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L’ENIGME DE LA NON ADHESION
DE L’ALGERIE A L’OMC
Tel un serpent de mer,la question de l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation
Mondiale du Commerce (OMC) ressurgit épisodiquement en mettant aux prises
des thèses antinomiques sur la pertinence de l’accession de l’Algérie à cette
organisation.L’une des dernières prises de position des opposants à cette
adhésion est celle du président de la puissante organisation patronale (CNPA )
qui déclara que l’entrée de Algérie à l’OMC est un acte suicidaire.
Ce débat sur un sujet qui aurait dû être tranché depuis longtemps et les
innombrables rounds de négociations ( on en est au 12e round) qui font de
l’Algérie le plus vieux négociateur au monde prêterait à sourire n’était-ce les
conséquences dramatiques générées par une économie fonctionnant en marge
des règles universelles établies par l’OMC.
Tous les spécialistes s’accordent sur un point : L’adhésion à l’OMC comporte
des avantages et des inconvénients mais au regard de la nature des relations
commerciales internationales les premiers l’emporte largement sur les derniers.
Tout d’abord , et nonobstant les polémiques en cours, le simple bon sens incitera
l’observateur averti à se poser cette question : si l’adhésion à l’OMC est si
néfaste à l’économie nationale comme le soutiennent les opposants à cette
adhésion ,pourquoi alors sur 185 pays que compte le monde , seuls 24 pays n’en
sont pas encore membres.Aussi est-il regrettable que bien que minoritaires les
tenants de cette thèse trouve écho auprès des autorités et des mass média.
Il est de notoriété publique que l’économie algérienne est sinistrée et très fragile
et qu’une brusque ouverture du marché national à la concurrence étrangère
entraînerait à court terme d’énormes déséquilibres .Ce risque bien que réel ne
doit pas occulter le fait que les avantages d’une adhésion aux mécanismes
l’OMC sont plus nombreux et une bonne gouvernance limiterait
considérablement ce risque.
La conviction de nombre d’observateurs impartiaux est que les tergiversations
des pouvoirs publics à rejoindre l’OMC pourraient avoir pour motif des
considérations autres qu’économiques.Le risque souvent invoqué par certains
tient essentiellement au fait que cette adhésion impactera négativement les
opérateurs économiques nationaux.Ce risque existe mais ne peut en lui-même
justifier un refus d’adhésion puisque tous les pays membres de cette
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organisation ont eu à confronter cette situation et l’ont rapidement surmonté.Les
pays de l’ex bloc de l’Est qui ont tous rejoints cette organisation en sont un
exemple frappant.Voici des pays qui,plus que Algérie, avaient une économie
fermée régie par les règles propres au système communistes, ont réussi sans
grande difficulté à basculer dans une économie de marché .
Quel est alors le vrai motif de ce refus d’adhérer à l’OMC car il s’agit bien d’un
refus déguisé ? Avant de répondre à cette question il y a lieu de battre en brèche
une opinion largement galvaudée par les opposants à cette adhésion et fortement
enraciné dans l’opinion publique et selon laquelle une telle décision serait anti
nationale et porterait atteinte au pouvoir d’achat du citoyen .Bien au contraire
l’accession à l’OMC profitera largement au consommateur qui pourra
désormais avoir accès à des produits et services de toute nature et à des prix très
bas sans commune mesure avec les prix actuels exceptions faite des produits
subventionnés.
Cet effet positif sur le consommateur s’explique par la réduction des barrières
commerciales .D’autre part l’abaissement des obstacles au commerce permettra
l’amplification des échanges donc l’amélioration des revenus des particuliers.La
suppression des subventions aura sans aucun doute un impact négatif sur la
consommation des ménages puisqu’elle induira automatiquement
l’augmentation des prix des denrées subventionnées mais cet effet sera
compensé par une augmentation des revenus de ces mêmes ménages et par la
baisses des autres produits .
