deux signes linguistiques. Il s’agit donc du type un sens –
plusieurs noms (p.ex. lieu – endroit).
Le locuteur cherche souvent un mot à la place d’un autre
pour moins de monotonie, pour plus de précision, pour une plus
grande élégance.
Les synonymes sont des mots ou des expressions qui ont
une même signification ou des significations très proches.
D’après la relation qu’entretiennent entre eux divers
termes ou expressions ayant le même sens ou un sens voisin, on
distingue : a) la synonymie absolue (complète, totale) quand les
unités synonymes sont interchangeables dans tous les contextes,
et alors il n’y a pratiquement plus de véritables synonymes, car
leurs significations sont parfaitement identiques et b) la
synonymie relative (incomplète) quand les unités synonymes ont
un même sens cognitif et des valeurs affectives différentes.
J. Marouzeau dans son « Précis de stylistique française »
fait remarquer que « Ce qui est vrai, c’est qu’il y a entre les mots
des différences autres que le sens : ton, valeur, expressivité,
affectivité, âge, origine, possibilité d’emploi, de constructions etc.
De deux mots dits synonymes, l’un a des qualités que l’autre n’a
pas, en sorte que les conditions d’emploi ne sont pas les mêmes
pour l’un et pour l’autre : ne … pas est commun, ne … point
littéraire (ou dialectal) ; firmament par rapport à ciel est poétique ;
ouïr par rapport à entendre est archaïque ; ardu ne s’emploie pour
difficile que dans certaines locutions (une tâche ardue) ; sembler
s’emploie à l’exclusion de paraître dans un tour tel que : il me
semble ; briser est susceptible d’un emploi métaphorique (un
cœur brisé) que casser n’admet pas… »1.
Ajoutons d’autres exemples : interdire est synonyme de
défendre dans je te défends de sortir, mais non dans je défends
mon frère ; on enveloppe ou on emballe un paquet dans un
papier : on enveloppe, mais on n’emballe pas un malade dans une
couverture !
1
J. Marouzeau. Précis de stylistique française, Paris, 1959, p. 108.
47
Donc la synonymie est généralement relative, incomplète.
Quant à la synonymie absolue, elle est beaucoup moins fréquente
et ne se maintient pas longtemps, car le principe général de
l’économie des langues veut que le pareil soit rejeté. Alors l’un
des synonymes disparaît ou il prend un sens nouveau, une nuance
sémantique, stylistique ou affective nouvelle. « Nous sommes
tellement accoutumés à percevoir des différences de nuances,
pour légères qu’elles soient, entre synonymes que l’existence de
deux termes pour désigner exactement la même chose sur le
même plan de style risque de dérouter la pensée »1.
Généralement on trouve des synonymes « absolus » dans
des contextes appartenant à différents styles langagiers (tête – mot
littéraire commun et caboche, cafetière, carafe, carafon, citron,
citrouille, etc. – mots argotiques) ou bien dans le cadre d’une
même terminologie scientifique ou technique (consonne fricative
= consonne spirante en phonétique, lexique = vocabulaire en
linguistique etc.). Mais il est évident que même les synonymes
dits « absolus » ou « parfaits » ne sont pas toujours identiques sur
le plan du sens cognitif et de la valeur affective à la fois (p.ex. tête
et ses synonymes argotiques cités ci-dessus).
Les synonymes partiels se subdivisent en synonymes
idéographiques et synonymes stylistiques.
Les synonymes idéographiques expriment les nuances
sémantiques d’une seule notion ou de plusieurs notions proches.
La partie principale de leur composition sémique coïncide, ce qui
les rend substituables dans une classe de contextes : p.ex. craindre
et redouter qui ont le même sème de « avoir peur ». Mais dans
cette composition sémique il existe aussi des sèmes qui ne sont
pas identiques pour les deux lexèmes :
craindre – éprouver de l’inquiétude, de la peur devant qn,
qch., envisager (qn, qch.) comme dangereux, nuisible, en avoir
peur (je crains qu’il ne vienne) ;
redouter – craindre vivement, craindre comme très
menaçant, appréhender, s’en inquiéter par avance (redouter
l’avenir)
1
S. Ullmann. Précis de sémantique française, Berne, 1952, pp. 180-181.
48
Cette différence dans le contenu sémique des lexèmes les
rend substituables dans certains contextes seulement, à
l’exclusion des autres.
C’est grâce à la coïncidence de la partie principale de la
constitution sémique des mots que dans chaque série des
synonymes il existe un mot exprimant de la manière la plus
générale la notion représentée par toute la série. C’est la
dominante (l’hyperonyme) de la série qui est la plus neutre. Par
conséquent, elle a des liens sémantiques beaucoup plus larges que
les autres termes de la série et jouit d’une combinabilité
syntaxique extrêmement étendue.
Dans les dictionnaires on trouve les traits distinctifs des
mots synonymes. Soit la série de substantifs fatigue = lassitude =
épuisement = affaiblissement :
fatigue – sensation de lassitude causée par l’effort,
l’excès de dépense physique ou intellectuelle ;
lassitude – sensation de fatigue générale et vague,
inaptitude à l’action et au mouvement ;
épuisement – état de fatigue extrême, absence de forces,
grande faiblesse physique ou morale ;
affaiblissement – perte de force, abattement.
La dominante de la série est le mot fatigue qui fait partie
des locutions telles que être écrasé (broyé) de fatigue et prendre
de la fatigue où il ne peut pas être remplacé par un de ses
synonymes.
Dans les séries : célèbre = connu = illustre = fameux =
glorieux = légendaire ; luire = resplendir = briller = reluire ;
véritablement = réellement = effectivement = vraiment = en fait
les dominantes sont connu, briller, vraiment.
Une des particularités de la synonymie française est la
présence des unités analytiques (séparables) à côté des unités
synthétiques (inséparable) conditionnée par les tendances du
français moderne qui est une langue analytique par excellence.
Par ex. s’abriter = se mettre à l’abri, craindre = avoir peur, finir =
mettre fin, prendre fin, fuir = prendre la fuite, participer = prendre
part, assurément = sans aucun doute, attentivement = avec
attention, incessamment = sans cesse, lentement = avec lenteur,
vite = à toute vitesse, envers = à l’égard de, pendant = au cours
49
de, pour = en vue de etc. Entre les synonymes synthétiques et
analytiques il existe toujours des distinctions d’ordre sémantique
et surtout grammatical, le plus souvent aspectuels.
Quant aux synonymes stylistiques, ils appartiennent à
différents styles du langage et traduisent les diverses nuances
affectives et expressives d’une même notion. Leur étude est du
domaine de la stylistique.
Les sources de la synonymie
Pour nuancer la pensée et pour rehausser l’expressivité de
la parole on recourt à une riche variété de synonymes dont les
sources sont les suivantes :
1) L’emploi métaphorique du mot.
Le verbe allumer (allumer le gaz, allumer le feu) employé
métaphoriquement fait partie de la série exciter = provoquer =
fomenter (allumer la colère, allumer le désir, allumer la guerre).
Le substantif bouton (petite excroissance d’où naissent
les branches, feuilles, fruits ou fleurs d’un végétal) a pris par
analogie le sens de « petite tumeur faisant saillie à la surface de la
peau » et il est devenu le synonyme de papule = vésicule.
L’adjectif glacial (un hiver glacial) employé au sens
figuré s’ajoute à la série synonymique sans chaleur = distant =
détaché = sec (un accueil glacial, un silence glacial, etc.).
2) Les euphémismes.
L’adjectif bête (sot, stupide) est souvent remplacé par
simple pour atténuer l’expression choquante du premier. Le mot
handicapé est euphémique par rapport à infirme. Le substantif
mort a son synonyme disparition qui serait moins déplaisant. La
notion de vol est rendue dans certains cas par détournement
(détournement de fonds, de titres, de valeurs).
3) Le langage familier et l’argot fournissent nombre de
synonymes stylistiquement marqués :
argent = fric, pèse, pognon, oseille, ronds
avare = grigou, grippe-sou, près de ses sous, radin, rapiat
beau = chouette, super, chic, du tonnerre
50
cheval = bique, bourrin, rosse, carne, bidet (qui se disent
d’un mauvais cheval)
charmant = épatant
manger = casser la croûte, becqueter, boulotter, bouffer
riche = argenté, rupin, richard, friqué, galetteux
voler = chiper, faucher, piquer
4) Les emprunts aux langues étrangères qui font des
paires de synonymes avec les unités lexicales
françaises :
angl. attaché-case = porte-documents
angl. best of = compilation
angl. broker = courtier
angl. come-back = rentrée, retour en vogue (d’une
personnalité, d’une vedette)
angl. e-mail = courriel
esp. fiesta = partie de plaisir, fête
persan bazar = droguerie
angl. leader = chef, porte-parole (d’un parti, d’un
mouvement politique)
ital. tifosi = supporters, fans italiens
5) Les dialectes, les parlers locaux ;
espéré signifie attendu, marâtre s’emploie dans le sens de
belle-mère, fieu veut dire fils, femelle est employée à la
place de femme, gronder remplace parler etc.
6) Le langage poétique où l’on trouve souvent des
archaïsmes appartenant au style soutenu. Par ex.
destrier = cheval, courroux = colère, infortuné =
malheureux etc.
7) Les doublets étymologiques qui gardent parfois une
certaine communauté de sens et désignent des notions
apparentées : chanteuse = cantatrice, frêle = fragile,
froid = frigide, raide = rigide, sûreté = sécurité etc.
8) La formation même des mots : an = année, effrayant
= effroyable, froid = froidure, fosse = fossé, jour =
journée, matin = matinée, mur = muraille, soir =
soirée, ennuyant = ennuyeux etc.
51
Les antonymes
Les antonymes sont des mots à sens opposés, contraires.
Mais pour être contraires ils doivent avoir quelque chose de
commun entre eux : tomate et stylo, beau et inquiet ne peuvent
pas être antonymes, car il n’ont rien de commun. Par contre, si
deux lexèmes appartiennent à la même classe grammaticale (à la
même partie du discours), possèdent un certain nombre de sèmes
communs et se distinguent par d’autres, ils s’opposent entre eux
et deviennent antonymes. Monter et descendre sont antonymes,
car ils possèdent en commun le trait de « déplacement vertical »
et s’opposent par les traits « vers le haut » et vers le bas ».
On trouve les antonymes parmi les différentes parties du
discours : beauté – laideur, vérité – mensonge, aimer – haïr,
acheter – vendre, accepter – refuser, s’approcher – s’éloigner, fort
– faible, chaud – froid, long – court, bien – mal, tôt – tard, etc.
