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NOYAU
GÉNÉRALITÉS
DÉFINITION
Dans un hypothétique voyage à l'intérieur de l'atome, après avoir passé les
couches qui occupent les électrons, on devrait traverser une zone d'espace
complètement vide. Après un trajet relativement long, on rencontrerait enfin le
noyau. Le noyau occupe en effet le centre de l'atome, et ses dimensions sont des
dizaines de fois inférieures à celles qui le séparent des électrons les plus proches.
Son rôle peut être comparé à celui du Soleil dans notre système planétaire. Tout
comme les planètes gravitent autour de notre étoile par attraction gravitationnelle,
les électrons, chargés d'électricité négative, « gravitent » autour du noyau parce
qu'ils sont attirés par sa charge positive.
À l'intérieur du noyau atomique se trouvent deux types de particules : les protons et
les neutrons. Il s'agit de particules qui se ressemblent beaucoup (au point qu'elles
sont désignées l'une et l'autre sous le nom de « nucléons »), mais qui présentent
quelques différences importantes. La plus notable concerne la charge électrique.
Tandis que le neutron est neutre au point de vue électrique, le proton a une charge
qui a exactement la même valeur que celle, de signe opposé, transportée par
l'électron. Le nombre de protons présents dans noyau est appelé numéro atomique,
et il est indiqué par la lettre Z. Par conséquent, la charge électrique nucléaire est
égale à Z fois la charge d'un proton. Rappelons que normalement les atomes sont
neutres, et que cela est dû au même nombre, Z justement, de protons et de
neutrons dont ils sont constitués. Tous les atomes ayant un numéro Z identique,
même s'ils diffèrent par le nombre de neutrons, donnent lieu au me élément
chimique, c'est-à-dire qu'ils ont les mêmes propriétés et occupent le même
emplacement dans la classification périodique des éléments. C'est pour cette
raison que les atomes ayant le même numéro atomique Z sont dits isotopes (même
emplacement).
Dans le noyau se concentre presque toute la masse de l'atome. En effet, les
neutrons et les protons ont des masses beaucoup plus grandes (environ 1 800 fois)
que celle des électrons. Pour évaluer la masse d'un noyau, il est fondamental de
connaître le nombre de neutrons qu'il contient. Ce nombre est indiqué en général
par la lettre N. Si on néglige la très petite différence existant entre les masses du
proton et du neutron, on peut conclure que la masse d'un noyau vaut Z + N fois la
masse du proton. La quantité Z + N est indiquée par la lettre A, et s'appelle nombre
de masse. Comme terme de comparaison pour les masses atomiques (et
nucléaires), on a choisi un isotope particulier du carbone, très répandu dans la
nature : le carbone-12. Dans son noyau sont présents 6 protons et 6 neutrons. Son
nombre de masse A vaut donc 12. Comme unité de mesure des masses
atomiques, on a choisi la douzième partie de la masse du carbone-12.
Toutefois, la masse n'est pas toujours égale à un nombre entier de fois cette unité
de mesure. Il s'agit souvent d'un nombre décimal. La raison en est qu'il existe, pour
un même élément chimique, des isotopes de poids différent. Ils contribuent à la
masse de l'élément de façon plus ou moins accentuée selon leur abondance dans
la nature. Par exemple, le chlore naturel est constitué à 75,4 % d'un isotope qui
pèse environ 34 unités de masse atomique, et à 24,6 % d'un isotope qui pèse
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37 unités de masse atomique. La masse atomique du lange de chlore est égale
par conséquent à 35,5 unités de masse atomique.
L'évaluation de la masse des atomes et, par conséquent, des noyaux, a une grande
importance dans la physique nucléaire. La lèbre formule E = mc2, écrite pour la
première fois par Albert Einstein en 1905, établit qu'il existe une équivalence entre
masse et énergie, comme s'il s'agissait de deux formes sous lesquelles se présente
la même entité physique. L'interprétation de la formule est simple : elle permet de
calculer à combien d'énergie (E) correspond une certaine masse (m). Il suffit de
multiplier la masse par la vitesse de la lumière (c) élevée au carré. Dans certains
processus nucléaires (fission nucléaire, fusion), des fractions, même très petites, de
la masse du noyau se transforment en énergie. Si on connaît avec précision la
masse d'un noyau atomique et de ses constituants, on peut, au moyen de la
formule d'Einstein, calculer l'énergie émise au cours de réactions nucléaires comme
celles qui ont lieu dans les étoiles, dans les réacteurs nucléaires et dans les
bombes atomiques.