Si l’Algérie était membre de l’OMC,le scandale de la cherté du billet d’avion
Paris-Alger proposé par Air Algérie n’aurait pas lieu et ce billet n’aurait pas
acquis le triste titre du plus cher billet d’avion au monde.Les règles de l’OMC
imposant la libre concurrence et prohibant le monopole et la concurrence
déloyale,ce même billet serait vendu au quart de son tarif actuel.Il en est de
même pour tous les produits de consommation ou de service qui verraient leurs
prix drastiquement minorés suite à la concurrence.L’exemple de la téléphonie
mobile est édifiant puisque la mise en concurrence de trois opérateurs ont fait
baissé les prix à un niveau insoupçonnable.
Le consommateur algérien gagnerait aussi en termes de choix et de gammes de
qualité proposées.La libre concurrence et le démantèlement des barrières
commerciales induiront la mise sur le marché des produits et des services jusque
inconnus par le consommateur algérien et vendus à des prix abordables A
terme même les opérateurs nationaux pourront proposer ces produits aux mêmes
prix puisque ces produits seront fabriqués à base de matériaux ou équipements
importés à moindre frais.
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Au niveau macro économique,des études ont montré que la libéralisation des
échanges commerciaux induite par l’adhésion à l’OMC peut contribuer à la
création d’emplois si cette libéralisation est accompagnée d’une politique
économique bien conçue .Cet effet sur l’emploi s’explique par le fait que le
commerce accroît le revenu national qui à son tour influe sur l’emploi.Par contre
si le protectionnisme peut momentanément protéger, il nuit à l’emploi.
Il est aussi vrai que l’adhésion à l’OMC présente des inconvénients dont le
principal est le risque de disparition de certains secteurs de l’économie due à la
concurrence étrangère.Mais est-ce le vrai motif des hésitations des
responsables du dossier d’adhésion? Beaucoup d’observateurs ont l’intime
conviction que la position de Algérie quant à son accession à l’OMC qui
s’apparente de plus en plus à un refus qui ne veut pas dire son nom,s’explique
par des mobiles beaucoup plus politiques qu’économiques.
Contrairement à d’autres pays beaucoup plus fragiles et sous développés et qui
pourtant sont membre de l’OMC à l’instar du Bengladesh,du Botswana,du
Burundi,de la Guinée ,du Tchad ou du Yémen , lAlgérie avec ses réserves de
devises qui dépasse les 220 milliards de dollars et un tissu industriel somme
toute appréciable,possède les capacités suffisantes pour faire face aux incidences
d’une adhésion et cela depuis les années 1990. D’autre part , les règles de
l’OMC n’empêche pas l’Etat de souscrire à un programme de soutien qui
accompagnerait les entreprises locales susceptibles d’etre impactées par cette
adhésion. Aussi c’est sans surprise que certains analystes n’hésitent pas à
émettre des avis ou des théories forts embarrassantes mais non moins pertinentes
sur les vrais motifs de cette valse hésitation des responsables chargés de ce
dossier d’adhésion.
Dans un compte-rendu d’un débat organisé durant le mois de juillet 2014 par le
parti du FLN sur le thème de l’accession de l’Algérie à l’OMC,le quotidien El
Watan rapporta cette sentence d’un expert et ancien directeur du commerce
il évoque à propos du retard pris dans l’accession de l’Algérie à l’OMC « des
lobbies qui ont pris en otage ce pays,ce peuple et son économie ».De son coté un
ancien ministre du commerce indiqua lors du même débat que « les responsables
dans ce pays ne veulent pas que Algérie adhère à l’OMC ».
Pour un observateur attentif,le retard pris par Algérie dans sa quête d’adhésion à
l’OMC et les interminables négociations avec cette organisation qui traînent en
longueur depuis 1987 ne peuvent se justifier effectivement que par une
mauvaise volonté des responsables en charge du dossier.Bien plus les
gesticulations médiatiques et les prises de positions affichées ces derniers
temps notamment celles émises par le parti des travailleurs ,l’UGTA et la
Confédération du patronat ainsi que l’énigmatique débat conçu et organisé par
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le parti du FLN qui tous convergent vers une le dénigrement de l’OMC,
pourraient augurer d’une décision officielle définitive rejetant le projet
d’adhésion.