Dans la plupart des cas les antonymes expriment des
notions qualitatives, c’est pourquoi ils sont plus fréquents dans la
classe des adjectifs qualificatifs et les adverbes formés à partir de
ces adjectifs : rapide – lent > rapidement – lentement, paresseux –
laborieux > paresseusement – laborieusement, vif – nonchalant >
vivement – nonchalamment, gai – triste > gaiement – tristement,
etc.
Dans les classes des substantifs et des verbes l’apparition
des mots antonymes est souvent conditionnée par leur corrélation
avec les adjectifs qualificatifs correspondants :
riche – pauvre > richesse – pauvreté > s’enrichir –
s’appauvrir
léger – lourd > légèreté – lourdeur > alléger – alourdir
grand – petit > grandeur – petitesse > agrandir –
rapetisser, etc.
Il faut distinguer les antonymes à radicaux différents et
les antonymes à même radical. Certains linguistes les appellent
antonymes logiques et morphologiques1. Les premiers n’ont pas
1
И. Н. Тимескова, В. А. Тархова. Лексикология современного
французского языка, Леннинград, 1967, стр. 151.
52
d’indices formels d’antonymie : plein – vide, beau – laid, entrer –
sortir, s’approcher – s’éloigner, vie – mort, donner – recevoir, etc.
Les antonymes à même radical sont formés à l’aide des préfixes
ou d’un élément du mot composé : possible – impossible, juste –
injuste, agréable – désagréable, normal – anormal, national –
antinational, réel – irréel, limité – illimité, apparaître – disparaître,
sain – malsain, bienveillant – malveillant, etc.
On trouve nombre d’antonymes parmi les unités
analytiques du vocabulaire français : avoir froid – avoir chaud,
avoir raison – avoir tort, être présent – être absent, faire du (le)
bien – faire du (le) mal, faire de la peine – causer de la joie, etc.
Il arrive parfois que le même signifiant désigne des
acceptions opposées : hôte – personne qui donne l’hospitalité
(maître de maison) et personne qui reçoit l’hospitalité (invité) ;
louer – donner à loyer, en location et prendre à loyer, en location ;
consultant – personne qui donne des consultations (médecin
consultant) et personne qui prend une consultation (qui consulte
un médecin). Ce phénomène linguistique est appelé énantiosémie.
En parlant de l’antonymie il faut mentionner l’existence
des antonymes contextuels. Dans ce cas-là il serait plus correct de
signaler un emploi antonymique du mot. Dans certains contextes
l’adjectif sourd (qui n’a pas d’antonyme au sens propre) pris au
sens figuré devient le contraire de éclatant, sonore, aigu (un rire
sourd – un rire éclatant, une voix sourde – une voix sonore, une
douleur sourde – une douleur aiguë).
Tout comme les synonymes, les antonymes sont souvent
partiels, car les mots polysémiques peuvent avoir des antonymes
dans chacune de leurs acceptions, surtout au sens figuré.
L’antonyme du substantif chaleur au sens propre est froid, mais
au figuré le mot chaleur signifie animation, ardeur, vivacité
(accueillir avec chaleur, chaleur humaine) dont les contraires
seront respectivement froideur, indifférence et nonchalance.
L’emploi des antonymes est un moyen stylistique très
efficace pour rendre des contrastes et créer des antithèses dans les
discours oratoires et dans la langue poétique.
53
Les homonymes
Le terme « homonyme » provient du grec « homos » –
semblable et « onoma » – nom.
Les homonymes sont des mots à prononciation identiques
ayant des sens différents. On peut constater, donc, que
l’homonymie est la relation d’identité située au niveau du
signifiant et reconnue entre deux ou plusieurs mots dont les
signifiés sont considérés comme distincts. C’est l’identité
phonique (homophonie) ou l’identité graphique (homographie)
des mots qui n’ont pas le même sens.
L’homonymie est un phénomène très répandu en français
dont la cause principale est l’évolution phonique des mots. Par
ex. :
mots latins
mots français
vermis
>
ver
versus
>
vers
viridis
>
vert
vitrum
>
verre
centum
sanguem
sine
>
>
>
cent
sang
sans
Ajoutons encore quelques exemples d’homonymes : sain
– saint – sein, chêne – chaîne, point – poing, poids – pois, etc.
Les mots courts, surtout les monosyllabes, ont plus de
chance de coïncider avec d’autres : à – (il) a, eau – au(x) – (les)
os, ou – où – août, on – (ils) ont, et – (il) est – (qu’il) ait – (il) hait
– haie, père – paire – pair, mettre – mètre – maître, etc.
54
La classification des homonymes
On distingue tout d’abord les homonymes lexicaux et les
homonymes grammaticaux.
Le groupe des homonymes lexicaux comprend les mots
qui appartiennent à la même partie du discours et qui ont les
mêmes catégories grammaticales. La graphie des homonymes
lexicaux peut être différente. Par ex.,
le coup – le cou – le coût
le port – le porc – le pore
la voix – la voie
Le groupe des homonymes grammaticaux comprend les
mots appartenant à la même partie du discours ayant des
distinctions grammaticales. Par ex.,
la cour – le cours
la balle – le bal
la boue – le bout
Mais le plus souvent les homonymes grammaticaux
appartiennent à différentes parties du discours :
vivre – les vivres
une chaire – cher (chère)
un mur – mûr(e)
une faux – faux (fausse)
Un des traits distinctifs de ce groupe est que les mots ne
sont homonymes que dans une de leurs formes grammaticales.
Par. ex.,
une cour – je cours – court
un bond – bon
le pouvoir – pouvoir
un plat – plat
Les homonymes se répartissent aussi en homophones,
homographes et homonymes sémantiques.
Les homophones sont des mots ayant la même
prononciation, mais une graphie et étymologie différentes :
mots latins
mots français
signum
>
sceau
sitella
>
seau
55
saltus
>
saut
vanus
vinum
viginti
>
>
>
vain
vin
vingt
Les homographes sont des mots ayant la même graphie et
la même prononciation, mais une étymologie différente :
mots latins
mots français
laudare
>
louer
locare
>
louer
pensilem
patellam
>
>
poêle
poêle
summa
somnus
>
>
somme
somme
Les homonymes sémantiques ont la même prononciation
et une étymologie identique. Il arrive qu’une des acceptions du
mot polysémique commence à être employée métaphoriquement
ou par comparaison, et l’écart entre les différentes acceptions du
mot polysémique s’accroît sans cesse. Il arrive un moment où les
liens sémantiques se rompent et le mot se disloque. La polysémie
cède alors sa place à l’homonymie, et on se trouve en présence de
deux mots indépendants. Par ex.,
1. assiette emplacement, situation (l’assiette de la
ville)
2. assiette pièce de vaisselle individuelle servant à
contenir des aliments
1. glace 2. glace -
eau congelée
plaque de verre ou de cristal employée à
divers usages (glace de vitrine, d’une
voiture, armoire à glace, etc.)
1. goutte -
très petite quantité de liquide qui prend
une forme arrondie
56
2. goutte -
diathèse caractérisée par des poussées
inflammatoires articulatoires
1. grève -
terrain plat et uni, couvert de gravier et
de sable, le long de la mer ou d’un cours
d’eau
cessation collective et concertée de
travail, décidée par les salariés
2. grève -
1. punaise 2. punaise -
petit insecte à corps aplati
petit clou à tête plate et ronde, à pointe
courte, servant à fixer à la main des
feuilles de papier sur une surface
1. rivière -
cours d’eau naturel de faible ou moyenne
importance qui se jette dans un autre
cours d’eau
collier composé de diamants
2. rivière -
L’homonymie est un phénomène synchronique qui varie
au cours de l’histoire.
Les sources de l’homonymie
1. La source principale de l’apparition des homonymes
est l’évolution phonique convergente de deux ou plusieurs formes
distinctes qui aboutit à leur coïncidence :
lat.
punctum
–
fr.
point
lat.
pugnus
–
fr.
poing
lat.
panis
–
fr.
pain
lat.
pinus
–
fr.
pin
2. Le développement sémantique est une seconde source
de l’homonymie. C’est l’évolution divergente des sens d’un seul
mot qui donne naissance à l’apparition des homonymes
57
sémantiques (voir les exemples cités dans « La classification des
homonymes »).
3. La conversion ou la dérivation impropre est une
troisième source. Les cas sont différents :
a) adjectivation des substantifs,
une orange – une robe orange
la nature – grandeur nature
un enfant – être assez enfant
un choc – des prix chocs
une aiguille – un talon aiguille
le chocolat – un teint chocolat
b) substantivation des adjectifs,
industriel – un industriel
comprimé – un comprimé
malade – un malade
blessé – un blessé
professionnel – un professionnel
scientifique – un scientifique
quotidien – un quotidien
c) adverbialisation des adjectifs,
clair – parler clair
court – couper court
faux – sonner faux
fort – sentir fort
jeune – s’habiller jeune
sec – freiner sec
d) changement du genre ou du nombre des substantifs,
une aide – un aide
une critique – un critique
une garde – un garde
une mémoire – un mémoire
une vacance – des vacances
la couleur – les couleurs
58
4. Souvent c’est la dérivation qui engendre des
homonymes : boucher – une bouchée, communiquer – un
communiqué, une poignée – le poignet.
5. Parfois les mots empruntés aux langues étrangères
s’adaptent à la prononciation de la langue emprunteuse, prennent
la même forme phonique que les mots français et deviennent leurs
homonymes. Par ex., le mot anglais bar (débit de boissons où l’on
consomme debout ou assis sur de hauts tabourets, devant un long
comptoir) et son homonyme français barre (longue et étroite pièce
de bois, de métal, etc., rigide et droite). De même : blues (mot
angl. amér., musique de jazz lente) et blouse sont homonymes,
tonic (anglic. soda à base d’écorces d’oranges amères et de
quinquina) est l’homonyme du mot français tonique, etc.
Les paronymes
Les paronymes (du grec « para » - à côté et « onoma » nom) sont des mots de sens différents, mais de formes
relativement voisines. À cause de cette ressemblance de forme et
de prononciation les gens mal instruits les confondent souvent :
avénement – accession au trône, élévation au pouvoir
souverain
événement – ce qui arrive et qui a quelque importance
pour l’homme
collision – choc de deux corps qui se rencontrent
collusion – entente secrète au préjudice d’un tiers
éminent – qui est au-dessus du niveau commun, d’ordre
supérieur
imminent – qui va se produire dans très peu de temps
En français on distingue les types suivants de
paronymes :
a)
paronymes qui remontent au même radical
ayant des préfixes différents ; amener –
59
emmener, apporter – emporter, permettre –
promettre, prévenir – provenir, préposition –
proposition, etc.
b)
paronymes qui remontent au même radical
ayant des suffixes différents ; argenté –
argentin, ennuyant – ennuyeux, populaire –
populeux, etc.
c)
paronymes qui remontent aux radicaux
différents ; allocation – allocution, allusion –
illusion,
complément
–
compliment,
conjecture – conjoncture, décéder – décider,
percepteur – précepteur, etc.