DÉCOUVERTE
La physique nucléaire est née avec la découverte de la radioactivité. En 1896,
Henri Becquerel remarqua qu'une plaque photographique noircissait si on la plaçait
à proximité d'un minerai contenant des composés de l'uranium. Ces composés
devaient donc émettre des radiations capables de les impressionner. En 1899,
Pierre Curie et sa femme Marie Curie parvinrent à extraire du mystérieux minéral la
substance radioactive responsable de cet étrange phénomène. Cette substance fut
baptisée radium. Un an plus tard, Ernest Rutherford classifia les radiations émises
par les substances radioactives en trois groupes : radiations , et . Rutherford
observa en outre que les atomes qui émettent des radiations se transforment en
atomes différents, c'est-à-dire dotés de propriétés chimiques différentes de celles
qui sont caractéristiques des atomes de départ. Beaucoup d'expériences furent
menées dans les années suivantes dans le but d'identifier la composition des trois
types de radiation. Leurs résultats ont conduit à la conclusion que la radiation est
constituée de noyaux d'hélium (deux protons et deux neutrons), la radiation
d'électrons (ou de leurs antiparticules, les positrons), tandis que la radiation est
une radiation électromagnétique (constituée par conséquent de photons),
particulièrement énergétique.
En 1911, Rutherford conçut le modèle d'atome qui porte son nom : un « noyau »
contenant la plus grande partie de la masse de l'atome, chargé d'électricité positive
et ayant un rayon beaucoup plus petit que le rayon atomique. Autour du noyau, un
certain nombre d'électrons sont sur des orbites circulaires. Deux années plus tard,
Niels Bohr présenta sa théorie sur la structure de l'atome. Elle complétait le modèle
de Rutherford et, surtout, elle expliquait les processus d'émission et d'absorption de
photons par les atomes d'hydrogène. Ce résultat stimula les études de physique
atomique et mena, vers 1920, à la formulation de la mécanique quantique par Louis
de Broglie, Werner Heisenberg, Erwin Schrödinger, Paul Dirac, Wolfgang Pauli et
d'autres. La nouvelle théorie, expérimentée avec succès dans la description de
l'atome, fut bientôt appliquée à l'étude des noyaux atomiques. C'est ainsi que l'on
put comprendre les lois, établies dans les premières décennies du XXe siècle,
relatives aux transmutations nucléaires accompagnées de l'émission de particules
et . La structure du noyau devint plus claire quand, en 1932, James Chadwick
découvrit le neutron, une particule ayant environ la même masse que le proton,
mais avec une charge électrique nulle. On aboutit ainsi à l'hypothèse, selon laquelle
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les noyaux atomiques consistent en protons et en neutrons. Cela conduisit à rejeter
d'autres explications alternatives, comme celle selon laquelle les noyaux seraient
constitués de protons et d'électrons.
La connaissance des propriétés nucléaires fit des progrès remarquables grâce à
des expériences au cours desquelles les noyaux étaient bombardés au moyen de
particules légères (protons, électrons, particules  etc.). L'étude de la
transmutation artificielle d'une espèce chimique en une autre revêtit aussi une
grande importance.
C'est à ce stade de la recherche que commença également l'étude des forces
nucléaires, celles qui assurent la cohésion des protons et des neutrons. On comprit
immédiatement que les forces nucléaires sont beaucoup plus fortes que les forces
électromagnétiques et gravitationnelles, et qu'elles n'agissent que sur des distances
très courtes, comparables au rayon du noyau. En 1939, Hideki Yukawa, suivant
une suggestion de Heisenberg, formula l'hypothèse selon laquelle les forces qui
s'exercent entre les constituants du noyau sont dues à des particules lourdes
(300 fois plus que les électrons). Ces particules, appelées mésons , furent
effectivement découvertes dans la radiation cosmique en 1946.
DÉVELOPPEMENT DES THÉORIES
Hypothèse proton-électron
Le fait que certains noyaux atomiques radioactifs émettent des rayons et , tous
deux de nature corpusculaire, suggère l'idée selon laquelle ils sont constitués de
particules. En 1816, Prout avait remarqué que tous les atomes connus à l'époque
avaient une masse approximativement identique à un nombre entier de fois la
masse atomique de l'hydrogène. Ce fait suggéra l'hypothèse selon laquelle tous les
noyaux seraient des agrégats de noyaux d'hydrogène. Cette hypothèse fut écartée
quand on s'aperçut qu'il existait des masses atomiques fractionnaires, comme celle
du chlore (35,48) et du bore (10,81).
