Séminaire RECEMAP Atelier « Réseaux et santé publique »
P. Bonafini 3/18
En effet, la réforme hospitalière de 1958, soutenant le développement des centres hospitaliers
universitaires a favorisé – entre autres facteurs, par l’apport de nouveaux moyens techniques - le
développement des logiques d’experts et d’une spécialisation accrue autour de pathologies ou
d’organes. Ce constat relatif à la prise en charge hospitalière est également valable pour l’ambulatoire,
où – l’accès aux spécialistes étant quasiment libre – le médecin généraliste a peu à peu perdu son rôle
de coordination de trajectoire de soins.
De même la réponse à l’apparition de nouveaux problèmes sanitaires s’est traduit par la multiplication
d’agences spécialisées telles que l’I.V.S (Institut de Veille Sanitaire), l’A.F.S.SA.P.S. (Agence
Française de Sécurité Sanitaire et des Produits de Santé), l’E.F.S. (Etablissement Français du Sang),
l’A.N.A.E.S. (Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé)…
Un raisonnement similaire peut être conduit quant au domaine social, où l’apparition – ou le
développement - de nouveaux problèmes (montée du chômage, désinsertion, précarité…) s’est vu
traitée par la multiplication de dispositifs spécifiques (RMI, contrats « aidés », allocations diverses…),
ce au niveau des conséquences et non des facteurs de causalité.
C’est ainsi qu’en 1998 le rapport du Haut Comité de la Santé Publique insistait sur la nécessité de
« sortir de la multiplication des logiques institutionnelles, des structures et des procédures qui
paralysent de plus en plus l’action des acteurs de santé et rendent difficile la mise en œuvre d’une
logique globale et cohérente ».
1.2 - Le poids du « modèle biomédical »
Sur un autre plan plus général, le développement d’un « modèle biomédical »
prévalant une « logique
curative de la maladie constituée »
se révèle particulièrement coûteux dans son application et
constitue un facteur d’inefficience du système de soins.
En effet, l’association du développement rapide des connaissances scientifiques et des progrès
techniques a légitimé une forte « technicisation » de l’acte médical, en particulier quant aux actes à
visée diagnostique ainsi qu’en ce qui concerne la dispensation de traitements coûteux dont l’utilité
marginale peut parfois se révéler insignifiante. C’est ainsi que des études menées au Canada aux Etats
Unis et en France
estiment que 30% des prestations techniques délivrées sont inutiles…
Ce modèle tend également à occulter d’autres déterminants de l’état de santé
(d’ordre socio-
économiques ou environnementaux en particulier), dont les champs restent mal appréhendés par les
dispositifs sanitaires conventionnels.
Certaines caractéristiques de la demande ont également évoluées au cours de ces dernières décennies.
Nous ne reviendrons pas sur le développement d’une certaine forme de consumérisme, pour nous
attarder sur une considération d’ordre épidémiologique. En effet, « le centre de gravité de la
pathologie moderne se déplace sans cesse en direction des maladies et états chroniques » (Grémy,
97). Ainsi, l’évolution des traitements et la mise en œuvre d’actions de santé publique ont pu concourir
à la guérison ou à l’éradication d’un certain nombre de maladies, laissant entier le problème des
C. Béraud (1996), « La France à la recherche d’un système de soins », Futuribles, pp. 5-46
F. Grémy (1997), « Filières et réseaux – Vers l’organisation et la coordination du système de soins », Gestions
Hospitalières n°367, pp. 433-438
B.A. Smith, « La réforme des systèmes de santé », OCDE (1996), C. Béraud, « Rapport » CNAM (1992), D.
Parker, « Forum mondial de la santé », OMS (1994), cité dans C. Béraud, « La France à la recherche d’un
système de soins »,op.cit.
voir en particulier : R.G. Evans, M.L. Barer, T.R. Marmor (1996), « Etre ou ne pas être en bonne santé.
Biologie et déterminants sociaux de la maladie », John Libbey Eurotext, 359 p.