Les élèves débutants confondent souvent les paronymes,
tels que ; attendre – entendre, jaune – jeune, monter – montrer,
raconter – rencontrer, rassembler – ressembler, etc. Pour éviter
toutes sortes d’erreurs dans la parole il faut concentrer l’attention
des élèves et étudiants sur la composition des mots paronymes,
leur sens et leur prononciation correcte.
Archaïsmes et néologismes
Dans la Préface de son célèbre Dictionnaire de la langue
française Emile Littré écrit :
« Ainsi toute langue vivante et surtout toute langue
appartenant à un grand peuple et à un grand développement de
civilisation, présente trois termes : un usage contemporain qui est
le propre de chaque période successive ; un archaïsme qui a été
lui-même autrefois usage contemporain, et qui contient
l’explication et la clef des choses subséquentes ; et, finalement,
un néologisme qui, mal conduit, altère, bien conduit, développe la
langue, et qui, lui aussi, sera un jour de l’archaïsme et que l’on
consultera comme histoire et phase du langage »1.
1
E. Littré. Dictionnaire de la langue française, Chicago, 1993. Préface,
p. 3.
60
Les archaïsmes
L’archaïsme lexical est un mot ou un groupe de mots qui
n’est plus en usage, disparu ou en voie de disparition, car dans
une communauté linguistique il existe des mots ou locutions qui
n’appartiennent qu’aux locuteurs plus âgés. Pour les jeunes
locuteurs ces unités lexicales sont considérées comme des
archaïsmes par rapport à la norme commune1.
Il est naturel que les archaïsmes (ou mots désuets, mots
vieillis) sont beaucoup moins nombreux en comparaison avec les
néologismes qui naissent à tout moment et enrichissent
continuellement le vocabulaire qui est dans une perpétuelle
évolution.
Selon les causes de leur disparition on distingue deux
groupes essentiels de mots archaïques :
a) les historismes ou les mots historiques,
b) les archaïsmes proprement dits.
Les historismes sont des unités lexicales qui
disparaissent, parce que les choses et les notions qu’ils expriment,
n’existent plus : arbalète f (arme de trait, arc d’acier monté sur un
fût); arquebuse f (arme d’épaule dont la mise à feu se faisait au
moyen d’une mèche ou d’un rouet) ; connétable m (chef suprême
de l’armée royale) ; dîme f (impôt, fraction variable de la récolte
prélevée par l’Eglise) ; fief m (terre, droit ou revenu qu’un vassal
tenait de son seigneur et en échange duquel il devait accomplir le
service dû à celui-ci) ; maille f (ancienne monnaie de cuivre de
très petite valeur) ; ménestrel m (musicien et chanteur ambulant
au Moyen Âge) ; pourpoint m (vêtement ajusté d’homme qui
couvrait le corps du cou à la ceinture) ; seigneur m (propriétaire
féodal) ; toise f (ancienne mesure française de longueur, valant
1,949 m) ; vassal,e n (personne liée à un suzerain par l’obligation
de foi et hommage, et qui lui devait des services personnels) ;
cour f de parlement (section judiciaire de la cour du roi) ; les états
généraux (ils comprenaient des représentants de toutes les
1
Jean Dubois et autres. Dictionnaire de linguistique, Larousse, Paris,
1994.
61
provinces appartenant aux trois ordres : clergé, noblesse, tiers
état), etc.
Les historismes n’ont pas de synonymes qui pourraient
les remplacer dans la langue moderne. On les trouve dans les
ouvrages traitant de l’histoire du pays ou bien dans les romans
historiques où ils s’emploient exceptionnellement pour rendre la
couleur de l’époque, pour obtenir un effet de style.
Les archaïsmes proprement dits se subdivisent en
archaïsmes lexicaux et en archaïsmes sémantiques.
Les archaïsmes lexicaux désignent des notions et des
choses qui existent jusqu’à présent. Ces archaïsmes ont des
synonymes absolus dans la langue moderne : bailler = donner,
choir = tomber, cuider = penser, fol visage = masque, goupil =
renard, partir = partager, prou = beaucoup, sans coup férir = sans
difficulté, val = vallée, vis = visage, etc. Remplacés par leurs
synonymes, les archaïsmes lexicaux ne s’emploient plus.
Cependant nombre de mots archaïques se maintiennent dans des
locutions toutes faites : avoir maille à partir avec qqn = avoir un
démêlé, une dispute avec lui ; d’antan = du temps passé ; se tenir
coi = se tenir calme, tranquille ; à huis clos = toutes portes
fermées ; d’ores et déjà = dès maintenant ; peu ou prou = peu ou
beaucoup ; vis-à-vis de = en face de ; chercher noise à qqn = lui
chercher querelle, etc.
Les archaïsmes sémantiques (ou archaïsmes de sens) sont
rares. C’est le cas où le mot subsiste, mais il a perdu son sens
primitif ou l’une de ses acceptions d’autrefois : maîtrise ne
signifie plus autorité de maître, boursier ne désigne plus celui qui
fait et vend des bourses, demeure n’a plus le sens d’attente, gêne
n’a plus l’acception de torture, conseil ne signifie plus résolution.
Ajoutons que certains archaïsmes ne sont pas
définitivement rayés de la langue vivante, car on les rencontre
encore dans le style soutenu et dans la poésie.
La néologie
62
La néologie est le processus de formation de nouvelles
unités lexicales. Elle comporte en lui-même la contradiction entre
le nouveau et le figé.
On distingue néologie de forme et néologie de sens, selon
que le signe « nouveau » se manifeste sous la forme d’un
signifiant non encore enregistré dans la langue, ou d’un « sens
nouveau » associé à un signifiant ancien. De sorte, la néologie
lexicale se repère soit à travers la création d’un signifiant, soit à
travers l’association nouvelle d’un signifié à un signifiant qui
existe déjà dans la langue. Ainsi, la classification se fait d’après
les principes suivants :
a) création de signifiant,
b) modification de signifié.
Les néologismes
Le lexique traditionnel d’une langue s’enrichit
incessamment de néologismes, c'est-à-dire de mots et de sens
nouveaux, ainsi que de locutions nouvellement créées. La
création des néologismes est une nécessité évidente, vu que le
matériel des notions à exprimer se renouvelle constamment. Les
néologismes apparaissent à la suite du développement de la vie
sociale, culturelle, économique et politique du peuple et des
progrès scientifiques et techniques qui conduisent à la nécessité
d’une terminologie en continuel accroissement. On distingue les
types suivants de néologismes :
a) néologismes de mots (néologismes lexicaux) ;
audionumérique, autonomisation, biotechnologie,
crudivore,
fiabiliser,
immunodéficience,
sociobiologie, télépaiement, etc.
b) néologismes de sens ou nouvelles acceptions qui
s’ajoutent, en règle générale, aux sens précédents des
mots existants (néologismes sémantiques) ; depuis le
XIIIe siècle le mot cohabitation signifie « situation de
personnes qui vivent, habitent ensemble». De nos
63
jours, dans le cadre constitutionnel de la Ve
République, il s’emploie dans la terminologie
politique au sens de « coexistence d’un président de
la République et d’un gouvernement de tendance
opposée ». Le verbe inférioriser a été créé en 1878 et
il est d’un emploi courant avec l’acception de
« donner un sentiment d’infériorité à qn ». Mais à
partir de 1970 il a acquis une nouvelle signification,
celle de « sous-estimer la valeur de qn ou de qch,
déprécier, rabaisser ». De même, le mot visionner,
apparu en 1921 pour rendre la notion de
« examiner (un film) d’un point de vue technique», a
pris en 1980 un sens nouveau, celui de « faire
apparaître (une image, un texte etc.) sur un écran de
visualisation ».
c) néologismes phraséologiques (néologismes de
locutions, de groupes de mots figés) ; bon chic bon
genre (B.C.B.G.), bras d’honneur, chômage
technique, clés en main, distributeur automatique de
billets (de banque, de train etc., DAB), fécondation in
vitro (F.I.V.), formation continue (syn. de formation
permanente), grande bouffe (fam.), initiative de
défense stratégique (I.D.S.), maladie sexuellement
transmissible (M.S.T.), million d’ins-tructions par
seconde (mips), piège à cons, nouveaux pays
industrialisés (N.P.I.), planche à voile, procréation
médicalement assistée (P.M.A.), relevé d’identité
ban-caire (R.I.B.), syndrome d’immunodéficience
acquise (sida), vélo tout-terrain (V.T.T.), zone
d’éducation prio-ritaire (zep) et d’autres.