Il est indéniable comme l’ont remarqué certains intervenants dans le débat
organisé par le FLN qu’il n’existe aucune contrainte technique ni aucun risque
majeur qui puisse justifier tout ce retard dans les négociations d’accession à
l’OMC.L’Algérie possède tous les atouts et moyens à même de contenir le
premier choc aux conséquences de l’adhésion et à l’ouverture du
marché .161 pays l’ont fait dont une dizaine ces dernières années sans que cela
ait bouleversé leur équilibre socio-économique.Il n’y a aucune raison que
l’Algérie n’en fasse pas autant.Sauf à considérer que l’Algérie est moins
performante et plus faible économiquement que le Burundi , le Bengladesh, le
Tchad ou la Papouasie-Nouvelle Guinée.
Les tenant du sempiternel slogan « notre économie n’est pas prête » pour
justifier leur opposition à l’accession de Algérie à l’OMC ne font en définitive
que participer en connaissance de cause ou indirectement au maintien du pays
dans le sous développement et enlever aux générations futures tout espoir de
voir l’Algérie dans le concert des nations developpés.Si les fiefs du
communisme et du trotskisme en l’occurrence la Chine,Cuba ou la Russie ont
résolument basculé dans l’économie mondiale et ont à la première occasion
adhérer à l’OMC, c’est parce qu’ils étaient conscients que leur croissance
économique et le bien être de leur peuple exigent cette adhésion.
Si le patronat hausse le ton et s’oppose farouchement à l’accession de Algérie à
l’OMC , il est dans son rôle naturel puisqu il ne fait que protéger les faramineux
intérêts de ses membres.Ici aussi apparaît l’exception algérienne qui fait qu’un
parti d’extrême gauche et une organisation syndicale en l’occurrence le PT et
l’UGTA soutiennent une organisation patronale .
Ce qui fait dire à au président de l’organisation patronale que « l’entrée à
l’OMC est un acte suicidaire » ce n’est pas tant la peur de voir Algérie sombrer
dans le chaos mais bel et bien la peur de voir certains monopoles dont
bénéficient certaines entreprise privées s’effriter et fondre comme neige au
soleil.L’entrée de Algérie à l’OMC, plus que n’importe quelle loi
nationale,mettra définitivement un terme à certaines pratiques à la limite de la
légalité et par lesquelles une multitude d’entreprises privées puisent leurs
énormes profits.Cette adhésion obligera en outre les opérateurs privés ,
concurrence oblige, à investir une grande partie de leurs profits dans
l’amélioration de la qualité de leurs produits et incidemment à baisser les prix
pour les aligner sur les concurrents étrangers.
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Les exigences de l’accord d’adhésion à l’OMC notamment le respect de la
transparence dans les opérations commerciales,la concurrence loyale adoublée à
une législation adéquate mettra un terme au favoritisme notamment dans le
domaine de la commande publique et dans l’octroi de monopoles à certains
préviligiés ce qui est en soi un danger pour les opérateurs qui ont recours à ce
genre de pratiques .Ausssi c’est sans surprise que des lobbies puissants se soient
constitués pour contrecarrer par tous les moyens le projet d’adhésion de
l’Algérie.Une mission qui a apparemment réussi.
C’est cette transparence qu’impose l’accession à l’OMC qui explique la
remarque faite par l’ancien ministre du commerce et selon laquelle des
responsables ne veulent pas que l’Algérie adhère à l’OMC.Il est vrai que
l’adhésion aux différents accords commerciaux de cette organisation sonnera
l’arrêt de mort de certaines pratiques malsaines qui ont saigné l’économie
nationale notamment la corruption , les pots de vin et les passe-droits .
En conclusion il serait pour le moins absurde qu’à l’heure de la mondialisation
et de la globalisation , l’Algérie tourne le dos à une institution qui quoi qu’on en
dise est un passage obligé pour tout pays qui veut avoir sa place dans le concert
des nations.Aujourd’hui que le pétrole coule à flot et que les caisses de l’Etat
sont pleines ,l’Algérie peut se permettre de se passer de l’OMC et de ses
règles.Même alors,il serait vain d’espérer un quelconque développement car
dans le meilleur des cas nous subirons un statut quo .Mais quand le pétrole
s’assèchera ou qu’un évènement imprévisible fera chuter son prix,il sera alors
trop tard.
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