
deuxième met en évidence que l’ordre résulte d’un désordre originaire.
Marche vers la complexité et instauration de l’ordre ne nécessitent donc pas,
dans cette perspective, l’intervention d’un Créateur. Enfin, un troisième
ensemble d’événements joue un rôle essentiel dans cet athéisme qui
revendique une base scientifique, c’est la chimie de synthèse, puis la biologie
de synthèse, c’est-à-dire des disciplines qui apportent la preuve que des esprits
humains finis sont capables de restituer et d’étendre les processus que suit la
nature. Il est inutile de recourir à un Dieu créateur, puisque l’intelligence
humaine suffit à la tâche !
Nous examinerons donc le rôle que jouent les idées d’évolution, de hasard
et d’artifice dans l’athéisme qui est – ou prétend être – le seul rationalisme
compatible avec la science.
Deux philosophies des sciences : positivisme et réalisme
Il faut, auparavant, considérer que la science moderne a donné lieu à deux
interprétations distinctes et, par-là, à deux rationalismes, l’un, positiviste, pour
lequel la science ne donne accès qu’aux lois des phénomènes, non à leurs
causes ; et l’autre, réaliste, pour lequel la science donne accès non seulement
aux lois mais aux causes des processus naturels (au moins fragmentairement).
Le premier courant naît en France à la fin du XVIIe siècle, avec
l’« occasionnalisme » de Malebranche (1638-1715), membre de l’Académie
des sciences et prêtre de l’Oratoire ; il se poursuit avec Auguste Comte, Ernst
Mach, Maurice Blondel, Pierre Duhem, le Cercle de Vienne, etc.
Le second courant a eu en France, au XIXe siècle, comme représentant
principal, Antoine Augustin Cournot (1801-1877), mathématicien et
philosophe ; il se poursuit au XXe siècle avec des penseurs comme Alfred
North Whitehaed (1861-1947), lui aussi mathématicien et philosophe ; et, en
France, par Gilbert Simondon.
La tradition chrétienne, dès le IVe siècle, avec les Pères cappadociens
(Basile de Césarée et Grégoire de Nysse, notamment), prend parti pour le
réalisme en se fondant sur un argument religieux : puisque Dieu a créé
l’homme « à son image » (Genèse, I, 27), Il lui donne les moyens de
comprendre la « raison industrieuse (logos entechnos) », à l’œuvre dans la
Création.
Cournot laïcise ce réalisme d’essence religieuse, en observant que la chimie
de synthèse permet de reproduire des substances naturelles et d’introduire
dans la nature des corps et des processus chimiques que la nature n’avait pas
spontanément produits.
Ce qui est vrai dans l’ordre physico-chimiques depuis près de deux siècles,
le devient de l’ordre vivant, depuis le milieu du XXe siècle, avec le
développement des biotechnologies et la naissance d’une biologie de synthèse.