Les sources de néologismes
1. Affixation (préfixation et suffixation)
Parmi les préfixes, il en est plusieurs dont la productivité
est devenue considérable pendant les dernières décennies :
64
anti-
auto-
dé-
mini-
multi-
pré-
re-
super-
antiadhésif, anti-âge, antiallergique, anticorrosion, antidouleur, antipollution,
anti-roulis,
antisatellite,
antisida,
antistatique, an-titache(s), antitussif
autoadhésif, autobloquant, autobronzant,
autocassable,
autocollant,
autoconcurrence,
autodérision,
autodictée,
autogestionnaire,
autoimmun, autonettoyant, autopalpation,
s’autoproclamer, autosuffisant
décrédibiliser, dégripper, délégitimer,
démé-dicaliser,
démultiplexage,
dénébuler,
dépa-rasiter,
dépolluer,
déréglementer,
dérégle-mentation,
dérégulation, déridage, dérurali-sation,
désendettement, désindustrialiser, désintermédiation, désyndicalisation
minibar,
minibus,
minicassette,
minichaîne, minigolf, minijupe, miniordinateur, minipi-lule, miniski
multibrin, multicâble, multiconducteur,
mul-ticoque,
multiculturalisme,
multiculturel,
multiethnique,
multifonctionnel, multimé-dia, multiplex,
multirécidiviste, multirisque
prédécoupé, préemballé, préfinancement,
préimplantataire, prérentrée, préretraite,
pré-sélectionner,
présonorisation,
préstratégique, prétraité
recyclable,
rééchelonnement,
refondateur,
refondation,
refonder,
réinscriptible, renégo-cier, repositionner,
reprogrammer, resociali-sation, retraiter
superalliage,
superamas,
supercalculateur,
supercritique,
supergrand, superléger, super-marché,
superpuissance
65
sur-
surcapacité, surcoût, surdimensionné,
sur-dose,
surdoué,
sureffectif,
surencombré,
sur-endetté,
surendettement, surinformer, surli-gner,
surligneur, surprotéger, surréservation,
surstock, surveste, survitrage
transtranscodage,
transcodeur,
transdisciplinaire,
transfrontalier,
transgène, transgenèse, trans-génique,
transphrastique, transsexuel
télétéléconférence, télécopie, télécopieur,
télé-informatique,
télémaintenance,
télépéage, té-léport, télésignalisation,
télésurveillance, té-létravail
La suffixation reste un moyen efficace de la dérivation
française. Parmi les suffixes les plus productifs dans la formation
de mots nouveaux on peut citer les suivants :
-able
académisable, captable, compactable, gérable, modulable
-age
assurage, ciblage, cryptage, déchoquage,
îlo-tage, piratage
-erie
billetterie, croissanterie, déchetterie,
maison-nerie, solderie
-eur
bipeur, bombeur, dégrafeur, dépollueur,
do-peur, tableur, tagueur
-isation
bancarisation, colorisation, contextualisation,
dépénalisation,
déresponsabilisation,
dualisation,
informatisation,
labellisation,
médiatisation,
précarisation,
sanctuarisation, sponsorisation
-iser
annualiser, convivialiser, ethniciser,
fiabi-liser, financiariser, flexibiliser,
folkloriser, instrumentaliser, labelliser,
médiatiser, pré-cariser, respectabiliser,
sanctuariser, sponso-riser, vandaliser
-isme
âgisme, clanisme, confessionnalisme,
écolo-gisme,
fondamentalisme,
66
-iste
-ité
-logie
-logue
-thèque
gradualisme,
illet-trisme,
jeunisme,
négationnisme
antenniste,
chambriste,
comportementaliste,
convivialiste,
cuisiniste,
deltiste,
emballa-giste,
négationniste, planchiste, urgentiste
confidentialité, conflictualité, furtivité,
sai-sonnalité, sinistralité
accidentologie, alcoologie, contactologie,
futurologie,
manuscriptologie,
planétologie,
rudologie,
sidologie,
spatiologie, urbano-logie
écologue, futurologue, nivologue, oncologue, planétologue, sidologue
artothèque, cassettothèque, diathèque,
filmo-thèque, génothèque, iconothèque,
logi-thèque, ludothèque, magnétothèque,
média-thèque,
programmathèque,
vidéothèque
2. Formation parasynthétique
On appelle parasynthétiques les mots formés par
l’addition à une base (un radical) d’un préfixe et d’un suffixe. Les
néologismes parasynthétiques sont assez nombreux en français :
ablastine, axénisation, déchoquage, dégrafeur, incontournable,
indatable, indémodable, etc.
3. La composition
Les mots composés tendent à devenir de plus en plus
nombreux en français, en particulier dans les domaines
scientifique et technique. Ce sont des unités lexicales formées à
partir d’éléments qui sont des mots ou des radicaux d’origine
française, latine ou grecque :
biodiversité, cybernaute, échocardiogramme, écoindustrie, écotoxique, eurodéputé, hémovigilance, internaute,
ludoéducatif, microfibre, micropilule, narcotrafic, piano-bar,
postdoctoral,
radio-réveil,
télécarte,
véliplanchiste,
vidéosurveillance, etc.
67
Parmi les néologismes composés on rencontre des unités
appelées mots-valises. Un mot-valise est constitué par
l’amalgame des morceaux non signifiants de deux mots. On prend
la partie initiale d’un mot et la partie finale d’un autre :
alicament [ali (ment) et (médi)cament]
caméscope [camé(ra) et (magnéto)scope]
franglais [fran(çais) et (an)glais]
ludiciel [ludi(que) et (logi)ciel]
monétique [moné(taire) et (informa)tique], etc.
Parfois le mot valise est composé des parties initiales des
mots :
modem [mo(dulateur) et dém(odulateur)].
4. Les emprunts aux langues étrangères
Les plus nombreux sont les emprunts à l’anglais, de
Grande-Bretagne ou des Etats-Unis, appelés emprunts angloaméricains. On les trouve surtout dans la langue de la presse
écrite ou parlée, ainsi que dans certains vocabulaires scientifiques
ou techniques (celui de l’informatique, par exemple) : aérobie,
airbag, autoreverse, barefoot, best of, chromodynamique, clip,
déboguer, e-mail, horse-ball, hypermédia, light, manager,
mastère, narcodollars, novélisation, raft, rafting, road movie,
snowboard, talk-show, vidéoclub, zapper, zappeur, zapping etc.
Certains néologismes sont empruntés à des langues
étrangères autres que l’anglais :
à l’afghan – taliban
à l’allemand – blitzkrieg
à l’arabe – ayatollah, djihad, halal, intifada
au chinois – taï chi, kung-fu
au coréen – taekwondo
à l’espagnol – canyoning, tapas
à l’hindi – bandana
à l’italien – antipasti, panini, pizzaïolo, tifosi
au japonais – karaoké, nunchaku, sumo
au russe – glasnost, nomenklatura, perestroïka, etc.
Nombre d’emprunts récents ont leurs équivalents français
recommandés officiellement et qui sont d’un emploi courant :
68
broker – courtier, fast-food – prêt à manger, jingle –
sonal, motor-home – autocaravane, packaging – conditionnement,
software – logiciel, tie-break – jeu décisif, etc.
Parfois un néologisme apparaît sous forme de calque qui
présente la transposition de la structure morpho-syntaxique d’une
langue étrangère par traduction. En voilà quelques exemples de
calques créés en français à partir des modèles anglais :
to finalize > finaliser
prepaid > prépayé
teleshopping > téléachat
venture capital > capital-risque
white collar > col blanc
zero growth > croissance zéro, etc.
5. La conversion
Une des sources de néologismes est la conversion ou la
dérivation impropre, c'est-à-dire le passage du mot d’une
catégorie lexico-grammaticale dans une autre :
d’adjectif en substantif (le cas le plus fréquent) ;
branche f (ellipse de poudre blanche) fam. héroïne
(produit stupéfiant), dans le langage des drogués.
dateur m, dispositif qui indique la date sur le cadran d’une
montre.
décalé,e n, personne qui ne suit pas les schémas de vie
habituels.
encadré m, texte mis en valeur par un filet qui l’isole du
texte environnant (p. ex. lire l’encadré ci-contre).
périphérique m, boulevard périphérique (d’une grande
ville)
vert (les Verts) personne ou collectivité qui défend
l’environnement, s’intéresse à l’écologie, etc.
d’adjectif en adverbe ;
sec dans le sens de « très vite, sans hésitation,
brièvement », parfois « brutalement » (conduire sec, démarrer sec,
freiner sec, répondre sec etc.)
69
branché, parler branché
français, acheter français, etc.
de substantif en adjectif ;
piéton, ne, quartier piéton, rue piétonne
clé, moment clé, etc.
6. Procédés sémantiques
C’est le cas de l’apparition des néologismes sémantiques
due à des procédés tels que la métaphore, la métonymie,
l’extension, la restriction ou la spécialisation du sens etc. Les
néologismes sémantiques sont nombreux en français, le plus
souvent signalés par l’abréviation fig. (sens figuré, au figuré). En
voilà quelques exemples :
bateau – dépression de trottoir devant une porte cochère,
une porte de garage
canard boiteux – entreprise en difficulté, en perte de
vitesse
château – sorte de conteneur métallique spécialement
conçu pour le transport de combustibles nucléaires irradiés
(radioctifs)
cœur – partie d’un réacteur nucléaire contenant le
combustible et où s’opèrent les réactions de fission
déblocage – suppression des obstacles (déblocage d’une
situation politique, sociale)
densification – augmentation de densité de la population
ou des constructions (de l’habitat)
exhausteur – additif alimentaire destiné à renforcer une
saveur, un goût
patiner – ne pas progresser, manquer d’efficacité (les
négociations patinent)
pilule – ellipse de : pilule anticonceptionnelle
(contraceptive)
tennis – ellipse de : chaussure de tennis (chaussure de
toile à semelle de caoutchouc souple = basket), etc.
70
Les emprunts
L’emprunt est une des sources de l’enrichissement
lexical. C’est un acte par lequel une langue accueille un élément
d’une autre langue. Le terme emprunt désigne en même temps
l’élément emprunté.
Les langues peuvent emprunter l’une à l’autre non
seulement des mots, mais aussi des phonèmes, des affixes, des
tours syntaxiques, des significations et des locutions. La
lexicologie s’intéresse surtout aux emprunts de mots et de sens.
Il ne faut pas confondre les emprunts avec les éléments
hérités de la langue. Au cours de sa formation en tant que langue
indépendante le français s’est approprié beaucoup de mots latins
qu’on ne peut pas considérer d’emprunts, car comme le remarque
Louis Deroy « On ne peut logiquement qualifier d’emprunts dans
une langue donnée que les éléments qui y ont pénétré après la
date plus ou moins précise marquant conventionnellement le
début de cette langue »1. Il en résulte que la langue prêteuse et la
langue emprunteuse doivent être des idiomes totalement
différents et autonomes.
On distingue parfois des emprunts internes et externes.
Les premiers sont des unités prises à l’argot, aux dialectes, aux
parlers locaux, ainsi que des mots qui passent d’un domaine à
l’autre (l’informatique a emprunté menu à la restauration,
complexe a passé de la psychanalyse à la langue générale). Les
emprunts externes sont des éléments pris à une langue étrangère
que nous appellerons des « emprunts proprement dits » et qui
constituent l’objet de notre étude.
Au cours de son histoire le français a emprunté de
nombreux mots à diverses langues étrangères car les Français,
comme toute autre communauté linguistique, ont toujours été en
contact direct ou indirect avec les langues et civilisations
étrangères.
1
L. Deroy. L’emprunt linguistique, Paris, 1956, p. 6.
71
« Les chiffres, écrit Pierre Guiraud, permettent de
distinguer trois grandes périodes : le Moyen Âge, la Renaissance
classique, les Temps Modernes »1.
Les mots passent d’une langue à l’autre avec les choses et
les notions. Les facteurs qui contribuent à l’emprunt étranger sont
divers : relations culturelles, politiques, commerciales,
scientifiques entre les peuples.
L’emprunt s’est pratiqué à toute époque, et le français a
puisé aux sources les plus diverses.
Les emprunts aux langues classiques (au grec et au latin)
ont toujours servi au français de source intarissable
d’enrichissement, surtout le latin, langue-mère des langues
romanes.
Mots grecs : académie, agronome, amphibie, anarchie,
aristocratie, athée, cosmographie, économie, enthousiasme,
hygiène, hypothèse, larynx, oligarchie, philanthrope, politique,
etc.
