ONTOLOGIE, LOGIQUE, ETHIQUE, FOI ET REVELATION
Autrement dit, quelle ontologie, fondée de façon méthodologiquement au-
tonome, permet au mieux de manifester l’intelligibilité de la révélation évan-
gélique et d’offrir une base théorique à l’éthique biblique, « divinement 4 »
justifiée par le fait même de cette révélation qui s’inscrit en elle, tout en inté-
grant aujourd’hui l’acte scientifique et technique de l’homme dans le monde ?
Autres formulations encore. Quel système ontologique peut rendre
compte, selon des lois, de l’expérience existentielle intégrale des hommes,
selon leurs relations à autrui d’abord, avec autrui au monde ensuite, et ensem-
ble à Dieu ? Expérience prenant consistance dans le devenir de leur être histo-
rique et requérant un accomplissement définitif au-delà de l’Histoire ; expé-
rience dont témoigne avec une justesse éminente la longue mémoire d’Israël
et accomplissement à l’ignorance duquel nous ne sommes nullement condam-
nés, mais dont nous pouvons prendre connaissance en étudiant l’action de
Dieu révélée dans la vie et la personne de Jésus, en l’histoire d’Israël.
Quelle ontologie peut rendre compte, selon un système de lois cohérent,
d’une réalité humaine, qui d’une part est en accomplissement d’elle-même par
l’invention d’un savoir pour s’approprier le monde et par l’adoption d’une
règle éthique pour diriger son existence sociale, et qui d’autre part, pour
espérer dépasser les limites présentement constitutives de ses savoirs et de son
éthique, peut déjà adhérer à l’action d’une Transcendance divine, qui
s’engage au travers de la personne de Jésus, pour l’achèvement de son avenir
par-delà l’Histoire ?
L’homme, s’il ne veut pas s’interroger de façon trop partielle
sur l’existence humaine, se doit d’unir, sur la base d’une
ontologie organisée, trois composantes de sa vie : sa connais-
sance, sa morale — conçue tant en un langage rationnel 5 philo-
sophique qu’en un langage fiducial religieux — et sa foi en une
révélation transcendante. En effet son savoir, son éthique et son
espoir d’un futur accompli émanent 6 assurément d’une disposi-
tion ou d’une constitution ultime et dernière de la Réalité, d’une
structure organisée et nécessaire du Réel. Sur la base d’une telle
structure ontologique peut seulement en effet s’accomplir dans
l’Histoire une révélation de Dieu à l’homme et sur une juste in-
telligence d’une telle structure peut seulement se construire dans
le temps une juste adhésion à cette révélation de notre « Au-delà
de l’Histoire », transformatrice déjà de notre Présent historique.
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4. Divinement : non que la justification soit un discours justificatif de nature
divine, mais en raison de l’origine divine particulière de ce « fait », qui équivaut à une
justification, pour celui qui saisit la nature des relations existentielles de ce fait au
judaïsme.
5. Rationnel : le mot est ici pris en son sens restreint ou partiel limité en
l’occurrence à la pensée réflexive et non en son sens plénier comprenant les cinq
méthodes de connaissance, distinctes et solidaires, de la conscience.
6. Émaner : terme peu adapté, parmi d’autres également inadéquats : dériver,
procéder, se fonder sur, s’expliquer par, etc.