Au début du XXe siècle, on reprit en considération l'idée selon laquelle les noyaux
contenaient des constituants plus petits. On comprit qu'il existait des atomes ayant
les mêmes propriétés chimiques, mais une masse différente. Ces atomes, qui
appartiennent à la même espèce chimique, et se trouvent par conséquent dans la
même case de la classification périodique de Mendeleiev, sont dits isotopes. En
réalité, la plupart des éléments chimiques existant dans la nature sont constitués de
mélanges d'isotopes. Cela explique la présence de masses atomiques
fractionnaires.
Vers 1920, il fut possible d'établir qu'il n'existait aucun constituant nucléaire de
charge positive plus léger que le noyau de l'hydrogène. On parvint donc à la
conclusion que le constituant fondamental des noyaux atomiques était le noyau de
l'hydrogène, qui fut appelé « proton » (du mot grec proton, qui signifie premier).
Pour justifier la neutralité électrique des atomes, on supposa qu'un atome doté de Z
protons devait contenir aussi Z électrons. La seule présence des Z protons dans le
noyau ne suffisait pas à rendre compte du poids du noyau. Celui-ci, en effet, pèse
en général plus que ne pèsent Z protons. On pensa alors que le noyau contenait un
nombre de protons suffisant pour atteindre le poids exact et, en outre, un certain
nombre d'électrons, dont la fonction était de neutraliser la charge des protons
excédant la valeur Z. Cette hypothèse, en plus de la structure du noyau, expliquait
très bien l'émission d'électrons par le noyau (la transmutation étudiée par Enrico
Fermi).
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L'échec de l'hypothèse proton-électron fut caupar la découverte d'une propriété
du noyau jusqu'alors inconnue, le spin. Le spin est une caractéristique intrinsèque
des particules. Pour en permettre une compréhension intuitive, on peut représenter
l'électron comme une bille chargée en rotation sur elle-même. La rotation (spin) de
la charge électrique génère un moment magnétique. Le noyau, tout comme
l'électron, est doté de spin. Mais le noyau n'est pas une particule élémentaire ; c'est
un agrégat de particules, et son spin se trouve donc être la somme des spins et des
moments angulaires orbitaux de ses constituants. Or, si les noyaux étaient vraiment
faits de protons et d'électrons, leurs spins devraient être bien différents de ceux
qu'on a pu mesurés. Contre l'existence d'électrons dans le noyau interviennent
aussi des considérations de mécanique quantique relativiste, qui s'inspirent du
principe d'indétermination de Heisenberg. On peut démontrer, en effet, sur la base
de ce principe, qu'il est impossible de forcer un électron à rester dans une région
d'espace de la taille du noyau d'un atome.
Hypothèse neutron-proton
En 1920, Rutherford suggéra que, à l'intérieur du noyau, un proton pouvait
fusionner avec un électron de façon à former une seule particule neutre, qu'il
appela neutron. Cette idée fournissait une solution au problème représenté par la
présence d'électrons dans le noyau. Toutefois, il fut clair immédiatement que le
neutron ne pouvait pas être considéré comme le produit de l'agrégation d'un proton
et d'un électron. En 1930, Walter Bothe et Becke observèrent qu'un échantillon de
béryllium ou de bore, s'il est bombardé au moyen de particule , émet une radiation
neutre au point de vue électrique, et est capable de pénétrer à travers de grandes
épaisseurs de matière. On pensa que la radiation était constituée de photons
particulièrement énergétiques (rayons ). Cette explication était cependant
incompatible avec d'autres résultats expérimentaux. Chadwick supposa alors que la
radiation émise par le bore et par le ryllium était constituée de particules neutres,
jamais observées jusqu'alors, les neutrons. En étudiant les collisions entre les
projectiles (les particules alpha) et les cibles (les atomes du matériau), Chadwick
déduisit aussi que les nouvelles particules devaient avoir une masse presque
identique à celle du proton.
A la suite de la découverte des neutrons, Heisenberg (en 1932) formula l'hypothèse
selon laquelle le noyau était constitué de Z protons et de N neutrons. Cette
hypothèse fut confirmée par de nombreuses expérimentations. Même s'il reste
encore à expliquer certains aspects de la théorie, les techniques expérimentales
sont si raffinées qu'elles ont fourni une grande quantité d'informations sur la
structure des noyaux.