À côté de ces emprunts directs on trouve des mots
d’origine grecque qui ont pénétré dans le français par
l’intermédiaire du latin. Ce sont des emprunts indirects, tels que :
épithète, idée, mélodie, paradis, périphrase, sympathie,
symptôme, trapèze, trône, etc.
En comparaison avec les mots grecs les emprunts au latin
sont beaucoup plus nombreux. Jusqu’au 14e siècle le français
avait déjà emprunté au latin nombre de substantifs, d’adjectifs et
de verbes : abondance, agriculture, asperger, automnal,
corruption, génération, glorifier, manifester, méditation,
miséricorde, mortifier, nature, occident, opinion, préface,
rationnel, superbe, etc.
À partir du 14e siècle, surtout à l’époque de la
Renaissance (15e et 16e siècles), le nombre d’emprunts au latin a
augmenté. Ils se rapportent aux choses les plus diverses :
administration, politique, science, art, etc. : apostolat, assimiler,
concilier, concours, délation, dextérité, diriger, docile, éducation,
énumération, évolution, exister, explication, facilité, fébrile,
1
Pierre Guiraud. Les mots étrangers, Paris, 1971, p. 5.
72
gratuit, hésiter, imiter, quotient, semestre, social, structure,
véhicule, vigilance, etc.
Dans la majorité des cas les emprunts aux langues
classiques comblaient les lacunes de termes abstraits en français.
Parmi les emprunts aux langues romanes le nombre le
plus considérable appartient aux italianismes. Des centaines de
mots bien vivants en sont témoins.
L’influence de l’italien se fait sentir vers le milieu du 15 e
siècle. Au 16e siècle, à l’époque de la Renaissance, l’Italie,
comme le dit Ferdinand Brunot, « domine intellectuellement le
monde ; elle le charme, l’attire, l’instruit, elle est l’éducatrice »1.
Les emprunts à l’italien continuent pendant les siècles suivants.
« Ils appartiennent à tous les domaines : sciences, arts, lettres,
métiers, mœurs, à toutes les formes de la vie matérielle et
morale »2.
Art militaire – attaquer, bastion, bataillon, brigade,
calibre, canon, caporal, cartouche, cavalerie, colonel, escadron,
estafette, fantassin, infanterie, sentinelle, etc. ;
Architecture – antichambre, appartement, arcade, balcon,
balustre, cariatide, corniche, coupole, façade, fronton, mosaïque,
piédestal, rotonde, socle, etc.
Musique – adagio, allegro, aria, ariette, arpège, cantate,
coda, concerto, contralto, duo, finale, fugue, intermède, libretto,
maestro, mandoline, opéra, oratorio, presto, sérénade, solfège,
solo, sonate, soprano, sourdine, tempo, trio, violoncelle, etc.
Peinture – aquarelle, caricature, coloris, filigrane,
fresque, gouache, madone, miniature, pastel, pittoresque, etc.
Commerce et finances – banque, banqueroute, bilan,
brocart, escompte, faïence, faillite, taffetas, tarif, etc.
Ajoutons encore quelques italianismes appartenant aux
différentes sphères de la vie et des activités humaines : bouffon,
caisson, caresse, disgrâce, intrigue, macaroni, manège, masque,
parasol, pizza, pizzeria, pommade, sonnet, vermicelle, veste, etc.
Le contact avec l’Espagne s’établit au 16e siècle et se fait
sentir surtout au 17e et 18e siècles. L’Espagne joue un rôle
1
2
F. Brunot. Le pensée et la langue, Paris, 1965, p. 48.
F. Brunot, ibid., p. 48.
73
important dans la transmission de choses et mots exotiques. C’est
pourquoi on trouve parmi ces emprunts des mots d’origine
espagnole et des exotismes passés au français par l’intermédiaire
de l’espagnol : adjudant, boléro, cacao, canot, casque,
castagnettes, chocolat, cigare, embarcadère, embarcation,
embargo, flottille, guérilla, romance, sieste, tango, tomate,
vanille, etc.
La liste des emprunts au portugais n’est pas longue et
comprend un bon nombre de mots de caractère exotique :
bambou, banane, bayadère, caravelle, caste, cobra, coco, fétiche,
mandarin, marmelade, vigie, zèbre, etc.
Les emprunts à l’allemand n’apparaissent guère avant le
15e siècle. Ce sont surtout des termes militaires. « Cela tient
évidemment aux goûts des Germains pour l’armée et leurs
sciences en ce domaine ; à une longue suite de guerres et
d’occupations qui ont mis les deux armées en contact ; mais
surtout au fait que les rois de France ont, tout au cours de leur
histoire, demandé des régiments mercenaires aux principautés
allemandes et aux cantons suisses », écrit Pierre Guiraud1.
Mots de terminologie militaire : arquebuse, blockhaus,
cible, halte, hussard, lansquenet, obus, reître, sabre, uhlan, etc.
Parmi les emprunts à l’allemand on trouve des termes
appartenant à la minéralogie : bismuth, cobalt, feldspath, nickel,
quartz, zinc, des termes de musiques : accordéon, harmonica,
leitmotiv, valse, ainsi que des mots se rapportant à des domaines
différents de la vie quotidienne : bock, chenapan, chope,
choucroute, ersatz, loustic, nouilles, rosse, trinquer, vasistas,
vermouth, etc.
La seconde guerre mondiale a amené des mots tels que :
diktat, Gestapo, nazi, Reichstag, Wehrmacht. On trouve aussi des
emprunts plus récents faits pendant la deuxième moitié du 20e
siècle : alzheimer (1988), blitzkrieg (1980), doberman (1960),
lasure (1983), etc.
L’influence anglaise est insignifiante jusque vers la fin du
17e siècle : comité (1650), contredanse (1626), corporation
(1530), paquebot (1634), session (1657), speaker (1649), etc.
1
P. Guiraud. Les mots étrangers, Paris, 1971, p. 35.
74
C’est au 18e siècle que l’influence britannique
s’intensifie, et qu’un nombre assez considérable de mots anglais
passent dans le vocabulaire du français. Ces anglicismes sont des
termes ayant trait à la politique, aux institutions parlementaires et
judiciaires, le parlementarisme anglais étant le modèle pour les
Français : budget, club, congrès, meeting, parlement, quorum,
verdict, vote, etc.
Au 19e siècle d’autres mots viennent s’ajouter à la liste
des mots cités : boycott, interview, leader, lock-out, reporter,
trade-union, etc.
On trouve surtout des emprunts dans les domaines des
sciences et de l’industrie : express, linoléum, rail, shampoing,
tender, terminus, tramway, truck, tunnel, viaduc, wagon, etc.
Durant les siècles derniers l’anglais a fourni au français
toute une série de termes de sport : basket-ball, boxe, cricket,
football, golf, jockey, knock-out, match, record, sport, tennis,
volley-ball, water-polo, etc.
Citons encore quelques emprunts anglais se rapportant à
des domaines différents : bar, cameraman, cocktail, cottage, hall,
jazz, jeep, label, parking, pull-over, sandwich, short, stand, star,
sketch, week-end, etc.
À la deuxième moitié du 20e et au début du 21e siècles
nombre d’emprunts d’origine anglo-américaine pénètrent dans le
vocabulaire français, dont plusieurs sont des néologismes récents
(voir le chapitre « Les sources de néologismes ; 4. Les emprunts
aux langues étrangères »).
Pour ne pas encombrer le vocabulaire de mots étrangers,
le français crée souvent des équivalents qui sont recommandés
officiellement dans les dictionnaires et les ouvrages traitant ce
problème (voir le chapitre mentionné ci-dessus).
Le français a emprunté à d’autres langues aussi : à
l’arabe : alcool, amiral, arak, azimut, calife, cheik, couscous,
émir, fakir, fellah, gazelle, harem, haschisch, kif-kif, nadir, sirop,
zénith ; plus récents sont : ayatollah (1977), halal (1987), intifada
(1988) ;
au russe : boyard, cosaque, knout, koulak, mammouth,
moujik, oukase (ukase), samovar, taïga, touloupe, toundra, vodka,
etc., dont la plupart sont des exotismes et souvent archaïques ;
75
plus récents sont ; apparatchik (1965), glasnost (1986),
nomenklatura (1980), perestroïka (1986).
L’adaptation des mots étrangers s’effectue d’après les lois
phonétiques, morphologiques et sémantiques de la langue
emprunteuse.
Il arrive qu’une langue emprunte à l’autre des acceptions
nouvelles qui s’ajoutent aux sens des mots déjà existants. C’est
l’emprunt sémantique. Un cas particulièrement typique est le sens
du verbe réaliser (se rendre compte) emprunté à l’anglais. De
même l’adjectif français conventionnel s’emploie dans le sens de
non nucléaire, pris à l’anglais (armes nucléaires et armes
conventionnelles). Le verbe couvrir a emprunté un des sens du
verbe anglais to cover « assurer l’information concernant un
événement, un fait d’actualité ; par ex. Le journal couvre le
voyage du président (Voir aussi le chapitre « Les néologismes ; 6.
Procédés sémantiques).
Souvent les langues empruntent les unes aux autres la
forme interne des mots. Ce procédé linguistique est appelé calque.
En voilà quelques exemples modelés sur la structure
morphologique des mots anglo-américains : gratte-ciel < skyscraper, prépayer < prepaid, supermarché < supermarket,
téléachat < teleshopping, etc.
La thèse bien connue d’après laquelle l’emprunt est dicté
par le besoin ne doit pas être comprise et interprétée d’une
manière absolue, car ce besoin est de double nature, linguistique
et individuelle. Et comme le prouvent les données de la plupart
des langues, c’est le besoin linguistique qui est décisif et qui
prédétermine le plus souvent l’emprunt et son assimilation.
Les doublets étymologiques
On appelle doublet un couple de mots à signification et
aspect phonique actuels différents, issus d’un même étymon, mais
introduits dans la langue française par deux voies distinctes :
populaire et savante. Le mot populaire subit plus de changements
76
phoniques que le mot savant qui ne subit que des adaptations
minimes.
Souvent deux mots français remontent étymologiquement
à un même terme de la langue mère, le latin :
mot latin
auscultare
captivus
dotare
fragilis
gracilis
hospitalis
legalis
liberare
mobilis
pensare
singularis
mot français savant
ausculter
captif
doter
fragile
gracile
hôpital
légal
libérer
mobile
penser
singulier
mot français populaire
écouter
chétif
douer
frêle
grêle
hôtel
loyal
livrer
meuble
peser
sanglier
Les exemples cités montrent que les doublets peuvent
appartenir à des parties du discours différentes (meuble - mobile,
sanglier - singulier).
