ordre de Mustafa Kemal, les grands électeurs turcs des régions voisines
élisent plusieurs fils de grandes familles d’Antioche au titre de députés à
l’Assemblée nationale d’Ankara, chargés de défendre la cause du Sandjak
auprès de l’opinion publique turque.
Eviter une alliance entre l'Allemagne et la Turquie
En 1936, la Grande-Bretagne accorde l’indépendance à l’Irak. La France
négocie la même chose avec la Syrie. Mais la Turquie réclame
l’autodétermination du sandjak d’Alexandrette. «Personne n’est dupe en
vérité: cette autodétermination constituerait évidemment un premier pas
vers une annexion rampante», analyse l’historien turc Ahmet Kuyas.
Léon Blum refuse et renvoie les Turcs vers la Société des Nations (SDN).
L’homme du Front populaire semble ainsi s’en remettre à la SDN.
Juridiquement, ce ne sont effectivement ni la Grande-Bretagne ni la France
qui ont «pris» la Syrie et l’Irak: c’est la SDN qui leur a «donné» en 1922
un mandat sur ces territoires ex-ottomans.
«Mais la SDN fait ce que la France et la Grande-Bretagne leur demandent»,
explique Ahmet Kuyas qui a contribué à la revue Qantara (IMA, n°78)
consacrée aux «Turcs et Arabes, une histoire mouvementée». La guerre
approche, l’Allemagne est le premier partenaire commercial de la Turquie,
il faut éviter que les deux pays s’allient. La SDN donne son feu vert à
l’indépendance du Sandjak en décidant qu’il y s’agit d’une «entité
distincte».
Des listes électorales sont établies, les grands propriétaires fonciers
turcs font pression sur leurs locataires afin qu’ils s’inscrivent en tant
que Turcs. La division n’est plus seulement religieuse mais ethno-
religieuse. Résultat: les Turcs obtiennent 22 des 40 sièges dans la toute
nouvelle Assemblée du Sandjak qui adopte le nom de république du Hatay,
choisit un drapeau très semblable à celui de la Turquie et inscrit le turc
comme langue officielle.
Finalement, l’accord de cession du Sandjak à la Turquie sera signé le
23 juin 1939 par le ministre turc des Affaires étrangères Saracoglu et
l’ambassadeur de France René Massigli. Les troupes françaises quittent le
Sandjak le 23 juillet 1939. «L’annexion est proclamée le même jour. La
France vient de violer de manière flagrante la charte du mandat qui
garantit l’intégrité des territoires placés sous sa tutelle», selon Basile
Khoury qui reproduit les pièces d’identité successives de son grand-père,
médecin d’Antioche, dont le nom Khoury est alors turquifié en Hüri. Le
Sandjak devient province du Hatay intégrée à la République turque.
Le prix à payer
«Dans la situation tendue de l’après Munich (les troupes allemandes entrent
à Prague le 15 mai 1939), la question du Sandjak s’intègre de plus en plus
dans celle, plus vaste, de la sécurité des Balkans et de la Méditerranée
orientale», analyse Anne-Lucie Chaigne-Oudin dans Les clés du Moyen-Orient.
Alexandrette, c’était le prix à payer pour obtenir la neutralité turque en
attendant un pacte d'assistance mutuelle franco-anglo-turc qui sera signé
le 19 octobre pour quinze ans mais qui restera, essentiellement du fait des
Turcs, lettre morte.
«Les Turcs ont très bien joué en vérité. Ils n’avaient aucune envie de
s’engager dans une nouvelle guerre. Le pays était en reconstruction, ses