STRUCTURE ET CARACTÉRISTIQUES
DIMENSIONS
On peut se représenter le noyau atomique comme une bille chargée d'électricité
positive, dont le rayon vaut environ un dix millième de milliardième de centimètre
(soit 10-13 cm). Il n'est pas facile cependant d'imaginer comment peuvent coexister
dans un espace si réduit Z protons et N neutrons. Toutefois, de multiples
expériences, menées au début du XXe siècle, ont jeté une lumière nouvelle sur la
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structure interne des noyaux. En particulier, elles ont permis de comprendre la
façon dont la charge électrique associée aux protons est distribuée dans le noyau.
Les informations dont on dispose sur les dimensions nucléaires sont dues au
bombardement de noyaux au moyen d'électrons à énergie élevée. En étudiant le
comportement des projectiles par suite de la collision contre un noyau, les
physiciens ont reconstruit la distribution de la charge électrique dans les noyaux. Il y
a de bonnes raisons pour penser que le volume qui contient la charge électrique
correspond effectivement au volume occupé par le noyau. Les résultats de ces
expériences ont montré que la densité électrique est constante du centre du noyau
à une certaine valeur du rayon, après quoi elle commence à décroître jusqu'à
s'annuler. Le point auquel elle s'annule peut être considécomme la limite externe
du noyau. Toutefois, la notion de rayon nucléaire n'est pas précise, car la densité
de charge électrique ne s'annule pas brusquement à une certaine distance du
noyau, mais tend vers zéro de façon graduelle.
La façon dont la densité de charge électrique décroît proportionnellement à la
distance au centre, est presque la même pour les noyaux de tous les éléments
chimiques. Ce qui apparaît de façon évidente, c'est la croissance de l'espace
occupé par la charge électrique pour les noyaux qui sont constitués d'un nombre
croissant de protons et de neutrons. On constate en effet que le volume d'un noyau
(défini comme l'espace occupé par la distribution de charge électrique), est
proportionnel au nombre de masse A. Le noyau de l'hélium, qui a un nombre de
masse A = 4, puisqu'il contient deux protons et deux neutrons, occupe un volume
quadruple par rapport au noyau de l'hydrogène (A = 1) ; le lithium (A = 7), un
volume sept fois plus grand, et ainsi de suite. Remarquons également que, dans le
cas de certains noyaux, la distribution de charge prend une forme plus proche de
celle d'un ellipsoïde que de celle d'une sphère.
En supposant que le noyau a une forme sphérique, il est très facile de calculer la
densité de matière qui le caractérise. Il suffit de diviser la masse du noyau par son
volume. Puisque ces grandeurs sont l'une et l'autre proportionnelles au nombre de
masse A, le sultat du rapport ne dépend pas de A, autrement dit il ne dépend pas
du noyau considéré. La densité est par conséquent la même pour tous les noyaux
atomiques. En outre, elle présente une valeur impressionnante. En effet, si un objet
ordinaire présentait la densité d'un noyau, un petit cube de cet objet ayant un
centimètre de côté pèserait 200 milliards de kilogrammes.
NUCLÉONS
Les protons et les neutrons, les constituants du noyau, sont des particules très
semblables. En effet, si l'on exclut la différence, si importante soit-elle, de charge
électrique, ils ont des caractéristiques à ce point ressemblantes qu'on en vient à
penser qu'il s'agit d'un seul type de particule. C'est la raison pour laquelle on parle
de nucléons, sans distinguer plus avant entre protons et neutrons. Ce choix reçoit
une justification supplémentaire de la mécanique quantique. Dans ce domaine en
effet, on introduit des grandeurs, les nombres quantiques, dont les valeurs
correspondent à différents états de la particule à laquelle elles se réfèrent. C'est
ainsi par exemple qu'à chaque nucléon est associé le nombre quantique de « spin
isotopique ». Il peut recevoir deux valeurs : l'une pour l'« état » proton ; l'autre pour
l'« état » neutron. Selon la valeur du spin isotopique, le nucléon se comporte
comme un proton, porteur de charge électrique, ou bien comme un neutron,
dépourvu de charge électrique. Le proton et le neutron doivent donc être
considérés comme les deux « états » possibles d'une même particule, le nucléon.
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