Les doublets étymologiques expriment deux idées ou
deux nuances d’idée différentes : écouter veut dire « s’appliquer à
entendre, prêter l’oreille » et ausculter signifie « explorer les
bruits de l’organisme par une auscultation » (le médecin ausculte
le malade, ses bronches, son cœur, etc.) ; si chétif exprime la
notion « de faible constitution, maigrichon, maladif » (un enfant
chétif), captif a le sens de « soumis à une contrainte, asservi,
attaché » (être captif de ses passions) ; loyal c’est celui qui obéit
aux lois de l’honneur, de la probité, de la droiture (un homme
loyal) et légal signifie « conforme à la loi, défini par la loi », etc.
Parfois un mot provenant du latin et un autre pris à une
langue étrangère forment un couple de doublets :
77
mot latin
balneum
caballarius
campus
expressus
humor
juratus
niger
opera
tonna (tunna)
mot français
bain
chevalier
champ
exprès
humeur
jurée
noir
œuvre
tonnelle
mot pris à une
langue étrangère
bagne (ital.)
cavalier (ital.)
camp (ital.)
express (angl.)
humour (angl.)
jury (angl.)
nègre (esp.)
opéra (ital.)
tunnel (angl.)
Ajoutons que certains doublets anglais sont des mots
d’origine française que l’anglais avait empruntés au français
autrefois et que le français a repris avec une forme et un sens
modifiés (express, humour, jury, tunnel).
78
Vocabulaire français – arménien – russe de
termes linguistiques employés dans le Précis
A
Abréviation f
Accent m
Acception f
Adjectif m
Adjectivation f
Adjectivé,e
Adverbe m
Adverbialisation f
Affectif, -ive
Affectivité f
Affixation f
Affixe m
Amélioration f
du sens (d’un mot)
Analogie f
Analytique
Anglicisme m
Anthropomorphique
ѳå³íáõÙ, аббревиатура
ß»ßï, ударение
ÇÙ³ëï, Ý߳ݳÏáõÃÛáõÝ, ³éáõÙ, смысл
³Í³Ï³Ý, прилагательное
³Í³Ï³Ý³óáõÙ, адъективация
³Í³Ï³Ý³ó³Í, адъективированный
ٳϵ³Û, наречие
ٳϵ³Û³óáõÙ, адвербиализация
½·³Û³Ï³Ý, аффективный
½·³Û³Ï³ÝáõÃÛáõÝ, аффективность
³Í³ÝóáõÙ, аффиксация
³Í³Ýó, аффикс
µ³éÇÙ³ëïÇ µ³ñ»É³íáõÙ, улучшение
Antihèse f
Antonyme m
Antonymie f
ѳϳ¹ñáõÃÛáõÝ, антитеза
ѳϳÝÇß, ѳϳÝáõÝ, антоним
ѳϳݥǤßáõÃÛáõÝ, ѳϳÝáõÝáõÃÛáõÝ,
/ облагораживание значения слова
ѳٳµ³ÝáõÃÛáõÝ, аналогия
í»ñÉáõͳϳÝ, аналитический
³Ý·Édzµ³ÝáõÃÛáõÝ, англицизм
Ù³ñ¹³Ï»ñå, Ù³ñ¹³Ï»ñå³Ï³Ý,
антропоморфический
антонимия
Aphérèse f
Apocope f
Arbitraire
Archaïsme m
Argot m
ëϽµÝ³í³ÝÏÇ ³ÝÏáõÙ, аферезис
í»ñçݳí³ÝÏÇ ³ÝÏáõÙ, апокопа
ϳٳÛÇÝ, å³ÛٳݳϳÝ, произвольный
Ñݳµ³ÝáõÃÛáõÝ, архаизм
³ñ·á ¥ëáódzɳϳÝ, ¹³ë³Ï³ñ·³ÛÇÝ,
Ù³ëݳ·Çï³Ï³Ý ųñ·áݤ, арго
79
(социальный, классовый,
профессиональный жаргон)
Argotisme m
Article m
Asymétrie f
Auxiliaire
³ñ·áÛ³µ³ÝáõÃÛáõÝ ¥³ñ·áïÇÏ µ³é ϳÙ
³ñï³Ñ³ÛïáõÃÛáõݤ, арготизм
(арготическое слово или выражение)
Ñá¹, артикль
³Ýѳٳã³÷áõÃÛáõÝ, асимметрия,
асимметричность
ûųݹ³Ï, вспомогательный
C
Calque m
Catégorie f
å³ï×»ÝáõÙ, калька
ϳñ· ¥É»½í³µ³Ý³Ï³Ý¤, категория
Classe f
~ grammaticale
Classification f
Cognitif, -ive
(лингвистическая)
¹³ë, класс
ù»ñ³Ï³Ý³Ï³Ý ¹³ë, грамматический класс
¹³ë³Ï³ñ·áõÙ, классификация
׳ݳãáճϳÝ, когнитивный,
познавательный
Combinabilité f
Communauté f
linguistique
Communicatif, -ive
½áõ·áñ¹»ÉÇáõÃÛáõÝ,
ϳå³Ïó»ÉÇáõÃÛáõÝ, ѳٳÏó»ÉÇáõÃÛáõÝ,
сочетаемость, комбинируемость,
сочетаемостность
É»½í³Ï³Ý ѳÝñáõÃÛáõÝ, языковой
коллектив, языковая общность
ѳÕáñ¹³Ïó³Ï³Ý, ѳÕáñ¹³Ïó³ÛÇÝ,
коммуникативный
Communication f
Comparaison f
Comparatif, -ive
Complément f
d'objet direct
Composant m
ѳÕáñ¹³ÏóáõÃÛáõÝ, ѳÕáñ¹³ÏóáõÙ,
коммуникация, общение
ѳٻٳïáõÃÛáõÝ, сравнение
ѳٻٳï³Ï³Ý, сравнительный,
компаративный
áõÕÇÕ ËݹÇñ, прямое дополнение
µ³Õ³¹ñÇã, компонент
80
Composé, e
mot m ~
(composé m)
Composition f
µ³ñ¹, µ³Õ³¹ñÛ³É, сложный, составной
µ³ñ¹/µ³Õ³¹ñÛ³É µ³é, сложное /
составное слово
µ³é³µ³ñ¹áõÙ, µ³é³µ³ñ¹áõÃÛáõÝ,
словосложение
Concept m
Conjonctionnel, le
ѳëϳóáõÃÛáõÝ, понятие
ß³Õϳå³Ï³Ý, ß³Õϳå³ÛÇÝ ¥ß³ÕϳåÇ ¹»ñáí`
³ñÅ»ùáí ѳݹ»ë »ÏáÕ¤, союзный
(выступающий в функции/значении
союза)
Construction f
Contexte m
Contextuel, le
ϳéáõÛó, ϳéáõóí³Íù ¥É»½í³Ï³Ý¤,
конструкция (языковая)
ѳٳï»ùëï, Ëáëù³ß³ñ, контекст
ѳٳï»ùëï³ÛÇÝ, Ëáëù³ß³ñ³ÛÇÝ,
контекстный, контекстуальный
Contiguïté f
ѳñ³ÏóáõÃÛáõÝ, Ïóáñ¹áõÃÛáõÝ,
смежность
Convergent, e
Conversion f
ѳñ³Ù»ï, ½áõ·³Ù»ï, конвергентный
÷á˳ϳñ·áõÃÛáõÝ, ÷á˳ÝóáõÙ,
конверсия
Coordonné, e
ѳٳ¹³ë, ѳٳ¹³ë³Ï³Ý, сочинительный,
координативный
Corrélation f
ѳñ³µ»ñ³ÏóáõÃÛáõÝ, ÉÍáñ¹áõÙ,
корреляция, соотносительность
D
Démonstratif, -ive
Démotivation f
Dérivation f
óáõó³Ï³Ý, указательный
³å³å³ï׳鳵³ÝáõÙ, демотивация
µ³é³Í³ÝóáõÙ, деривация, аффиксальное
словообразование
~ impropre
÷á˳ÝóáõÙ, ³ÝÇëϳϳÝ
µ³é³Ï³½ÙáõÃÛáõÝ, несобственная
деривация, конверсия
~ parasynthétique
ѳñ³Ñ³Ù³¹ñ³Ï³Ý / ½áõ·³Ñ³Ù³¹ñ³Ï³Ý
³Í³ÝóáõÙ, ѳٳͳÝóáõÙ,
81
парасинтетическое словообразование,
парасинтетическая деривация
~ régressive
ѻﳹ³ñÓ µ³é³Í³ÝóáõÙ, ³Í³Ýó³½»ñÍáõÙ,
регрессивная деривация,
дезаффиксация
Dérivationnel, le
µ³é³Í³Ýó³Ï³Ý, µ³é³Ï³½Ù³Ï³Ý,
деривационный,
словообразовательный
Dérivé, e
³Í³Ýó³Ï³Ý, ³Í³ÝóÛ³É, производный
mot m ~ (dérivé m) ³Í³ÝóÛ³É µ³é, производное слово,
дериват
Diachronique
ï³ñ³Å³Ù³Ý³ÏÛ³, диахронический
Dialecte m
µ³ñµ³é, диалект
Dialectisme m
µ³ñµ³é³µ³ÝáõÃÛáõÝ, диалектизм
Discours m
Ëáëù, речь
Divergent, e
ï³ñ³Ù»ï, дивергентный
Dominante f
ÑÇÙݳµ³é, ѻݳµ³é ¥ÑáÙ³Ýß³ÛÇÝ
ß³ñùǤ, доминант (синонимического
ряда)
Doublet m
ÏñÏݳÏ, дублет
~s étymologiques
ëïáõ·³µ³Ý³Ï³Ý ÏñÏݳÏÝ»ñ,
этимологические дублеты
E
Élément m
~ composant
Emprunt m
