Face à l’évolution de la situation militaire en Europe (domination nazie dans les Balkans et en
Scandinavie, attaque de l’URSS en juin 41) et en Asie (prise nippone de l’Indochine française), à la
pression de groupes d’intérêts économiques qui virent le commerce mondial menacé par cette expansion
(4 M de t furent coulées en 1940 et 4 M en 1941 !), à la pression de la Grande Bretagne qui poursuivait
seule le combat en Europe, Roosevelt décida d’aller plus en avant dans l’engagement américain. Les
conversations d’état-major entre Britanniques et Américains débutèrent le 24 janvier 41. Le 30 mars, les
navires allemands et italiens furent saisis. Les forces américaines installèrent des bases militaires au
Groenland à partir du 10 avril et débarquèrent en Islande le 7 juillet. C’est dans ce contexte que se tint une
rencontre entre Roosevelt et Churchill et dont témoigne ce texte, resté sous la postérité comme « Charte
de l’Atlantique ».
Ce document fut signé, le 14 août, à bord d’un navire, l’USS Augusta, en plein Atlantique par le
Président des Etats Unis, F.D. Roosevelt et le Premier ministre britannique, W. Churchill. Un nouveau
pas vers la constitution d'une organisation mondiale fut franchi trois mois après la Déclaration du palais
de Saint-James. Ce document n'était pas un traité entre deux puissances. Ce n'était pas non plus une
expression définitive et officielle de leurs vues sur la paix. C'était uniquement, de la part de deux hommes
d'État, une affirmation, comme l'indiquait le document, « de certains principes communs, à la politique
nationale de leurs pays respectifs » et sur lesquels ils fondaient leurs espoirs d'un avenir meilleur pour le
monde.
Il eu donc pour but de formaliser le rapprochement diplomatique entre leurs deux pays en adoptant
un certain nombre de principes (huit) destinés à guider leur action commune dans un contexte de
généralisation de la guerre mondiale. Les deux hommes dirigeaient le pouvoir exécutif de leur pays. W.
Churchill, Premier ministre (conservateur) britannique depuis mai 1940, était déterminé à poursuivre le
combat et incarnait la résistance britannique contre le nazisme. De la défaite française jusqu’à la rupture
du pacte de non-agression germano-soviétique (juin 41), les Britanniques furent seuls contre les forces de
l’Axe et ont pu résister au " Blitz " pendant la bataille d’Angleterre. F.D. Roosevelt était le Président
démocrate des Etats-Unis depuis 1933. Bien que l’opinion publique américaine fût encore largement
isolationniste, il poussa à l’engagement progressif de son pays dans le combat contre les puissances de
l’Axe. Il avait ainsi obtenu que le Congrès adopte la loi prêt-bail en avril 1941 pour venir en aide,
matériellement, à la Grande Bretagne puis à l’URSS.
Les principes énoncés dans la Charte rappellent assez largement ceux du wilsonisme de 1918 (les " 14
points "). Tout d’abord, ils réaffirmaient le " droit des peuples à disposer d’eux-mêmes " (point 3), leur
droit à la souveraineté et à " choisir la forme de gouvernement sous laquelle ils veulent vivre ". Toutefois,
la question coloniale fut laissée de côté. Le gouvernement britannique était pour le maintien de l’Empire.
Ensuite, ils rappelaient l'attachement aux principes du libéralisme économique, du libre-échange (points
4, 7) et la conviction que prospérité et développement économiques étaient les meilleures garanties de
paix. Ils sous-entendaient ainsi que la " tyrannie nazie " est le produit " de la crainte et du besoin " (point
6). Aussi, pour ne pas reproduire les erreurs du passé (le " diktat " de Versailles et ses conséquences pour
l’Allemagne après 1919), ils s’engageaient à favoriser le développement des " vainqueurs et des vaincus "
(point 4) à l’issue de la guerre et à ne pas réitérer une paix vengeance comme celle qu’avaient imposée les
Français en 1919. Enfin, malgré l’échec de la SDN, les signataires de la Charte restaient convaincus
qu’un " système plus vaste et permanent de sécurité générale " garantirait la paix et permettrait même le
désarmement (point 8).
Venant des deux grands chefs démocratiques du moment, impliquant tout l'appui moral des États-Unis, la
Charte de l'Atlantique a produit une impression profonde parmi les Alliés engagés dans la lutte. Pour les
pays occupés par l'ennemi, c'était comme un message d'espérance qui laissait entrevoir la création d'une
organisation mondiale fondée sur les vérités permanentes de la morale internationale. La Charte de
l'Atlantique n'avait pas grande valeur juridique, mais cela n'enlevait rien à son importance. Car, si la
valeur d'un traité dépend, en dernière analyse, de la sincérité de l'esprit dans lequel il a été conçu, une
profession de foi commune par des nations pacifiques ne pouvait pas manquer de revêtir une importance
considérable. Peu de temps après le retour Churchill à Londres, dix gouvernements donnaient leur appui