~ direct
ï³ññ ¥É»½í³Ï³Ý¤, элемент (языка)
µ³Õ³¹ñÇã/µ³ÕϳóáõóÇã ï³ññ, компонент,
составной элемент
÷á˳éáõÃÛáõÝ, заимствование
³ÝÙÇç³Ï³Ý/áõÕÕ³ÏÇ ÷á˳éáõÃÛáõÝ,
непосредственное/прямое
заимствование
~ indirect
ÙÇçÝáñ¹³íáñí³Í/³ÝáõÕÕ³ÏÇ
÷á˳éáõÃÛáõÝ,
опосредованное/косвенное
заимствование
82
Énantiosémie f
Énoncé m
Espèce f
Étymologie f
Étymologique
Étymologiquement
Étymon m
Euphémique
Euphémisme m
Expressif, -ive
Expression f
Expressivité f
Ý»ñѳϳÝÇßáõÃÛáõÝ, ÇÙ³ëïÝ»ñÇ
µ¨»é³óáõÙ, энантиосемия, поляризация
значений
³ëáõÛÃ, высказывание
ï»ë³Ï, вид
ëïáõ·³µ³ÝáõÃÛáõÝ, этимология
ëïáõ·³µ³Ý³Ï³Ý, этимологический
ëïáõ·³µ³Ýáñ»Ý, этимологически
ÑÇÙݳӨ, ݳ˳Ө, этимон
Ù»ÕÙ³ë³Ï³Ý, эвфемистический
Ù»ÕÙ³ëáõÃÛáõÝ, эвфемизм
³ñï³Ñ³Ûïã³Ï³Ý, ³ñï³Ñ³ÛïÇã,
экспрессивный, выразительный
³ñï³Ñ³ÛïáõÃÛáõÝ, выражение
³ñï³Ñ³Ûïã³Ï³ÝáõÃÛáõÝ,
экспрессивность, выразительность
~ phonique
ÑÝãÛáõÝ³Ï³Ý ³ñï³Ñ³Ûïã³Ï³ÝáõÃÛáõÝ,
фоническая/звуковая экспрессивность
Extension f du sens µ³éÇÙ³ëïÇ ÁݹɳÛÝáõÙ, расширение
(d’un mot)
смысла / значения (слова)
F
Familier,-ière
Figuré,e
Ëáë³Ïó³Ï³Ý, разговорный
å³ïÏ»ñ³íáñ, ÷á˳µ»ñ³Ï³Ý, переносный,
образный
emploi m ~
Flexionnel,le
Fonction f
Formatif, -ive
Formation f
des mots
å³ïÏ»ñ³íáñ ·áñͳÍáõÃÛáõÝ,
образное
употребление
ûù³Ï³Ý, флективный
·áñͳéáõÛÃ, ·áñͳéáõÃÛáõÝ, функция
Ó¨³Ï³½Ù³Ï³Ý, формообразовательный,
формообразующий
µ³é³Ï³½ÙáõÃÛáõÝ, словообразование
83
Forme f interne
Ý»ñùÇÝ Ó¨ ¥µ³éÇ, ¹³ñÓí³ÍùǤ,
внутренняя форма (слова,
фразеологизма)
G
Généralisation f
Genre m
Grammaticalisation f
Graphie f
Graphique
Groupe m de mots
ÁݹѳÝñ³óáõÙ, обобщение
ë»é ¥ù»ñ³Ï³Ý³Ï³Ý ϳñ·¤, род
(грамматическая категория)
ù»ñ³Ï³Ý³óáõÙ, грамматикализация
·ñáõÃÛáõÝ, графика
·ñ³ÛÇÝ, графический
µ³é³Ï³å³ÏóáõÃÛáõÝ, словосочетание
H
Histoire f de
la langue
Homographes m pl
Homographie f
Homonymes m pl
Homonymie f
Homophones m pl
Homophone adj
Homophonie f
Hyperonyme m
É»½íÇ å³ïÙáõÃÛáõÝ, история языка
ÝáõÛݳ·ÇñÝ»ñ, омографы
ÝáõÛݳ·ñáõÃÛáõÝ, омография
ѳٳÝáõÝÝ»ñ, омонимы
ѳٳÝáõÝáõÃÛáõÝ, омонимия
ÝáõÛݳÑáõÝãÝ»ñ, омофоны
ÝáõÛݳÑáõÝã, омофонный
ÝáõÛݳÑÝãáõÃÛáõÝ, омофония
ë»é³ÝÇß, гипероним
I
Identique
ÝáõÛݳϳÝ, тождественный,
идентичный
84
Identité f
идентичность
Idéographique
Idéolecte m
Immotivé,e
Indice m
Intransitif, -ive
Invariant m
~ sémantique
ÝáõÛÝáõÃÛáõÝ, тождество,
·³Õ³÷³ñ³ÝÇß, идеографический
³Ýѳï³Ï³Ý É»½áõ/Ëáëù, идиолект
ãå³ï׳鳵³Ýí³Í, немотивированный
ѳïϳÝÇß, признак, показатель
³Ý³ÝóáճϳÝ, непереходный
³Ý÷á÷á˳Ï, инвариант
ÇÙ³ëï³ÛÇÝ ³Ý÷á÷á˳Ï, семантический
инвариант
Italianisme m
Çï³É³µ³ÝáõÃÛáõÝ, итальянизм
J
Jargon m
ųñ·áÝ, жаргон
L
Langage m
É»½áõ, Ëáëù. Ëáëù³ÛÇÝ
·áñÍáõÝ»áõÃÛáõÝ ¥Áëï êáëÛáõñǤ,
язык, речь: речевая деятельность (по
Соссюру)
Langagier, -ère
É»½í³Ï³Ý, Ëáëù³ÛÇÝ, языковой, речевой
Langue f
É»½áõ, язык
~ prêteuse
÷á˳ïáõ É»½áõ, источник
заимствования
~ empreunteuse
÷á˳éáõ É»½áõ, заимствующий язык
Lexème m
µ³éáõÛÃ, лексема
Lexical,e
µ³é³ÛÇÝ, лексический
Lexico-grammatical,e µ³é³ù»ñ³Ï³Ý³Ï³Ý, лексикограмматический
Lexicologie f
µ³é³·ÇïáõÃÛáõÝ, лексикология
Lexicologique
µ³é³·Çï³Ï³Ý, лексикологический
Lexico-sémantique
µ³é³ÇÙ³ëï³ÛÇÝ, лексикосемантический
85
Lexique m
µ³é³å³ß³ñ, µ³é³ÛÇÝ Ï³½Ù, лексика,
Linguistique f
словарный/лексический состав
É»½í³µ³ÝáõÃÛáõÝ, языкознание,
лингвистика
Linguistique adj
Locuteur m
Locution f
Logique
É»½í³µ³Ý³Ï³Ý, É»½í³Ï³Ý ¥É»½íÇÝ
í»ñ³µ»ñáÕ¤, лингвистический,
языковой (относящийся к языку)
ËáëáÕ ¥³ÝÓ¤, говорящий, говорящее
лицо
ϳÛáõÝ µ³é³Ï³å³ÏóáõÃÛáõÝ /
³ñï³Ñ³ÛïáõÃÛáõÝ, ¹³ñÓí³Íù, ¹³ñÓí³Í³ÛÇÝ
µ³é³Ï³å³ÏóáõÃÛáõÝ, устойчивое
словосочетание / выражение,
устойчивый оборот, речение;
фразеологизм, фразеологический
оборот
ïñ³Ù³µ³Ý³Ï³Ý, логический
M
Marqué,e
ÝßáõÛóíáñ, ÝßáõÛóíáñí³Í,
маркированный
Métaphore f
Métaphorique
Métonymie f
Monosémie f
÷á˳µ»ñáõÃÛáõÝ, метафора
÷á˳µ»ñ³Ï³Ý, метафорический
÷á˳ÝáõÝáõÃÛáõÝ, метонимия
Ù»ÝÇÙ³ëïáõÃÛáõÝ, моносемия,
однозначность
Monosyllabe
Ùdzí³ÝÏ, односложный,
моносиллабический
Morphème m
Ó¨áõÛÃ, морфема
Morphologie f
Ó¨³µ³ÝáõÃÛáõÝ, морфология
Morphologique
Ó¨³µ³Ý³Ï³Ý, морфологический
Morphologiquement Ó¨³µ³Ýáñ»Ý, морфологически
Morphosyntaxique
Ó¨³ß³ñ³ÑÛáõë³Ï³Ý,
морфосинтаксический
Mot m
µ³é, слово
86
~ accessoire
~ autonome
~ grammatical
~ lexical
~ plein
Motivation f
Motivé,e
Mot-outil m
Mot-racine m
Mot-valise m
ëå³ë³ñÏáõ/ûųݹ³Ï µ³é, служебное слово
ÇÝùÝáõñáõÛÝ/ÇÝùݳϳ µ³é, автономное
/ самостоятельное слово
ù»ñ³Ï³Ý³Ï³Ý µ³é, грамматическое слово
ÉÇÇÙ³ëï µ³é, лексическое слово
ÉÇÇÙ³ëï µ³é, полнозначное слово
å³ï׳鳵³Ýí³ÍáõÃÛáõÝ,
мотивированность
å³ï׳鳵³Ýí³Í, мотивированный
ëå³ë³ñÏáõ/ûųݹ³Ï µ³é, служебное слово
³ñÙ³ï³Ï³Ý µ³é, µ³é-³ñÙ³ï, корневое слово
µ³é-ÓáõÉáõÛÃ, телескопное слово,
слово-слиток
N
Néologisme m
Neutre
Nom m d'agent
Ýáñ³µ³ÝáõÃÛáõÝ, неологизм
㻽áù, нейтральный
·áñÍáÕ ³ÝÓÇ ³ÝáõÝ, имя деятеля,
агентивное имя
Norme f
ϳÝáÝ ¥É»½í³Ï³Ý¤, ÝáñÙ³, норма
(языковая)
Notion f
ѳëϳóáõÃÛáõÝ, понятие
Noyau m sémantique ÇÙ³ëï³ÛÇÝ ÙÇçáõÏ, семантическое /
смысловое ядро
O
Onomatopée f
µÝ³Ó³ÛÝáõÃÛáõÝ,
ÝٳݳӳÛÝáõÃÛáõÝ,
звукоподражание, ономатопея
Onomatopéique
µÝ³Ó³ÛݳϳÝ, ÝٳݳӳÛݳϳÝ,
звукоподражательный,
ономатопеический
87
Oratoire
Ñé»ïáñ³Ï³Ý, ׳ñï³ë³Ý³Ï³Ý, ораторский,
риторический
P
Paradigme m
Parasynthétique
Parler m local
Parole f
ѳñ³óáõÛó, парадигма
ѳñ³Ñ³Ù³¹ñ³Ï³Ý, ½áõ·³Ñ³Ù³¹ñ³Ï³Ý,
парасинтетический
ï»Õ³Ï³Ý Ëáëí³Íù, местный говор
Ëáëù ¥É»½íÇ` áñå»ë ѳٳϳñ·Ç
Çñ³óáõÙÁ¤, речь (реализация языка
как системы)
Paronymes m pl
Particularité f
Particule f
Partie f composante
ѳñ³ÝáõÝÝ»ñ, паронимы
³é³ÝÓݳѳïÏáõÃÛáõÝ, особенность,
отличительная черта
Ù³ëÝÇÏ, частица
µ³Õ³¹ñÇã, µ³Õ³¹ñ³Ù³ë, компонент,
Partie f du discours
Péjoratif, -ive
составная часть
ËáëùÇ Ù³ë, часть речи
Ýí³ëï³Ï³Ý, µ³ó³ë³Ï³Ý, унижительный,
пейоративный
Péjoration f du sens
(d'un mot)
µ³éÇÙ³ëïÇ í³ïóñ³óáõÙ /
Ýí³ëï³óáõÙ, ухудшение значения слова
Perception f
Périphrase f
ÁÝϳÉáõÙ, восприятие
ßñç³ëáõÃÛáõÝ, ßñç³ëáõÛÃ, перифраза,
Phonème m
Phonétique f
Phonétique adj
описательное выражение
ÑÝãáõÛÃ, фонема
ÑÝãÛáõݳµ³ÝáõÃÛáõÝ, фонетика
ÑÝãÛáõݳµ³Ý³Ï³Ý, ÑÝãÛáõݳϳÝ,
фонетический
Phonique
Phonologie f
Phraséologique
Polysémie f
ÑÝãÛáõݳÛÇÝ, звуковой
ÑÝãáõÛóµ³ÝáõÃÛáõÝ, фонология
¹³ñÓí³Í³µ³Ý³Ï³Ý, фразеологический
µ³½ÙÇÙ³ëïáõÃÛáõÝ, полисемия,
многозначность
88
Polysémique
Populaire
µ³½ÙÇÙ³ëï, многозначный
ÅáÕáíñ¹³Ëáë³Ïó³Ï³Ý, народно-
разговорный
Positif, -ive
Postposé,e
Préfixal,e
Préfixation f
Préfixe m
Préposition f
Prépositionnel, le
Procédé m
Pronom m
Prononciation f
¹ñ³Ï³Ý ¥¹ñ³Ï³Ýáñ»Ý µÝáõó·ñíáÕ, ¹ñ³Ï³Ý
³ñÅ»ùáí¤, положительный
(положительно характеризуемый)
ѻﳹ³ë, постпозитивный
ݳ˳ͳÝó³ÛÇÝ, префиксальный
ݳ˳ͳÝóáõÙ, префиксация
ݳ˳ͳÝó, приставка, префикс
ݳ˹Çñ, предлог
ݳ˹ñ³ÛÇÝ, предложный
Ñݳñ, Ñݳñù, Ñݳñ³Ýù, ÙÇçáó, прием,
способ, средство
¹»ñ³ÝáõÝ, местоимение
³ñï³ë³ÝáõÃÛáõÝ, произношение
Q
Qualificatif, -ive
áñ³Ï³Ï³Ý
Qualitatif, -ive
качественный (о прилагательных)
áñ³Ï³Ï³Ý, качественный
¥³Í³Ï³ÝÝ»ñÇ
Ù³ëÇݤ,
R
Racine f
Radical m
(слова)
Rection f
Restriction f du sens
(d'un mot)
Rhétorique f
³ñÙ³ï, µ³é³ñÙ³ï, корень (слова)
ÑÇÙù ¥µ³éǤ, µ³é³ÑÇÙù, основа
Ëݹñ³éáõÃÛáõÝ, í³ñáõÙ, управление
ÇÙ³ëïÇ/µ³éÇÙ³ëïÇ Ý»Õ³óáõÙ,
сужение смысла / значения (слова)
׳ñï³ë³ÝáõÃÛáõÝ, риторика
89
S
Savant,e
·ñù³ÛÇÝ ¥Áëï ͳ·Ù³Ý¤, книжный (по
происхождению)
Sémantique f
Sémantique adj
ÇÙ³ëï³µ³ÝáõÃÛáõÝ, семантика
ÇÙ³ëï³µ³Ý³Ï³Ý, ÇÙ³ëï³ÛÇÝ,
семантический, смысловой
Sémantiquement
Sème m
Sémiotique f
Sémiotique adj
Sémique
Sens m
ÇÙ³ëï³µ³Ýáñ»Ý, ÇÙ³ëï³ÛÝáñ»Ý,
семантически
ÇÙ³Ï, сема
Ý߳ݳ·ÇïáõÃÛáõÝ, семиотика
Ý߳ݳ·Çï³Ï³Ý, семиотический
ÇٳϳÛÇÝ, семный
ÇÙ³ëï, Ý߳ݳÏáõÃÛáõÝ, ³éáõÙ,
значение, смысл
~ dérivé
³Í³ÝóÛ³É ÇÙ³ëï/Ý߳ݳÏáõÃÛáõÝ,
производное значение
~ figuré
å³ïÏ»ñ³íáñ/÷á˳µ»ñ³Ï³Ý ÇÙ³ëï,
образное/переносное значение
~ fondamental
(de base, essentiel,
primitif)
~ phraséologiquement lié
ÑÇÙÝ³Ï³Ý ÇÙ³ëï/Ý߳ݳÏáõÃÛáõÝ,
исходное / первоначальное
значение
¹³ñÓí³Í³ÛÝáñ»Ý ϳåí³Í
Ý߳ݳÏáõÃÛáõÝ, фразеологически
связанное значение
~ propre
áõÕÕ³ÏÇ/µáõÝ ÇÙ³ëï/Ý߳ݳÏáõÃÛáõÝ,
прямое/собственное значение, прямой
/ собственный смысл
~ secondaire
(sens dérivé)
Sigle m
Signe m
Signifiant m
»ñÏñáñ¹³Ï³Ý ÇÙ³ëï / Ý߳ݳÏáõÃÛáõÝ,
второстепенное значение
ëϽµÝ³ï³é³ÛÇÝ Ñ³å³íáõÙ, инициальная
аббревиатура
Ýß³Ý ¥É»½í³Ï³Ý¤, знак (языковой)
Ý߳ݳÏÇã ¥Áëï êáëÛáõñǤ, означающее
(по Соссюру)
90
Significatif, -ive
Signification f
ÇÙ³ëï³ÏÇñ, знаменательный, значи-мый
ÇÙ³ëï, Ý߳ݳÏáõÃÛáõÝ, ³éáõÙ,
значение, смысл
~ primitive
ëϽµÝ³Ï³Ý / ݳËÝ³Ï³Ý ÇÙ³ëï /
Ý߳ݳÏáõÃÛáõÝ, исходное /
первоначальное значение
~ lexicale
µ³é³ÛÇÝ/µ³é³Ï³Ý ÇÙ³ëï, µ³éÇÙ³ëï,
лексическое значение
Signifié m
Spécialisation f
Structure f
Style m
Stylistique f
Ý߳ݳϻÉÇ, Ý߳ݳÏÛ³É ¥Áëï êáëÛáõñǤ,
означаемое, обозначаемое (по
Соссюру)
Ù³ëݳíáñ»óáõÙ, специализация
ϳéáõóí³Íù, ϳéáõÛó, структура
(языковой единицы), строй (языка,
предложения)
á×, стиль
á׳µ³ÝáõÃÛáõÝ, á׳·ÇïáõÃÛáõÝ,
стилистика
~ discursive
ËáëùÇ á׳µ³ÝáõÃÛáõÝ, дискурсивная
стилистика
Stylistique adj
Stylistiquement
Substantif m
Substantivation f
Substitution f
Suffixal,e
Suffixation f
Suffixe m
Syllabe f
Syllabique
Synchronique
Synecdoque f
á׳µ³Ý³Ï³Ý, á׳·Çï³Ï³Ý, á׳ϳÝ, á׳ÛÇÝ,
стилистический, стилевой
á׳ϳÝáñ»Ý, стилистически
·á۳ϳÝ, ·áÛ³Ï³Ý ³ÝáõÝ,
существительное, имя
существительное
·á۳ϳݳóáõÙ, субстантивизация,
субстантивирование
÷á˳ñÇÝáõÙ, субституция
í»ñç³Í³Ýó³ÛÇÝ, суффиксальный
í»ñç³Í³ÝóáõÙ, суффиксация
í»ñç³Í³Ýó, суффикс
í³ÝÏ, слог
í³ÝϳÛÇÝ, í³Ýϳñ³ñ, слоговой,
слогообразующий
ѳٳųٳݳÏÛ³, синхронный,
синхронический
ѳÙÁÙµéÝáõÙ, синекдоха
91
Synonyme m
~s partiels
ÑáÙ³ÝÇß, синоним
Ù³ëݳÏÇ ÑáÙ³ÝÇßÝ»ñ, частичные
синонимы
Synonymie f
~ absolue
ÑáٳݥǤßáõÃÛáõÝ, синонимия
µ³ó³ñÓ³Ï ÑáٳݥǤßáõÃÛáõÝ,
абсолютная синонимия
~ relative
Synonymique
Syntaxe f
Syntaxique
Système m
Synthétique
ѳñ³µ»ñ³Ï³Ý ÑáٳݥǤßáõÃÛáõÝ,
относительная синонимия
ÑáٳݥǤ߳ÛÇÝ, синонимический
ß³ñ³ÑÛáõëáõÃÛáõÝ, синтаксис
ß³ñ³ÑÛáõë³Ï³Ý, синтаксический
ѳٳϳñ· ¥É»½í³Ï³Ý¤, система (языковая)
ѳٳ¹ñ³Ï³Ý, синтетический
T
Tabou m
³ñ·»É³µ³é, ³ñ·»Éí³Í µ³é /
³ñï³Ñ³ÛïáõÃÛáõÝ, табу (запрещенное
слово или выражение)
Terminologie f
Tour m
Trait m distinctif
Trait m d'union
Transitif, -ive
ï»ñÙÇݳµ³ÝáõÃÛáõÝ,
»½ñ³µ³ÝáõÃÛáõÝ, терминология
¹³ñÓí³Í, ËáëùÇ ¹³ñÓí³Í ¥ß³ñ³ÑÛáõë³Ï³Ý
ϳéáõÛó¤, оборот, оборот речи
(синтаксическая конструкция)
ï³ñµ»ñ³ÏÇã ѳïϳÝÇß, различительный
признак
ÙdzóÙ³Ý ·ÍÇÏ, дефис, соединительная
черточка
³ÝóáÕ³Ï³Ý ¥µ³ÛÇ Ù³ëÇݤ, переходный
(о глаголе)
Transposition f
÷á˳ÝóáõÙ ¥ËáëùÇ Ù³ë»ñǤ,
Trope m
транспозиция (частей речи)
¹³ñÓáõÛÃ, троп
U
92
Unité f
Ùdzíáñ ¥É»½í³Ï³Ý¤, единица (языковая)
V
Virtualité f
Vocable m
Ý»ñáõݳÏáõÃÛáõÝ, виртуальность
µ³é³å³ß³ñÇ Ùdzíáñ, вокабула (слово как
единица языка)
Vocabulaire m
µ³é³å³ß³ñ, µ³é³ÛÇÝ Ï³½Ù, µ³é³Ùûñù,
словарный/лексический состав,
лексика, словарный запас, словарь
93
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